Rapports de Human Rights Watch

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II) Les crimes contre l’humanité
(L’article 3)

a)   Statut

            Statut, TPIR article 3 :

«Le Tribunal international pour le Rwanda est habilité à juger les personnes responsables des crimes suivants lorsqu’ils ont été commis dans le cadre d’une attaque généralisée et systématique dirigée contre une population civile quelle qu’elle soit, en raison de son appartenance nationale, politique, ethnique, raciale ou religieuse :

                        a) Assassinat ;

                        b) Extermination ;

                        c) Réduction en esclavage ;

                        d) Expulsion ;

                        e) Emprisonnement ;

                        f) Torture ;

                        g) Viol ;

                        h) Persécutions pour des raisons politiques, raciales et religieuses ;

                        i) Autres actes inhumains.»

b)   Les éléments

Akayesu, (Chambre de première instance), 2 septembre 1998, par. 578 : Les crimes contre l’humanité «comportent grosso modo quatre éléments essentiels, à savoir : (i) l’acte, inhumain par définition et de par sa nature, doit infliger des souffrances graves ou porter gravement atteinte à l’intégrité physique ou à la santé mentale ou physique ; (ii) l’acte doit s’inscrire dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique ; (iii) l’acte doit être dirigé contre les membres d’une population civile ; (iv) l’acte doit être commis pour un ou plusieurs motifs discriminatoires, notamment pour des motifs d’ordre national, politique, ethnique, racial ou religieux.»*

Comparer Akayesu, (Chambre de première instance), 2 septembre 1998, par. 595 : «La Chambre considère par ailleurs que la torture constitue un crime contre l’humanité lorsque, de plus, les conditions ci-après sont remplies: a) [La torture] doit être perpétrée dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique ; b) L’attaque doit être dirigée contre la population civile ; c) L’attaque doit être motivée par une forme de discrimination quelle qu’elle soit, fondée notamment sur l’appartenance nationale, ethnique, raciale, religieuse et politique des victimes.»*

Semanza (Chambre de première instance) 15 mai 2003, par. 326 : «Le crime contre l’humanité doit avoir été commis dans le cadre d’une attaque généralisée et systématique dirigée contre une population civile pour un motif discriminatoire.»1*

i)    l’acte, inhumain par définition et de par sa nature, doit infliger des souffrances graves ou porter gravement atteinte à l’intégrité physique ou à la santé mentale ou physique (élément 1)

Akayesu, (Chambre de première instance), 2 septembre 1998, par 578 : «[L]’acte, inhumain par définition et de par sa nature, doit infliger des souffrances graves ou porter gravement atteinte à l’intégrité physique ou à la santé mentale ou physique.» Voir aussi Rutaganda, (Chambre de première instance), 6 décembre 1999, par. 66 ; Musema, (Chambre de première instance), 27 janvier 2000, par. 201.

ii)   l’acte doit être perpétré dans le cadre d’une «attaque généralisée ou systématique» (élément 2)

Semanza, (Chambre de première instance), 15 mai 2003, par. 326 :«Le crime contre l’humanité doit avoir été commis dans le cadre d’une attaque généralisée et systématique dirigée contre une population civile pour un motif discriminatoire. Quoiqu’il ne soit pas nécessaire que l’acte ait été commis au même lieu et au même moment que l’attaque ou qu’il comporte toutes les caractéristiques de l’attaque, il doit cependant, de par ses caractéristiques, ses objectifs, sa nature ou ses effets, s’inscrire objectivement dans le cadre d’une attaque fondée sur un motif de discrimination.»

(1)  l’attaque

Akayesu, (Chambre de première instance), 2 septembre 1998, par. 581 : «L’«attaque» peut se définir comme tout acte contraire à la loi du type énuméré aux alinéas (a) à (i) de l’article 3 du Statut […] Les actes non violents par nature, y compris l’imposition d’un système d’apartheid […] ou l’exercice de pressions publiques sur une population pour amener celle-ci à agir de telle ou telle manière pourraient être rangés sous ce vocable, s’ils s’exercent à une échelle massive ou de manière systématique.» Voir aussi Rutaganda, (Chambre de première instance), 6 décembre 1999, par. 70 ; Musema, (Chambre de première instance), 27 janvier 2000, par. 205 ; Semanza, (Chambre de première instance), 15 mai 2003, par. 327.

Kayishema et Ruzindana, (Chambre de première instance), 21 mai 1999, par. 122 :Selon la Chambre, «[l]’attaque constitue le fait auquel les crimes énumérés sont rattachables. En effet, dans le cadre d’une même attaque, il peut y avoir coexistence de plusieurs des crimes énumérés, par exemple, l’assassinat, le viol et l’expulsion.»

(2)  les actes commis de manière fortuite ou perpétrés à des fins purement personnelles sont exclus

Akayesu, (Chambre de première instance), 2 septembre 1998, par. 578-579 : «[L]’acte doit s’inscrire dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique et ne saurait être un acte de violence isolé.» Voir aussi Rutaganda, (Chambre de première instance), 6 décembre 1999, par. 67.

Kayishema et Ruzindana, (Chambre de première instance), 21 mai 1999, par. 122-123, note 28 : «[I]l est matériellement impossible de classer comme crimes contre l’humanité les actes perpétrés à des fins purement personnelles et ceux qui ne procèdent pas d’une politique ou d’un plan d’action de plus grande envergure.» «Chacune de ces deux conditions [à savoir être une attaque ou généralisée ou systématique], est de nature à entraîner l’exclusion des actes inhumains perpétrés de manière isolée, tout aussi bien que des crimes commis de manière fortuite ou encore, à des fins purement personnelles.»

(3)  l’acte doit être «généralisé ou systématique» mais il n’est pas exigé que l’acte soit à la fois géneralisé et systématique

Akayesu, (Chambre de première instance), 2 septembre 1998, par 579, note 143 : «L’attaque doit s’inscrire dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique et pas toutes les deux. Les exigences ne sont pas cumulatives comme la version originale française du Statut.» «Le droit international coutumier exige que l’attaque soit généralisée ou systématique.» Voir aussi Kayishema et Ruzindana, (Chambre de première instance), 21 mai 1999, par. 123 & note 26 ; Rutaganda, (Chambre de première instance), 6 décembre 1999, par. 68 ; Musema, (Chambre de première instance), 27 janvier 2000, par. 203 ; Bagilishema, (Chambre de première instance), 7 juin 2001, par. 77 ; Ntakirutimana et Ntakirutimana, (Chambre de première instance), 21 février 2003, par. 804 : [La version française de cette décision n’était pas à la disposition du public au moment de la publication de ce recueil.] ; Semanza, (Chambre de première instance), 15 mai 2003, par. 328 ; Niyitegeka, (Chambre de première instance), 16 mai 2003, par. 439.

(4)  le caractère «généralisé»

Akayesu, (Chambre de première instance), 2 septembre 1998, par. 580 : «Le caractère «généralisé» résulte du fait que l’acte présente un caractère massif, fréquent, et que, mené collectivement, il revêt une gravité considérable et est dirigé contre une multiplicité de victimes.» Voir aussi Rutaganda, (Chambre de première instance), 6 décembre 1999, par. 69 ; Musema, (Chambre de première instance), 27 janvier 2000, par. 204 ; Ntakirutimana et Ntakirutimana, (Chambre de première instance), 21 février 2003, par. 804 : [La version française de cette décision n’était pas à la disposition du public au moment de la publication de ce recueil.]

Kayishema et Ruzindana, (Chambre de première instance), 21 mai 1999, par. 123 : «Une attaque généralisée se caractérise par le fait qu’elle est dirigée contre une pluralité de victimes.» Voir aussi Bagilishema, (Chambre de première instance), 7 juin 2001, par. 77.

(5)  le caractère «systématique»

(a)  nécessité d’un plan ou d’une politique préconçus

Akayesu, (Chambre de première instance), 2 septembre 1998, par. 580 : «Le caractère «systématique» tient, quant à lui, au fait que l’acte est soigneusement organisé selon un modèle régulier en exécution d’une politique concertée mettant en oeuvre des moyens publics ou privés considérables. Il n’est nullement exigé que cette politique soit officiellement adoptée comme politique d’Etat. Il doit cependant exister une espèce de plan ou de politique préconçus.» Voir aussi Rutaganda, (Chambre de première instance), 6 décembre 1999, par. 69 ; Musema, (Chambre de première instance), 27 janvier 2000, par. 204.

Kayishema et Ruzindana, (Chambre de première instance), 21 mai 1999, par. 123 : «Une attaque systématique s’entend d’une attaque perpétrée en application d’une politique ou d’un plan préconçus.» Voir aussi Bagilishema, (Chambre de première instance), 7 juin 2001, par. 77.

Kayishema et Ruzindana, (Chambre de première instance), 21 mai 1999, par. 124, 581 : «Pour qu’un acte de persécution à grande échelle constitue un crime contre l’humanité, il faut que l’existence d’un élément politique soit démontrée. L’absence de l’une ou de l’autre des deux conditions que sont le caractère généralisé ou systématique du crime suffit pour entraîner l’exclusion des actes qui ne s’inscrivent pas dans le cadre d’une politique ou d’un plan plus vaste. En outre, le fait que l’attaque doive être dirigée contre une «population civile» suppose inévitablement que l’on soit en présence d’un plan, quelle qu’en soit la forme. Enfin, de par sa nature même, le caractère discriminatoire de l’attaque ne peut être démontré que pour autant qu’elle soit perpétrée en application d’une politique préconçue.»

Mais voir Semanza, (Chambre de première instance), 15 mai 2003, par. 329 : «[Le] caractère «systématique» tient au fait que l’attaque est soigneusement planifiée. La Chambre d’appel du TPIY a récemment précisé que l’existence d’une politique ou d’un plan peut être pertinente quant à la preuve, en ce qu’elle peut servir à établir que l’attaque en cause était dirigée contre une population civile et qu’elle était généralisée ou systématique, mais qu’elle ne saurait être considérée en soi comme un élément constitutif distinct du crime.»

(6)  application

Akayesu, (Chambre de première instance), 2 septembre 1998, par. 173 : Le caractère «généralisé» de l’attaque est démontré, en partie, parce que «l’ampleur de l’attaque était extraordinaire […] Un nombre faramineux de massacres ont été perpétrés en un temps record dans tous les coins du pays. Les Tutsi étaient manifestement la cible de cette agression.» «Le caractère systématique de l’attaque est démontré par les expéditions exceptionnellement importantes de machettes à destination du pays peu de temps avant son déroulement [...] par le cadre structuré dans lequel elle s’inscrivait…» ; par le fait que «[l]es enseignants et les intellectuels ont été les premiers à être ciblés» ; et par le fait que «[à] travers les médias et les autres moyens de propagande, les Hutu ont été systématiquement incités à attaquer les Tutsi.»

iii)  l’acte/l’attaque doit être commis contre les membres d’une population civile (élément 3)

(1)  confusion sur l’usage des termes «acte» ou «attaque»

Semanza,(Chambre de première instance), 15 mai 2003, par. 326 : «Le crime contre l’humanité doit avoir été commis dans le cadre d’une attaque généralisée et systématique dirigée contre une population civile pour un motif discriminatoire.»* Voir aussi Akayesu, (Chambre de première instance), 2 septembre 1998, par. 595.

Mais voir aussi Akayesu, (Chambre de première instance), 2 septembre 1998, par. 578 : «[L]’acte doit être dirigé contre les membres d’une population civile.»*Voir aussi Akayesu, (Chambre de première instance), 2 septembre 1998, par. 582 ; Bagilishema, (Chambre de première instance), 7 juin 2001, par. 80.

Voir aussi la Section (II)(b) ci-dessus.

(2)  définition de la «population civile»

Akayesu (Chambre de première instance), 2 septembre 1998, par. 582 :«On entend par population civile les personnes qui ne participent pas directement aux hostilités, y compris les membres des forces armées qui ont déposé les armes et les personnes qui ont été mises hors de combat par maladie, blessure, ou pour toute autre cause.» Voir aussi Rutaganda, (Chambre de première instance), 6 décembre 1999, par. 72 ; Musema, (Chambre de première instance), 27 janvier 2000, par. 207.

Kayishema et Ruzindana, (Chambre de première instance), 21 mai 1999, par. 127-129 : Puisque les crimes contre l’humanité peuvent être commis «soit dans le cadre soit en dehors d’un conflit armé […] le terme «civil» doit être entendu comme s’appliquant tant à une situation de guerre qu’à un contexte de paix relative.» Par conséquent, la Chambre estime qu’il convient d’interpréter au sens large la notion de «civil» ce qui signifie que toutes les personnes vivant à l’époque dans la préfecture de Kibuye, qui avait jusque là été épargnée par le conflit armé, étaient des civils, exceptionfaite de celles chargées de maintenir l’ordre public et investies du pouvoir de faire usage de la force publique.

Bagilishema, (Chambre de première instance), 7 juin 2001, par 80 : «La condition que les actes prohibés doivent être dirigés contre une «population» civile ne signifie pas que toute la population d’un État ou d’un territoire donné doit être la victime de ces actes pour que ceux-ci constituent un crime contre l’humanité. L’élément «population» vise plutôt les crimes d’une nature collective et exclut de ce fait les actes individuels ou isolés qui, bien qu’ils puissent constituer des crimes au regard d’une législation pénale nationale, n’atteignent pas le degré d’importance de crimes contre l’humanité.»

Semanza, (Chambre de première instance), 15 mai 2003, par. 330 : «La population civile doit être la cible principale de l’attaque.»

(3)  la présence de non-civils ne prive pas la population de sa qualité civile

Akayesu, (Chambre de première instance), 2 septembre 1998, par. 582 : «La présence au sein de la population civile de personnes isolées ne répondant pas à la définition de personnes civiles ne prive pas cette population de sa qualité [civile].» Voir aussi Rutaganda, (Chambre de première instance), 6 décembre 1999, par. 72 ; Musema, (Chambre de première instance), 27 janvier 2000, par. 207.

Kayishema et Ruzindana, (Chambre de première instance), 21 mai 1999, par 128 : «Concernant le caractère civil de la population civile ciblée […] il est dit que la population visée doit essentiellement être civile [mais] la présence de certains non-civils en son sein ne modifiant en rien son caractère civil.» Bagilishema, (Chambre de première instance), 7 juin 2001, par. 79 ; Semanza, (Chambre de première instance), 15 mai 2003, par. 330.

(4)  la population

Semanza, (Chambre de première instance), 15 mai 2003, par. 330 :«L’emploi du terme «population» ne signifie pas que toute la population du territoire ou de l’entité géographique dans laquelle s’est déroulée l’attaque doive y avoir été soumise. Il n’est pas nécessaire que la victime ou les victimes de l’acte énuméré partagent avec la population civile qui constitue la cible principale de l’attaque des caractéristiques fondamentales, notamment géographiques, sauf à remarquer que ces caractéristiques peuvent servir à démontrer que l’acte énuméré s’inscrit dans le cadre de l’attaque.»

iv)  l’attaque doit être dirigée contre une population civile en raison de son appartenance nationale, politique, ethnique, raciale ou religieuse (motifs discriminatoires) (élément 4)

Bagilishema, (Chambre de première instance), 7 juin 2001, par. 81 : «Le Statut exige que l’attaque généralisée soit dirigée contre une population civile en raison de son appartenance nationale, politique, ethnique, raciale ou religieuse». «La Chambre est d’avis que ce qualificatif, qui est propre au Statut du Tribunal de céans, doit, aux fins d’interprétation, être considéré comme une caractérisation de la nature de «l’attaque» et non comme la mens rea de l’auteur. L’auteur peut avoir commis une infraction principale pour des motifs discriminatoires identiques à ceux qui inspirent l’attaque généralisée ; mais ni le motif évoqué ici ni, du reste, aucune intention discriminatoire quelle qu’elle soit ne sont des éléments indispensables du crime, dès lors que celui-ci a été commis dans le cadre d’une attaque généralisée.»

Semanza, (Chambre de première instance), 15 mai 2003, par. 331 : «L’article 3 du Statut exige que l’attaque ait été dirigée contre la population civile en raison de «son appartenance nationale, politique, ethnique, raciale ou religieuse». Les actes perpétrés contre des personnes qui ne répondent pas à la définition des catégories protégées peuvent néanmoins être considérés comme s’inscrivant dans le cadre de l’attaque si les actes incriminés concordent ou si l’intention de leurs auteurs était qu’ils concourent à l’attaque contre le groupe faisant l’objet d’une discrimination pour l’une quelconque des raisons mentionnées à l’article 3 du Statut.»

Mais voir Akayesu, (Chambre de première instance), 2 septembre 1998, par. 578 : «[L]’acte doit être commis pour un ou plusieurs motifs discriminatoires, notamment pour des motifs d’ordre national, politique, ethnique, racial ou religieux.»

Comparer Akayesu, (Chambre de première instance), 2 septembre 1998, par. 595 : «L’attaque doit être motivée par une forme de discrimination quelle qu’elle soit, fondée notamment sur l’appartenance nationale, ethnique, raciale, religieuse et politique des victimes.»*

(1)  les motifs d’ordre politique

Kayishema et Ruzindana, (Chambre de première instance), 21 mai 1999, par. 130 : «Au nombre des motifs discriminatoires d’ordre politique figurent les convictions et l’idéologie politiques du parti.»

(2)  les motifs d’ordre national, ethnique, racial ou religieux

Voir les sections (I)(c)(iii)(3)-(6) ci-dessus.

v)   l’élément moral (mens rea) (élément 5)

(1)  l’accusé doit être conscient que son acte fait partie d’une attaque généralisée ou systématique contre une population civile

Kayishema et Ruzindana, (Chambre de première instance), 21 mai 1999, par. 133-134 : «L’auteur des crimes contre l’humanité doit avoir agi en connaissance de cause, c’est-à-dire qu’il doit comprendre le contexte général dans lequel s’inscrit son acte […] l’auteur du crime doit être conscient du contexte plus large dans lequel il est commis […] Ce qui transforme l’acte d’un individu en crime contre l’humanité, c’est notamment le fait que cet acte soit classé dans une catégorie d’infractions présentant un niveau de gravité accrue […] L’accusé devrait par conséquent être conscient de ce degré de gravité pour être tenu pour responsable desdits crimes. De ce fait, une connaissance objective ou raisonnée du contexte plus large dans lequel s’inscrit l’attaque s’avère nécessaire pour que la mens rea exigée soit constatée.» Voir aussi Ruggiu, (Chambre de première instance), 1 juin 2000, par. 19-20 ; Bagilishema, (Chambre de première instance), 7 juin 2001, par. 94.

Niyitegeka, (Chambre de première instance), 16 mai 2003, par. 442 : «[L]’assassinat doit être commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique dirigée contre une population civile en raison de son appartenance nationale, politique, ethnique, raciale ou religieuse. S’il n’est pas nécessaire, pour que le crime soit constaté que l’accusé soit animé d’une intention discriminatoire, il doit cependant savoir que son acte s’inscrit dans le cadre de ladite attaque généralisée ou systématique.»

Kayishema et Ruzindana, (Chambre de première instance), 21 mai 1999, par. 133-134 : Pour être tenu pour responsable l’accusé devrait avoir «une connaissance objective ou raisonnée du contexte plus large dans lequel s’inscrit l’attaque […] Autrement dit, l’Accusé doit savoir que son acte est partie intégrante dans le cadre d’une attaque généralisée et systématique contre la population civile et qu’il a été accompli pour donner effet à une politique ou à un plan donnés.» Voir aussi Rutaganda, (Chambre de première instance), 6 décembre 1999, par. 71 ; Musema, (Chambre de première instance), 27 janvier 2000, par. 206.

Mais voir la Section (II)(b)(ii)(5)(a) ci-dessus, en ce qui concerne la nécessité d’un plan ou d’une politique.

(2)  l’intention discriminatoire n’est pas exigée pour les actes autres que la persécution

Le Procureur c. Akayesu, Affaire no. ICTR-96-4-A, (Chambre d’Appel), 1 juin 2001, par. 447 & 469 : Le Procureur allègue qu’en soutenant […] que «la victime doit avoir été tuée pour un motif discriminatoire inspiré par son appartenance nationale, ethnique, raciale, politique ou religieuse», «la Chambre de première instance a commis une erreur de droit en concluant que l’intention discriminatoire est un élément essentiel pour que l’un des crimes énumérés à l’article 3 du Statut constitue un crime contre l’humanité.» «L’article 3 du Statut n’exige aucunement que tous les crimes contre l’humanité […] soient commis avec une intention discriminatoire.» La Chambre d’appel soutient que «[l]’article 3 limite la compétence du Tribunal aux crimes contre l’humanité commis dans une situation particulière, c’est-à-dire «dans le cadre d’une attaque généralisée et systématique dirigée contre une population civile quelle qu’elle soit» pour certains motifs discriminatoires.»

Semanza, (Chambre de première instance), 15 mai 2003, par. 332 : «Sauf dans les cas de persécutions, il n’est pas nécessaire que l’accusé ait été animé d’une intention discriminatoire lorsqu’il a commis l’acte énuméré en question.»

vi)  l’État et les acteurs non-étatiques sont couverts

Kayishema et Ruzindana, (Chambre de première instance), 21 mai 1999, par. 125-126 : En affirmant que «les crimes contre l’humanité sont des actes inhumains perpétrés à l’instigation ou sous la direction d’un gouvernement, d’une organisation ou d’un groupe,» la Chambre considère que «la compétence du Tribunal s’étend à la fois aux États et aux particuliers.»

c)   Les crimes spécifiques

i)    les crimes spécifiques ont leurs propres éléments constitutifs et n’ont pas besoin de réunir les éléments constitutifs des crimes contre l’humanité

Kayishema et Ruzindana, (Chambre de première instance), 21 mai 1999, par. 135 :«Il n’est pas nécessaire que les crimes pris individuellement réunissent lestrois éléments constitutifs de l’attaque (généralisée ou systématique, contre une population civile quelle qu’elle soit, pour des motifs discriminatoires), mais ils doivent s’inscrire dans le cadre d’une telle attaque. En effet, chacun desdits crimes présente des éléments constitutifs qui lui sont propres.»

Pour une discussion concernant le caractère «généralisé» ou «systématique» des crimes commis, voir la section (II)(b)(ii) ci-dessus.

ii)   meurtre

(1)  définition

Akayesu, (Chambre de première instance), 2 septembre 1998, par. 589 : «Pour la Chambre de première instance, constitue un meurtre le fait de donner illégalement et volontairement la mort à un être humain. Les critères requis pour qu’il y ait meurtre sont les suivants :

1. la victime est morte ;

2. la mort est résultée d’un acte illégal ou d’une omission illégale de l’accusé ou de son subordonné ;

3. au moment de la commission du meurtre, l’accusé ou son subordonné étaient habités par l’intention de donner la mort à la victime ou de porter atteinte grave à son intégrité physique, sachant que cette atteinte était de nature à entraîner la mort et il lui était indifférent que la mort de la victime en résulte ou non.»

Voir aussi Rutaganda, (Chambre de première instance), 6 décembre 1999, par. 80-81 ; Musema, (Chambre de première instance), 27 janvier 2000, par. 215.

Kayishema et Ruzindana, (Chambre de première instance), 21 mai 1999, par. 136-140 : «L’Accusé est coupable d’assassinat si, par son comportement illicite, il :

1. donne la mort à autrui ;

2. à la suite d’un acte ou d’une omission prémédités ;

3. perpétré dans l’intention de donner la mort ; ou

4. dans l’intention de porter une atteinte grave à son intégrité physique.»

Voir aussi Bagilishema, (Chambre de première instance), 7 juin 2001, par. 84.

(2)  l’élément moral (mens rea)

Semanza, (Chambre de première instance), 15 mai 2003, par. 339 : «[L]a Chambre estime que c’est le meurtre commis avec préméditation (assassinat) qui caractérise le crime contre l’humanité visé à l’article 3(a) du Statut. La préméditation exige, à tout le moins, que l’accusé ait patiemment conçu le projet de tuer avant de commettre l’acte qui donne la mort, et non qu’il ait nourri cette intention en même temps qu’il accomplissait l’acte. Il n’est pas nécessaire qu’il ait nourri cette intention pendant très longtemps : un calme moment de réflexion suffit. La Chambre fait observer qu’il résulte de l’exigence selon laquelle l’accusé devait savoir que ses actes s’inscrivaient dans le cadre d’une attaque généralisée dirigée contre la population civile qu’en général le meurtre avait été planifié. La Chambre souligne qu’il n’est pas nécessaire que l’accusé ait prémédité le meurtre de telle ou telle personne. S’agissant de crimes contre l’humanité, il suffit que l’accusé ait été animé de l’intention préméditée de donner la mort à des civils dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique inspirée par un motif discriminatoire pour que l’infraction soit constatée.»

Kayishema et Ruzindana, (Chambre de première instance), 21 mai 1999, par. 137-140 : La Chambre ne suit pas le raisonnement de la Chambre de première instance dans Akayesu et soutient que «assassinat» dans la version française du Statut, et non pas «meurtre» («murder» dans la version anglaise du Statut), est l’expression correcte à utiliser. La Chambre note que «la préméditation est toujours exigée pour un «assassinat» alors que ce n’est pas le cas pour le «meurtre». «En cas de doute, l’interprétation d’un texte doit profiter à l’accusé. En l’espèce, la mise à contribution du critère de la préméditation joue en faveur de l’accusé...» «La Chambre estime que les termes «murder» et «assassinat» doivent être mis en parallèle afin d’atteindre le niveau de mens rea recherché par les auteurs et requis par le Statut du TPIR. Elle considère que lorsque le terme «murder» est mis en parallèle avec celui d’«assassinat», le niveau de mens rea requis est le même que celui qu’on exige pour l’homicide délibéré et prémédité. Le résultat est prémédité dès lors que l’auteur a formé son intention de tuer après s’être accordé un délai de réflexion, dans le calme. Il est intentionnel lorsqu’il correspond au but recherché par l’auteur ou lorsque l’auteur sait que si les choses suivent normalement leur cours, il se produira.» Voir aussi Bagilishema, (Chambre de première instance), 7 juin 2001, par. 84.

Mais voir aussi Akayesu, (Chambre de première instance), 2 septembre 1998, par. 588 : «En droit coutumier international, c’est le «meurtre» et non l’«assassinat» qui constitue un crime contre l’humanité. Il y a tout lieu de croire que la version française souffre d’une erreur de traduction.» Voir aussi Rutaganda, (Chambre de première instance), 6 décembre 1999, par. 79 ; Musema (Chambre de première instance), 27 janvier 2000, par. 214.

Voir aussi la discussion sur le meurtre dans l’article 4 du Statut, Section (III)(d)(i)(1).

iii)  extermination

(1)  définition

Akayesu, (Chambre de première instance), 2 septembre 1998, par. 591-592 : L’extermination est «[…] par sa nature, dirigée contre un groupe d’individus et se distingue du meurtre en ce qu’elle doit être perpétrée à grande échelle, qui n’est pas requise pour le meurtre.» La Chambre définit les éléments essentiels de l’extermination comme suit :

(1) «l’accusé ou son subordonné ont participé à la mise à mort de certaines personnes nommément désignées ou précisément décrites ; (2) l’acte ou l’omission était à la fois contraire à la loi et intentionnel ; (3) l’acte ou l’omission contraires à la loi doivent s’inscrire dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique ; (4) l’attaque doit être dirigée contre la population civile ; (5) l’attaque doit être mue par des motifs discriminatoires fondés sur l’appartenance nationale, politique, ethnique, raciale ou religieuse des victimes.»

Voir aussi Rutaganda, (Chambre de première instance), 6 décembre 1999, par 83-84 ; Musema, (Chambre de première instance), 27 janvier 2000, par. 218 ; Ntakirutimana et Ntakirutimana, (Chambre de première instance), 21 février 2003, par. 812 : [La version française de cette décision n’était pas à la disposition du public au moment de la publication de ce recueil.]

Kayishema et Ruzindana, (Chambre de première instance), 21 mai 1999, par. 144 : La Chambre a défini comme suit les éléments constitutifs de l’extermination : (1) «par son acte ou ses actes ou omission(s), l’auteur participe à une tuerie généralisée de personnes ou à leur soumission à des conditions d’existence devant entraîner leur mort à grande échelle ;»(2) «dans l’intention de donner la mort, ou en faisant preuve d’une insouciance grave, peu lui important que la mort résulte ou non d’un tel acte ou d’une telle omission ou de tels actes ou omissions ;» (3) «en étant conscient du fait que ledit acte ou ladite omission ou lesdits actes ou omissions s’inscrivent dans le cadre d’une tuerie à grande échelle ; et» (4) «qu’ils font partie intégrante d’une attaque généralisée et systématique dirigée contre une population civile quelle qu’elle soit, en raison de son appartenance nationale, politique, ethnique, raciale ou religieuse.» Voir aussi Bagilishema, (Chambre de première instance), 7 juin 2001, par. 89.

Kayishema et Ruzindana, (Chambre de première instance), 21 mai 1999, par. 645, note 303 : «Il importe de noter qu’un accusé peut être reconnu coupable du crime contre l’humanité d’extermination s’il existe des preuves suffisantes pour établir qu’il a tué une seule personne dès lors que l’acte perpétré s’inscrit dans le cadre d’une tuerie généralisée.»

Rutaganda, (Chambre de première instance), 6 décembre, 1999, par. 84 : «[L]’acte ou l’omission qui constitue l’extermination inclut, sans s’y limiter, le fait matériel de donner la mort. Il peut s’agir de tout acte ou de toute omission, ou de tous actes ou de toutes omissions conjugués qui ont pour conséquence de causer la mort du groupe de personnes ciblé.»

Niyitegeka, (Chambre de première instance), 16 mai 2003, par. 450 : «[L]’élément matériel de l’extermination «consiste en un acte ou un ensemble d’actes contribuant au meurtre d’un grand nombre de personnes.»»

Nahimana, Barayagiwza et Ngeze, (Chambre de première instance), 3 décembre 2003, par. 1061 : [La version française de cette décision n’était pas à la disposition du public au moment de la publication.]

(2)  l’élément moral (mens rea)

Semanza, (Chambre de première instance), 15 mai 2003, par. 341 : «[E]n l’absence d’une disposition expresse dans le Statut ou en droit international coutumier relative à cette question, la responsabilité pénale internationale doit être retenue uniquement à raison d’actes ou omissions intentionnels. En conséquence, la Chambre estime que l’élément moral du crime d’extermination réside dans l’intention de commettre un massacre ou d’y participer.»

Kayishema et Ruzindana, (Chambre de première instance), 21 mai 1999, par. 144 : L’élément psychologiqueconstitutif de l’extermination exige que l’accusé participe «dans l’intention de donner la mort, ou en faisant preuve d’une insouciance grave, peu lui important que la mort résulte ou non d’un tel acte ou d’une telle omission ou de tels actes ou omissions ; en étant conscient du fait que ledit acte ou ladite omission ou lesdits actes ou omissions s’inscrivent dans le cadre d’une tuerie à grande échelle….»

(3)  application

Niyitegeka, (Chambre de première instance), 16 mai 2003, par. 454 : «[P]our avoir participé à des attaques contre les Tutsis et tiré sur les réfugiés tutsis, concourant ainsi à la mise à mort d’un grand nombre d’individus, et pour avoir tué les trois personnes, l’accusé voit sa responsabilité pénale individuelle engagée à raison des actes d’extermination commis dans le cadre d’une attaque généralisée et systématique dirigée contre la population civile tutsie en raison de son appartenance ethnique….»

Nahimana, Baraywagwiza et Ngeze, (Chambre de première instance), 3 décembre 2003, par. 1062 : [La version française de cette décision n’était pas à la disposition du public au moment de la publication de ce recueil.]

iv)  esclavage

v)   expulsion

vi)  emprisonnement

vii) torture

(1)  définition

Akayesu, (Chambre de première instance), 2 septembre 1998, par. 594-595, 681 :«Le Tribunal entend le terme «torture» […] au sens de la définition qu’en donne la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants….»«La Chambre définit les éléments essentiels de la torture comme suit :

(i) L’auteur doit avoir infligé intentionnellement une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales pour un ou plusieurs des motifs suivants :

(a) obtenir de la victime ou d’une tierce personne des renseignements ou des aveux ;

(b) punir la victime ou une tierce personne d’un acte que la victime ou la tierce personne a commis ou est soupçonnée d’avoir commis ;

(c) aux fins d’intimider la victime ou la tierce personne ou de faire pression sur elle ;

(d) pour tout motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu’elle soit.

(ii) L’auteur est lui-même un agent de la fonction publique agissant à titre officiel ou a agi à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite.»2

«La Chambre considère par ailleurs que la torture constitue un crime contre l’humanité lorsque, de plus, les conditions ci-après sont remplies :

a) la torture doit être perpétrée dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique ;

b) l’attaque doit être dirigée contre la population civile ;

c) l’attaque doit être motivée par une forme de discrimination quelle qu’elle soit, fondée notamment sur l’appartenance nationale, ethnique, religieuse ou politique.»

(2)  le viol peut constituer une forme de torture

Akayesu, (Chambre de première instance), 2 septembre 1998, par. 597 : «À l’instar de la torture, le viol est utilisé à des fins d’intimidation, de dégradation, d’humiliation, de discrimination, de sanction, de contrôle ou de destruction d’une personne. Comme elle, il constitue une atteinte à la dignité de la personne et s’assimile en fait à la torture lorsqu’il est commis par un agent de la fonction publique ou par toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite.»

(3)  il n’est pas exigé que le crime soit commis par un «agent de la fonction publique»

Semanza, (Chambre de première instance), 15 mai 2003, par. 342 : «Dans le jugement Akayesu, la Chambre de première instance a repris à son compte la définition de la torture donnée dans la Convention des Nations Unies contre la torture […] Depuis, la Chambre d’appel du TPIY a précisé que, si la définition contenue dans la Convention contre la torture peut être considérée comme l’expression du droit international coutumier […], il reste qu’elle n’est pas identique à celle de la torture constitutive de crime contre l’humanité. En particulier, la Chambre d’appel du TPIY a confirmé qu’en dehors du cadre fixé par la Convention contre la torture, le droit international coutumier n’exige pas que le crime soit commis par un «agent de la fonction publique» dans les cas où la responsabilité pénale d’un individu est retenue à raison d’actes de torture constitutifs de crimes contre l’humanité.» La Chambre conclut donc que il n’est pas exigé que le crime soit commis par un «agent de la fonction publique.»

Voir aussi les arguments sur la torture dans l’article 4 du Statut, section (III)(d)(i)(2).

viii)   le viol et l’agression sexuelle

(1)  la définition

Akayesu, (Chambre de première instance), 2 septembre 1998, par. 597-598, 688 : «La Chambre considère que le viol constitue une forme d’agression et qu’une description mécanique des objets et des parties du corps qui interviennent dans sa commission ne permet pas d’appréhender les éléments essentiels de ce crime […] A l’instar de la torture, le viol est utilisé à des fins d’intimidation, de dégradation, d’humiliation, de discrimination, de sanction, de contrôle ou de destruction d’une personne. Comme elle, il constitue une atteinte à la dignité de la personne….» «La Chambre définit le viol comme une invasion physique de nature sexuelle commise sur la personne d’autrui sous l’empire de la contrainte. L’agression sexuelle, dont le viol est une manifestation, est considérée comme tout un acte de nature sexuelle, commis sur la personne sous l’empire de la contrainte.» «Pour la Chambre constitue le viol tout acte de pénétration physique de nature sexuelle commis sur la personne d’autrui sous l’empire de la coercition. La Chambre considère la violence sexuelle, qui comprend le viol, comme tout acte sexuel commis sur la personne d’autrui sous l’empire de la coercition. L’acte de violence sexuelle, loin de se limiter à la pénétration physique du corps humain peut comporter des actes qui ne consistent pas dans la pénétration ni même dans des contacts physiques. [Par exemple, l]’incident décrit par le témoin KK à l’occasion duquel l’Accusé a ordonné aux Interahamwe de déshabiller une élève et de la forcer à faire de la gymnastique toute nue dans la cour publique du bureau communal, devant une foule, caractérise l’acte de violence sexuelle.» «La Chambre fait observer dans ce contexte que la coercition ne doit pas nécessairement se manifester par une démonstration de force physique. Les menaces, l’intimidation, le chantage et d’autres formes de violence qui exploitent la peur ou le désarroi peuvent caractériser la coercition, laquelle peut être inhérente à certaines circonstances….»

Musema, (Chambre de première instance), 27 janvier 2000, par. 220-221, 226-229 : La Chambre a adopté la définition du viol et de la violence sexuelle retenue dans le Jugement Akayesu et «note que si le viol a été défini, dans certaines juridictions nationales, comme tout acte de pénétration sexuelle non consenti commis sur la personne d’autrui, il peut toutefois consister en l’introduction d’objets quelconques dans des orifices du corps d’autrui qui ne sont pas considérés comme ayant une vocation sexuelle intrinsèque et/ou en l’utilisation de tels orifices dans un but sexuel.» «La Chambre souscrit à l’approche conceptuelle de la définition du viol retenue dans le Jugement Akayesu, qui reconnaît que l’essence du viol ne réside pas dans le détail des parties du corps et des objets qui interviennent dans sa commission, mais plutôt dans le fait qu’il constitue une agression à caractère sexuel commise sous l’empire de la contrainte.» «La Chambre note en outre…qu’à l’heure actuelle, les législations nationales tendent à élargir la définition du viol. Compte tenu de l’évolution dynamique de la conception du viol et de la place que cette conception trouve au sein des principes du droit international, la Chambre considère qu’une définition conceptuelle est préférable à une définition mécanique du viol, dès lors qu’une telle définition est mieux adaptée au caractère évolutif des normes pénales.»

Comparer Semanza, (Chambre de première instance), 15 mai 2003, par. 344-345 : «Dans le jugement Akayesu, la Chambre saisie de l’affaire a dégagé une définition du viol au sens large […] En revanche, la Chambre d’appel du TPIY en a retenu une interprétation plus restrictive, estimant que l’élément matériel du viol constitutif de crime contre l’humanité réside dans la pénétration sexuelle, fût-elle légère, du vagin ou de l’anus de la victime, et sans le consentement de celle-ci, par le pénis du violeur présumé ou tout autre objet utilisé par lui, ou de la bouche de la victime par le pénis du violeur. Le consentement à cette fin doit être donné volontairement et résulter de l’exercice du libre arbitre de la victime. Il s’apprécie à la lumière des circonstances qui ont entouré l’acte pertinent.» «Si le Tribunal de céans a au départ rejeté cette façon mécanique de définir le viol, la Chambre trouve convaincante l’analyse comparative faite dans l’arrêt Kunarac et adopte de ce fait la définition du viol retenue par la Chambre d’appel du TPIY. Ce faisant, la Chambre reconnaît que, sans satisfaire à cette définition étroite, d’autres actes de violence sexuelle (torture, persécution, réduction en esclavage ou autres actes inhumains) peuvent faire l’objet de poursuites en tant qu’autres crimes contre l’humanité ressortissant à la compétence du Tribunal de céans.»

(2)  l’élément moral (mens rea)

Semanza, (Chambre de première instance), 15 mai 2003, par. 346 : «L’élément moral du viol, constitutif de crime contre l’humanité, réside dans l’intention de procéder à la pénétration sexuelle sachant que la victime n’est pas consentante.»

Voir aussi les arguments sur le viol et la violence sexuelle comme étant de nature à causer de graves souffrances mentales et physiques aux membres d’un groupe dans l’article 2, Section (I)(d)(ii)(3) ci-dessus, viol comparable à la torture dans l’article 3, Section (II)(c)(vii)(2) ci-dessus, violence sexuelle comme autres actes inhumains dans l’article 3, Section (II)(c)(x)(1)(b) ci-dessus, violence sexuelle comme une atteinte à la dignité de la personne dans l’article 4, Section (III)(d)(v)(1) ci-dessous, et viol comme une atteinte à la dignité de la personne dans l’article 4, Section (III)(d)(v)(3) ci-dessous.

ix)  les actes de persécution inspirés par des motifs politiques, raciaux ou religieux

(1)  les éléments

Ruggiu, (Chambre de première instance), 1 juin 2000, par. 21 : «[Le] TPIY a résumé comme suit les éléments constitutifs du crime de persécution : a) les éléments requis pour tous les crimes contre l’humanité aux termes du Statut ; b) le déni manifeste ou flagrant d’un droit fondamental, atteignant le même degré de gravité que les autres actes prohibés à l’article 5 ; et c) des motifs discriminatoires.»

Semanza, (Chambre de première instance), 15 mai 2003, par. 347-350 : «La persécution peut revêtir diverses formes et ne requiert pas nécessairement un élément physique.» «[L]e crime de persécution peut s’entendre notamment d’actes énumérés dans d’autres sous-catégories de crimes contre l’humanité, tels que le meurtre ou la déportation, lorsqu’ils sont inspirés par des motifs discriminatoires. La persécution peut également concerner divers autres actes discriminatoires qui ne sont pas énumérés ailleurs dans le Statut, mais qui supposent de graves atteintes aux droits de la personne.» «[L]es motifs de discrimination énumérés dans le cas du crime de persécution prévu à l’article 3(h) du Statut ne visent pas l’élément national ou ethnique. Ces éléments se retrouvent dans la liste des motifs discriminatoires énumérés sous le chapeau de l’article 3.»

(2)  l’intention/l’élément moral (mens rea)

Nahimana, Barayagwiza and Ngeze, (Chambre de première instance), 3 décembre 2003, par. 1071 : [La version française de cette décision n’était pas à la disposition du public au moment de la publication de ce recueil.]

(3)  persécution également définie en termes d’impact

Nahimana, Barayagwiza and Ngeze, (Chambre de première instance), 3 décembre 2003, par. 1073 :[La version française de cette décision n’était pas à la disposition du public au moment de la publication de ce recueil.]

(4)  la persécution est une notion plus large que l’incitation

Nahimana, Barayagwiza and Ngeze, (Chambre de première instance), 3 décembre 2003, par. 1078 :[La version française de cette décision n’était pas à la disposition du public au moment de la publication de ce recueil.]

(5)  l’accusé peut être jugé responsable à la fois de persécution et d’extermination

Nahimana, Barayagwiza and Ngeze, (Chambre de première instance), 3 décembre 2003, par. 1080 :[La version française de cette décision n’était pas à la disposition du public au moment de la publication de ce recueil.]

(6)  application

Ruggiu, (Chambre de première instance), 1 juin 2000, par. 22 : «La Chambre de première instance considère que l’examen des actes de persécution qui ont été reconnus par l’accusé permet de mettre en évidence un élément commun. Ces actes prenaient la forme d’une incitation directe et publique au crime, perpétrée à travers des propos radio diffusés visant à mettre à l’index et à attaquer le groupe ethnique Tutsi et les Belges, pour des motifs d’ordre discriminatoire, en les privant de leurs droits fondamentaux à la vie, à la liberté et en leur refusant le statut d’êtres humains, qui est reconnu au reste de la population. La négation de ces droits peut être considérée comme ayant pour but ultime sinon la mort de ces personnes du moins leur mise à l’écart de la société dans laquelle elles vivent, aux côtés des auteurs des actes incriminés, voire leur exclusion de l’humanité.»

Nahimana, Barayagwiza and Ngeze, (Chambre de première instance), 3 décembre 2003, par. 1071 :[La version française de cette décision n’était pas à la disposition du public au moment de la publication de ce recueil.]

(a)  application au discours de la haine

Nahimana, Barayagwiza and Ngeze, (Chambre de première instance), 3 décembre 2003, par. 1072 : [La version française de cette décision n’était pas à la disposition du public au moment de la publication de ce recueil.]

x)   autres actes inhumains

(1)  définition

(a)  en général

Akayesu, (Chambre de première instance), 2 septembre 1998, par. 585 : «L’article 3 du Statut énumère les divers actes qui constituent des crimes contre l’humanité à savoir l’assassinat, l’extermination, la réduction en esclavage, l’expulsion, l’emprisonnement, la torture, le viol, les persécutions pour des raisons politiques, raciales et religieuses, et les autres actes inhumains. Toutefois cette énumération n’est pas exhaustive. Tout acte et de par sa nature inhumain par définition peut constituer un crime contre l’humanité dès lors que les autres éléments requis sont réunis. Cela ressort de l’alinéa (i) de l’article 3 qui envisage tous les autres actes inhumains non énumérés à ses alinéas (a) à (h).» Voir aussi Rutaganda, (Chambre de première instance), 6 décembre 1999, par. 77.

Kayishema et Ruzindana, (Chambre de première instance), 21 mai 1999, par. 148-151 : «Les autres actes inhumains comprennent les crimes contre l’humanité qui ne font pas l’objet d’une énumération précise à l’article 3 mais qui sont d’une gravité comparable à celle des actes énumérés.» «Il s’agira d’actes ou d’omissions qui causent délibérément des souffrances mentales ou physiques ou qui portent une atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de la victime ou qui constituent une atteinte grave à la dignité humaine. Il appartient à l’Accusation de rapporter la preuve qu’il existe un lien de connexité entre l’acte inhumain et la grande souffrance ou l’atteinte grave à l’intégrité mentale ou physique de la victime. La Chambre se rallie à la thèse du Procureur selon laquelle c’est au cas par cas qu’on doit déterminer si certains actes méritent d’être qualifiés d’actes inhumains.» Voir aussi Bagilishema, (Chambre de première instance), 7 juin 2001, par. 92.

Musema, (Chambre de première instance), 27 janvier 2000, par. 232 : «[L]’omission ou l’acte inhumain doit répondre aux conditions suivantes : (a) il doit être dirigé contre des membres d’une population civile ; (b) son auteur doit l’avoir commis contre la ou les victime(s) pour un ou plusieurs des motifs discriminatoires énumérés ; (c) Son auteur doit savoir que son acte ou son omission s’inscrit dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique.»

Niyitegeka, (Chambre de première instance), 16 mai, 2003, par. 460 : «[I]l faut qu’il soit établi que l’accusé a participé à la commission sur des individus d’actes inhumains de gravité comparable à celle des autres actes énumérés par ledit article du Statut, et qui sont de nature à causer une grande souffrance physique ou mentale ou à constituer une atteinte grave à la dignité humaine.»

(b)  les actes de violence sexuelle sont inclus

Akayesu, (Chambre de première instance), 2 septembre 1998, par. 688, 697 : «Les actes de violence sexuelle entrent dans le champ des «autres actes inhumains» visés à l’article 3(i) du Statut du Tribunal….» «L’Accusé est reconnu pénalement responsable au regard de l’article 3(i) du Statut des autres actes inhumains ci-après : (i) le fait d’avoir déshabillé de force [une femme] à l’extérieur du bureau communal, après l’avoir obligée à s’asseoir dans la boue […] ; (ii) le fait d’avoir forcé [une femme] à se déshabiller et le fait de l’avoir forcée à marcher toute nue en public au bureau communal ; (iii) le fait d’avoir forcé [quatre femmes] et le fait de les avoir forcées à pratiquer toutes nues des exercices en public près du bureau communal.»

Voir aussi les arguments sur le viol et la violence sexuelle comme étant de nature à causer de graves souffrances mentales et physiques aux membres d’un groupe dans l’article 2 du Statut : Section (I)(d)(ii)(3) ci-dessus; viol et violence sexuelle dans l’article 3 du Statut : Section (II)(c)(viii) ci-dessus ; violence sexuelle comme une atteinte à la dignité de la personne en vertu de l’article 4 : Section (III)(d)(v)(1) ci-dessous.

(c)  la souffrance d’un tiers

Kayishema et Ruzindana, (Chambre de première instance), 21 mai 1999, par. 153 : «Il ne fait pas de doute pour la Chambre que l’intégrité mentale du tiers sous les yeux duquel sont perpétrés des crimes sur autrui, en particulier lorsqu’il s’agit de membres de sa famille ou de ses amis, peut faire l’objet d’une atteinte grave.»

(2)  l’élément moral (mens rea)

(a)  en général

Kayishema et Ruzindana, (Chambre de première instance), 21 mai 1999, par. 154 :«[P]our qu’un accusé soit déclaré coupable de crimes contre l’humanité en raison de la commission d’autres actes inhumains, il faut que l’acte incriminé soit d’une importance et d’une gravité comparables à celles qui s’attachent aux autres crimes énumérés, et qu’il soit perpétré dans l’intention de causer «l’autre acte inhumain» imputé et qu’en outre l’auteur soit conscient que son acte s’inscrit dans le cadre général de l’attaque.»

(b)  l’élément moral dans le cadre de la souffrance mentale infligée à un tiers

Kayishema et Ruzindana, (Chambre de première instance), 21 mai 1999, par. 153 : «[P]our qu’un accusé soit déclaré coupable d’une telle atteinte sous l’empire des crimes contre l’humanité, il faut que le Procureur établisse l’existence de l’intention qui a animé l’accusé.» «[L]es actes inhumains sont, notamment, ceux qui causent délibérément une souffrance mentale grave.» «La Chambre estime qu’un accusé ne peut être tenu pour responsable, dans ces conditions, que si, au moment de la commission de l’acte, il était animé de l’intention d’infliger une souffrance mentale grave à autrui ou que, conscient du fait que son acte était de nature à causer une souffrance mentale grave à autrui, il ne s’est pas préoccupé de savoir si une telle souffrance en résulterait ou non. De la même façon, si, au moment de la commission de l’acte, l’accusé ignorait qu’un tiers en serait témoin, il ne pourra en aucun cas être tenu pour responsable de la souffrance mentale infligée audit tiers.»

(3)  application

Niyitegeka, (Chambre de première instance), 16 mai 2003, par. 465, 467 : «La Chambre considère que les crimes commis sur la personne de Kabanda : décapitation, castration, et lui avoir transpercé le crâne avec une lance et les actes de violence sexuelle perpétrés sur le cadavre de la femme décédée [insertion d’un morceau de bois aiguisé dans ses organes génitaux] sont d’une gravité comparable à celle des autres actes énumérés par l’article pertinent du Statut ; qu’ils sont de nature à causer des souffrances mentales aux civils, et notamment aux civils tutsis ; et qu’ils sont constitutifs d’une atteinte grave à la dignité humaine de l’ensemble des membres de la communauté tutsie.»

«La Chambre estime que pour avoir encouragé, pendant la tuerie, les assaillants à décapiter et à castrer Kabanda, puis à lui transpercer le crâne, de même que pour s’être associé à ceux qui ont perpétré ces actes, et avoir ordonné aux Interahamwe de commettre des actes de violence sexuelle sur le corps de la femme morte, l’accusé voit s’engager sa responsabilité pénale individuelle […] à raison des actes inhumains perpétrés dans le cadre d’une attaque généralisée et systématique dirigée contre la population civile tutsie en raison de son appartenance ethnique….»



* Souligné par Human Rights Watch.

* Souligné par Human Rights Watch.

[1] Noter l’expression «attaque» utilisée dans Akayesu et dans Semanza, qui est plus proche du Statut du TPIR, au lieu de «acte». 

* Souligné par Human Rights Watch.

* Souligné par Human Rights Watch.

* Souligné par Human Rights Watch.

* Souligné par Human Rights Watch.

[2] Mais voir aussi la jurisprudence dans la Section (II)(c)(vii)(3) éliminant la condition que le crime soit commis par un agent de la fonction publique.


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