<<précédente | index | suivant>> V) Responsabilité de supérieur hiérarchique (Article 6(3))a) Le Statut
«3. Le fait que lun quelconque des actes visés aux articles 2 à 4 du présent Statut a été commis par un subordonné ne dégage pas son supérieur de sa responsabilité pénale sil savait ou avait des raisons de savoir que le subordonné sapprêtait à commettre cet acte ou lavait fait et que le supérieur na pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher que ledit acte ne soit commis ou en punir les auteurs.» «4. Le fait quun accusé a agi en exécution dun ordre dun gouvernement ou dun supérieur ne lexonère pas de sa responsabilité pénale mais peut être considéré comme un motif de diminution de la peine si le Tribunal international pour le Rwanda lestime conforme à la justice.» b) En générali) engagement à la fois de la responsabilité individuelle pénale et de la responsabilité de supérieur hiérarchiqueKayishema et Ruzindana, (Chambre de première instance), 21 mai 1999, par. 210 : «Le fait pour un accusé de voir sa responsabilité engagée en vertu de larticle 6(1) du Statut ne fait pas obstacle à une déclaration additionnelle ou alternative de culpabilité par la Chambre sous lempire de larticle 6(3). Les deux formes de responsabilité ne sexcluent pas mutuellement. La Chambre se doit, de ce fait, dexaminer chacune des deux formes de responsabilité dont laccusé est inculpé pour rendre pleinement compte de sa culpabilité à la lumière des faits.» c) ÉlémentsBagilishema, (Chambre de première instance), 7 juin 2001, par. 38 : «La Chambre envisagera à présent, tour à tour, les trois éléments essentiels de la responsabilité de supérieur hiérarchique, à savoir : (i) Lexistence dun lien de subordination plaçant lauteur du crime sous le contrôle effectif de laccusé ; (ii) La connaissance ou la connaissance implicite quavait laccusé quun crime allait être commis, était commis ou avait été commis ; Le défaut par laccusé de prendre toutes les mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher ou arrêter la commission du crime ou pour en punir lauteur; (iii) Le défaut par laccusé de prendre toutes les mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher ou arrêter la commission du crime ou pour en punir lauteur.» i) existence dun lien de subordination et de contrôle effectif (élément 1)(1) lien de subordinationSemanza, (Chambre de première instance), 15 mai 2003, par. 401 : «Pour quil y ait lien de subordination, il faut que, de par sa position dans la hiérarchie officielle ou non, lintéressé ait un rang supérieur à son subordonné. Le lien ne se limite pas aux strictes structures de type militaire.» (2) contrôle effectifKayishema et Ruzindana, (Chambre de première instance), 21 mai 1999, par. 229-231 : «Le principe de la responsabilité du supérieur hiérarchique ne doit sappliquer quaux supérieurs qui exercent un contrôle effectif sur leurs subordonnés. Cette capacité matérielle de contrôler les actions des subordonnés est la pierre de touche de la doctrine de la responsabilité individuelle consacrée par larticle 6(3).» La Chambre souscrit au jugement du TPIY dans Le Procureur c. Mucic et al. qu«il faut que le supérieur contrôle effectivement les personnes qui violent le droit international humanitaire, autrement dit quil ait la capacité matérielle de prévenir et de sanctionner ces violations.» «[L]a capacité dempêcher la commission dun crime ou den punir les auteurs est une question intimement liée aux faits et aux circonstances qui entourent leur survenance.» Bagilishema, (Chambre de première instance), 7 juin 2001, par. 45 :«[L]a question essentielle nest pas de savoir si le supérieur avait autorité sur tel ou tel territoire, mais sil contrôlait effectivement les personnes ayant commis le crime .» Ntakirutimana et Ntakirutimana, (Chambre de première instance), 21 février 2003, par. 819 : [La version française de cette décision nétait pas à la disposition du public au moment de la publication de ce recueil.] (3) contrôle de jure ou de facto / la qualité officielle nest pas déterminanteKayishema et Ruzindana,(Chambre de première instance), 21 mai 1999, par. 217-223: La Chambre a soutenu que cest «sous son devoir [ ] de considérer la responsabilité de lensemble des personnes qui ont effectivement exercé sur dautres personnes un contrôle de jure ou de facto.»«La doctrine de la responsabilité du supérieur hiérarchique repose, en dernière analyse, sur le pouvoir du supérieur de contrôler les agissements de ses subordonnés.» La Chambre «doit à tout moment être consciente des réalités dune situation donnée et percer les voiles du formalisme derrière lesquelles peuvent sabriter les principaux responsables datrocités.» La Chambre a noté quen se concentrant sur les pouvoirs de jure de laccusé représenterait incorrectement la situation et pourrait porter préjudice aux deux côtés en représentant incorrectement lautorité de laccusé. «De lavis de la Chambre, le fait de rapporter la preuve que laccusé était le supérieur ou/et que cest pour donner effet à ses ordres que les atrocités ont été commises, suffit pour établir sa responsabilité en tant que supérieur hiérarchique.» Bagilishema, (Chambre de première instance), 7 juin 2001, par. 39 : «Si la position de commandement est une condition nécessaire à la mise en oeuvre de la responsabilité du supérieur hiérarchique, lexistence dune telle position ne peut sapprécier à la seule qualité officielle de lintéressé. Le facteur déterminant est la possession ou non dun réel pouvoir de commandement sur des subordonnés. Par suite, si la position de jure dun commandant peut, dans certaines circonstances, suffire pou engager sa responsabilité au regard de larticle 6(3) du Statut, en dernier ressort, cest une relation de commandement effective (de jure ou de facto) qui est requise pour mettre en oeuvre la responsabilité du supérieur hiérarchique. Le critère déterminant pour établir la qualité de supérieur hiérarchique réside dans la capacité de lintéressé, telle que lexpriment ses attributions et compétences, de contrôler effectivement ses subordonnés.» Musema, (Chambre de première instance), 27 janvier 2000, par. 141 : «[L]a responsabilité du supérieur civil ne pourra être engagée que si ce dernier exerçait un contrôle effectif sur les auteurs de violations du droit international humanitaire, que ce soit un contrôle juridique [de jure] ou simplement de fait [de facto].» (4) le principe de responsabilité sapplique aussi bien aux supérieurs civils quaux supérieurs militairesKayishema et Ruzindana, (Chambre de première instance), 21 mai 1999, par. 213-215 : «[L]applicabilité du principe de la responsabilité pénale aux civils investis de lautorité nécessaire ne se discute pas.» «Linterprétation du Statut ne laisse subsister aucun doute sur ce point. En effet, rien dans ce texte ne limite le champ de cette responsabilité aux seuls chefs militaires. Bien au contraire, le terme employé est le nom plus générique de «supérieur.»» Lemploi des termes «chefs dEtat ou de gouvernement» ou des «hauts fonctionnaires» à larticle 6(2) indique clairement que, «par-delà les chefs militaires, ce sont les hauts responsables politiques et autres supérieurs civils investis dune autorité qui sont visés par les auteurs de larticle.» Cette interprétation de la portée de larticle 6(2) va dans le sens des solutions jurisprudentielles retenues en matière de responsabilité du supérieur hiérarchique. La Chambre mentionne les affaires Kambanda et Serushago devant le TPIR qui impliquent lancien premier ministre, une «personnalité civile influente» et un dirigeant militaire qui avaient plaidé coupables sous lempire de larticle 6(3).» Musema, (Chambre de première instance), 27 janvier 2000, par. 148 : «[L]a Chambre considère que la définition de la responsabilité pénale individuelle prévue à larticle 6(3) du Statut sapplique, non seulement aux militaires, mais également à toute personne exerçant une fonction civile et investie dune autorité hiérarchique.» Nahimana, Barayagwiza et Ngeze,(Chambre de première instance), 3 décembre 2003, par. 976 : [La version française de cette décision nétait pas à la disposition du public au moment de la publication de ce recueil.] Comparer Akayesu, (Chambre de première instance), 2 septembre 1998, par. 491 : «La Chambre constate donc que lapplication du principe de la responsabilité pénale individuelle consacré par larticle 6(3) à des civils demeure donc controversé [ ] [I]l convient dévaluer au cas par cas le pouvoir dautorité effectivement dévolu à lAccusé afin de décider sil avait le pouvoir dimposer toutes mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher la commission des actes incriminés ou en punir les auteurs.» (5) la question de savoir si la responsabilité des civils exige le même degré de contrôle que celle des militairesBagilishema, (Chambre de première instance), 7 juin 2001, par. 42-43 : La Chambre soutient que «la théorie de la responsabilité du supérieur hiérarchique sapplique non seulement aux chefs militaires mais aussi aux civils investis dune autorité hiérarchique» et souscrit à lapproche retenue en la matière par la Commission du droit international et plus récemment par le Jugement Celebici du TPIY à savoir que «ladite doctrine «ne sétend aux supérieurs civils que pour autant quils aient le même contrôle sur leurs subordonnés que les chefs militaires.»» «Selon le Jugement Celebici, pour que le degré de contrôle du supérieur civil soit «le même» que celui dun chef militaire, il faut quil «contrôle effectivement» des subordonnés et quil ait la «capacité matérielle» de prévenir et de sanctionner toute infraction de leur part. En outre, lexercice dune autorité de facto doit saccompagner de «tous les signes extérieurs de lexercice dune autorité de jure». «La Chambre souscrit à cette condition et retient notamment, parmi lesdits signes extérieurs, le fait que le supérieur ait conscience de lexistence dune hiérarchie de commandement, quil donne des ordres qui sont exécutés et que linsubordination soit passible de mesures disciplinaires. Cest sur la base de ces caractéristiques que sétablit la distinction entre supérieurs civils et simples agitateurs ou autres personnes dinfluence.» Mais voir Ntakirutimana et Ntakirutimana, (Chambre de première instance), 21 février 2003, par. 819 : [La version française de cette décision nétait pas à la disposition du public au moment de la publication de ce recueil.] ii) lélément moral (mens rea) (élément 2)(1) savoir ou avoir des raisons de savoir quun crime était sur le point dêtre commis ou avait été commisAkayesu, (Chambre de première instance), 2 septembre 1998, par. 479, 489 : «[Il nest pas exigé] que le supérieur ait su, pour que sa responsabilité pénale soit engagée ; il suffit seulement quil ait eu des raisons de savoir que ses subordonnés étaient sur le point de commettre un crime ou lavaient commis et quil nait pas pris les mesures nécessaires ou raisonnables pour empêcher que ledit acte ne soit commis ou pour en punir les auteurs. Cest une sorte de responsabilité par omission ou abstention.» «[I]l convient certainement de sassurer dune intention délictueuse, ou, pour le moins, dune négligence si flagrante quelle sassimile à un consentement ou même à une intention délictueuse.» Kayishema et Ruzindana, (Chambre de première instance), 21 mai 1999, par. 225 : «[L]a mens rea requise pour quun supérieur puisse être tenu pénalement responsable des actes de ses subordonnés est quil doit avoir su ou quil avait des raisons de savoir que ses subordonnés ont commis ou allaient commettre des actes criminels.» Bagilishema, (Chambre de première instance), 7 juin 2001, par. 46 : «La Chambre est davis que le supérieur est animé ou présumé être animé de la mens rea requise pour que soit engagée sa responsabilité pénale : lorsquil a été établi à laide de preuves directes ou circonstancielles quil savait effectivement que ses subordonnés étaient sur le point de commettre ou avaient commis un crime visé dans le Statut; ou lorsquil disposait dinformations lavertissant de la possibilité dune infraction, en faisant ressortir la nécessité de mener des enquêtes complémentaires pour vérifier si des subordonnés sapprêtaient à commettre, étaient en train de commettre ou avaient commis une telle infraction ; ou lorsque labsence de connaissance résulte de la négligence du supérieur dans laccomplissement de ses obligations de supérieur, cest-à-dire lorsquil na pas mis en oeuvre les moyens dont il disposait pour être tenu informé de linfraction et que, dans les circonstances, il aurait dû savoir.» Voir aussi Semanza, (Chambre de première instance), 15 mai 2003, par. 405. (2) la responsabilité pénale nest pas fondée sur une responsabilité objectiveBagilishema, (Chambre de première instance), 7 juin 2001, par. 44 : «Sagissant de la mens rea, le critère appliqué en vertu de la règle de la responsabilité du supérieur hiérarchique aux supérieurs qui nauraient pas prévenu ou réprimé un crime commis par leurs subordonnés nest pas celui de la responsabilité objective.» Semanza, (Chambre de première instance), 15 mai 2003, par. 404 : «La responsabilité pénale du supérieur hiérarchique nest pas une responsabilité objective. Ainsi, la personne qui appartient à la chaîne de commandement ne voit pas sa responsabilité engagée en tant que supérieur hiérarchique du seul fait quil avait autorité sur tel ou tel territoire. Encore que la position de commandement puisse constituer un indice sérieux permettant de penser que le supérieur hiérarchique était au courant des agissements de ses subordonnés ou quil avait des raisons dêtre au courant, elle ne saurait à elle seule fonder une présomption de connaissance.» Bagilishema, (Chambre de première instance), 7 juin 2001, par. 45 : «Encore que la position de commandement puisse constituer un indice sérieux de la connaissance du supérieur, elle ne saurait à elle seule fonder une présomption de connaissance.» (3) critère différent pour lélément moral exigé des supérieurs hiérarchiques civils et des chefs militairesKayishema et Ruzindana, (Chambre de première instance), 21 mai 1999, par. 227-228 : «[L]a Chambre a jugé édifiante la distinction [ ] entre les chefs militaires et les supérieurs hiérarchiques civils. Dans le cas des militaires, ledit Statut fait obligation au supérieur de prendre linitiative de sinformer des activités de ses subordonnés dès lors quil «savait ou, en raison des circonstances, aurait dû savoir, que ces forces commettaient ou allaient commettre ces crimes.» Ce critère vient sajouter à celui de la mens rea exigée pour tout autre supérieur hiérarchique qui «savait que ces subordonnés commettaient ou allaient commettre ces crimes ou a délibérément négligé de tenir compte dinformations qui lindiquaient clairement.»» «La Chambre souscrit à cette opinion dans la mesure où elle nexige pas, de prime abord, du supérieur civil le devoir dêtre informé de chacune des activités menées par les diverses personnes placées sous son contrôle.» iii) omission de prendre les mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher ou arrêter la commission du crime ou pour en punir lauteurBagilishema, (Chambre de première instance), 7 juin 2001, par. 38 : Le troisième élément essentiel de la responsabilité de supérieur hiérarchique, est «[l]e défaut par laccusé de prendre toutes les mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher ou arrêter la commission du crime ou pour en punir lauteur.» Bagilishema, (Chambre de première instance), 7 juin 2001, par. 47-50 : «Aux termes de larticle 6(3) du Statut, le supérieur est tenu de prendre les «mesures nécessaires et raisonnables» pour prévenir ou punir les infractions visées dans le Statut. Pour la Chambre, lexpression «mesures nécessaires» sentend des mesures indispensables que doit prendre le supérieur pour sacquitter de lobligation dempêcher ou de punir la commission dune infraction dans les circonstances du moment, lexpression «mesures raisonnables» sentendant des mesures que le supérieur est à même de prendre dans les circonstances du moment.» «Un supérieur ne peut toutefois être tenu responsable que pour ne pas avoir pris les mesures quil était en son pouvoir de prendre. En effet, cest le degré de contrôle effectif du supérieur la capacité matérielle de contrôle qui est la sienne qui doit permettre à la Chambre de déterminer sil a pris les mesures raisonnables pour empêcher ou punir les crimes de ses subordonnés. Une telle capacité matérielle ne peut se concevoir dans labstrait, mais doit être appréciée au cas par cas, compte tenu de toutes les circonstances.» «À cet égard, la Chambre note que lobligation faite au supérieur dempêcher ou de punir le crime ne place pas laccusé face à plusieurs options. Ainsi le supérieur qui savait ou avait des raisons de savoir que ses subordonnés étaient sur le point de commettre des crimes et qui ne les en a pas empêchés ne peut-il compenser ce manquement en punissant après coup lesdits subordonnés.» «La Chambre estime que le supérieur qui ne punirait pas peut voir sa responsabilité engagée en ce quil naurait pas créé et entretenu parmi les personnes placées sous son contrôle un climat de discipline et de respect de la loi.» «[L]absence de punition pourra engager la responsabilité du supérieur hiérarchique lorsque sa ligne de conduite générale encourage effectivement ses subordonnés à commettre des atrocités.» Voir aussi Semanza, (Chambre de première instance), 15 mai 2003, par. 406-407. (1) les mesures pour empêcher ou réprimer doivent être considerées sauf dans les cas où laccusé a donné lordre de commettre les crimesKayishema et Ruzindana, (Chambre de première instance), 21 mai 1999, par. 223-224 : «[L]a Chambre conclut quil faut «chercher à déterminer sil savait ou avait des raisons de savoir que le subordonné sapprêtait à commettre ces actes ou lavait fait et quil na pris aucune mesure pour en empêcher ou en réprimer la commission et si, en fait, il nen avait pas donné lordre.»» «Si toutefois la Chambre est convaincue, au-delà de tout doute raisonnable, que laccusé avait ordonné la commission des atrocités alléguées, la question de savoir sil avait tenté de les en empêcher cesse de se poser et celle qui consiste à déterminer sil avait éventuellement tenté den punir les auteurs devient sans intérêt.» «Il reste néanmoins que, dans toutes les autres circonstances, la Chambre se doit dexaminer de manière approfondie les divers aspects que recouvrent le fait de «savoir» et le fait de «ne pas empêcher et punir» énoncés dans larticle 6(3) du Statut.» d) ApplicationNahimana, Barayagwiza et Ngeze, (Chambre de première instance), 3 décembre 2003, par. 970-973 : [La version française de cette décision nétait pas à la disposition du public au moment de la publication de ce recueil.] Nahimana, Barayagwiza et Ngeze, (Chambre de première instance), 3 décembre 2003, par. 976-977 : [La version française de cette décision nétait pas à la disposition du public au moment de la publication de ce recueil.]
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