Previous PageTable Of ContentsNext Page

Mettre un terme à la fuite des Rwandais vers l'étranger

Les responsables gouvernementaux et les dirigeants du FPR font état depuis longtemps de leur déplaisir face au phénomène de fuite vers l'étranger de nombreux rwandais, particulièrement lorsque ceux qui prennent le chemin de l'exil sont des hommes politiques importants, des journalistes, des soldats ou d'anciens soldats. Des agents des services secrets et d'autres institutions ont ainsi exercé diverses pressions sur les familles et amis des exilés, tant au Rwanda qu'à l'étranger, dans le but d'obtenir des informations leur permettant de localiser ceux qui ont fui le pays. Dans certains cas, des personnes suspectées d'avoir aidé des rwandais à fuir ont été menacées, harcelées ou emprisonnées. Une femme dont le frère a quitté le pays sans qu'elle ne soit au courant de ses plans, a été la cible de divers actes de harcèlement -fenêtres brisées, cambriolages-, et s'est vu refuser l'aide de la police lorsqu'elle les informa de ces faits. Une autre femme qui, sans le savoir, a aidé une amie à préparer son départ, fut à plusieurs reprises menacée par téléphone et suivie par de jeunes voyous. Elle finit par quitter, elle aussi, le pays. Après le départ de Sebarenzi, son frère fut arrêté et détenu pendant une journée.30

L'un de ces cas est devenu célèbre, en partie parce que la personne concernée, Daniel Ngenzi, accusé d'avoir facilité la fuite de certains rwandais à l'étranger, est un homme d'affaires tutsi particulièrement respecté à Kigali. Dans la matinée du 31 août 1999, le Capitaine Fred Muhire du DMI a rendu visite à Ngenzi, dans ses bureaux du centre de Kigali. Ngenzi, absent au moment de l'arrivée de Muhire, fut appelé par un de ses employés. Après une brève conversation privée entre les deux hommes, Ngenzi partit en compagnie de Muhire et "disparut". Pendant un certain temps, personne ne fut capable de localiser Ngenzi. Un membre de sa famille apprit ensuite qu'il était détenu au DMI. Lorsque des membres de Human Rights Watch se rendirent au DMI, le 7 octobre 1999, afin de récolter des informations sur l'affaire , ils furent reçus par le Capitaine Muhire lui-même, qui affirma ne rien savoir de l'arrestation de Ngenzi et ignorer où celui-ci était détenu. Il promit cependant de s'informer et, le lendemain, appela Human Rights Watch pour annoncer qu'il avait localisé Ngenzi et qu'effectivement celui-ci était détenu au DMI.

Il semble que Ngenzi ait été arrêté pour avoir conduit un jeune soldat jusqu'à un aéroport situé au Burundi, d'où celui-ci prit un avion pour le Canada, pays où il devait suivre des études. Ngenzi fut également inculpé d'avoir aidé l'an dernier un autre jeune homme, un ancien soldat, à préparer sa fuite.

Suite aux interventions de Human Rights Watch, de la Commission Nationale des Droits de l'Homme et de plusieurs amis haut placés de Ngenzi, il fut transféré du DMI à une prison militaire, et son dossier est aujourd'hui entre les mains de la justice militaire. Selon le droit rwandais, les tribunaux militaires peuvent juger des civils accusés de trahison ou de crimes similaires. Ngenzi a été traduit en justice à la fin du mois d'octobre 1999 et placé en détention pour une durée d'un mois. Bien que ce délai soit aujourd'hui largement dépassé, il est toujours en prison, sept mois après son arrestation, et pourrait être accusé d'avoir recruté des soldats pour l'armée du roi.31

Le 10 mars 2000, les dirigeants du parti ont rencontré le Général Kagame afin de lui suggérer des méthodes susceptibles de mettre un terme à la fuite des rwandais. Le 15 mars, Radio Rwanda annonçait que le gouvernement avait "pris des mesures" pour empêcher les rwandais de quitter le pays.32

30 Interviews réalisées par Human Rights Watch, Kigali, 12 juin et 3 juillet 1999, 11 février 2000; interview téléphonique réalisée par Human Rights Watch le 26 février 2000.

31 Interviews réalisées par Human Rights Watch, Kigali, 7, 14 et 16 octobre 1999, 12 décembre 1999; Mulindi, 18 décembre 1999, 11 février 2000; interview téléphonique, 8 et 10 janvier 2000, 2 et 27 février 2000.

32 Journal radiophonique national en Kinyarwanda, Radio Rwanda, 10 et 15 mars 2000.

Previous PageTable Of ContentsNext Page