Rapports de Human Rights Watch

I. Résumé

Les populations de l’Est de la République Démocratique du Congo, durement touchées par des années de guerre, ont enduré en 2006 et 2007 encore plus de conflits armés, accompagnés de violations du droit international. Des agressions effroyables à l’encontre des civils–à savoir des meurtres, des viols généralisés et le recrutement forcé ainsi que l’utilisation d’enfants soldats–se sont multipliées, après des accords politiques qui étaient censés mettre un terme à ces exactions. Des centaines de milliers de personnes ont été déplacées et ont dû abandonner leurs foyers au cours des 10 derniers mois. Les forces coupables d’exactions n’ont pas été désarmées, mais elles ont au contraire consolidé leur autorité.

Le gouvernement congolais, soutenu par la communauté internationale, a essayé plusieurs solutions à court terme pour résoudre le conflit, mais sans s’attaquer à ses causes sous-jacentes.  L’incapacité de l’Etat à protéger ses citoyens contre les agressions, les prétentions des groupes armés à contrôler des parties du territoire et à exploiter ses richesses, et l’impunité presque totale dont bénéficient les auteurs de crimes, rien de tout cela n’est résolu.

A la suite des combats en août 2007 entre les troupes de l’armée congolaise et les soldats renégats sous le commandement de l’ancien général Laurent Nkunda, les dirigeants des Nations Unies et les représentants des Etats-Unis, du Royaume-Uni, de la France, de la Belgique et de l’Afrique du Sud ont reconnu les risques d’un conflit élargi et se sont engagés à trouver des solutions politiques à la crise. Mais même alors que les parties sont tombées d’accord pour recourir à un envoyé spécial afin de faciliter les discussions entre le Président congolais Joseph Kabila et Nkunda, Kabila a donné des indications qu’il était déterminé à poursuivre une action militaire contre Nkunda.

Un cycle précédent d’affrontements entre les forces de Nkunda et l’armée congolaise était censé avoir pris fin avec un accord facilité par le Rwanda début 2007 portant sur l’intégration de leurs forces, mais cet accord s’est effondré en quelques mois.

La politique du gouvernement à l’égard d’un deuxième groupe armé, les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), a aussi suivi un cours déroutant et contradictoire, l’armée soutenant parfois, et parfois attaquant ce groupe composé en grande partie de combattants rwandais. Les FDLR ont apparemment pour but le renversement du gouvernement actuel du Rwanda, mais ces dernières années ses membres se sont davantage attaqués aux civils congolais qu’ils ne s’en sont pris à l’armée rwandaise.

Les configurations changeantes du conflit l’année dernière ont vu de différentes façons toutes les forces lutter les unes contre les autres : les forces de Nkunda luttant contre l’armée congolaise, les FDLR luttant contre l’armée congolaise, et les forces de Nkunda, sous l’autorité de l’armée congolaise dans les « brigades mixées » et séparément, luttant contre les FDLR.  Bien que les crimes commis par toutes les parties aient constitué des violations du droit international humanitaire, pratiquement aucun n’a fait l’objet d’une enquête et encore moins de réelles poursuites.

Sous-jacente au conflit militaire, il y avait une lutte pour le contrôle d’une des plus riches régions du Congo. Nkunda, qui revendiquait la direction politique de son propre mouvement, le Congrès National pour la Défense du Peuple (CNDP), a mis en place une administration parallèle dans des parties du Nord-Kivu, installant ses partisans dans les services administratifs, de la police et du renseignement.

Les FDLR, moins centralisées et plus éparpillées géographiquement que le CNDP, ont eu moins de prétentions au contrôle administratif, mais elles ont cependant exercé leur domination politique dans des parties substantielles du Nord-Kivu. Elles ont cherché à tirer profit de l’exploitation des ressources locales, taxant le commerce et extorquant des marchandises aux Congolais vivant à proximité de leurs bases.

Le combat pour le Nord-Kivu a été aggravé par des hostilités ethniques, Nkunda et son mouvement étant identifiés aux Tutsis, tandis que beaucoup d’autres habitants du Nord-Kivu, ainsi que la plupart des combattants des FDLR, étaient Hutus. Aussi bien les Tutsis que les Hutus se souvenaient des discriminations et des violences antérieures contre les membres de leur groupe ethnique, au Congo et dans les pays voisins au Rwanda et au Burundi. Les deux groupes exprimaient la nécessité de se protéger l’un de l’autre. 

Le Rwanda, une force majeure dans l’Est du Congo, a régulièrement exprimé son soutien à Nkunda, disant qu’il jouait un rôle vital dans la protection des Tutsis au Nord-Kivu. A l’occasion, certains fonctionnaires rwandais ont autorisé Nkunda à recruter de nouveaux combattants, y compris des enfants, au Rwanda même.

De nouveaux combats, qu’ils impliquent deux parties ou toutes les trois, ne peuvent que générer de nouveaux crimes contre les civils. Une action politique est à mener de toute urgence pour résoudre les problèmes fondamentaux que sont la protection de tous les citoyens congolais, et la justice rendue pour tous les crimes effroyables du passé.  Il est clair qu’à défaut d’une volonté politique permettant de traiter ces problèmes cruciaux, ce sont les populations du Nord-Kivu qui souffriront le plus.