Rapports de Human Rights Watch

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VII) Accusation, inculpation, condamnation

a)   Les accusations et condamnations multiples

i)    les accusations multiples sont permises

Ntakirutimana et Ntakirutimana, (Chambre de première instance), 21 février 2003, par. 863-864 : [La version française de cette décision n’était pas à la disposition du public au moment de la publication de ce recueil.] Voir aussi Nahimana, Barayagwiza et Ngeze, (Chambre de première instance), 3 décembre 2003, par. 1089.

Rutaganda, (Chambre de première instance), 6 décembre 1999, par. 117 : La Chambre conclut que le génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre «comportent des éléments constitutifs différents et, surtout, que leur répression vise la protection d’intérêts distincts. On est dès lors fondé à retenir des qualifications juridiques multiples à raison des mêmes faits, afin de donner la pleine mesure des crimes qu’un accusé a commis.»

ii)   les condamnations multiples sur la base des mêmes faits sont permises seulement lorsque les crimes impliquent un élément constitutif matériellement distinct

Le Procureur c. Musema, Affaire no. ICTR-96-13-A, (Chambre d’appel), 16 novembre 2001, par. 358-370 : «[…] dans l’Arrêt Čelebići […] la Chambre d’appel du TPIY a défini le critère à appliquer pour décider dans quel cas on peut prononcer ou confirmer des condamnations multiples sur la base des mêmes faits.»

«[P]artant de l’idée que l’équité envers l’accusé et le fait que seuls des crimes distincts peuvent justifier un cumul de déclarations de culpabilité, la Chambre d’appel estime qu’un tel cumul n’est possible, à raison d’un même fait et sur la base de différentes dispositions du Statut, que si chacune des dispositions comporte un élément constitutif matériellement distinct qui fait défaut dans l’autre. Un élément est matériellement distinct d’un autre s’il exige la preuve d’un fait que n’exige pas l’autre. Lorsque ce critère n’est pas rempli, la Chambre doit décider de quelle infraction elle déclarera l’accusé coupable. Elle doit le faire en partant du principe qu’elle doit se fonder sur la disposition la plus spécifique. Ainsi, si un ensemble de faits est régi par deux dispositions dont l’une comporte un élément supplémentaire matériellement distinct, la Chambre se fondera uniquement sur cette dernière disposition pour déclarer l’accusé coupable.»

«En appliquant ce critère, tous les éléments constitutifs des infractions, y compris ceux qui sont contenus dans le chapeau des dispositions, doivent être pris en compte.» En réponse à une demande du Procureur de confirmer si les condamnations multiples, prévues dans différents articles du Statut, sont toujours permises, la Cour d’Appel «[s’est abstenue] toutefois de se prononcer sur cette question, limitant ses conclusions aux questions soulevées dans l’appel.»

Ntakirutimana et Ntakirutimana, (Chambre de première instance), 21 février 2003, par. 863-864 : [La version française de cette décision n’était pas à la disposition du public au moment de la publication de ce recueil.]

Rutaganda, (Chambre de première instance), 6 décembre 1999, par. 110-119 : La Chambre a réaffirmé le critère établi par la Chambre de première instance dans l’affaire Akayesu, qui prévoit les cas où une personne peut être condamnée pour deux ou plusieurs crimes sur la base des mêmes faits. La Cour est en désaccord avec les conclusions données dans l’affaire Kayishema et Ruzindana selon lesquelles le cumul des charges n’était pas justifié car les infractions avaient en commun certains des éléments constitutifs, les éléments de preuve invoqués étaient les mêmes, et enfin les intérêts protégés par la société étaient également les mêmes.

iii)  application - les condamnations multiples

(1)  le cumul des condamnations pour génocide et crime contre l’humanité est permis

Musema, (Chambre d’appel), 16 novembre 2001, par. 369-370 : «[L]a Chambre d’appel considère qu’il est permis de reconnaître un accusé coupable des chefs de génocide et d’extermination en tant que crime contre l’humanité sur la base des mêmes faits […] Elle déclare en outre que le cumul de qualifications est généralement permis.»

Ntakirutimana et Ntakirutimana, (Chambre de première instance), 21 février 2003, par. 864 : [La version française de cette décision n’était pas à la disposition du public au moment de la publication de ce recueil.]

Nahimana, Barayagwiza et Ngeze, (Chambre de première instance), 3 décembre 2003, par. 1090 : [La version française de cette décision n’était pas à la disposition du public au moment de la publication de ce recueil.]

Mais voir Kayishema et Ruzindana, (Chambre de première instance), 21 mai 1999, par. 577-578, 590 : Dans ce cas particulier, «la Chambre est d’avis qu’il serait injustifié de convaincre les Accusés à la fois de génocide et de crimes contre l’humanité «assassinat» et de ce recueil «extermination», ces deux dernières infractions étant totalement comprises dans la charge de génocide qui leur est imputée, tel qu’établi dans la partie du présent jugement consacrée au cumul des charges. En conséquence, les éléments nécessaires sont tous réunis pour conclure que les Accusés pourraient être convaincus de crimes contre l’humanité «assassinat» et de crimes contre l’humanité «extermination». Toutefois, dans le cas d’espèce, les crimes contre l’humanité en question sont entièrement compris dans le crime de génocide. Les charges imputées à raison de ces crimes se fondent toutes sur les mêmes faits ainsi que sur le même comportement criminel. Les crimes en question ont été commis sur les mêmes lieux de massacre, contre les mêmes personnes, qui appartiennent toutes au groupe ethnique tutsi et dans la même intention de détruire ce groupe en tout ou en partie.»

(2)  le cumul des condamnations pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre est permis

Akayesu, (Chambre de première instance), 2 septembre 1998, par. 468-470 : «…[L]e génocide, [les] crimes contre l’humanité et [les] violations de l’article 3 commun aux Conventions de Genève et du Protocole additionnel II comportent des éléments constitutifs différents et, surtout, leur répression vise la protection d’intérêts distincts.» On est dès lors fondé à les retenir à raison des mêmes faits. En outre, il pourrait, suivant le cas, être nécessaire d’obtenir une condamnation pour plus d’une de ces infractions afin de donner la mesure des crimes qu’un accusé a commis. Par exemple, le général qui donnerait l’ordre de tuer tous les prisonniers de guerre appartenant à un groupe ethnique donné, dans l’intention d’éliminer ainsi ledit groupe serait coupable à la fois de génocide et de violations de l’article 3 commun, bien que pas nécessairement de crimes contre l’humanité. Une condamnation pour génocide et violations de l’article 3 commun donnerait alors pleinement la mesure du comportement du général accusé ;  ces infractions renferment des éléments constitutifs différents. Une fois de plus, cette considération autorise les condamnations multiples du chef de ces infractions à raison des mêmes faits.

b)   Peines

i)    règles relatives aux peines

(1)  L’article 23 du Statut du TPIR : Peines

« 1. La Chambre de première instance n’impose que des peines d’emprisonnement. Pour fixer les conditions de l’emprisonnement, la Chambre de première instance a recours à la grille générale des peines d’emprisonnement appliquée par les tribunaux du Rwanda.

2. En imposant toute peine, la Chambre de première instance tient compte de facteurs tels que la gravité de l’infraction et la situation personnelle du condamné.

3. Outre l’emprisonnement du condamné, la Chambre de première instance peut ordonner la restitution à leurs propriétaires légitimes de tous biens et ressources acquis par des moyens illicites, y compris par la contrainte.»

(2)  L’article 101 du Règlement de Procédure et de Preuve, TPIR

«(A) Toute personne reconnue coupable par le Tribunal est passible de l’emprisonnement pouvant aller jusqu’à l’emprisonnement à vie.

(B) Lorsqu’elle prononce une peine, la Chambre de première instance tient compte des dispositions prévues au paragraphe (2) de l’article 23 du Statut, ainsi que :

(i) de l’existence de circonstances aggravantes ;

(ii) de l’existence de circonstances atténuantes, y compris le sérieux et l’étendue de la coopération que l’accusé a fournie au Procureur avant ou après sa déclaration de culpabilité ;

(iii) de la grille générale des peines d’emprisonnement telles qu’appliquées par les Tribunaux au Rwanda ;

(iv) la mesure dans laquelle la personne reconnue coupable a déjà purgé toute peine qui pourrait lui avoir été infligée par une juridiction nationale pour le même fait, conformément au paragraphe (3) de l’article 9 du Statut.

(C) En cas de multiplicité des peines, la Chambre de première instance détermine si celles-ci doivent être purgées de façon consécutive ou si elles doivent être confondues.

(D) La durée de la période pendant laquelle la personne reconnue coupable a été placée en détention provisoire à vue en attendant d’être remise au Tribunal ou en attendant d’être jugée par une Chambre de première instance ou par la Chambre d’appel est, le cas échéant, déduite de la durée totale de sa peine.»

ii)   en général

(1)  les facteurs énumérés dans le Statut et le Règlement ne sont ni obligatoires ni exhaustifs

Rutaganda, (Chambre de première instance), 6 décembre 1999, par. 458-459 : «[S]’agissant de l’individualisation de la peine, les juges ne sauraient se limiter aux seuls facteurs dont font état le Statut et le Règlement. Ici aussi, leur pouvoir souverain d’appréciation des faits et des circonstances leur permet de prendre en compte tout autre facteur qui leur paraîtrait pertinent […] De même, les facteurs dont il est question dans le Statut et le Règlement ne sauraient être interprétés comme devant obligatoirement se cumuler pour la détermination de la peine.» Voir aussi Ruggiu, (Chambre de première instance), 1 juin 2000, par. 34 ; Le Procureur c. Kambanda, affaire no. ICTR-97-23, (Chambre de première instance), 4 septembre 1998, par. 29-31.

Kayishema et Ruzindana, (Chambre de première instance), 21 mai 1999, Sentence, par. 3 : Les circonstances ainsi énumérées qui se présentent au Statut et au Règlement «n’ont aucun caractère obligatoire ou limitatif. Il s’agit ici d’individualiser les peines en prenant en considération tous les facteurs qui entrent en jeu. Toutefois, la Chambre estime que son pouvoir souverain d’appréciation des faits et des circonstances qui les entourent lui permet de ne pas se limiter aux seuls facteurs énoncés par le Statut et le Règlement, aux fins d’une juste détermination des sentences.» Voir aussi Ruggiu, (Chambre de première instance), 1er juin 2000, par. 34 ; Procureur c. Kambanda, Affaire n. ICTR-97-23, (Chambre de première instance), 4 septembre 1998, par. 29-31.

(2)  le Tribunal ne peut imposer que des peines d’emprisonnement

Kambanda, (Chambre de première instance), 4 septembre 1998, par. 10 : «[L]e Tribunal ne peut imposer à un accusé, qui plaide coupable ou est jugé comme tel, que des peines d’emprisonnement, pouvant aller jusqu’à l’emprisonnement à vie […] Le Statut exclut toutes autres formes de sanction, telles par exemple la peine de mort, les travaux forcés ou une peine d’amende.» Voir aussi le Procureur c. Serushago, Affaire no. ICTR-98-39, (Chambre de première instance), 5 février 1999, Sentence par. 12 ; Rutaganda, (Chambre de première instance), 6 décembre 1999, par. 448.

(3)  restitution

Ntakirutimana et Ntakirutimana, (Chambre de première instance), 21 février 2003, par. 880 : [La version française de cette décision n’était pas à la disposition du  public au moment de la publication de ce recueil.] Voir aussi Kambanda (Chambre de première instance), 4 septembre 1998, par. 22.

(4)  objectifs des peines : la rétribution, la dissuasion, la réhabilitation, la protection de la société, la fin de l’impunité, favoriser la réconciliation, et le retour de la paix

Rutaganda, (Chambre de première instance), 6 décembre 1999, Sentence, par. 456 : «Il est donc clair que les peines infligées aux accusés déclarés coupables par le Tribunal doivent avoir pour finalité, d’une part la rétribution desdits accusés, ceux-ci devant voir leur forfait puni, d’autre part la dissuasion, c’est-à-dire de décourager à jamais ceux qui pourraient être tentés dans le futur de perpétrer de telles atrocités, en leur montrant que la communauté internationale n’est plus disposée à tolérer les violations graves du droit international humanitaire et des droits de l’homme.» Voir aussi Kambanda, (Chambre de première instance), 4 septembre 1998, par. 28 ; Musema, (Chambre de première instance), 27 janvier 2000, par. 986.

Kayishema et Ruzindana, (Chambre de première instance), 21 mai 1999, Sentence, par. 2 : «[L]a Chambre garde à l’esprit le fait que […] [l]es peines infligées aux Accusés déclarés coupables ont pour finalité la rétribution, la dissuasion, la réhabilitation et la protection de la société.»

Niyitegeka, (Chambre de première instance), 16 mai 2003, par. 484 : «[…] un accent tout particulier sur la notion générale de dissuasion afin de démontrer «que la communauté internationale [n’est] plus disposée à tolérer les violations graves du droit international humanitaire et des droits de l’homme.»»

Ruggiu, (Chambre de première instance), 1 juin 2000, par. 32-33 : «L’objectif visé par la création du Tribunal est de poursuivre et de châtier les auteurs des atrocités survenues au Rwanda, de manière à mettre fin à l’impunité et par conséquent de favoriser la réconciliation nationale et le retour à la paix. La jurisprudence du TPIR a abordé, en ce qui concerne les peines, la principale finalité de la sanction, à savoir la rétribution, la dissuasion, la réinsertion et la justice.»

iii)  principes généraux gouvernant la détermination de la peine

(1)  prise en compte de la loi et de la pratique rwandaises

Kambanda, (Chambre de première instance), 2 septembre 1998, par. 11, 18, 22-24, 41 : «Tant le Statut, en son article 23, que le Règlement, à l’article 101, ne déterminent donc une peine spécifique pour chacun des crimes relevant de la compétence du Tribunal. La détermination de la peine est laissée à la discrétion de la Chambre, qui doit tenir compte […] de la grille générale des peines d’emprisonnement telle qu’appliquée par les Tribunaux au Rwanda.» «[L]a Chambre de première instance n’impose que des peines d’emprisonnement […] La Chambre note que la peine capitale, qui est proscrite par le Statut du Tribunal, est obligatoire pour les crimes de cette nature au Rwanda. La référence à la grille des peines rwandaise est destinée à guider la Chambre s’agissant de décider de la sentence appropriée et n’entame nullement le pouvoir d’appréciation discrétionnaire qu’elle a en cette matière.» Voir aussi Serushago, (Chambre de première instance), 5 février 1999, Sentence, par. 18.

Le Procureur c. Serushago, Affaire no. ICTR-98-39-A, (chambre d’appel), 6 avril 2000, par. 30 : [La version française de cette décision n’était pas à la disposition du public au moment de la publication de ce recueil.]

Rutaganda, (Chambre de première instance), 6 décembre 1999, Sentence, par. 454 : La Chambre estime que «[l]a grille générale des peines et la Loi organique appliquées par les Tribunaux du Rwanda ne revêtent qu’un caractère indicatif. Aussi, tout en continuant de s’y référer autant que faire se peut, la Chambre préférera privilégier son pouvoir souverain d’appréciation, compte tenu des circonstances de la cause et de la personnalité des accusés, à chaque fois qu’il s’agira pour elle de prononcer des peines à l’encontre des personnes déclarées coupables de crimes relevant de sa compétence.»8 Voir aussi Musema, (Chambre de première instance), 27 janvier 2000, par. 984.

Kayishema et Ruzindana, (Chambre de première instance), 21 mai 1999, Sentence, par. 6-7 : «La loi organique rwandaise habilite les juridictions à prononcer la peine capitale à l’encontre des personnes condamnées […] [pour le] […] «crime de génocide.»» Et «à prononcer des peines d’emprisonnement à vie à l’encontre des personnes condamnées comme étant «des personnes dont les actes criminels ou dont la participation aux actes criminels les rangent parmi les auteurs, co-auteurs ou complices d’homicides volontaires ou d’atteintes graves contre des personnes ayant entraîné la mort.»» «Compte tenu des conclusions tirées dans le jugement Kayishema et Ruzindana, la Chambre considère que la grille générale des peines d’emprisonnement appliquée au Rwanda est un facteur de nature à conforter l’opinion selon laquelle il lui est loisible d’imposer le maximum des peines prévues de même que des condamnations très sévères.»

(2)  l’échelle des crimes: le génocide constitue le «crime des crimes», puis viennent les crimes contre l’humanité; et enfin les crimes de guerre

Kambanda, (Chambre de première instance), 4 septembre 1998, par. 12-14, 16 : «[L]e Statut n’opère pas une hiérarchie entre les différents crimes relevant de la compétence du Tribunal et, conséquemment, quant à la peine qui doit les sanctionner, celle-ci étant théoriquement la même pour chacun des trois crimes, à savoir une peine d’emprisonnement pouvant aller, au maximum, jusqu’à l’emprisonnement à vie.» Toutefois, «[i]l ne semble pas douteux à la Chambre que les violations de l’article 3 commun aux Conventions de Genève et du Protocole additionnel II, malgré leur gravité, soient considérées comme des crimes moindres que le génocide ou le crime contre l’humanité.» «Par contre, il lui paraît plus difficile d’établir une hiérarchie entre le génocide et le crime contre l’humanité quant à leur gravité respective. De l’avis de la Chambre [le génocide et les crimes contre l’humanité] sont des crimes qui choquent particulièrement la conscience de l’humanité.» La Chambre considère que «[l]e crime de génocide se singularise par son «dol spécial» et que ce crime constitue le «crime des crimes» et décidera de la peine en conséquence.» Voir aussi Serushago, (Chambre de première instance), 5 février 1999, Sentence par. 13-15 ; Musema, (Chambre de première instance), 27 janvier 2000, par. 979-981.

Kayishema et Ruzindana, (Chambre de première instance), 21 mai 1999, Jugement, par. 8-9 : Le crime de génocide et un «crime d’une extrême gravité.» «Cette infraction a été qualifiée par la Chambre de première instance I du TPIR, de «crime des crimes.»»

(3)  la gradation dans la peine : les peines les plus lourdes pour ceux qui ont planifié ou ordonné des atrocités, ou qui ont commis des crimes avec un zèle ou un sadisme particulier

Ntakirutimana et Ntakirutimana, (Chambre de première instance), 21 février 2003, par. 884 : [La version française de cette décision n’était pas à la disposition du public au moment de la publication de ce recueil.]

(4)  échelle des peines applicables

Semanza, (Chambre de première instance), 15 mai 2003, par. 562-564 : «La Chambre retient que la solution consistant à ne prononcer qu’une seule peine pour la totalité de la conduite de l’accusé rend difficile la tâche de déterminer la grille des peines pour chaque crime précis. Ce nonobstant, il est possible d’arrêter certaines fourchettes de peines qui peuvent aider la Chambre à déterminer la sentence appropriée dans le cas d’espèce.» «Les auteurs principaux reconnus coupables de génocide ou d’extermination constitutifs de crime contre l’humanité ou de ces deux crimes se voient infliger des peines allant de 15 ans d’emprisonnement à l’emprisonnement à vie. Les formes de participation secondaire ou indirecte donnent généralement lieu à des peines moins lourdes.» «Selon la jurisprudence des deux tribunaux, les peines spécifiques infligées aux auteurs de viol constitutif de crime contre l’humanité vont de 12 ans à 15 ans. La torture constitutive de crime contre l’humanité est réprimée par des peines d’emprisonnement variant entre cinq ans et 12 ans. Le meurtre constitutif de crime contre l’humanité emporte des peines d’emprisonnement allant de 12 à 20 ans. Dans d’autres cas, une peine unique d’emprisonnement à temps ou de réclusion à perpétuité est infligée lorsque la décision d’imposer une peine unique permet de rendre compte de l’ensemble du comportement criminel de l’accusé.»

Semanza, (Chambre de première instance), 15 mai 2003, par. 559 : «[L]’emprisonnement à vie, qui constitue la peine la plus lourde que le Tribunal de céans soit habilité à prononcer, devrait être réservée aux auteurs des crimes les plus graves.»

(5)  peine unique : pouvoir discrétionnaire

Le Procureur c. Kambanda, Affaire no. ICTR-97-23-A, (Chambre d’appel), 19 octobre 2000, par. 101-103 : «La Chambre constate qu’aucune disposition du Statut ou du Règlement n’oblige expressément une Chambre de première instance à imposer des peines distinctes à raison de chaque chef d’accusation dont un accusé est reconnu coupable.» «[L]e Règlement semble retenir le principe de l’imposition d’une peine distincte pour chaque chef d’accusation.» «La Chambre d’appel estime que le libellé du Statut sur ce point est suffisamment ouvert pour autoriser l’imposition d’une peine unique, la décision d’imposer ou non une telle peine étant laissée à la discrétion de la Chambre de première instance saisie. La Chambre d’appel retient l’argument du Procureur selon lequel rien n’interdit à une Chambre de première instance de prononcer une peine globale à l’encontre d’un accusé au titre de tous les chefs d’accusation dont ce dernier a été reconnu coupable.»

Musema, (Chambre de première instance), 27 janvier, 2000, par. 989 : «La Chambre rappelle enfin, qu’aucune disposition du Statut et du Règlement ne requiert une peine distincte pour chaque chef d’accusation établi. La Chambre peut infliger une peine unique pour tous les chefs d’accusation dont l’Accusé a été reconnu coupable.»

Ntakirutimana et al., (Chambre de première instance), 21 février 2003, par. 917: [La version française de cette décision n’était pas à la disposition du public au moment de la publication de ce recueil.]

Niyitegeka, (Chambre de première instance), 16 mai, 2003, par. 483 :«Dans le cas d’une personne reconnue coupable d’infractions multiples, comme en l’espèce, la Chambre, en vertu de son pouvoir souverain d’appréciation, peut prononcer une peine unique ou une peine individuelle à raison de chaque infraction établie. La peine unique peut en général être prononcée lorsque l’on est en présence d’infractions participant d’une même entreprise criminelle. En cas de multiplicité de peines, la Chambre décide si celles-ci doivent être confondues ou purgées de façon consécutive.» Voir aussi Nahimana, Barayagwiza et Ngeze, (Chambre de première instance), 3 décembre 2003, par. 1104 : [La version française de cette décision n’était pas à la disposition du public au moment de la publication de ce recueil.]

iv)  individualisation des peines

Kambanda, (Chambre de première instance), 4 septembre 1998, par. 29 : «[I]l est vrai qu’entre les coauteurs d’une même infraction ou entre les personnes coupables d’un même type d’infraction, il n’y a qu’un élément commun : le délit objectif qu’ils ont commis avec sa gravité intrinsèque. Hormis ce trait qui les rapproche, de profondes différences séparent nécessairement leurs personnalités respectives et leurs responsabilités : leur âge, leurs antécédents, leur éducation, leur intelligence, leur structure mentale [...] Il n’est pas juste qu’ils soient à priori justiciables d’un châtiment de la même intensité. Il faut donc laisser au juge le pouvoir d’adapter quantitativement la peine prescrite par la loi à la responsabilité morale de chaque délinquant.»

Kayishema et Ruzindana, (Chambre de première instance), 21 mai 1999, Sentence, par. 10-12 : « L’article 23 (2) du Statut dispose qu’en imposant toute peine, la Chambre de première instance tient compte de la situation personnelle des condamnés […] La Chambre prend considération des condamnations pénales antérieures des deux personnes accusées et dans le cas de Ruzindana prend également note de «l’âge relativement jeune» et la possibilité de sa réhabilitation.»

Ntakirutimana et Ntakirutimana, (Chambre de première instance), 21 février 2003, par. 883: [La version française de cette décision n’était pas à la disposition du public au moment de la publication de ce recueil.]

Le Procureur c. Akayesu, Affaire no. ICTR-96-4-T, (Chambre de première instance), 2 octobre 1998, p.5 du 10 : «[S]’agissant de l’individualisation de la peine, les juges ne sauraient se limiter aux seuls facteurs dont font état le Statut et les Règlements. Ici aussi, leur pouvoir d’appréciation des faits et des circonstances qui les entourent devrait pouvoir leur permettre de prendre en compte tout autre facteur qui leur paraîtrait pertinent.»

Akayesu, (Chambre d’appel), 1 juin 2001, par. 416 : «Le droit de prendre en compte d’autres facteurs pertinents va de pair avec l’obligation impérieuse de personnaliser la peine pour l’adapter à la situation individuelle d’un accusé, au contexte global de sa culpabilité et à la gravité du crime ; le critère déterminant est que la peine infligée doit refléter la totalité du comportement criminel….»

Semanza, (Chambre de première instance), 15 mai 2003, par. 560 : «[L]a Chambre n’a pas perdu de vue l’obligation stricte qui lui est faite de prononcer une peine proportionnelle à la gravité du crime en tenant compte de la situation personnelle du condamné.»

(1)  circonstances aggravantes

Kambanda, (Chambre de première instance), 4 septembre 1998, par. 42-44: «Le caractère odieux du crime de génocide et sa proscription absolue confèrent un caractère proprement aggravant à sa commission. L’ampleur des crimes consistant dans le massacre d’environ 500 000 civils au Rwanda en l’espace de 100 jours constitue une circonstance aggravante.» «L’abus d’autorité ou de confiance est généralement considéré comme une circonstance aggravante.»

Kambanda, (Chambre de première instance), 4 septembre 1998, par. 61-62: La Chambre de première instance considère comme circonstances aggravantes les éléments suivants: «la gravité particulière» des crimes reprochés à Jean Kambanda et «leur caractère massif, atroce et systématique [qui] est particulièrement choquant pour la conscience humaine ;» le fait qu’il «a commis ces crimes en toute connaissance de cause et avec préméditation ;» «et surtout, les crimes commis sont d’autant plus inacceptables que, occupant les fonctions de Premier Ministre, Jean Kambanda avait le devoir et le pouvoir de protéger la population du Rwanda….» «[L]a Chambre est d’avis que les circonstances aggravantes qui entourent la commission des crimes par Jean Kambanda l’emportent largement sur les circonstances atténuantes qui plaident en sa faveur et que, surtout, le fait que Jean Kambanda ait occupé à l’époque où il commettait lesdits crimes les plus hautes fonctions ministérielles est de nature à définitivement exclure toute possibilité d’atténuation de la peine.»

Serushago, (Chambre de première instance), 5 février 1999, Sentence, par. 27-30 : La Chambre considère comme circonstances aggravantes les éléments suivants: la «particulière gravité» des crimes lorsque le génocide a été qualifié «de crime des crimes ;» le fait que la responsabilité pénale individuelle de Serushago est engagée lorsque il «a eu, dans la commission des crimes dont il a été reconnu coupable, un rôle de direction» et parce que il «a lui même assassiné quatre Tutsi,» le fait que Serushago était «un dirigeant de facto» et «dans le cadre des activités de ces milices, il a donné des ordres qui ont été suivis ;» et le fait qu’il «a commis les crimes en toute connaissance de cause et avec préméditation.»

Kayishema et Ruzindana, (Chambre de première instance), 21 mai 1999, Sentence : La Chambre considère comme circonstances aggravantes les éléments suivants: le fait d’avoir délibérément commis des crimes et d’avoir participé à la perpétration des violations de tels actes, le «zèle» avec lequel les crimes ont été commis ; (ex. le fait d’attaquer des lieux qui avaient traditionnellement été considérés comme des sanctuaires); «les moyens odieux mis en oeuvre dans la perpétration des tueries ;» l’exécution méthodique et systématique desdits crimes ; «le comportement […]  après l’acte criminel, et notamment le fait qu’il a omis d’en punir les auteurs» et le fait d’avoir souri et éclaté de rire pendant les dépositions des rescapés devant la Chambre ; «le caractère irréparable du préjudice que [les accusés ont] fait subir à [leurs] victimes et à leurs familles ;» le fait d’avoir invoqué un moyen de défense d’alibi et de n’avoir jamais cessé de clamer son innocence et «que cet abus de pouvoir et ce manquement grave aux devoirs de sa haute charge constituent dans [ce] cas la circonstance la plus aggravante de toutes.»

Rutaganda, (Chambre de première instance), 6 décembre 1999, par. 468-470 : La Chambre considère comme circonstances aggravantes les éléments suivants: la gravité des infractions car le génocide est  «le crime des crimes ;» l’abus de «position d’autorité» de Rutaganda ; et parce qu’il «a joué un rôle important de meneur dans l’exécution des crimes» (ce qui inclut la distribution des armes, le fait d’avoir posté des Interahmwe à Nyhanza, d’avoir incité à tuer et ordonné de tuer des Tutsis à maintes occasions et d’avoir tué une personne en la frappant d’un coup de machette à la tête).

Ntakirutimana et Ntakirutimana,(Chambre de première instance), 21 février 2003, par. 900-905 ; Ntakirutimana et Ntakirutimana,(Chambre de première instance), 21 février 2003, par. 910-912 : [La version française de cette décision n’était pas à la disposition du public au moment de la publication de ce recueil.]

Ruggiu, (Chambre de première instance), 1 juin 2000, par. 47-51 : La Chambre considère comme circonstances aggravantes les éléments suivants : «la gravité des crimes [le génocide et les crimes contre l’humanité] ;» «le rôle de l’accusé dans la commission des crimes» (l’accusé, qui était journaliste et animateur a joué un rôle crucial dans l’incitation à la haine ethnique et à la violence, ses émissions diffusées à la télévision rwandaise ont incité aux massacres de la populations tutsie) ; le fait qu’il ait persisté à lancer des appels à la population, en sachant que ses émissions contribuaient aux massacres, il a fait un choix délibéré de continuer à travailler pour la radio.

Musema, (Chambre de première instance), 27 janvier 2000, par. 1001-1004 : La Chambre considère comme circonstances aggravantes les éléments suivants : «les infractions dont Musema a été déclaré coupable sont d’une extrême gravité, comme la Chambre l’a déjà souligné en décrivant le génocide comme étant «le crime des crimes»» ; il «était à la tête des assaillants qui ont tué un grand nombre de réfugiés tutsis ;» il «était armé d’un fusil dont il a fait usage au cours des attaques. Il n’a pris aucune mesure pour empêcher que les employés de l’usine prennent part aux attaques ou que les véhicules de l’usine ne soient utilisés à cet effet.» [Comme gérant de l’usine à thé de Gisovu, Musema était investi des pouvoirs légaux et fiduciaires lui permettant de renvoyer ou de menacer de renvoi de ses postes les employés] ; «Musema était perçu comme un homme ayant de l’autorité et bénéficiant de pouvoirs considérables dans la région» ; «Musema était en position de prendre des mesures raisonnables pour prévenir la commission des crimes ;» «Musema n’a rien fait pour empêcher la commission des crimes» et «il n’a pris aucune mesure pour en punir les auteurs qui étaient pourtant sous son contrôle.»

Akayesu, (Chambre de première instance), 2 octobre 1998 : La Chambre considère comme circonstances aggravantes les éléments suivants : «Akayesu a consciemment pris le parti de concourir aux massacres systématiques qui ont suivi à Taba ;» sa qualité de bourgmestre faisait d’Akayesu la plus haute personnalité gouvernementale à Taba et à ce titre, il était chargé de la protection de la population, et qu’il a failli à cette mission ; «[i]l a publiquement incité à tuer ;» «[i]l a également ordonné l’assassinat d’un certain nombre de personnes dont certaines ont été tuées en sa présence, et y a participé ;» «[i]l a aussi cautionné et encouragé, par sa présence et ses actes, le viol de nombreuses femmes au bureau communal.»

Semanza, (Chambre de première instance), 15 mai 2003, par. 571-573 : La Chambre considère comme circonstances aggravantes les éléments suivants : «[L]e nombre des personnes tuées» à raison de la conduite de Semanza relativement aux fins de la détermination de la peine appropriée pour le crime de complicité dans le génocide et «l’influence et l’importance relatives de l’accusé dans sa commune.»

Niyitegeka, (Chambre de première instance), 16 mai, 2003, par. 499 : La Chambre considère comme circonstances aggravantes les éléments suivants : Niyitegeka «était une personnalité célèbre et influente dans sa préfecture natale de Kibuye, où il a commis ses crimes ;» «il a trahi la confiance que la population avait placée en lui ;» «[a]u moment des faits, l’accusé, en tant que membre du Gouvernement intérimaire, occupait une position officielle à l’échelle nationale [mais] au lieu de promouvoir la paix et la réconciliation en sa qualité de ministre de l’information, l’accusé a pris le parti de la violence et a activement participé à la perpétration de massacres […] et [a] incité d’autres personnes à commettre des crimes allant, dans certains cas, jusqu’à donner des ordres aux assaillants ou à se mettre à leur tête ;» le fait que «[l]’accusé fait partie de ceux qui se sont ouvertement réjouis de la mort de Kabanda qui a été décapité et castré et dont le crâne a été transpercé d’une oreille à l’autre par un pieu ;» «[l]e noir et froid mépris pour la vie et la dignité humaines qui se dégagent de l’ordre par lui donné […] d’enfoncer un morceau de bois dans le sexe d’une femme tutsie morte» et le fait d’avoir «participé pendant longtemps à des attaques généralisées et systématiques dirigées contre des civils sans défense.»

Nahimana, Barayagwiza et Ngeze,(Chambre de première instance), 3 décembre 2003, par. 1099, 1100, 1101 : [La version française de cette décision n’était pas à la disposition du public au moment de la publication de ce recueil.]

(2)  circonstances atténuantes

(a)  en général

Kambanda, (Chambre de première instance), 4 septembre 1998, par. 36-37, 56-58 : La Chambre soutient que «l’étendue de la coopération fournie au Procureur par l’accusé n’est qu’une circonstance atténuante parmi d’autres qui pourraient résulter entre autres du plaidoyer de culpabilité de l’accusé, [ou] de son repentir sincère.» La Chambre observe toutefois que «l’atténuation de la peine ne réduit en aucune façon le degré de gravité du crime.» «La Chambre considère qu’un constat de circonstances atténuantes se réfère à l’évaluation de la sentence et n’ôte rien à la gravité du crime. Il atténue la peine, et non le crime.» «L’échelle des atrocités commises continue de constituer un critère essentiel d’évaluation de la sentence.» «Une sentence doit refléter le principe bien connu de proportionnalité entre la gravité de l’infraction et le degré de responsabilité de son auteur.»

(b)  application

Kambanda, (Chambre de première instance), 4 septembre 1998, par. 61-62 : La Chambre considère comme circonstances atténuantes les éléments suivants : «Kambanda a coopéré et coopère encore, librement, avec le Bureau du Procureur ;» le fait que son «plaidoyer de culpabilité […] est de nature à éventuellement encourager d’autres personnes à reconnaître leurs responsabilités dans les événements tragiques ;» et qu’ «un plaidoyer de culpabilité est généralement considéré, devant la plupart des juridictions nationales, dont celles du Rwanda, comme une circonstance atténuante.» Toutefois, la Chambre est d’avis que «les circonstances aggravantes qui entourent la commission des crimes par Jean Kambanda l’emportent largement sur les circonstances atténuantes qui plaident en sa faveur et que, surtout, le fait que Jean Kambanda ait occupé à l’époque où il commettait lesdits crimes les plus hautes fonctions ministérielles est de nature à définitivement exclure toute possibilité d’atténuation de la peine.»

Serushago, (Chambre de première instance), 5 février 1999, Sentence, par. 31-42 : La Chambre considère comme circonstances atténuantes les éléments suivants : «Serushago a fait preuve avec le Procureur d’une coopération substantielle ;» le fait qu’il «s’est […] volontairement rendu aux autorités ;» son «[p]laidoyer de culpabilité», ses «influences familiales et sociales ;» (en effet «les antécédents politiques de sa famille ont joué un rôle déterminant dans son engagement auprès des milices Interahamwe. […] [L]es liens d’amitiés très forts et anciens liant son propre père au Président Juvénal Habyarimana l’ont amené à jouer un rôle prédominant auprès des milices Interahamwe.») ; l’assistance apportée à certaines victimes tutsies ; sa «situation personnelle» prenant en compte son jeune âge, ses six enfants dont deux en bas-âge et «un espoir de réhabilitation» ; et ses «remords publics et contrition». «[L]a Chambre est d’avis, au vue des circonstances atténuantes particulières entourant les crimes commis par Omar Serushago, qu’il ne convient pas en l’espèce d’imposer la peine maximale.»

Kayishema et Ruzindana, (Chambre de première instance), 21 mai 1999, Sentence, par. 19-23 : La Chambre est d’avis que «peuvent notamment être considérées comme des circonstances atténuantes une coopération substantielle avec le Procureur; la reddition aux autorités compétentes ; le plaidoyer de culpabilité et l’expression de remords à l’égard des victimes,» et le fait que l’accusé «n’était pas une autorité de jure.»

Rutaganda, (Chambre de première instance), 6 décembre 1999, par. 471-473 : La Chambre considère comme circonstances atténuantes les éléments suivants : l’aide apportée par Rutaganda à certaines personnes (Rutaganda a aidé à évacuer des gens et a fourni de la nourriture et un abri à des réfugiés) et son mauvais état de santé. «Cependant, ayant pesé les circonstances de la cause, la Chambre est d’avis que les circonstances aggravantes l’emportent largement sur les circonstances atténuantes, Rutaganda ayant exercé des responsabilités au sein du mouvement au moment où se perpétraient les crimes considérés. Il a délibérément et sciemment participé à la commission de ces crimes et n’a jamais manifesté le moindre remords pour les exactions qu’il a fait subir aux victimes.»

Ntakirutimana et Ntakirutimana, (Chambre de première instance), 21 février 2003, par. 895-898 : [La version française de cette décision n’était pas à la disposition du public au moment de la publication de ce recueil.]

Ntakirutimana et Ntakirutimana, (Chambre de première instance), 21 février 2003, par. 908-909 : [La version française de cette décision n’était pas à la disposition du public au moment de la publication de ce recueil.]

Ruggiu, (Chambre de première instance), 1 juin 2000, par. 53-80 : La Chambre considère comme circonstances atténuantes les éléments suivants : «le plaidoyer de culpabilité» fait par Ruggiu ; «la coopération de l’accusé avec le Procureur ;» «l’absence de passé criminel ;» «la personnalité de l’accusé ;» ses «regrets et remords ;» «l’assistance de l’accusé aux victimes ;» «la position de l’accusé au sein de la Radio Télévision Libre des Mille Collines et dans la vie politique» (c’était un subordoné qui n’avait aucun pouvoir décisionnel ou autonome et à aucun moment il n’a participé à la formulation de la politique éditoriale de la RTLM) et «l’absence de participation personnelle aux tueries.» La Chambre de première instance a considéré que «la situation personnelle de l’accusé constitue un facteur atténuant qui justifie de la clémence […] [o]n ne saurait toutefois voir dans la diminution du quantum de la peine une atténuation de la gravité du crime commis ou du verdict de culpabilité rendu contre la personne condamnée.»

Musema, (Chambre de première instance), 27 janvier 2000, par. 1005-1008 : La Chambre considère comme circonstances atténuantes les éléments suivants : «le fait que Musema ait reconnu qu’en 1994, un génocide a été commis contre la population tutsie au Rwanda. Il a exprimé son chagrin devant la mort de tant de nombreuses personnes innocentes et a rendu hommage à toutes les victimes des tragiques événements survenus au Rwanda.» La Chambre note également qu’il «a exprimé son profond regret pour le fait que les biens de l’usine à thé de Gisovu [dont il etait le Directeur] aient pu être utilisés par les auteurs des atrocités commises.» «La coopération dont a fait preuve Musema en admettant un certain nombre de faits propres à la cause […] et en contribuant ainsi à la tenue d’un procès rapide. Le fait que la coopération de Musema ait continuée tout au long du procès a également contribué à la rapidité de ce dernier.» «[L]a Chambre est d’avis que les circonstances aggravantes l’emportent largement sur les circonstances atténuantes, attendu que Musema a personnellement et à plusieurs occasions pris la tête des assaillants pour attaquer un grand nombre de réfugiés tutsis […] [i]l a délibérément et sciemment participé à la commission de ces crimes et n’a jamais manifesté le moindre remords pour le rôle qu’il a personnellement joué dans ces atrocités.»

Akayesu, (Chambre de première instance), 2 octobre 1998 : La Chambre considère comme circonstances atténuantes les éléments suivants : «Akayesu n’occupait pas de très hautes fonctions dans la hiérarchie gouvernementale au Rwanda et son influence et son pouvoir sur l’issue des événements de 1994 étaient à la mesure de son rang à l’époque. Akayesu a témoigné sa compassion à l’endroit des nombreuses victimes et s’identifie aux rescapés des événements.»

Semanza, (Chambre de première instance), 15 mai 2003, par. 577 : La Chambre considère comme circonstances atténuantes les éléments suivants : la personnalité et les actes antérieurs de Semanza («l’accusé avait apporté la prospérité et le développement à sa région»).

Niyitegeka, (Chambre de première instance), 16 mai 2003, par. 495-498 : La Chambre considère comme circonstances atténuantes les éléments suivants : le fait que «l’accusé [soit] intervenu pour sauver un groupe de réfugiés des griffes des Interahamwe.» Toutefois, la Chambre observe que «l’accusé a également tué d’autres personnes et délibérément commis des crimes odieux contre des civils avant et après cet incident. Par conséquent, le fait qu’il ait sauvé des vies dans ce cas ne pèse pas très lourd dans la balance.» «La Chambre a aussi pris en considération, au titre des circonstances atténuantes, la bonne moralité de l’accusé avant les faits. En tant que personnalité publique et membre du MDR [Mouvement Démocratique Populaire], il a prôné la démocratie et s’est opposé à la discrimination ethnique.» Toutefois, lorsqu’il a été «appelé à faire un choix entre la participation aux massacres de civils ou le respect de ses principes, il a pris le parti des préjugés ethniques et a participé aux massacres perpétrés à l’époque au Rwanda. Le fait qu’il ait été auparavant un honnête homme ne pèse donc pas très lourd dans la balance.»



[8] La «Loi organique» renvoit à la Loi organique rwandaise organisant la poursuite des infractions constitutives du crime génocide ou de crimes contre l’humanité commises à partir du 1er octobre 1990, adoptée en 1996.


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