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RECOMMANDATIONS


Au Gouvernement Nigérian

Human Rights Watch appelle le gouvernement du Nigéria à:

  • Rendre le pouvoir au Nigéria à un gouvernement civil élu dans les plus brefs délais, et en tout cas, bien avant l'échéance proposée du 1 octobre 1998, et permettre aux observateurs internationaux de contrôler toutes les étapes du programme de transition;
  • Abroger toutes les lois qui suspendent les garanties constitutionnelles des droits de l'homme fondamentaux; qui permettent une détention indéfinie sans chef d'accusation; qui prévoient la création de tribunaux militaires ou spéciaux pour juger des civils qui sont présumés avoir commis des délits pénaux ordinaires; qui empêchent les tribunaux compétents de juger de la légalité d'un acte de l'éxécutif; ou qui transforment en délit le fait de critiquer le gouvernement, le chef d'état du Nigéria ou sa politique;
  • Restaurer les droits des citoyens nigérians à la liberté d'expression, de réunion et d'association, et mettre fin aux harcèlements à l'encontre des opposants politiques, des journalistes, des étudiants, des syndicalistes et de tous les autres dont les efforts pour obtenir un changement dans la politique gouvernementale par des moyens pacifiques se voient entravés;
  • Libérer immédiatement et sans condition, ou libérer sous caution, inculper de délits pénaux reconnus et juger dans le plus court délai devant un tribunal régulier qui respecte les normes internationales en matière d'équité, toutes les personnes détenues arbitrairement, notamment mais pas exclusivement: le Chef Moshood K.O. Abiola; les personnes détenues en vertu du Décret No. 2 de 1984 sur la Sûreté de l'Etat (Détention de Personnes); celles reconnues coupables en 1995 d'avoir participé à un prétendu coup d'état; et les Ogoni en détention préventive qui sont accusés des mêmes faits que ceux pour lesquels Ken Saro-Wiwa et ses co-accusés avaient été reconnus coupables par un tribunal spécial;
  • Prendre des mesures immédiates en vue de l'abolition de la peine de mort et mettre fin à l'usage de la torture, des exécutions arbitraires et autres violations des droits de l'homme par les forces de sécurité sur tout le territoire nigérian;
  • Rétablir l'indépendance du système judiciaire en instituant des procédures de nomination et de révocation qui ne demandent pas la participation de l'exécutif, en donnant au pouvoir judiciaire une autonomie financière, en mettant fin aux tracasseries dont sont victimes les juges qui prennent des décisions contre le gouvernement, et en obéissant aux décisons de justice;
  • Veiller à ce que les conditions de détention et d'emprisonnement soient pleinement conformes aux normes internationales et obéir à toutes les décisions de justice ordonnant que des personnes en détention préventive soient libérées, traduites devant un tribunal, autorisées à recevoir des visiteurs, aient accès à un avocat ou un médecin privé, soient emmenées à l'hôpital lorsqu'un médecin de la prison ou un médecin privé le recommande, ou encore soient autorisées à avoir de la lecture;
  • Organiser une procédure pour verser des indemnités aux familles des personnes exécutées le 10 novembre 1995, en vertu des recommandations émises en mai 1996 par la mission d'enquête envoyée par le secrétaire général de l'ONU;
  • Fixer des dates précises pour les missions d'enquête au Nigéria, dans des conditions qui permettent un examen complet de la situation des droits de l'homme par les Rapporteurs Spéciaux de l'ONU sur les Exécutions Extrajudiciaires et sur l'Indépendance des Juges et des Avocats, par le Groupe d'Action Ministériel du Commonwealth et par la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples;
  • Ouvrir une instruction judiciaire indépendante sur les actions des forces de sécurité dans les zones de production de pétrole, publier les résultats de cette enquête, entamer des poursuites contre les présumés responsables des violations des droits de l'homme et veiller à ce que les droits des minorités du Nigéria soient respectées, conformément à l'Article 27 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques.

A la Communauté Internationale

Human Rights Watch appelle la communauté internationale à presser le gouvernement nigérian à appliquer les recommandations énoncées ci-dessus en maintenant les sanctions existantes et en mettant en oeuvre d'autres mesures, à la fois unilatéralement et par le biais d'institutions multilatérales. Plus particulièrement:


Human Rights Watch appelle le Commonwealth et ses Etats Membres à:

  • Maintenir la suspension du Nigéria du Commonwealth jusqu'à ce qu'un gouvernement civil élu soit installé au pouvoir et que plus aucun membre de l'armée ne soit encore engagé publiquement dans la politique, conformément à la Déclaration d'Harare;
  • Appliquer les sanctions recommandées dans la déclaration du Groupe d'Action Ministériel du Commonwealth (GAMC) le 23 avril 1996;
  • Publier l'étude réalisée par le Secrétariat du Commonwealth et présentée au GAMC en avril 1996 relative aux nouvelles sanctions qui pourraient être appliquées contre le Nigéria;
  • Insister auprès du gouvernement nigérian pour qu'il autorise une mission d'enquête du GAMC pour examiner en détail tous les aspects des droits de l'homme au Nigéria, et en particulier, les progrès ou le manque de progrès réalisés pour installer au pouvoir un gouvernement civil élu;
  • Appliquer de nouvelles sanctions en plus de celles décidées en avril 1996, notamment un gel des avoirs que possèdent les membres des forces armées et de sécurité nigérianes, du Conseil de Gouvernement Provisoire, du Conseil Exécutif Fédéral et leurs familles dans des pays du Commonwealth;
  • Appuyer les efforts des groupements nigérians militant pour les droits de l'homme et la démocratie, à la fois en leur apportant une aide technique et financière et en publiant des déclarations condamnant les violations des droits de l'homme.

Human Rights Watch appelle l'Union Européenne et ses Etats Membres à:

  • Rendre public le rapport préparé pour le Conseil européen et la Commission européenne sur l'efficacité des mesures prises par l'Union européenne en ce qui concerne ses relations avec le Nigéria, et mettre en place des mécanismes d'information et de contrôle pour s'assurer que les sanctions actuellement en vigueur contre le Nigéria, en particulier les restrictions en matière de visas à l'encontre des membres du gouvernement et l'embargo sur les armes, sont respectées par les Etats membres de l'Union européenne;
  • Imposer un embargo total sur les exportations d'armes de l'Union européenne vers le Nigéria, y compris les exportations liées à des contrats passés avant l'entrée en vigueur de l'embargo actuel, et entreprendre un examen au cas par cas, avec présomption de refus, des contrats relatifs à tout équipement "à double usage" qui peut être utilisé à la fois à des fins militaires/de sécurité et à des fins civiles;
  • Prendre des mesures pour geler les avoirs financiers des membres du Conseil de Gouvernement Provisoire et du Conseil Exécutif Fédéral et de leurs familles, ainsi que des membres des forces armées et de sécurité nigérianes, en attendant le retour au pouvoir d'un gouvernement civil au Nigéria;
  • Financer et publier des études réalisées par des experts indépendants sur l'efficacité probable d'un embargo multilatéral sur le pétrole ou de mesures similaires visant le retrait de l'armée nigériane du gouvernement et le retour au pouvoir d'un gouvernement civil au Nigéria;
  • Financer et publier des études réalisées par des experts indépendants sur l'impact des activités des compagnies pétrolières dans le Delta du Niger, et élaborer des codes de conduite pour veiller à ce que les compagnies dont le siège se trouve dans les Etats membres de l'Union européenne et qui opèrent au Nigéria respectent et soutiennent les normes internationales des droits de l'homme, notamment celles concernant la liberté d'association, la liberté d'expression et la législation du travail;
  • Appuyer les efforts des groupements nigérians militant pour les droits de l'homme et la démocratie, à la fois en leur apportant une aide financière et en publiant des déclarations condamnant les violations des droits de l'homme.

Parmi les Etats européens, Human Rights Watch appelle tout spécialement le Royaume-Uni à utiliser au maximum l'influence qu'il a auprès du gouvernement nigérian en raison de leurs liens commerciaux et politiques étroits; en particulier en dénonçant publiquement les violations des droits de l'homme en tous genres, en exerçant des pressions sur le gouvernement nigérian pour qu'il rende le pouvoir à un gouvernement civil, et en prenant l'initiative dans les forums multilatéraux de demander l'imposition de nouvelles sanctions contre le Nigéria en attendant la fin du gouvernement militaire.


Human Rights Watch appelle les Nations Unies et ses Etats membres à:

  • Presser le gouvernement nigérian à autoriser les missions des Rapporteurs Spéciaux thématiques des Nations Unies sur l'indépendance des Juges et des Avocats et sur les Exécutions Extrajudiciaires, Sommaires ou Arbitraires.

Human Rights Watch appelle tout particulièrement:

  • Le Haut Commissariat des Droits de l'Homme de l'ONU à examiner et publier un rapport sur la situation actuelle des droits de l'homme au Nigéria, en faisant spécialement allusion au rôle des militaires dans la politique et aux progrès opérés sur le plan du rétablissement au pouvoir d'un gouvernement civil;
  • La Commission des Droits de l'Homme de l'ONU à nommer un Rapporteur Spécial sur le Nigéria lors de la prochaine session de la Commission qui se tiendra à Genève en 1997;
  • Le Conseil de Sécurité des Nations Unies à imposer des sanctions contre le Nigéria, en attendant le retour au pouvoir d'un gouvernement civil, notamment un embargo total sur les armes, des restrictions en matière de visas et le gel des avoirs que possèdent dans d'autres pays les membres des forces armées ou de sécurité nigérianes ou les membres du Conseil de Gouvernement Provisoire ou du Conseil Exécutif Fédéral et leurs familles.

Human Rights Watch appelle l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA) et ses Etats membres à:

  • Presser le gouvernement nigérian à accepter une mission d'enquête de la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples;
  • Introduire des restrictions en matière de visas et un gel des avoirs que possèdent les membres des forces armées et de sécurité nigérianes, les membres du Conseil de Gouvernement Provisoire et du Conseil Exécutif Fédéral et leurs familles;
  • Nommer une équipe pour contrôler le programme de transition nigérian et exercer des pressions sur le gouvernement nigérian afin qu'il permette à cette équipe d'avoir accès aux informations utiles au Nigéria et de pouvoir rencontrer les membres haut placés du gouvernement militaire;

Parmi les Etats africains, Human Rights Watch appelle en particulier l'Afrique du Sud à montrer l'exemple en pressant le gouvernement nigérian à rendre rapidement le pouvoir à un gouvernement civil.


Human Rights Watch appelle la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples à insister avec vigueur auprès du gouvernement nigérian pour qu'il accepte qu'une mission d'enquête de la Commission Africaine étudie les violations de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples commises au Nigéria, envoyer cette mission le plus rapidement possible, et publier pour la première session de la Commission en 1997 - que des visas soient ou non accordés aux membres de la Commission pour cette mission - un rapport public, détaillé et écrit sur la situation des droits de l'homme au Nigéria, incluant des recommandations pour le retour au pouvoir d'un gouvernement civil au Nigéria.


Human Rights Watch appelle les Etats-Unis à:

  • Prendre des mesures pour geler les avoirs que possèdent aux Etats-Unis les membres du Conseil du Gouvernement Provisoire et du Conseil Exécutif National contre lesquels des restrictions en matière de visas sont en vigueur;
  • Introduire de nouvelles mesures contre le Nigéria, notamment un embargo sur les armes, au niveau du Conseil de Sécurité et dans d'autres instances internationales, en attendant le retour au pouvoir d'un gouvernement civil au Nigéria.

Human Rights Watch appelle Shell et les autres compagnies multinationales opérant au Nigéria, en particulier dans le domaine de l'exploration et de la production pétrolières, à:

  • Condamner publiquement et en privé les cas individuels et les pratiques généralisées de violations des droits de l'homme commises par les forces de sécurité nigérianes dans les zones où leurs compagnies opèrent, notamment la détention et le harcèlement des personnes qui protestent contre les activités des compagnies pétrolières;
  • Appeler le gouvernement nigérian à ouvrir une enquête publique indépendante sur les actions des forces de sécurité dans les zones de production de pétrole et à entamer des poursuites contre les présumés responsables d'actes de violence;
  • Charger de hauts responsables de la compagnie de contrôler l'usage de la force par les militaires nigérians dans les zones de production pétrolière, dénoncer publiquement l'usage injustifié ou excessif de la force et demander instamment au gouvernement nigérian d'exercer un contrôle convenable sur les actions des forces de sécurité;
  • Demander instamment au gouvernement nigérian de respecter les droits à la liberté de réunion et d'expression, particulièrement le droit de formuler des plaintes contre l'industrie pétrolière;
  • Appeler publiquement et en privé le gouvernement nigérian à libérer sans condition tous les prisonniers politiques, qu'ils soient détenus sans inculpation ou qu'ils aient été reconnus coupables au cours de procès qui n'ont pas respecté les normes internationales relatives aux procédures légales, en particulier les Ogoni qui doivent encore comparaître devant un Tribunal Spécial chargé des Troubles Sociaux et tous les autres Ogoni détenus sans chef d'accusation;
  • Appeler le gouvernement nigérian à autoriser la liberté d'association et la protection du droit de s'organiser conformément à la Convention 87 de l'Organisation Internationale du Travail (OIT), et à libérer les militants syndicaux emprisonnés.

Human Rights Watch appelle expressément Shell à:

  • Clarifier si Shell a actuellement entrepris des négociations en vue de l'achat d'armes pour la police nigériane et s'engager à ne pas effectuer ce type d'achats ni maintenant ni dans le futur;
  • Clarifier le rôle et les responsabilités des "policiers-vigiles" qui protègent les installations de Shell et en particulier les instructions qu'ils ont reçues concernant l'usage de leurs armes;
  • Clarifier le rôle, les responsabilités et le nombre de gardiens employés par la Shell elle-même, qu'ils soient armés ou non, et les instructions qu'ils ont reçues concernant l'usage d'armes;
  • Faire explicitement référence à la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme dans ses Principes Commerciaux Généraux, condamner publiquement et en privé les cas individuels de violations de la Déclaration, et s'assurer que la direction nigériane de Shell est consciente des implications du soutien aux normes internationales des droits de l'homme.

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