Rapports de Human Rights Watch

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VIII) Autres questions

a)   «L’égalité des armes» entre les parties ne signifie pas nécessairement l’égalité des moyens et ressources

Kayishema et Ruzindana, (Chambre d’appel), 1 juin 2001, par. 63-71 : «Au cours de la procédure devant la Chambre de première instance, le Conseil de Kayishema a déposé une requête prétendant à une obligation de rechercher la pleine égalité entre le Procureur et la Défense» (c’est-à-dire que les deux parties doivent disposer des mêmes moyens et ressources). La Chambre d’Appel a considéré que la Chambre de première instance n’avait pas commis d’erreur de droit en rejetant la requête. «Le droit de l’accusé à un procès équitable inclut implicitement le principe d’égalité des armes entre le Procureur et la Défense» et «La Chambre de première instance a constaté à juste titre que : «Le principe de l’égalité des armes est consacré par l’article 20 du Statut,» en particulier par l’article 20(2) et 20(4). Cependant, «l’égalité des armes […] ne signifie pas nécessairement l’égalité matérielle de disposer des mêmes ressources financières et/ou en personnel.» La Chambre d’Appel cite la Chambre d’Appel du TPIY dans la décision Tadic qui conclut «que l’égalité des armes oblige l’organe judiciaire à s’assurer qu’aucune partie n’est placée dans une situation désavantageuse lorsqu’elle présente sa cause.»9La Chambre d’appel fait aussi sien l’argument de la Chambre de première instance dans l’affaire Kayishema qui conclut qu’«il ne faut pas confondre la notion des droits de l’accusé et de l’égalité des parties avec celle de l’égalité des moyens et des ressources» et que «le fait que des droits soient garantis à l’accusé ne doit pas être compris comme voulant dire que la Défense est habilitée à disposer des mêmes moyens et ressources que le Procureur.» Voir aussi Kayishema et Ruzindana, (Chambre de première instance), 21 mai 1999, par. 20, 55-60.

b)   L’impartialité d’un juge ou d’une Chambre du Tribunal est présumée

Akayesu, (Chambre d’appel), 1 juin 2001, par. 91 : «[L]’impartialité d’un juge ou d’une Chambre du Tribunal est présumée et, de ce fait, sa partialité doit être démontrée sur la base d’éléments de preuve solides et suffisants.» «En l’absence de preuve du contraire, il convient de présumer que les juges du Tribunal international «sont en mesure de maintenir leur esprit libre de toute conviction ou inclination personnelle non pertinente». Il appartient à l’Appelant de soumettre des éléments de preuve suffisants pour convaincre la Chambre d’appel que le juge en question n’était pas impartial au cours de son procès. Cette présomption d’impartialité ne peut être réfutée facilement.»

c)   Poursuite sélective

Akayesu, (Chambre d’appel), 1 juin 2001, par. 94-96 : ««[L]’instruction des dossiers et de l’exercice de la poursuite» contre les personnes responsables de violations graves relevant de la compétence du Tribunal revient au Procureur»» et «il lui appartient d’«évalue[r] les renseignements reçus ou obtenus [et de décider] s’il y a lieu de poursuivre.»» «[D]ans beaucoup de systèmes pénaux, l’entité chargée des poursuites dispose de ressources financières et humaines limitées et il serait irréaliste d’attendre d’elle qu’elle poursuive tous les criminels susceptibles d’entrer dans le champ de sa compétence. Elle doit nécessairement décider des crimes et des criminels qu’elle entend poursuivre. Il est incontestable que le Procureur dispose d’un large pouvoir d’appréciation concernant l’initiative des poursuites et l’établissement des actes d’accusation.» A supposer que le Procureur poursuive une politique pénale discriminatoire, «la preuve de l’intention discriminatoire doit s’ajouter à celle de l’effet discriminatoire de la politique du Procureur, autrement dit la preuve que d’autres individus de religions ou d’origines ethniques différentes placés dans une situation similaire n’ont pas été poursuivis.»

Ntakirutimana et Ntakirutimana, (Chambre de première instance), 21 février 2003, par. 870-871 : [La version française de cette décision n’était pas à la disposition du public au moment de la publication de ce recueil.]

d)   Plaidoyer de culpabilité : conditions d’acceptation d’un accord de plaidoyer

i)    le plaidoyer de culpabilité doit être volontaire

Kambanda, (Chambre d’appel), 19 octobre 2000, par. 61 : «Deux conditions doivent être remplies pour qu’un plaidoyer soit volontaire: «l’accusé doit être dans un état mental lui permettant de comprendre les conséquences de ses actes lorsqu’il plaide coupable» et «le plaidoyer ne doit pas être la conséquence d’une menace ou d’une incitation autre que l’attente d’un traitement de faveur suite au plaidoyer de culpabilité sous la forme d’une réduction quelconque de peine.»»

ii)   le plaidoyer de culpabilité doit être fait en toute connaissance de cause

Kambanda, (Chambre d’appel), 19 octobre 2000, par. 75 : «[L]a norme à appliquer pour déterminer si un plaidoyer de culpabilité est fait en toute connaissance de cause est […] que l’accusé doit comprendre la nature et les conséquences d’un plaidoyer de culpabilité en général, la nature des différents chefs d’accusation, la distinction entre les accusations alternatives et les conséquences d’un plaidoyer de culpabilité pour l’un des chefs d’accusation plutôt que pour l’autre.»

iii)  le plaidoyer de culpabilité doit être sans équivoque

Kambanda, (Chambre d’appel), 19 octobre 2000, par. 84-86 : «L’aspect équivoque éventuel d’un plaidoyer de culpabilité dépend de l’examen in limine de la question de savoir si le plaidoyer de culpabilité était accompagné ou nuancé par des propos décrivant des faits qui constituent un moyen de défense en droit.» Un plaidoyer de culpabilité est sans équivoque quand l’accusé est conscient que ledit plaidoyer n’est pas compatible avec aucun moyen de défense qui peut le contredire.




[9]Le Procureur c. Tadic, Affaire N° IT-94-1, (Chambre d’Appel), 15 juillet 1999, par. 48.


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