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IV. OBLIGATIONS DE LA COTE D'IVOIRE EN VERTU DU DROIT INTERNATIONAL

Les actes de violence perpétrés par les forces de sécurité de l'Etat ivoirien durant les périodes électorales d'octobre et de décembre 2000 ont violé les dispositions des conventions et traités internationaux relatifs aux droits de l'homme ratifiés par la Côte d'Ivoire, notamment la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (CAT)4, la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (CERD)5, la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW)6 et la Convention internationale sur les droits civils et politiques (ICCPR)7.

La brutalité des méthodes utilisées par les forces de sécurité, la torture et les mauvais traitements infligés à des centaines de détenus au cours des violences pendant les élections, y compris les abus sexuels d'hommes et de femmes, enfreignent clairement la Convention contre la torture, ratifiée en 1995 par la Côte d'Ivoire. L'article 2 de la Convention précise que "aucune circonstance exceptionnelle quelle qu'elle soit, qu'il s'agisse de l'état de guerre ou de menace de guerre, d'instabilité politique intérieure ou de toute autre état d'exception, ne peut être invoquée pour justifier la torture ". L'imposition d'un état d'urgence, comme celui qui a été invoqué par la Côte d'Ivoire le 4 décembre 2000, avant les élections législatives, ne peut pas, selon cet article, justifier une quelconque utilisation de la torture et "un ordre d'un officier supérieur ou d'une autorité publique " n'est pas recevable pour justifier de la torture. L'article 4 de la convention établit que les Etats signataires doivent mettre hors la loi tout acte de torture dans leurs législations nationales et introduire l'obligation pour les Etats signataires de poursuivre en justice les auteurs de la torture, et de prendre des mesures législatives, administratives, judiciaires ou autres, comme l'éducation, visant la prévention de la torture. De plus, l'article 14 précise que les Etats signataires doivent garantir que les victimes puissent obtenir réparation et aient droit à un dédommagement, y compris la réhabilitation.

Durant les élections de 2000, le gouvernement ivoirien a incité à la haine et la peur, et a exploité les divisions ethniques et religieuses à des fins politiques. Les forces de sécurité d'état, qui ont été employées par le gouvernement pour réprimer l'opposition politique, ont commis des centaines de violations à l'égard des membres d'ethnies minoritaires, des étrangers et des musulmans en général, y compris des exécutions extrajudiciaires, des viols et des détentions illégales. Ces actes enfreignaient de manière flagrante les obligations du gouvernement ivoirien en vertu de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination (CERD), ratifiée par la Côte d'Ivoire en 1973.

En tant que signataire de la CERD, le gouvernement ivoirien est obligé, en vertu de l'article 2, de "condamner la discrimination raciale et d'entreprendre de poursuivre par tous les moyens appropriés et sans délai une politique d'élimination de la discrimination raciale sous toutes ses formes ". De plus, chaque Etat signataire entreprend de "ne s'engager dans aucun acte ni aucune pratique de discrimination raciale contre des personnes, groupes de personnes ou institutions et de s'assurer que toutes les autorités publiques et institutions publiques, nationales et locales, agissent conformément à cette obligation." En outre, les Etats signataires s'engagent à "ne pas promouvoir, défendre ou soutenir la discrimination raciale par tout individu ou toute organisation quelconque."8

En vertu de l'article 6 de la CERD, le gouvernement ivoirien est obligé "d'adopter des mesures immédiates et efficaces, particulièrement dans les domaines de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et de l'information, dans le but de lutter contre les préjugés qui mènent à la discrimination raciale et à promouvoir la compréhension, la tolérance et l'amitié entre nations et ethnies ou races ". Au lieu de cibler des individus et de les persécuter pour cause de nationalité, d'ethnie ou de religion, comme c'était le cas durant la période des élections, le gouvernement ivoirien, en vertu de l'article 5, est obligé d'entreprendre d'éliminer toutes les formes de discrimination et de garantir l'égalité devant la loi, sans distinction d'origine ethnique ou de nationalité. Ceci inclut le respect du traitement égal devant les tribunaux, le droit à la sécurité des personnes et la protection par l'Etat contre la violence ou les blessures. En opposition à l'utilisation de médias contrôlés par l'Etat pour promouvoir la division ethnique et les soupçons, l'article 4 oblige tous les Etats signataires à condamner toute la propagande basée sur des idées de supériorité d'une race ou d'une ethnie.

A travers sa ratification de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW) en 1995, la Côte d'Ivoire a assumé l'obligation de protéger les femmes de la violence sexuelle et de toutes autres formes de violence contre les femmes perpétrées par des agents de l'Etat aussi bien que par des personnes privées. Bien que la convention n'ait pas explicitement abordé le problème de la violence contre les femmes, comme le viol, une interprétation par le Comité des Nations Unies sur l'élimination de la discrimination contre les femmes (Comité CEDAW), en 1992, interprétation qui fait autorité, a établi que "la violence contre les femmes est une forme de discrimination qui nuit gravement à la capacité des femmes à jouir des droits et des libertés sur une base d'égalité avec les hommes ".9

La Convention internationale sur les droits civils et politiques (ICCPR) est le statut international le plus exhaustif sur les droits de l'homme ratifié par la Côte d'Ivoire. La Côte d'Ivoire a ratifié la ICCPR en 1992. Tous les Etats signataires entreprennent de se porter garants d'un large respect des droits de l'homme fondamentaux; nombre de ces droits ont été enfreints pendant les élections. Les dizaines d'exécutions extrajudiciaires perpétrées par les forces de sécurité enfreignaient clairement le droit inhérent à la vie, garanti en vertu de l'article 6, qui précise que "ce droit sera protégé par la loi. Personne ne sera arbitrairement éliminé ". La détention illégale de centaines de personnes, privées de leur liberté purement et explicitement pour cause de leur religion, de leur ethnie ou de leur nationalité, enfreignait clairement l'article 9 de la ICCPR qui affirme que "personne ne fera l'objet d'une arrestation ou d'une détention arbitraire ". Les obligations générales de garanties d'une procédure régulière sont énoncées dans les articles 9, 14 et 15, y compris le droit d'être informé des motifs de l'arrestation, d'être rapidement présenté devant un tribunal, et d'être représenté par un avocat. Tous les Etats signataires ont l'obligation de garantir que "toutes les personnes privées de leur liberté seront traitées avec humanité et avec le respect dû à la dignité inhérente à la personne humaine ". Le traitement inhumain auquel des centaines de détenus ont été soumis durant la période des élections enfreignait clairement l'article 7, qui énonce que "personne ne sera soumis à la torture ou à une peine ou un traitement cruel, inhumain ou dégradant ". En vertu de l'article 9, les Etats signataires conviennent que toutes les victimes d'une arrestation ou d'une détention illégale "auront un droit à réparation ".

Bien qu'elle n'ait pas force de loi, la Déclaration sur la protection de toutes les personnes à l'égard de la disparition forcée, passée par l'Assemblée générale des Nations Unies en 1982, affirme la gravité de l'acte de "disparition ". La déclaration engage les états à empêcher la pratique de la disparition forcée, à mener des enquêtes sur les allégations de "disparition " et à punir les responsables. L'article 5 définit tous les actes de disparitions forcées comme des infractions pénales et rend les autorités d'état qui les "organisent, y consentent ou tolèrent " responsables en vertu de la loi. Les articles 6 et 7 éclaircissent qu'aucun ordre civil, public ou militaire ou menace de guerre, instabilité politique intérieure ou urgence publique ne peut être invoquée pour justifier la disparition forcée. L'article 10 engage les Etats à détenir tous les détenus dans des lieux de détention officiellement reconnus, à garder des informations précises sur eux y compris leurs lieux de détention et transferts, et de mettre ces informations à la disposition des membres de leurs familles et de leurs avocats. Finalement, l'article 13 explique les principes visant à garantir qu'une enquête sur les plaintes de disparitions forcées sera menée par une autorité d'état indépendante.

Les principes garantis par la prévention efficace et les enquêtes sur les exécutions extrajudiciaires, arbitraires et sommaires, adoptée par le Conseil économique et social des Nations unies en 198910, établissent d'importants principes non seulement sur la prévention et la protection des victimes potentielles mais également sur la manière dont une enquête sur une allégation devra être menée. Bien que les principes n'aient pas force de loi, ils donnent aux Etats des conseils faisant autorité sur la manière de s'occuper du phénomène des exécutions extrajudiciaires, arbitraires et sommaires. L'article 1 établit que les exécutions extrajudiciaires, arbitraires et sommaires sont des infractions passibles de la loi, indépendamment d'un état de guerre ou d'une instabilité politique. Dans l'article 2, les Etats s'engagent en principe à empêcher ces exécutions en garantissant, en partie "un contrôle rigoureux, y compris une chaîne de commandement transparente, de tous les officiels responsables de l'arrestation, de la détention, de la garde et de l'emprisonnement ainsi que de tous ces officiels autorisés par la loi à utiliser la force et des armes à feu ". Lorsque des membres de la famille ou autres organismes crédibles rapportent des cas d'exécutions présumées extrajudiciaires, les gouvernements s'engagent à mener une enquête approfondie, rapide et impartiale sur les cas soupçonnés, en respectant les principes établis dans les articles 9-17. L'article 18 engage les gouvernements à garantir que ceux qui ont été identifiés par une enquête comme ayant participé à des exécutions extrajudiciaires, arbitraires ou sommaires, seront traduits en justice, et l'article 19 affirme que dans aucune circonstance, y compris un état de guerre, de siège ou une urgence publique, ne sera accordée une immunité des poursuites de caractère général.

4     Adoptée et ouverte pour signature, ratification et adhésion par la résolution de l'Assemblée générale des Nations unies 39/46 du 10 décembre 1984. Entrée en vigueur le 26 juin 1987, conformément à l'article 27 (1). La Côte d'Ivoire a ratifié la CAT le 18 décembre 1995.

5     Adoptée et ouverte à la signature, la ratification et l'adhésion par la résolution 2106 A (XX) de l'Assemblée générale des Nations Unies, le 21 décembre 1965. Entrée en vigueur le 4 janvier 1969 conformément à l'article 19. La Côte d'Ivoire a ratifié la CERD le 4 janvier 1973.

6     Adoptée et ouverte à la signature, la ratification et l'adhésion par la résolution 34/180 de l'Assemblée générale des Nations Unies, le 18 décembre 1979. Entrée en vigueur le 3 septembre 1981 conformément à l'article 27(1). La Côte d'Ivoire a ratifié la CEDAW le 20 décembre 1995.

7     Adoptée et ouverte à la signature, la ratification et l'adhésion par la résolution 2200 A (XXI) de l'Assemblée générale des Nations Unies, le 16 décembre 1966. Entrée en vigueur le 23 mars 1976 conformément à l'article 49. La Côte d'Ivoire a ratifié la ICCPR le 26 mars 1992.

8     CERD, Article 2.

9     Nations unies, Comité sur l'élimination de la discrimination envers les femmes, "Violence contre les femmes", Recommandation générale No 19 (onzième session, 1992), CEDAW/C 1992/L.1/Add.15, para. 1.

10     Prévention efficace et enquêtes sur les exécutions extrajudiciaires, arbitraires et sommaires 1989/65, 15ème Réunion plénière, 24 mai 1989.

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