Rapports de Human Rights Watch

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L'Union européenne

Alors que la crédibilité américaine dans le domaine des droits humains est en déclin, il faut de toute urgence que le rôle de leader soit assumer par d'autres. L'Union européenne semble être un candidat évident mais son attitude a été inconsistante, c'est le moins que l'on puisse dire. Au niveau officiel, l'U.E. appuie l'idée d'un ordre fondé sur des règles, faisant valoir que “l'instauration de l'Etat de droit et la protection des droits humains sont les meilleurs moyens de renforcer l'ordre international.” Elle a également affirmé à maintes reprises que toutes les mesures contre le terrorisme devaient respecter pleinement le droit international humanitaire et des droits de l'homme. Et elle a agi en partisan acharné du système international de justice naissant.

Pourtant, les gouvernements européens eux-mêmes se sont montrés disposés à violer les normes fondamentales des droits humains—même celles se référant à la torture. La Suède, par exemple, a envoyé deux terroristes présumés en Egypte, un pays connu pour son recours systématique à la torture. Stockholm a tenté de se réfugier derrière les garanties diplomatiques vaporeuses du Caire selon lesquelles les hommes ne seraient pas maltraités mais, comme il fallait s'y attendre, ces promesses ont été ignorées. L'Allemagne, les Pays-Bas, l'Autriche et le Royaume-Uni ont également renvoyé ou tenté de renvoyer des terroristes présumés ou des personnes arrêtées pour des raisons de sécurité dans des endroits où ils risquaient d'être torturés. Le Royaume-Uni a refusé de ne pas se servir des informations arrachées sous la torture lors des procès; pour sa défense, il invoque comme piètre argument qu'il n'a pas commandité lui-même les actes de torture mais qu'il a simplement profité passivement des résultats de ces actes, alors que les relations qu'il continue à entretenir avec ses partenaires des services de renseignements ne font qu'encourager de nouveaux actes de torture.

Une érosion similaire des normes des droits de l'homme liée à la lutte contre le terrorisme est perceptible dans les pratiques de détention de certains membres de l'U.E. Le gouvernement britannique a suspendu des obligations fondamentales en matière de droits humains pour pouvoir garder indéfiniment en détention, sans chef d'inculpation ni procès, des ressortissants étrangers soupçonnés d'activité terroriste. En Espagne, les terroristes présumés peuvent être véritablement tenus au secret pendant treize jours, sans possibilité de consulter un avocat en privé. La France revendique le droit de pouvoir détenir pendant une période allant jusqu'à trois ans, sans aucune inculpation, les ressortissants français libérés de Guantanamo.

Ces pratiques abusives compromettent la capacité de l'Union européenne à assumer le leadership abandonné par les Etats-Unis lorsqu'ils ont adopté la méthode de l'interrogatoire coercitif. Au moment où il conviendrait de prendre ses distances par rapport aux pratiques américaines peu judicieuses, l'Union européenne semble avoir opté pour l'émulation. Un réengagement clair envers les principes des droits humains est nécessaire et urgent si l'Union européenne veut servir de contrepoids efficace à l'influence insidieuse qu'exerce Washington sur les normes des droits de l'homme.


<<précédente  |  index  |  suivant>>January 2005