Human Rights Watch

Les Commissions gouvernementales des droits de l'homme en Afrique : Protecteurs ou Pretendus Protecteurs?
Le Role de la Communauté Internationale








Présentation Générale

Résumé

Normes Iinternationales: les Principes de Paris

Facteurs Importants

Etat des Lieux

Contributions Innovatrices et Positives des Commissions

Les Iniatives Régionales

Le Role de la Communauté Internationale

Conclusion

Recommandations

Abréviations

Remerciements





    Le Role de la Communauté Internationale


    Le Haut Commissariat de l'ONU aux Droits de l'Homme Les institutions nationales des droits de l'homme font partie des priorités majeures du Haut Commissariat aux Droits de l'Homme. Cela inquiète déjà en soi certains critiques du système onusien des droits de l'homme qui estiment qu'il s'engage trop rapidement dans l'éducation aux droits de l'homme et dans la « coopération technique » aux dépens d'une analyse critique. D'autres défenseurs des droits de l'homme sont sérieusement préoccupés par le fait que cette orientation politique du Haut Commissariat ait évolué ainsi tout naturellement - ce qui témoigne du dévouement, de l'énergie et du dur labeur du conseiller spécial -, faute d'une réflexion suffisante des décideurs politiques au sein du Haut Commissariat aux Droits de l'Homme qui n'ont pas mis en question le fondement de cette orientation politique. Le Haut Commissariat aux Droits de l'Homme semble avoir pleinement embrassé le principe selon lequel la jouissance effective des droits de l'homme appelle à l'établissement d'une institution nationale des droits de l'homme et il promeut donc activement la création de commissions des droits de l'homme. Cette approche suppose que la création d'une commission des droits de l'homme contribue en soi à la promotion et à la protection des droits de l'homme, principe non fondé comme le démontre le présent rapport. Aucun effort sérieux n'a été consenti pour remettre en question ce principe lors des évaluations internes et aucune discussion politique sérieuse, basée sur les réalisations des institutions nationales des droits de l'homme existantes, n'a eu lieu pour faire le point et se poser la question de savoir si cette orientation politique devait s'étendre, ou même se poursuivre. Au sein du Haut Commissariat aux Droits de l'Homme, il existe deux procédures d'assistance séparées pour les institutions nationales des droits de l'homme, procédures qui ne sont pas intégrées comme elles devraient l'être. L'une est le programme d'assistance technique où, en théorie, le soutien aux institutions nationales des droits de l'homme est intégré à d'autres formes d'assistance. Par ailleurs, depuis 1995, il existe un conseiller spécial sur les institutions nationales, les arrangements régionaux et les stratégies préventives. Ce conseiller spécial est chargé de fournir des avis techniques et une assistance matérielle aux gouvernements qui créent des commissions des droits de l'homme ainsi qu'aux commissions existantes. Ce poste est occupé par Brian Burdekin, un ancien commissaire australien des droits de l'homme. Un peu partout dans le monde, les commissions des droits de l'homme ont bénéficié de l'avis et de l'assistance du conseiller spécial. Le Haut Commissariat aux Droits de l'Homme a été chargé de l'établissement de critères normatifs dans ce domaine. Les Principes de Paris constituent aujourd'hui le point de départ des discussions menées avec les gouvernements à propos des institutions nationales des droits de l'homme. En instituant un ensemble de critères exigeants, l'ONU a placé la barre très haut, et pour les gouvernements qui cherchent une crédibilité internationale, il est devenu difficile de se contenter de créer des institutions nationales des droits de l'homme complètement creuses. Le soutien et les avis apportés aux gouvernements africains ont surtout consisté à encourager les Etats qui envisageaient de mettre sur pied une commission et à leur prodiguer des conseils au cours des étapes initiales. Le Haut Commissariat a été très équitable pour ce qui est de prodiguer des avis techniques, même aux pays ayant des commissions visiblement fragiles. C'est compréhensible et même souhaitable. En Afrique, le conseiller spécial a apporté divers types d'assistance, allant des formations sur les droits de l'homme aux avis circonstanciés sur les propositions de loi, en passant par l'évaluation des besoins et le soutien de l'interaction régionale. Les pays africains qui ont bénéficié de l'expérience du conseiller spécial sont le Burundi, le Cameroun, le Tchad, l'Ethiopie, le Kenya, le Lesotho, le Liberia, le Niger, le Nigeria, Madagascar, le Malawi, Maurice, le Rwanda, le Sénégal, Sierra Leone, l'Afrique du Sud, le Togo, l'Ouganda et la Zambie. Le soutien de l'ONU a également joué un rôle positif en facilitant une interaction régionale et une coordination entre commissions nationales des droits de l'homme. La décision d'avoir un seul poste au sein du Haut Commissariat assigné à la question des institutions nationales des droits de l'homme, plutôt que de l'intégrer au travail des country desk officers (responsables géographiques), est dans un sens une sage décision. Le conseiller spécial a pu acquérir une riche expérience comparative qui constitue un grand avantage quand il s'agit de fournir des avis aux gouvernements. Par contre, le point faible de ce système est qu'il est impossible pour une personne seule de connaître à fond chacun des pays ayant une commission des droits de l'homme. Par conséquent, les avis donnés sont souvent génériques et liés aux Principes de Paris au lieu de se fonder sur une compréhension approfondie de ce qui fonctionnerait le mieux dans le contexte politique et culturel d'un pays déterminé. Une plus grande intégration entre le programme d'assistance technique, les responsables géographiques et le conseiller spécial comblerait cette lacune au sein du Haut Commissariat. Outre une coordination meilleure et plus systématique entre ses différents bureaux, le Haut Commissariat aux Droits de l'Homme a besoin de développer des liens plus solides avec la communauté des ONG des droits de l'homme dans les différents pays lorsqu'elle apporte des avis techniques aux commissions nationales des droits de l'homme. Une plus grande coordination est également requise avec les bailleurs de fonds bilatéraux et avec les autres agences de l'ONU qui ont une interaction avec les commissions des droits de l'homme - comme le PNUD ou les opérations de maintien de la paix, ou encore les opérations politiques ou dans le domaine des droits de l'homme menées sur le terrain - afin de s'assurer que l'aide financière ou autre accordée par l'ONU aux commissions des droits de l'homme est coordonnée, cohérente et constructive. Le Haut Commissariat de l'ONU aux Droits de l'Homme est le mieux placé pour établir ces rapprochements. Un début d'effort a été fait dans ce sens, par exemple un mémorandum d'entente avec le PNUD mais il en faut davantage pour arriver à une coordination et une coopération cohérentes et automatiques. C'est particulièrement vrai pour les pays dont le bilan sur le plan des droits de l'homme est problématique, et c'est le cas de bon nombre de pays africains. Bien que le Haut Commissariat aux Droits de l'Homme joue actuellement un rôle important en encourageant la création de commissions des droits de l'homme, sa contribution pourrait être plus grande encore s'il menait une action plus soutenue pour s'assurer que les commissions des droits de l'homme qu'il aide à créer jouent par la suite un rôle majeur dans la protection et la promotion des droits de l'homme. Les discussions avec les gouvernements et les évaluations des besoins sont axées sur la propagation des normes plutôt que sur une analyse de l'évolution des commissions et de leur contribution à la promotion des droits de l'homme. En particulier, le Haut Commissaire aux Droits de l'Homme s'est montrée extrêmement réservée chaque fois qu'il s'est agi d'exprimer un jugement public sur des commissions des droits de l'homme fragiles ou trop accommodantes - même si elle n'hésite pas, lorsque cela s'avère nécessaire, à s'élever contre des gouvernements qui commettent des exactions. Le Haut Commissariat doit maintenant jouer un rôle plus important en incitant les commissions existantes qui ne répondent pas aux attentes à donner l'exemple, surtout à un moment où ces organes se développent et prolifèrent. Le Haut Commissariat devrait veiller à ne pas paraître accorder une légitimité à des commissions des droits de l'homme fragiles qui excusent les exactions commises par leur gouvernement. Cela ne signifie pas que ces commissions ne doivent pas recevoir de soutien ou d'aide. Il est de toute évidence intéressant de laisser les voies de communication ouvertes et de répondre aux demandes d'aide et de conseils émanant de toutes les commissions des droits de l'homme, en particulier dans les cas où des commissaires en difficulté, se trouvant dans une position de faiblesse ou confrontés à des pressions du gouvernement, font preuve d'une volonté d'en faire plus qu'ils ne peuvent. Certaines commissions des droits de l'homme estiment toutefois que leur rôle est celui d'un porte-parole chargé de défendre la politique répressive du gouvernement ou de nier l'existence d'exactions. Dans de tels cas, le Haut- Commissariat devrait témoigner d'une plus grande volonté de s'élever, publiquement s'il le faut, contre l'action ou l'inertie des commissions dociles qui sape la promotion ou la protection des droits de l'homme. De même, un soutien plus important devrait être accordé aux commissions des droits de l'homme qui peuvent faire valoir un travail crédible et légitime. Par ailleurs, au moment de fournir des avis techniques à un gouvernement ou à des commissions des droits de l'homme, la contribution des ONG des droits de l'homme établies dans le pays devrait être sollicitée plus régulièrement et intégrée au processus. Le Haut Commissariat aux Droits de l'Homme a joué un rôle positif en encourageant l'adoption de textes fondateurs forts aux premières étapes de la création ainsi qu'en promouvant une plus grande interaction régionale entre commissions nationales des droits de l'homme. Le travail du conseiller spécial s'est davantage concentré sur le respect législatif des Principes de Paris au moment de recommander ou de déconseiller la création d'une institution, au lieu de dire si une commission est le moyen le plus efficace de promouvoir les droits de l'homme dans un contexte politique ou culturel particulier. Une approche politique plus nuancée et davantage axée sur la défense des droits de l'homme appuierait et consoliderait les efforts faits par le Haut Commissariat pour veiller à ce que davantage de commissions nationales des droits de l'homme mettent leur potentiel à profit. Les gouvernements bailleurs de fonds et le Programme de Développement des Nations Unies Les pressions des bailleurs de fonds internationaux et le soutien financier octroyé aux commissions des droits de l'homme ont incité les gouvernements africains à créer des commissions des droits de l'homme, en partie pour rassurer les financeurs quant à leur engagement envers les droits de l'homme. Par exemple, les commissions kenyane et zambienne ont été créées peu de temps avant les rencontres de bailleurs de fonds organisées pour discuter d'un renouvellement de l'aide, tributaire des réformes économiques et de la situation des droits de l'homme. Le financement international est de plus en plus mis à la disposition des gouvernements qui annoncent leur intention de créer une commission des droits de l'homme. Aux yeux des bailleurs de fonds, le financement destiné à une initiative liée aux droits de l'homme, telle qu'une commission gouvernementale des droits de l'homme, est attrayant et facilement justifiable, même dans le cas de gouvernements dont le bilan sur le plan des droits de l'homme est sujet à caution. Ce type de contribution est beaucoup moins controversé au plan politique qu'une contribution aux ONG des droits de l'homme et il favorise les relations avec le gouvernement. En Afrique, la plupart des commissions gouvernementales des droits de l'homme sont subsidiées par des gouvernements étrangers et des fondations indépendantes. Alors que les financements semblent être facilement mis à la disposition des gouvernements qui annoncent leur intention de créer une commission des droits de l'homme, il y a nettement moins de travail de suivi et de sensibilisation de la part des gouvernements financeurs pour maintenir la pression sur les gouvernements et leurs commissaires aux droits de l'homme afin qu'ils créent des institutions réellement actives jouissant de la confiance de la population. Souvent, l'assistance internationale ne se fonde pas sur les résultats d'une commission et n'est pas subordonnée à la création d'une commission forte et indépendante. On trouve en Afrique des commissions des droits de l'homme solides qui manquent de ressources financières alors que des commissions plus fragiles ont reçu des financements. Par ailleurs, l'enthousiasme des donateurs pour les commissions nationales des droits de l'homme peut détourner du secteur non gouvernemental des financements déjà limités. Par exemple, en 1999, la Commission européenne a annulé un subside qu'elle avait approuvé pour une ONG tunisienne, la Ligue Tunisienne des Droits de l'Homme, après que le gouvernement tunisien ait soulevé des objections. Pendant ce temps, elle a accordé un subside au Comité Supérieur des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales (pro-gouvernemental). Le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) est également un financeur important. Cette agence travaille en étroite collaboration avec les gouvernements pour promouvoir le développement durable et récemment, elle a commencé à financer certaines commissions des droits de l'homme à travers sa division développement, gestion et gouvernance. En janvier 1998, le PNUD a adopté un document de politique générale en matière des droits de l'homme intitulé « Intégrer les droits de l'homme dans le développement durable », définissant le rôle que le PNUD pouvait jouer dans la promotion et la protection des droits de l'homme dans les limites de ses compétences d'organisation internationale de développement. Ce changement important dans la politique du PNUD a ouvert la voie au financement, par les bureaux du PNUD, des activités des droits de l'homme, domaine que traditionnellement il n'abordait pas. Autre événement important : la signature en mars 1998 d'un mémorandum d'entente avec le Haut Commissariat aux Droits de l'Homme pour accroître la coopération et la collaboration entre les deux agences. L'un des domaines prioritaires du PNUD est le soutien aux institutions gouvernementales, l'accent étant mis sur le renforcement des capacités de ces institutions en matière de droits de l'homme.1 En août 1999, le PNUD subsidiait les institutions nationales des droits de l'homme d'une vingtaine de pays à travers le monde, dont la plupart en Europe de l'Est. Bon nombre de ces projets étaient des activités menées conjointement avec le Haut Commissariat aux Droits de l'Homme2 Au cours des dernières années, au niveau des pays d'Afrique, le PNUD a apporté un soutien aux commissions des droits de l'homme du Bénin, du Kenya, du Malawi, de Mauritanie, du Rwanda, de Sierra Leone et d'Ouganda. Le PNUD est encore en train de se tâter à propos de la meilleure façon de rendre opérationnelle sa nouvelle approche du développement basée sur les droits humains. En ce qui concerne les commissions nationales des droits de l'homme, le financement du PNUD semble se faire un peu au cas par cas, dépendant plus de son représentant dans le pays que d'une initiative globale plus complète qui rendrait l'assistance aux commissions tributaire des activités qu'elles mènent. Résultat : le PNUD a financé quelques-unes des commissions des droits de l'homme les moins crédibles du continent africain et il ne soutient pas toutes les commissions africaines des droits de l'homme qui sont solides ou prometteuses. Une plus grande coordination du PNUD avec le conseiller technique du Haut Commissariat de l'ONU aux Droits de l'Homme pourrait apporter un début de réponse à ce besoin. Mais en définitive, le responsable des droits de l'homme au bureau central du PNUD devrait superviser cette question plus activement en envoyant à ses représentants sur le terrain des informations et des recommandations concernant les commissions des droits de l'homme qui méritent d'être davantage soutenues.
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