Rapports de Human Rights Watch

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La voie du progrès

Comprendre et engager des contacts ne signifie pas faire marche arrière vers une attitude plus conventionnelle et consensuelle. Confrontée à une affirmation croissante de la religion dans la vie privée, au pouvoir politique accru des religions et à la montée du conservatisme religieux, la communauté des droits humains doit faire entendre un message clair et une voix distinctive. Pour paraphraser Edward Saïd, elle doit être “quelqu'un dont le rôle est de poser publiquement des questions embarrassantes, de défier l'orthodoxie et le dogme (plutôt que de les produire) et dont la raison d'être est de représenter toutes les personnes et toutes les questions qui sont régulièrement oubliées ou sur lesquelles on tire le rideau.”41

Il y a encore une place pour la convergence et les coalitions entre communautés religieuses et des droits humains. C'est déjà une réalité en ce qui concerne certaines libertés et droits fondamentaux: la plupart des groupes religieux et des associations laïques de défense des droits humains se sont unis pour combattre les crimes de haine et la discrimination à l'égard des musulmans suite aux attentats du 11 septembre et au début de la guerre contre le terrorisme qui s'est ensuivie. La plupart ont réaffirmé le devoir absolu de protéger les civils dans les conflits armés.

Ces alliances ne devraient pas être sacrifiées sommairement. En signe de reconnaissance de l'importance que revêt la conscience religieuse pour beaucoup de personnes, le mouvement des droits humains devrait en faire plus pour défendre la liberté religieuse. C'est dans cet esprit que Human Rights Watch défend les droits fondamentaux des musulmans indépendants d'Ouzbékistan, des chrétiens d'Irak, des juifs d'Iran, des témoins de Jéhovah de Géorgie et des Mennonites du Vietnam. Cet engagement devrait inclure la défense des droits des “fondamentalistes,” notamment ceux qui menaceraient les conceptions libérales des droits s'ils étaient au pouvoir, aussi longtemps qu'ils ne s'attaquent pas physiquement aux non-croyants ou qu'ils ne bafouent pas les droits de ces derniers d'une autre façon.

Toutefois, le mouvement des droits humains ne devrait pas sacrifier ses principes et objectifs les plus chers pour préserver ses bonnes relations avec les communautés religieuses. Les défenseurs des droits humains ne devraient pas se dérober et ils devraient tout particulièrement insister sur le besoin de faire la distinction entre morale religieuse privée et politique publique motivée par la religion et profanatrice des droits. L'expression publique et la mobilisation politique des groupes religieux ou des adeptes d'une religion sur des questions de droits sont légitimes. Lorsque la morale religieuse privée s'impose à la société et menace de modifier la politique publique au détriment des droits, le mouvement des droits humains doit alors protester et fixer une limite.




[41] Edward Said, Representations of the Intellectual (New York: Pantheon Books, 1994), p. 11.


<<précédente  |  indexJanuary 2005