Africa - West

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V. LA VIOLENCE SEXUELLE COMME ARME DE GUERRE

"Il y a une vraie folie avec toute cette violence. C'est une vraie guerre dans la guerre, une autre forme d'attaque contre le peuple congolais," déclarait un conseiller qui travaille avec des femmes et des filles soumises à un viol et à d'autres formes de violence sexuelle.53 Des observateurs locaux ont remarqué que de tels crimes avaient augmenté, dans l'est du Congo, après le début de la guerre et en particulier au cours de la dernière année alors que les différentes parties contestaient le contrôle de régions telles que celle autour du Parc National de Kahuzi-Biega, le territoire de Shabunda et la région de Uvira-Fizi, au Sud Kivu, en particulier après le redéploiement des troupes de l'APR de Pweto54 ainsi que de Masisi, au Nord Kivu.

La violence sexuelle a été utilisée comme une arme de guerre par la plupart des forces impliquées dans ce conflit. Des combattants du RCD, des soldats rwandais ainsi que des combattants des forces qui leur sont opposées - Mai-Mai, groupes armés de Hutu rwandais et rebelles burundais des FDD et du FNL - ont, de façon fréquente et parfois systématique, violé des femmes et des filles, au cours de l'année écoulée.

Des soldats et des combattants ont violé et par ailleurs, abusé de femmes et de filles dans le cadre d'un effort pour gagner le contrôle sur les civils et le territoire qu'ils occupaient et pour conserver ce contrôle. Ils ont attaqué des femmes et des filles parce qu'elles représentaient leur communauté, visant par les blessures et l'humiliation à terroriser ces femmes en particulier ainsi que de nombreuses autres. Une jeune fille de seize ans, qui a été violée, nous a dit : "On ne peut pas protéger les filles contre ces choses. Je sais qu'ils ne m'ont pas visée - n'importe quelle [femme] aurait subi la même chose - mais c'est inacceptable. Il y a beaucoup de filles qui vivent dans ces conditions."55

Ce rapport se concentre sur les crimes de violence sexuelle commis par des soldats et des combattants. Cependant, le viol et les autres crimes sexuels ne sont pas seulement pratiqués par des membres des factions armées. Ils le sont aussi, de plus en plus fréquemment, par la police et d'autres personnes occupant des positions d'autorité et de pouvoir, et par des criminels de droit commun et des bandits opportunistes qui profitent du climat d'impunité généralisée et de la culture de violence pour abuser des femmes et des filles56. Par exemple, dans de nombreux cas, des soldats, d'autres combattants ainsi que des voleurs armés ont violé des femmes au cours d'un vol ou d'un pillage, parfois après volé tout ce qu'elles possédaient et parfois pour les punir si elles ne possédaient rien digne d'être volé. Si les crimes commis par des criminels de droit commun ne sont pas examinés en détail dans ce rapport, ce dernier étudie des cas d'attaques conduites par des hommes en armes pour lesquelles on dispose d'indications montrant que leurs auteurs pouvaient être des combattants. Une telle indication peut être la langue des attaquants ; les attaquants parlant le kinyarwanda sont probablement membres de groupes armés rwandais ou de l'APR. Si les attaquants sont bien armés, ceci peut aussi indiquer un lien avec des groupes armés ou une armée régulière. Certains cas de violations relèvent des types d'abus classiques contre les civils, commis fréquemment par des combattants, comme les attaques de nuit contre des villageois ou les attaques à main armée dans la ville de Goma. De tels faits sont par conséquent également décrits dans ce rapport.

Identifier les auteurs des crimes

Les femmes et les filles qui ont été violées ou attaquées d'une autre façon identifient rarement les personnes qui ont commis ces crimes. Dans de nombreux cas, elles ne connaissaient pas leurs agresseurs parce qu'ils ne venaient pas de leur communauté. Dans d'autres cas, en particulier si les agresseurs pensaient qu'ils pourraient être reconnus, ils ont tenté de cacher leur identité en masquant leurs visages ou en aveuglant les victimes au moyen de lampes. Une victime a ainsi raconté :

Il n'y avait pas de lumière. On n'avait même pas de pétrole pour allumer une lampe et la seule lumière, c'était quand ils braquaient une torche sur nos yeux. Je ne voyais pas bien ce qu'ils portaient. Ils avaient des masques et des chapeaux. On ne voyait pas leurs visages.57

Parfois, les survivantes et les témoins étaient en mesure d'identifier le groupe de soldats ou de combattants auquel les agresseurs étaient affiliés. Ils savaient quels groupes avaient opéré dans leur région et où ils étaient basés. Ceci leur permettait d'identifier les agresseurs, en partie selon le lieu du crime. Dans certains cas, des survivantes et des témoins savaient que les agresseurs représentaient un certain groupe parce qu'ils avaient révélé leur appartenance à ce groupe à travers leurs paroles : les violeurs Mai-Mai, par exemple, accusaient leurs victimes de liens avec le RCD ou l'APR. Dans d'autres cas, des survivantes et des témoins ont tiré leurs conclusions, en partie, sur la base du calendrier de l'attaque : les soldats du RCD et de l'APR ont violé des femmes lors des représailles contre des villages. Ces attaques ont été menées après que ces soldats aient eux-mêmes été attaqués peu de temps auparavant par des groupes armés basés dans la région. Lorsque l'apparence physique des assaillants semblait correspondre aux caractéristiques d'un groupe ethnique ou national, les survivantes et les victimes identifiaient parfois les agresseurs comme membres de ce groupe. Les victimes et les témoins s'appuyaient parfois sur la langue parlée par les agresseurs et même sur des nuances d'accent, régionales et autres. Dans d'autres cas, survivantes et témoins ont fourni des informations sur des types de comportement suggérant telle ou telle identification : les Mai-Mai, par exemple, gardaient souvent les femmes qu'ils avaient enlevées pendant de très longues périodes, une année ou plus, alors que d'autres combattants relâchaient leurs captives souvent après une période plus courte. Les Mai-Mai semblaient aussi plus enclins à exiger des femmes qu'elles accomplissent certains actes sexuels au profit d'un nombre donné de combattants dans le groupe alors que les agresseurs d'autres groupes armés attribuaient plus fréquemment les femmes qu'ils avaient enlevées, à des individus en particulier.

Dans un nombre significatif de cas, des femmes et des filles qui avaient été attaquées reconnaissaient la difficulté d'identifier de façon certaine leurs agresseurs et déclaraient simplement que ceux-ci étaient des "hommes armés en uniformes" ou simplement, "des hommes en uniformes".58 Les uniformes portés par les combattants et les soldats sont souvent similaires, ce qui rend difficile de savoir quelle unité militaire ou quel groupe armé représente tel ou tel assaillant. L'apparence physique des assaillants peut aussi être une caractéristique insuffisante pour permettre d'identifier un groupe, et même si une telle identification semble plausible, elle peut en fait s'avérer erronée.59 Lorsque les troupes de l'APR étaient majoritairement tutsi, les habitants locaux concluaient habituellement que les personnes parlant le kinyarwanda, ressemblant à des Hutu - selon le stéréotype - n'appartenaient pas à l'APR. Ils suspectaient qu'ils étaient plutôt membres de groupes armés opposés à l'APR ou des Congolais du coin, d'origine rwandaise. Avec l'augmentation du nombre de soldats hutu, dans les rangs de l'APR, à l'est du Congo, tirer avec certitude de telles conclusions n'est plus possible.60 La langue n'est pas non plus un moyen sûr d'indiquer une affiliation de groupe : de nombreux Congolais parlent le kinyarwanda, par exemple.

De plus, des agresseurs peuvent tenter d'induire victimes et témoins en erreur en parlant des langues qui ne sont pas leur langue habituelle. Le conseiller mentionné plus haut a fait le commentaire suivant : "Il y a des militaires qui parlent un peu de kinyarwanda pour tromper les gens même s'ils parlent d'ordinaire le kiswahili."61 Dans d'autres cas, les Congolais parlant le kinyarwanda cherchaient à cacher leur identité en s'exprimant avec un accent rwandais. Dans certains cas, des assaillants ont prévenu les personnes présentes lors de l'attaque qu'elles devaient les identifier comme des membres d'un autre groupe. Une femme a raconté que des soldats congolais en uniformes, armés et parlant le kiswahili qui avaient attaqué sa fille avaient donné pour instruction spécifique à la jeune fille de dire qu'ils étaient des « Interahamwe » et non qu'ils appartenaient au RCD.62 Selon le conseiller qui apporte une aide aux victimes, celles-ci se plient parfois à de tels avertissements. Il a déclaré : "Parfois, il peut y avoir des cas de viols par le RCD mais les filles affirment quelque chose d'autre."63

Dans de nombreux endroits, des individus ou de petits groupes ayant obtenu des armes commettent des crimes contre les habitants locaux, y compris des crimes de violence sexuelle. Parmi les assaillants, se trouvent des personnes qui ont quitté l'une ou l'autre des forces armées ou les groupes de combattants opérant dans la région ainsi que d'autres ayant obtenu des armes à feu par des biais différents. Un représentant d'une ONG rurale qui assiste des femmes nous a affirmé que son groupe et lui pensaient que les Interahamwe étaient responsables des viols dans leur région jusqu'à ce qu'il apparaisse que les attaquants étaient des soldats, des rebelles Mai-Mai ou des déserteurs. Il a ainsi expliqué :

Mais on a découvert que c'était des enfants de notre village. On en a pris trois. Ils étaient venus pour voler dans le village et les villageois ont usé des tambours alors on les a pris. Ils se cachent. Ils ont des armes et connaissent l'endroit. Parfois, ce sont des déserteurs. Certains sont des Mai-Mai, d'autres des soldats. En général, ce sont des jeunes gens, les jeunes gens du quartier. Ils ne font rien. Ils aiment faire les malins, fumer de la drogue.64

Compte tenu des difficultés à identifier avec précision les agresseurs, certaines victimes, certains témoins et d'autres ont simplement attribué les crimes aux membres des groupes qu'ils détestaient. Selon un défenseur des droits humains, "beaucoup parlent `d'Interahamwe' mais il est dur de savoir si ce sont de vrais ou de faux Interahamwe. Il y a confusion."65 Selon un avocat congolais, les autorités du RCD ont régulièrement attribué des crimes à des groupes qui leur étaient opposés. "Chaque fois que quelque chose de mal se produit, ils en accusent les Mai-Mai ou les Interahamwe."66

Des accusations aussi automatiques et inexactes ne font que permettre à des assaillants coupables, d'échapper à la justice et les encouragent, ainsi que d'autres, à continuer à commettre leurs crimes, en toute impunité.

La violence sexuelle au Sud Kivu
Les villes les plus importantes du Sud Kivu, ainsi que les routes principales, sont contrôlées par le RCD mais les forces Mai-Mai et les groupes armés majoritairement hutu contrôlent ou se battent pour contrôler des parties significatives du reste du territoire.

Environs du Parc National de Kahuzi-Biega

Les forces rebelles composées de Hutu rwandais sont basées dans le Parc National de Kahuzi-Biega, depuis quelque temps déjà et ont été accusées de nombreuses attaques sur des zones adjacentes, notamment à Bunyakiri, Kabare, Katana et Walungu67. Ces forces ont tué, violé et pillé les biens des civils qu'ils accusent de soutenir le RCD ou l'armée rwandaise. Les forces du RCD et de l'armée rwandaise exercent le même type de violence sur les mêmes personnes, les accusant d'aider les groupes de Hutu rwandais ou les Mai-Mai.

Des habitants sur place ont déclaré que les attaques sur les civils avaient débuté après la destruction des camps de réfugiés, en 1996 et après la dispersion, dans la région, des gens qui les habitaient, y compris les Interahamwe et les ex-FAR. "Tout allait bien pendant la période où les réfugiés étaient là. Mais après le départ des camps des réfugiés, il y avait des abahinzi (étrangers) et des Interahamwe dans la forêt," affirmait la représentante d'une organisation de femmes dont les membres viennent de villages tels que Kajeje, Murhesa et Kalonge, proches du Parc National de Kahuzi-Biega.

En août 1998, Mathilde V. était à Chivanga, près de Kavumu lorsque des combattants hutu rwandais déclarant qu'ils étaient des Interahamwe ont attaqué le village à l'aube, dans le cadre de leur lutte continue contre les soldats du RCD et de l'APR. "Les Hutu étaient venus pour chasser les Tutsi qui occupaient la région et qui venaient juste de recevoir des munitions," a-t-elle expliqué. Les assaillants ont forcé les femmes à s'aligner et à porter leur butin et leur chargement de munitions jusqu'à leur base. Mathilde V. était enceinte de deux mois et s'est sentie faible pendant cette longue marche vers Bunyakiri. Les Interahamwe ont accusé Mathilde V. d'être la femme d'un soldat du RCD ou de l'APR parce qu'elle était bien coiffée et qu'elle semblait être plus aisée. Ils ont accusé d'autres personnes d'avoir pillé leurs possessions dans les camps de réfugiés, en 1996 et 1997. Alors que les assaillants accompagnaient les femmes le long d'un sentier dans la forêt, ils les ont jetées à terre et les ont violées. Ce jour là, Mathilde V. et deux autres personnes de sa famille ont été violées.

Suite au viol, Mathilde V. a pris des produits de la médecine traditionnelle, souvent donnés aux femmes enceintes pour se protéger elles-mêmes et pour protéger leur f_tus si elles soupçonnent que leur mari a eu un autre partenaire sexuel. Dans son propre cas, Mathilde V. a pris le médicament pour se protéger contre une maladie sexuellement transmissible qu'elle aurait pu contracter. Lorsqu'elle a, par la suite, eu des difficultés lors de son accouchement, elle n'a pas avoué au médecin qu'elle avait été violée.68

Les membres des groupes armés majoritairement hutu s'en prennent particulièrement aux femmes qui passent près de leurs bases, en forêt, lorsqu'elles se rendent dans les champs pour y travailler, lorsqu'elles partent ramasser du bois ou faire du charbon ou quand elles vont au marché. Une représentante d'un groupe de femmes a déclaré :

Pour nous, de l'endroit où on vit jusqu'à la forêt, c'est trois heures de marche. A Kalonge, les gens vivent [de la fabrication et de la vente] du charbon. Il n'y a pas de véhicules pour transporter la braise.69 C'est habituellement les femmes qui la transportent sur leur dos... Les femmes doivent traverser la forêt quand elles portent la braise ou qu'elles partent chercher de la nourriture et alors, elles sont attaquées... Maintenant, on vit dans la peur.70

Notre équipe a parlé avec plusieurs femmes et filles, dans cette région, qui avaient été enlevées par des Hutu armés, violées à plusieurs reprises et forcées de travailler pour les personnes qui les avaient capturées. Générose N. de Kabare, âgée de vingt ans, nous a raconté ce qui lui était arrivé lorsqu'elle était en route pour rendre visite à sa s_ur plus âgée :

J'étais sur la route de Kalonge à Mudaka. J'avais l'argent que m'avait donné mon fiancé pour acheter une robe de mariée. Un soldat m'a attaquée sur la route. Il a dit des choses en kinyarwanda. [Plus tard elle a déclaré qu'il était hutu.] Il m'a emmenée dans un endroit de la forêt où il y avait trois autres soldats. Ils m'ont violentée. C'était le 8 août [2001] et ils m'ont gardée jusqu'au 25 août et chacun d'entre eux m'a violée chaque jour.

Il n'y avait pas vraiment de maison mais un abri sous des sheetings [des feuilles de plastique]. Je mangeais les choses qu'ils volaient de temps en temps - la pâte de farine volée et parfois de la viande. J'ai découvert qu'ils avaient là-bas une autre femme avant moi et je dormais là où elle dormait. Plus tard, ils prendraient une autre femme après moi. Je portais toujours les mêmes vêtements.

Si j'essayais de parler, ils me battaient. C'était tous les mêmes, des hommes horribles.

Finalement, ils m'ont juste renvoyée quand ils ont été fatigués de moi. Ils ont pris les vêtements que je portais et m'ont donné de vieux vêtements.

Je suis allée dans un centre de santé qui s'occupe des victimes de viols et j'ai eu des médicaments. Seul Dieu peut m'aider. Il m'a sauvée de la mort. Il n'y a pas d'autre endroit où se tourner.

Ils ont pris mon argent pour la robe de mariée. Mon fiancé veut bien encore de moi, même si maintenant, je n'ai rien. Je ne voulais en parler à personne mais j'ai dû lui dire parce que j'ai été absente si longtemps. Et parce que j'ai été absente si longtemps, les gens en parlent même si je n'ai raconté à personne d'autre ce qui s'est passé.

Générose N. a conclu qu'elle ne se percevait pas comme particulièrement courageuse : "... c'est juste que je n'ai pas d'autre choix que de continuer. Je n'ai plus rien maintenant," a-t-elle déclaré.71

Dans certains cas, des assaillants armés ont enlevé des femmes et des filles au cours de cambriolages, les ont forcées à porter les biens volés jusqu'à leur base puis les ont violées là-bas. Georgette W., mère d'un enfant de six ans et d'un bébé d'un an et demi a fait le récit de son enlèvement qui s'est produit à Kajeje :

C'était un soir de juin. J'entendais les soldats [à savoir des hommes en armes] se livrer à un pillage dans les environs. Quand ils sont arrivés à notre maison, j'ai couru pour me protéger. Chaque nuit, ils s'approchent pour piller. Mais cette nuit, après ma fuite, il a commencé à pleuvoir. Pour me protéger de la pluie, j'ai décidé de retourner à la maison. A ce moment là, il y avait beaucoup d'autres personnes qui cherchaient aussi à se protéger de la pluie - on était environ dix-huit, principalement des voisins et de nombreuses vieilles personnes. Mais les soldats sont arrivés et ils nous ont encerclés. Ils étaient nombreux, je ne peux pas dire combien. J'entendais juste leurs voix. J'ai vu que tout dans la maison avait été volé. J'avais mon bébé sur le dos. Quatre soldats sont entrés dans la maison. Ils parlaient kinyarwanda. Ils étaient tous armés. Ils ont pris mon bébé. J'étais la plus jeune femme dans la maison. Ils ont laissé les femmes plus âgées et m'ont prise, moi.

Les quatre soldats m'ont fait porter sur le dos les affaires qu'ils avaient volées. Puis, plus tard, on a retrouvé les autres et ils ont donné la charge que je portais sur le dos à un homme qu'ils avaient capturé. Mais je marchais avec les quatre qui m'avaient enlevée de la maison. On a marché dans la forêt de 10 heures du soir, environ, à minuit. Je ne connaissais pas l'endroit. Puis, je me suis retrouvée seule avec l'un d'entre eux. J'ai découvert ensuite que les trois autres étaient chacun partis avec une femme qu'ils avaient capturée.

J'ai été violée trois fois [par le même soldat]. Il était armé tout le temps. Il n'a pas dit un mot et je n'ai pas dit un mot. Finalement, il est parti vers 3 heures du matin. J'avais peur de marcher mais lentement, je suis rentrée à la maison et j'y suis arrivée vers 7 heures 30 du matin.

A la question de savoir comment son mari l'avait traitée quand elle est rentrée chez elle, Georgette W. a répondu :

Mon mari ne m'a pas maltraitée. Il était juste inquiet des maladies que pouvait avoir le soldat. Je suis allée me faire tester et je n'avais aucune maladie. Nos voisins ne sont au courant de rien. Mon mari m'a dit de ne rien dire à personne. Il a dit, "Dis juste aux gens que tu es partie pour quelque temps."

Georgette W. a déclaré : "Ils m'ont frappée quand on marchait mais ils m'avaient déjà frappée à la maison, donc les voisins avaient déjà vu ça [et n'étaient pas surpris par ses blessures]." Elle concluait ainsi : "Je ne sais pas pourquoi ils ont fait cela. Ils ont pris tout ce que nous avions ... toutes nos affaires et nos trois chèvres et ils ont encore fait ça."72

En mai 2001, des hommes armés ont attaqué le village de Marie G., une jeune femme de vingt ans, vendeuse de braise, du territoire de Kabare. Ces hommes ont également pillé et brûlé de nombreuses maisons.73 Marie G. a fui avec les autres. Ayant perdu tous ses biens, elle s'est rendue à Kalonge pour se procurer de la braise à vendre afin de pouvoir s'acheter des vêtements. Une fois là-bas, elle a été enlevée, une nuit, par trois membres rwandais d'un groupe armé majoritairement hutu qui sont venus, vers 20 heures, dans la maison où elle se trouvait. Quand Marie G. a résisté pour ne pas être emmenée, ils l'ont frappée sur le bras et l'épaule, encore douloureux cinq mois plus tard, lorsqu'elle a été interrogée par nos chercheurs. Elle a offert à ses assaillants une chèvre s'ils la laissaient tranquille mais ils ont refusé son offre en disant qu'ils avaient besoin de filles. Elle a été rejointe par deux filles qui avaient été capturées le même jour, alors qu'elles se rendaient à Kalonge pour y acheter de la braise, Chantal R., dix-sept ans et Joséphine A., dix-huit ans. Toutes les deux ont également été interrogées par notre équipe.74 Leurs assaillants leur ont fait porter certains des biens qu'ils avaient volés et ont marché, avec elles, jusqu'à leur camp, dans la forêt où ils sont arrivés tard dans la nuit. Là-bas, on leur a dit de cuisiner et de préparer un lit avec de l'herbe et un sheeting.

Les trois captives ont dit que les hommes s'appelaient Lukala, Nyeka et Vianney. Ils étaient habillés en civils et étaient armés de fusils et de machettes. Entre eux, ils parlaient kinyarwanda, mais ils parlaient kiswahili avec les filles.

Chaque combattant a pris l'une d'entre elles. C'est Lukala qui a exigé des relations sexuelles de Marie G. et il lui a dit que si elle ne se "donnait pas" à lui, elle devrait rester avec eux. Elle a refusé. Lukala lui a dit : "Tu n'es pas mieux que ma femme qui a été tuée par balle." Marie G. a répondu qu'il devrait alors la tuer. Elle a entendu les deux autres filles crier. "J'ai entendu mes deux copines crier," a-t-elle dit, "Alors j'ai refusé. L'homme m'a dit, `Elles ont déjà commencé à travailler, pourquoi tu me fais des problèmes ?'" Il l'a giflée et après que ses compagnes lui eurent crié, "Accepte. Tu ne peux rien faire contre," il l'a violée pour la première fois de ce qui allait être une longue série d'agressions.

"Je l'ai alors laissé faire. Il m'a fait beaucoup souffrir," a déclaré Marie G. et elle a poursuivi en disant qu'elle lui avait demandé pourquoi il faisait souffrir les autres. Il a répondu : "C'est le travail d'un militaire." Il a dit à Marie G. qu'il avait eu de nombreuses femmes mais qu'aucune n'avait été aussi terrible (à savoir résistante) qu'elle. Il l'a menacée de la tuer et après plusieurs heures, a commencé à la violer de nouveau. Il l'a violée cinq fois au cours de la première nuit.

Après cette nuit, Vianney, le chef du groupe, a aussi voulu "l'avoir". Après une dispute avec Lukala à ce sujet, elle a passé la seconde nuit avec Vianney. Il lui a dit qu'il allait être beaucoup plus gentil avec elle que ne l'avait été Lukala et qu'elle n'aurait à coucher avec lui qu'une fois par nuit et qu'ensuite, elle pourrait dormir. Elle lui a dit qu'il n'était pas facile, pour elle, de dormir compte tenu des circonstances.

Effrayée et craignant d'être ensuite retrouvée, Marie G. n'a pas donné son vrai nom à ceux qui la détenaient. Elle a également menti, prétendant qu'elle avait deux enfants et a supplié qu'on la relâche. Vianney lui a répondu qu'il ne pourrait la relâcher que si Lukala était d'accord. Elle a fait appel au sens moral de Vianney en lui disant qu'il ne voudrait pas que des membres de sa propre famille soient ainsi traités. Ses assaillants ont laissé Marie G. partir après trois jours et ont gardé l'une des ses compagnes pendant cinq jours et l'autre pendant une semaine.75

Peu de temps après, début juin 2001, ces mêmes trois assaillants ont capturé deux jeunes filles, Cécile K., dix-huit ans et Béatrice K., vingt ans lors d'un raid nocturne sur leur enclos. Ils les ont détenues de deux à trois semaines. Béatrice K. a dit qu'elle s'était cachée sous son lit quand sa maison avait été attaquée mais que les hommes l'avaient trouvée en utilisant leurs torches. Ils l'ont accusée d'être une "amie des Tutsi". Ils lui ont dit qu'ils avaient dû laisser leur famille derrière eux, au Rwanda mais qu'elle avait beaucoup de chance d'avoir encore ses parents. "Quand j'ai pleuré, ils m'ont frappée," a-t-elle dit.76 Une semaine environ après leur capture, les assaillants ont enlevé chez elle, Valérie J., dix-sept ans. Quand elle s'est mise à pleurer, ils lui ont dit : "Cela ne va rien changer de pleurer. Tu n'es pas plus importante que ceux que nous avons laissés au Rwanda."77

Les ravisseurs ont violé les filles de façon répétée et les ont fait cuisiner et accomplir d'autres travaux domestiques. Il semble que ce groupe d'hommes ait enlevé de nombreuses femmes et filles auparavant, l'un d'entre eux prétendant qu'ils avaient eu quarante femmes.78 A un moment donné, ils ont pris Valerie J., Béatrice K. et Cécile K. pour qu'elles trouvent d'autres femmes, pour eux, mais le village dans lequel ils se sont rendus avait été déserté donc aucune femme n'a été capturée. Selon Béatrice K., toute fuite était impossible parce qu'elles étaient gardées en permanence et qu'elles ignoraient l'endroit où elles se trouvaient. Trois semaines après la capture de Béatrice et de Cécile et une semaine après celle de Valérie J., l'un des ravisseurs a relâché les filles parce que ses deux compagnons avaient été tués. Marie G. a affirmé qu'elle avait entendu que les deux hommes avaient "été tués par des Tutsi sur la route de Kalonge." Cécile K. a dit que "des soldats tutsi" étaient venus après dans son village et lui avaient dit qu'ils avaient tué le troisième homme.

Selon les filles, les trois hommes affirmaient qu'ils recevaient leurs ordres d'un "commandant" mais elles pensent qu'il s'agissait là d'une ruse pour les intimider. Les trois hommes n'étaient jamais ensemble avec qui que ce soit d'autre et n'avaient ni radio, ni téléphone portable ce qui pourrait indiquer qu'ils agissaient indépendamment d'autres forces hutu dans la région. Sur une période de plusieurs semaines, ils se sont déplacés plusieurs fois dans la forêt, peut-être parce qu'ils étaient conscients que les troupes au Congo étaient à leur poursuite.

Une représentante d'une organisation de femmes a expliqué que la violence sexuelle avait récemment augmenté, en partie parce les assaillants trouvaient peu de choses à voler chez des gens déjà attaqués à plusieurs reprises et voulaient donc les punir pour ce qu'ils percevaient comme un manque de soutien.

Plusieurs bandes armées ont traversé les environs. Il y a eu beaucoup de pillages... Les gens sont laissés sans rien et dans certains cas, ils ont été déplacés. Comme il ne reste plus rien à voler, les bandes armées sont passées au viol systématique... Il y avait des viols avant cette année mais les gens n'en parlaient pas. Finalement, cela faisait tellement de viols que nous avons fini par aller à la paroisse et avec l'aide reçue là bas, on a eu le courage de parler de ce problème.79

Elisabeth S., vingt-cinq ans, du territoire de Walungu a été violée par des hommes armés qui sont venus chez elle, en janvier 2001 pour voler. Elle a déclaré :

Tout a commencé à une heure du matin. On était tous en train de dormir. J'ai entendu du bruit et j'ai été la première à me réveiller. Ils étaient dix, je pouvais les voir et les compter. Ils sont entrés dans notre concession. Je voulais me cacher mais je n'ai pas pu. Ils ont dit, "Donne-nous ton argent." Puis ils ont dit, "Vas chercher ton père" et ils m'ont demandé de réveiller tout le monde. Je leur ai dit qu'il n'y avait personne. Mais ensuite, mon père s'est levé avec une torche. Les combattants ont vu la lumière et ont dit, "C'est qui avec la lumière ?" Deux des combattants qui étaient bien armés étaient près de moi. Je ne sais pas comment mais mon père a pu s'échapper en courant très vite, entre les deux. L'un d'eux m'a dit, "On va te tuer parce que tu l'as laissé partir."

Le chef a dit aux autres de tuer papa. On priait tous. Je pensais qu'ils allaient tous nous tuer. Ma mère ne savait pas si elle devait courir avec mon père. Elle s'est cachée sous le lit et priait avec son rosaire. Maman a pu s'enfuir en courant lorsque d'autres soldats sont entrés dans la maison.

Ils m'ont fait asseoir dehors sur le sol, ainsi que mes deux s_urs et une autre fille qui était chez nous. Deux d'entre eux nous surveillaient. Il y en avait un autre dans la maison. Ils ont tout pris et nous ont demandé quelles autres choses possédait la famille. On a dit que les seules choses qui restaient étaient les vêtements que nous portions, tout le reste était dans la maison. Ils ont laissé les chèvres et les poulets mais ont pris tout le reste.

Je pensais que si le Seigneur dit que notre heure est venue, c'était maintenant que nous allions mourir. Les combattants ont dit, "On peut vous tuer," et ils ont tiré en l'air quatre fois pour nous montrer ce qu'ils pouvaient faire. Il y avait une autre fille qui vivait chez nous, une orpheline qui dormait habituellement avec moi mais cette nuit là, elle était seule dans une autre petite maison. Elle nous a vus dehors mais je ne sais pas comment, elle n'a pas vu les combattants. Je la voyais qui s'approchait lentement de nous et je me demandais ce qu'elle faisait. Je ne pouvais pas l'empêcher de s'approcher - elle s'est approchée de nous lentement et a dit, "Qu'est-ce-qui se passe ?" Même si la lune brillait bien, elle ne voyait toujours pas les combattants. Mais eux l'ont vue et ils l'ont prise et l'ont battue, lui ont donné des coups et l'ont fouettée avec une corde. Elle a dit qu'elle préférait être tuée plutôt que de souffrir avec eux. Ils l'ont alors jetée au sol avec nous toutes.

Les assaillants ont ensuite violé chacune des cinq filles. La plus jeune avait quatorze ans.

Chaque combattant a pris l'une d'entre nous et l'a emmenée vers l'une des petites maisons, hors de la concession. On ne pouvait pas résister. Ils parlaient kinyarwanda et lingala, ils étaient à la fois congolais et Interahamwe. Ils se donnaient des noms comme Kofi et Bamba. Ça n'a pas pris longtemps.

Je pense qu'ils n'avaient pas besoin de nous tuer. Ils ont fait ce qu'ils voulaient faire. Ils ont tout volé et sont partis à environ 4 heures du matin. Puis papa est rentré. On pensait qu'il était mort. Alors quand on l'a vu, on était tellement contentes. Aucun des coups de feu ne l'avait touché. On est resté à la maison le reste de la nuit mais la nuit suivante, personne ne voulait y dormir.

Je retourne parfois dans notre village mais je ne dors pas bien quand je suis là-bas. Les voisins savent qu'on a été volé mais ils ne savent pas ce qui m'est arrivé.80

Alors que les combattants opposés au RCD sont le plus souvent accusés des actes de violence sexuelle qui se sont produits aux environs du Parc National de Kahuzi-Biega, les soldats du RCD ont aussi attaqué des femmes et des filles. Bijou K., une jeune mère, nous a dit qu'elle avait été violée par un soldat du RCD, parlant le kinyarwanda, sur une route du territoire de Kabare. Elle a ainsi raconté :

C'était en juin 2001. J'ai quitté ma maison dans la soirée pour aller acheter de la nourriture pour mes enfants. Un soldat m'a attaquée et m'a poussée hors de la route. Il m'a demandé en kinyarwanda ma carte d'identité. Il portait un uniforme et avait un fusil.
Il m'a poussée dans les buissons. Je portais mon bébé sur le dos. Il avait un mois et une semaine. Il a enlevé le bébé de mon dos et l'a jeté au sol, sur le ventre. Il a mis un fusil contre ma poitrine.
Quand j'ai fait un geste pour sauver mon bébé, il a arraché mes vêtements et m'a violée. Tout s'est passé très vite, il n'est pas resté très longtemps. Après cela, il est parti.
J'ai ramassé le bébé et je suis rentrée à la maison. J'ai raconté à mon mari ce qui s'était passé. Je venais d'avoir mon bébé et j'avais besoin d'aide. On m'a soignée [dans une clinique]. On a trouvé que j'avais une maladie sexuellement transmissible et maintenant, mon mari l'a aussi. J'ai aussi des démangeaisons de peau et j'utilise de la médecine locale contre ça.
Je ne pense pas que j'ai été visée en particulier, par ce soldat. Tellement d'autres personnes ont aussi été attaquées.81

Jeannette T., quinze ans a décrit comment des soldats qu'elle décrit comme tutsi ont enlevé ses s_urs à Ngwesha, aux environs de Bukavu. Elle a ainsi raconté :

C'était le 25 avril 2001. J'étais au village avec ma famille. Mon père avait vendu un poulet. Des hommes sont venus cette même nuit et lui ont dit de leur remettre l'argent de la vente du poulet. Notre famille [Jeannette T., ses parents et ses trois s_urs célibataires, âgées de dix-huit à vingt-deux ans] était réunie autour du feu. Ils ont blessé mon père au couteau. Ils étaient nombreux. Toute la concession était remplie de soldats. Ils avaient des couteaux et des fusils. Ils parlaient un peu de lingala et un peu de kinyarwanda. Ils ont violé mes s_urs et ma mère mais j'ai pu partir en courant. Ils ont pris tout ce qu'il y avait dans notre maison. Je me suis cachée derrière des arbres, sur une colline un peu au dessus de la maison.

Ils ont emmené mes s_urs et on ne sait toujours pas où elles se trouvent. Il y avait cinq ou six hommes avec chacune de mes s_urs. Le lendemain matin, je suis retournée à la maison. J'y ai trouvé mon père, toujours blessé, avec un voisin qui essayait de l'aider. Après trois jours, ma mère est rentrée. Mais on ne sait toujours pas où se trouvent mes s_urs.

Mon père voulait partir les chercher et essayer de trouver de l'aide mais les voisins ont dit que s'il faisait cela, les Tutsi extermineraient toute la famille. Maintenant, on est à Bukavu et des membres de la famille de nos vieux voisins nous ont un peu aidés mais on n'a même pas de vêtements. Il n'y avait pas de raison de s'en prendre en particulier à mon père qui est un bon chrétien. On va continuer à demander aux gens s'ils ont vu mes s_urs.82

Les données recueillies par nos chercheurs sur le viol et les autres formes d'abus sexuels dans la région autour du Parc National de Kahuzi-Biega recoupent celles rassemblées, indépendamment, par deux organisations locales de défense des droits humains. L'association congolaise de défense des droits des femmes, PAIF, a enregistré soixante-neuf cas de viols perpétrés par des bandes armées majoritairement hutu et par des soldats du RCD, dans la zone d'Irhambi-Katana du territoire de Kabare, entre mai 1999 et septembre 2001. Une seconde organisation a rapporté que des "hommes en uniformes identifiés comme des Interahamwe" ont tué, violé et pillé si fréquemment des villages proches du Parc National de Kahuzi-Biega que les résidents ont abandonné leur maison pour dormir dehors, en quête de sécurité.83

Territoire de Shabunda

La ville de Shabunda, à 350 kilomètres au sud ouest de Bukavu, dans le territoire de Shabunda, occupe une position stratégique pour assurer le contrôle de l'est de la province et de son importante richesse minière. La ville est entourée de trois côtés par la rivière Ulindi au-delà de laquelle s'étirent, sur des centaines de kilomètres, de larges étendues d'épaisse forêt équatoriale. Les habitants de la ville, comme ceux des villages environnants, dépendent de la forêt pour la plupart des produits de première nécessité : ils cultivent, chassent, se procurent de la nourriture et du bois dans la forêt. Compte tenu de la distance avec les autres centres et du mauvais état des routes, Shabunda importe peu de biens de l'extérieur et ces derniers arrivent d'ordinaire par les airs. Mai-Mai et groupes armés hutu ont combattu depuis la fin 1998 contre le RCD et ses alliés de l'APR pour le contrôle de cette région. Avec le conflit actuel, la ville est de plus en plus isolée. Fin 2001, l'atmosphère à Shabunda était celle d'une forteresse assiégée.

Les Mai-Mai n'ont pu occuper la ville qu'occasionnellement et brièvement comme au début de l'année 2000, mais ils contrôlent la plupart de la forêt environnante. Comme l'a déclaré le Bureau des Nations Unies pour la Coordination des Affaires Humanitaires (OCHA), "la ville de Shabunda est le seul endroit sur l'ensemble du territoire où l'on peut accéder à la population sans courir le danger de subir les intrusions de bandes armées."84

Quand les combats se sont intensifiés début 1999, environ la moitié de la population de la ville de Shabunda a pris la fuite - la plupart vers la forêt - réduisant le nombre d'habitants de plus de 32 000, en 1998 à 17 600, début 1999. Les résidents des villages environnants ont aussi cherché refuge dans la forêt.85 Une organisation humanitaire internationale travaillant dans la région a estimé qu'entre 60 et 80 pour cent des personnes déplacées appartiennent à des foyers dirigés par des femmes.86

Dans sa lutte pour le contrôle du territoire, chaque côté a utilisé la violence, y compris la violence contre les femmes et les filles, pour gagner ou conserver le contrôle sur la population locale. Des résidents qui ont fui vers la forêt quand les Mai-Mai ont avancé ont hésité ensuite à rentrer dans des maisons situées dans des endroits que le RCD avait repris sous son contrôle, craignant que le RCD ne les perçoive comme des partisans des Mai-Mai et ne lance des représailles contre eux. D'autres ont souhaité rentrer chez eux mais ont craint une attaque des Mai-Mai s'ils tentaient de le faire. Pour accélérer leur retour, le RCD a apparemment annoncé lors d'une réunion publique que les civils qui ne rentraient pas de la forêt seraient considérés comme des ennemis et soumis à une attaque. Pendant une certaine période, les soldats du RCD ont interdit aux résidents de la ville d'aller cultiver leurs champs et de rassembler nourriture et bois dans la forêt - ou ont limité les périodes autorisées pour le faire - espérant apparemment ainsi empêcher toute collaboration entre eux et les Mai-Mai.87

En mars 2001, les troupes du RCD ont organisé une Force de Défense Locale, force paramilitaire armée et formée au minimum, recrutée dans la région et dont les membres continuent de vivre chez eux, tout en accomplissant des patrouilles et autres devoirs militaires. Chaque foyer dans la communauté devait contribuer au soutien de la Force de Défense Locale avec deux verres de riz, tous les deux jours.88 Au cours de l'année 2001, les troupes du RCD et les membres de la Force de Défense Locale ont commencé à aller dans la forêt pour trouver des groupes de personnes déplacées et les escorter jusqu'à leur maison ou vers de nouveaux sites désignés par les autorités du RCD. Ceux qui voulaient quitter la forêt mais craignaient une attaque des Mai-Mai ont accueilli avec satisfaction l'assistance du RCD et de la Force de Défense Locale.89

La ville de Shabunda est exceptionnelle pour le nombre de femmes et de filles qui ont publiquement admis avoir été violées, la plupart par des Mai-Mai. Le gouverneur du Sud Kivu estimait que 2 500 à 3 000 femmes et filles avaient été violées, entre la fin 1999 et la mi-2001. Une congrégation religieuse rapportait avoir aidé environ 2 000 femmes et filles violées.90 Des agents des organisations internationales humanitaires actives dans la région ont raconté à nos chercheurs que de telles données chiffrées étaient plausibles et probablement sous estimées. Un employé d'une organisation d'aide humanitaire a fait le commentaire suivant : "Quel que soit le nombre, c'est un mécanisme d'abus systématiques."91 Selon de nombreux observateurs locaux et internationaux, ce n'est pas le nombre de viols qui est propre à Shabunda mais plutôt la volonté des victimes de parler de ce qu'elles ont subi. Elles pensent que les crimes sont tout aussi largement répandus ailleurs dans l'est du Congo mais qu'ils restent en partie cachés à cause de la réticence continue des femmes à en parler.

"Dans la [ville de] Shabunda, les femmes ont eu le courage de parler. Dans d'autres endroits, elles ne l'ont pas eu," nous a dit une infirmière d'une agence internationale ayant beaucoup travaillé au Sud Kivu.92 L'une des raisons citées pour expliquer cette relative franchise est que de nombreuses femmes et filles violées l'ont été en présence d'autres personnes. Des membres de leur famille, des amis ou d'autres femmes capturées ont été forcées d'assister aux viols. Dans plusieurs cas, des enfants auraient été contraints de maintenir leur mère au sol pendant la durée du viol. De plus, beaucoup de femmes enlevées par des Mai-Mai ont été détenues pendant de longues périodes, jusqu'à un an et demi. Généralement, il était entendu que des femmes et des filles rentrant chez elles après avoir été retenues si longtemps, avaient été violées et la plupart n'ont pas estimé utile de prétendre le contraire. D'autres femmes et filles sont rentrées avec des blessures évidentes qui ne pouvaient avoir été infligées que lors d'agressions sexuelles. Parfois, des femmes et des filles ont été violées avec des objets tels que des bâtons de bois et des piments.93 Certaines femmes et filles nécessitaient des soins médicaux pour une descente d'utérus, une grave déchirure vaginale, une fistule94. Certaines femmes et filles se sont aussi retrouvées enceintes suite au viol qu'elles avaient subi.

D'autres circonstances ont apparemment contribué à la volonté des femmes et des filles de Shabunda de parler des viols et des autres abus sexuels qu'elles avaient endurés. Un groupe de soutien assiste des victimes - l'un des rares opérant dans la région - et une organisation internationale a fait l'expérience de traiter, gratuitement, des femmes et des filles pour des blessures et des complications liées à leur viol. Les autorités du RCD perçoivent un avantage politique à attirer l'attention sur les viols et les autres abus commis par leurs opposants. Le gouverneur de la province a encouragé les organisations humanitaires et les journalistes à examiner le problème. La majorité des femmes et des filles décrivent ceux qui les ont violées comme "Mai-Mai", un terme qui peut simplement signifier qu'ils sont membres de la population locale. Un prêtre du territoire de Shabunda faisait le commentaire suivant : "Qui sont les Mai-Mai ? Ce sont des gens d'ici ...des jeunes des environs, des Interahamwe. Tous sont des Mai-Mai contre les envahisseurs, le RCD."95 Si les Mai-Mai sont éventuellement "contre les envahisseurs", ceci ne signifie pas nécessairement qu'ils cherchent à protéger la population locale - parfois, le contraire se produit - en particulier s'ils pensent que la population locale a coopéré avec le RCD.

Sophie W., une jeune mère d'une trentaine d'années, a déclaré qu'elle avait été prise par les Mai-Mai en juillet 2000 et avait été retenue pendant plus d'un an avec ses quatre enfants, âgés de six, dix et treize ans et son bébé qu'elle allaitait encore. Elle nous a dit que sa famille avait été prise pour cible en partie parce que les Mai-Mai pensaient que son mari était lié au RCD. Elle a affirmé :

On est allé dans la forêt au début de la guerre. Mon mari pensait que la forêt était plus sûre et il n'y avait rien à manger en ville. Mais on est retourné en ville en 2000. En juillet 2000, les Mai-Mai sont venus et ont pris mon mari. Ils m'ont battue, ils ont tué mon mari par balle et ont coupé son corps devant moi. Ils ont dit que mon mari était un espion pour le compte des Tutsi.

Il y avait huit Mai-Mai. Deux m'ont maintenue au sol et les autres m'ont violée. Ils ont posé deux couteaux sur mes yeux et m'ont dit que si je pleurais, ils me couperaient les yeux.

Les Mai-Mai parlaient kiswahili, kilenga, lingala et kinyarwanda. Ils étaient sales, ils avaient des puces. On n'avait pas d'abri. Il y avait juste des feuilles pour dormir dessus et quand il pleuvait, on était trempé. On avait des nattes avec nous mais les Mai-Mai nous les ont prises. Ils étaient nombreux pendant la période où j'étais dans la forêt, peut-être 150 ou plus. Ils nous nourrissaient parfois de petits animaux qu'ils tuaient mais ils ne nous donnaient pas beaucoup de nourriture.96

Les Mai-Mai ont parfois tué et violé des résidents qui, selon eux, avaient accepté l'autorité du RCD en quittant la forêt. Dans un tel cas, début septembre 2001, les Mai-Mai ont attaqué un groupe qui avait quitté la forêt, peu de temps auparavant, sous escorte du RCD. Ce groupe était rassemblé pour prier dans une église du village de Masanga, à environ quarante kilomètres de Shabunda. Nathalie R., survivante de l'attaque, elle-même violée, nous a dit que quarante-trois corps avaient été trouvés dans le voisinage, après l'attaque. Elle vivait dans la forêt avec sa famille, près de Minoro, un village à environ quarante-cinq kilomètres de Shabunda. Son mari avait été pris, un an auparavant, par les Mai-Mai et elle ne l'avait pas revu depuis.

Après être resté près de Minoro pendant deux ans environ, le RCD est venu et a pris de nombreuses familles qui étaient dans la forêt et nous a réinstallés à Masanga. Dans notre cas, un garçon qui nous connaissait a dit au RCD où on était et ils sont venus nous chercher. Mais avant qu'ils nous installent à Masanga, le RCD a pillé nos maisons et a tout pris.

On était à Masanga depuis peu, peut-être deux semaines, quand de nombreuses familles chrétiennes qui étaient dans la forêt se sont rendues à la messe du matin, dans la paroisse de Masanga. On était dans la forêt depuis longtemps et on était impatient d'aller à la messe.

C'était la messe de 8 heures 30 du matin. J'y étais avec mes cinq enfants mais seules les trois filles sont entrées dans l'église. Les deux garçons étaient dehors avec d'autres enfants. Il était environ 10 heures 30 et l'église était toujours pleine. Tout à coup, on a entendu des coups de feu venir de partout. C'était des coups isolés pour certains mais il y avait aussi une arme automatique. [Elle a imité le bruit de celle-ci.] Quatre personnes ont été touchées dans l'église - deux femmes et deux enfants.

Il y avait de nombreux Mai-Mai hors de l'église. Les gens ont essayé de courir mais c'était une telle panique que la foule bloquait la porte. Certaines personnes ont réussi à courir. Parmi ces gens, certains se sont échappés vers la forêt qui est proche de Masanga. Certains ont été touchés mais ont réussi à atteindre la forêt où ils sont morts. Certains ont été tués près de l'église ou sont morts avant d'atteindre la forêt. Quand on est allé chercher les morts, après le départ des Mai-Mai, on a trouvé vingt-sept corps dans la forêt et douze près de l'église en plus des quatre personnes tuées dans l'église. Mes deux fils ont réussi à prendre la fuite et n'ont pas été blessés.

Après le départ, en courant, de certains, six Mai-Mai sont entrés dans l'église. Ils étaient armés. Ils portaient des uniformes et des masques et avaient des peaux d'animal sur la tête. Ils étaient très sales. Il y avait des Batembo, des Bakongo et des Bahutu97. A ce moment là, on n'était plus tellement nombreux dans l'église - quatre femmes, trois femmes plus âgées et moi - et des enfants. Les soldats [c'est-à-dire les combattants] nous ont violées toutes les quatre. Ils m'ont frappée avec un bâton deux fois. Ils ont dit qu'on était bête d'obéir au RCD et ils ont dit qu'ils sauveraient le peuple congolais. Ils sont restés dans l'église pendant environ trente minutes puis ils sont partis.

Les autres femmes qui ont été violées étaient âgées et elles ne peuvent en parler. Je n'ai personne pour m'aider et il ne me reste rien. Il n'y a pas de services de santé à Masanga donc je n'ai pas pu recevoir d'aide médicale. J'ai encore très mal mais j'ai mes règles [indiquant ainsi qu'elle ne pense pas être enceinte].98

Les Mai-Mai ont attaqué les femmes qui cherchaient la sécurité en se réfugiant temporairement dans la forêt ainsi que celles qui restaient en ville mais continuaient à se rendre dans la forêt pour cultiver, chercher de la nourriture ou faire du charbon afin d'assurer leur survie et celle de leur famille.99 A un certain moment, les troupes du RCD ont exigé des gens du coin qu'ils rassemblent du bois pour eux et ceci a contraint les femmes à prendre le risque de se rendre dans la forêt.100

Un responsable des Nations Unies a déclaré que les femmes et les filles à Shabunda, comme celles qui vivent du commerce du charbon dans le Parc National de Kahuzi-Biega, "sont très exposées pour des raisons liées aux moyens d'existence et à la survie. Ce sont elles qui vont chercher le bois, la nourriture, les fruits et elles sont prises quand elles font cela. Mais elles doivent continuer à le faire même après avoir été violées."101 De plus, après avoir été déplacée et dans l'incapacité souvent de cultiver normalement depuis trois saisons, la population est désespérée.102

Solange C., une mère de quatre enfants âgée de cinquante ans travaillait dans son champ, dans la forêt, avec ses enfants et sa mère lorsqu'ils ont été attaqués tôt, un matin d'avril 2000.

Il y avait aussi sept hommes avec nous qui nous aidaient à travailler dans les champs. Un groupe de Mai-Mai est arrivé vers nous. Les hommes les ont entendus venir et ont tous pris la fuite.

Ils étaient huit. Ils m'ont encerclée. Ils ont maintenu mes pieds en l'air, ont écarté mes jambes et m'ont violée. Ils ont dit que s'ils trouvaient les hommes qui avaient pris la fuite, ils les mangeraient.

Les deux responsables portaient des uniformes. Les autres n'avaient que de vieux vêtements. Ils portaient sur la tête des peaux d'animaux et des plumes et autour de leur cou, ils portaient la drogue qui leur donne de la force selon eux. Je ne voyais vraiment que leurs yeux, tout le reste était caché. Ils se comportaient comme des fous, comme s'ils étaient drogués.

Solange C. a expliqué que les attaquants avaient tout pris dans son petit abri en feuilles de bananiers, dans la forêt. Ses voisins sont venus lui porter assistance quand ils ont entendu que les Mai-Mai étaient partis. Elle a pris des produits de la médecine traditionnelle que sa mère connaissait, dans la forêt, "de la sorte de ceux qu'on donne aux filles qui commencent juste à avoir leurs règles." Ceci a aidé un peu, a-t-elle dit mais elle a continué à souffrir. Elle a continué à vivre dans la forêt pendant un an et un mois et a dû, une fois, travailler pour les Mai-Mai. Décrivant ses conditions de vie pendant cette période, Solange C. a affirmé :

J'ai mangé du manioc pendant cette période ou des feuilles, sans huile ni sel. J'ai utilisé des feuilles de papaye [pour me laver] parce qu'il n'y avait pas de savon. Ils [les Mai-Mai] étaient couverts de puces alors on a eu des piqûres de puces et la gale. On dormait juste sur des feuilles, sans abri. Parfois, il y avait un feu pour nous tenir chaud. Les enfants sont tombés malades et je leur ai donné les remèdes que je trouvais dans la forêt. Seule la force de Dieu nous a préservés pendant tout ça. Finalement, la Force de Défense Locale et le RCD ont trouvé d'autres personnes et ensuite, ils ont trouvé ma famille. Quelqu'un leur a dit où nous étions et ils ont dit que quand on entendrait des tirs, on devrait suivre ce bruit et nous diriger vers eux. C'est ce qu'on a fait. Environ trente personnes sont ainsi sorties avec nous.103

Notre équipe de recherche a également parlé avec un homme dont la femme avait été enlevée par les Mai-Mai, en juin 2001. Il est resté à Shabunda avec leurs deux jeunes enfants. Sa femme n'a pas été vue depuis mais d'autres femmes qui avaient également été enlevées et qui s'étaient échappées avec l'aide de la Force de Défense Locale et du RCD lui ont donné des nouvelles de son épouse. Elles lui ont dit qu'elle avait été prise par des Mai-Mai encore plus avant dans la forêt.104

De plus, certaines des femmes et des filles de Shabunda ont déclaré que leurs assaillants étaient des hommes jeunes des villages du coin ou des bandits de la région qui utilisaient simplement le nom de Mai-Mai afin de couvrir leurs crimes. En juin 2001, Angélique H. a été violée alors qu'elle se rendait dans son champ pour y travailler près de son village, à environ 40 kilomètres de Shabunda. Elle a qualifié les trois violeurs de Mai-Mai mais a également affirmé qu'elle les avait reconnus comme venant de son village. Elle a déclaré : "Tout le monde est Mai-Mai. Au début, ils étaient bons mais ensuite, ils sont devenus mauvais."105 En avril 2001, alors qu'elle se rendait à son champ pour y récolter du manioc, Lisa T. a été violée par cinq hommes qu'elle a appelés Mai-Mai. Elle ne les connaissait pas mais a affirmé qu'ils étaient "des garçons du village." Elle a dit qu'elle n'avait pas osé les accuser parce qu'un jour, ils pourraient venir la trouver si elle le faisait.106

Plusieurs témoins nous ont dit que les soldats du RCD et de l'APR avaient également commis des viols mais que personne n'osait en parler ouvertement.107 Bien que les autorités encouragent la dénonciation des viols perpétrés par les Mai-Mai ou par des groupes armés majoritairement hutu, elles n'encouragent pas la dénonciation des viols commis par leurs propres troupes ou leurs alliés. Dans certains cas, les autorités civiles elles-mêmes craignent le RCD et l'armée rwandaise dont la présence militaire est très marquée dans la ville de Shabunda. Un habitant de Shabunda a déclaré à notre équipe : "Les alliés justifient leur présence par les événements en cours. Les autorités ne veulent pas des Rwandais ici mais elles n'ont pas le courage de le dire. Aucune autorité n'est capable de diriger, elles n'ont pas de conscience."108

Territoires d'Uvira et Fizi

Pendant plusieurs années, les forces du RCD et leurs alliés, les armées rwandaises et burundaises ont livré bataille contre les Mai-Mai et les forces rebelles burundaises, le FDD et le FNL pour obtenir le contrôle des territoires de Fizi et d'Uvira. Le RCD, l'APR et des unités de l'armée burundaise alliées à eux contrôlent certaines parties de la plaine, le long du lac Tanganyika et de la rivière Rusizi y compris la ville d'Uvira, certaines villes au nord et la route principale reliant ces points. Les Mai-Mai et leurs alliés ont maintenu le RCD hors de la plus grande partie de la zone montagneuse des territoires d'Uvira et Fizi. Le RCD contrôle, en théorie, les hauts plateaux habitées par les Banyamulenge mais récemment il a combattu une rébellion menée par une milice Banyamulenge dans cette région.

Les parties en guerre combattent actuellement pour une bonne partie de la région, du sud d'Uvira à Fizi, le long du lac Tanganyika, une zone contestée depuis quelque temps. Des organisations locales de défense des droits humains ont rapporté de graves violations du droit humanitaire international, y compris un bombardement naval de villages situés le long du rivage du lac par les forces alliées du RCD et l'armée burundaise gouvernementale, ainsi que des massacres de civils.109

Parce que les parties qui s'affrontent cherchent parfois à démontrer leur contrôle des routes en organisant des embuscades de voyageurs, les habitants de la zone voyagent moins maintenant que par le passé. Les principaux commerçants locaux sont des femmes et des filles. Craignant d'être violées ou tuées en s'aventurant sur les routes, elles ont presque cessé d'assurer leur commerce entre Uvira et Fizi ainsi qu'entre Uvira et le moyen-plateau. De moins en moins de biens produits localement à Fizi, tels que du manioc, de la braise, des noix de palme et du poisson, atteignent Uvira et de moins en moins de biens importés d'Uvira, tel que du gaz, des vêtements, du sucre, de la bière, du savon et du sel sont livrés à Fizi. Le sel et le savon manquent dans certaines zones. Les activités de pêche sur le lac ont diminué parce que l'équipement a été pillé et que de nombreux pêcheurs sont partis ou ont été tués. Le nombre de veuves et d'orphelins a augmenté. Avec la chute du commerce et une chute correspondante des revenus, de moins en moins de familles peuvent se permettre d'envoyer leurs enfants à l'école. Beaucoup ne peuvent s'offrir qu'un seul repas par jour.110

Mi-2001, les troupes de l'APR, redéployées depuis Pweto, ont conduit des combats plus vigoureux contre les Mai-Mai et les rebelles burundais du FDD111 qui, opérant depuis leur base de la péninsule d'Ubwari, avaient pris les villes situées entre Uvira et Fizi et contrôlaient la majeure partie de la route entre les deux villes. Début septembre, les forces Mai-Mai se sont avancées vers Fizi et ont occupé la ville pendant plusieurs semaines avec l'aide du FDD et du FNL. En octobre, le RCD avait repris Fizi et d'autres villes au sud, repoussant les forces Mai-Mai. Des milliers de personnes déplacées ont fui vers Baraka et Uvira et d'autres ont franchi la frontière avec la Tanzanie.

Comme ailleurs à l'est du Congo le nombre de viols dans cette région, a augmenté avec la montée des activités militaires. Parmi les personnes déplacées par les combats entre le RCD, les forces Mai-Mai et les forces FDD qui ont débuté mi-2001, des femmes et des filles de Swima, Mboko, Kabumbe et Kazimia ont rapporté avoir été violées au cours des affrontements militaires ou peu de temps après. Par exemple, une vieille femme disait que sa belle-fille avait été violée en août 2001 par trois soldats qu'elle a décrits comme "Banyamulenge". Ce viol s'est produit lorsque ces hommes tentaient de rentrer chez eux à Kabumbe, après avoir fui les combats entre le RCD et les Mai-Mai.112

Viviane M., trente-huit ans a quitté Kabumbe le 23 octobre 2001 à cause des combats continus entre le RCD et les Mai-Mai. Les Mai-Mai ont attaqué une position du RCD puis sont entrés dans le village et ont commencé à piller les maisons. Viviane M. a fui avec sa famille alors que les renforts du RCD arrivaient de positions voisines. Cachée dans la zone boisée des collines au-dessus de la ville, elle a entendu pendant plusieurs jours les bruits des combats. Certaines forces Mai-Mai ont profité de la vulnérabilité des personnes déplacées et leur ont dérobé toutes les choses de valeur en leur possession. Au cours des jours suivants, des Mai-Mai ont découvert où ces personnes se cachaient et ont violé les femmes et les filles. Viviane M. a décrit comment un groupe de Mai-Mai avait exigé qu'elle leur donne tout son argent. En découvrant qu'elle n'avait rien, ils l'ont déshabillée, l'ont battue avec les crosses de leurs fusils et trois d'entre eux l'ont successivement violée. Certains d'entre eux ont violé, devant elle, sa fille de quatorze ans.113

Marceline G. a aussi fui Kabumbe à la même période. Lors de son séjour dans la forêt, certaines forces Mai-Mai ont localisé sa cachette et ont forcé les hommes à les accompagner pour piller un village abandonné des environs. Lors de leur absence, d'autres Mai-Mai et des combattants FDD ont violé les femmes et les filles restées en arrière et ont battu certaines d'entre elles avec des bâtons et des fusils. Plusieurs témoins ont soutenu que ces forces obéissaient à un chef Mai-Mai du nom de Bwasakala.114

Entre juillet et septembre 2001, une organisation de défense des droits humains, à Uvira, a enregistré 117 cas de violence sexuelle contre des femmes et des filles. La plupart des attaques se sont produites dans le territoire de Fizi, lors de combats récents et la plupart ont été perpétrées par les forces du FDD ou du RCD. Parmi les victimes se trouvaient des filles de onze ans seulement, plusieurs femmes enceintes et des femmes âgées. L'organisation a également recueilli des informations sur plusieurs cas au cours desquels des femmes ont été tuées par balle parce qu'elles s'opposaient au viol de leur fille. Selon cette organisation, les soldats du RCD ont violé puis tué cinq femmes, le 5 août 2001, à Lusambo, à 15 kilomètres au nord de Mboko, dans le territoire de Fizi.115

Une autre association a rapporté des viols de femmes et de filles par des troupes du RCD et par des combattants FDD et Mai-Mai, dans les villages de Kabumbe, Kalundja, Lusambo, Swima et Munene. Certaines femmes ont été violées devant leur mari et/ou leurs enfants et certaines tuées après le viol. Comme dans les cas décrits plus haut, nombre de viols ont été perpétrés sur des femmes déplacées et peu de temps après des affrontements militaires.116 Des groupes locaux de défense des droits humains ont également rapporté que des forces du RCD, des Banyamulenge, des FDD, de l'armée burundaise et de l'APR avaient violé des femmes et des filles, à Uvira et dans ses environs. Certaines des femmes et des filles sont tombées enceintes après le viol, certaines ont eu des fausses couches.117 Plusieurs observateurs locaux à Uvira ont avancé que les incidents de violence sexuelle avaient été plus fréquents dans les zones contrôlées par le RCD que dans celles occupées par leurs alliés burundais.118

Des soldats et d'autres combattants ont également attaqué et violé des femmes trouvées aux champs. Le 20 mai 2001, des soldats du RCD ont violé Linette P., une vendeuse d'arachides âgée de quarante-trois ans, divorcée et mère de deux enfants. Elle était partie dans son champ où elle cultive du manioc, du maïs et des arachides, situé vers Kiliba (au nord d'Uvira). Comme la pluie semblait imminente, peu d'autres personnes étaient allées cultiver. Elle était seule lorsqu'elle a quitté le champ, au milieu de l'après-midi et a été attaquée par des soldats venant des montagnes où ils avaient combattu. Ils ont dit : "Viens ici, on a passé beaucoup de jours sans femmes, tu vas être notre femme," a relaté Linette P. Deux des soldats l'ont violée dans le champ puis sont montés dans un véhicule militaire avec les autres et sont partis.119

Albertine W., une jeune mère de deux enfants âgée de dix-huit ans a été violée par un soldat du RCD, en août 2001, près de Mboko, dans le territoire de Fizi. Elle travaillait au champ avec sa belle-mère quand le soldat s'est approché et l'a violée. Elle a déclaré : "C'est allé très vite et le soldat ne m'a pas autrement maltraitée." Elle a rapporté que de nombreuses autres femmes avaient également été violées par des soldats du RCD. Suite à cela, la famille a décidé de quitter son village et de se rendre dans les montagnes contrôlées par les Mai-Mai.120

Colette F., mère de neuf enfants, âgée de quarante-cinq ans a été violée, il y trois ans, par deux soldats alors qu'elle se trouvait dans son champ, à Munanira, à 5 kilomètres environ d'Uvira. Vers 8 heures du matin, elle a tout à coup vu de nombreuses personnes qui couraient et quatre soldats descendre une colline. Quand les soldats l'ont rattrapée, il lui ont dit, ainsi qu'à une autre femme, de venir pour porter leurs bagages. Lorsqu'elle s'est approchée avec l'autre femme, les soldats se sont emparés d'elles, les ont jetées au sol et les ont violées. L'un des soldats l'a maintenue en joue pendant que l'autre la violait. Chacune des deux femmes a été violée par les deux soldats qui leur ont ensuite déclaré : "Si vous dites ça au village, on va vous tuer." Colette F. pense que ses assaillants étaient des Banyamulenge ou des Rwandais. Elle a affirmé qu'elle ne pouvait faire la différence. Interrogée sur des réparations judiciaires, elle a répondu : "Ici, on ne peut pas juger [les responsables]. Il y a ceux qui sont forts et on a peur d'eux."121

Les rebelles hutu burundais auraient enlevé des filles et des femmes congolaises afin que celles-ci leur fournissent des services sexuels et leur servent de main d'_uvre dans les camps, y compris ceux situés dans Rukoko, une zone boisée de la plaine de Rusizi, du côté burundais de la frontière. Agathe T., vingt ans, a réussi à échapper à un tel sort. Elle a affirmé que les rebelles ont souvent attaqué sa zone natale de Nyango, à douze kilomètres de Sange. Ils sont venus pour chercher de l'argent et ont battu les gens s'ils n'avaient rien à leur donner, a-t-elle dit, et parfois, ils ont emmené des femmes et des filles avec eux. Début octobre 2001, des rebelles hutu burundais en uniformes et parlant kirundi ont tenté de kidnapper Agathe T. mais elle a réussi à s'échapper par une fenêtre. Ils ont pris et violé d'autres femmes et filles, parmi lesquelles sa s_ur de dix-huit ans. Ces femmes et ces filles ont été retenues pendant une semaine dans un village appelé Sasira, au Burundi, de l'autre côté de la rivière Rusizi. Elle a été donnée pour "femme" à l'un des soldats et a vécu sous un abri temporaire fait d'une feuille de plastique.122

En octobre 2001, un cultivateur de Sange a raconté aux chercheurs de Human Rights Watch que sa femme avait été violée, quelques jours auparavant seulement. Des rebelles burundais, dont il pensait qu'ils appartenaient aux forces du FNL, ont attaqué sa maison le 26 octobre. Il y avait quatre hommes et deux d'entre eux l'ont emmené en brousse et l'ont menacé pendant que les deux autres ont emmené sa femme vers un autre endroit dans la brousse et l'ont violée.123

Les gens du coin ont attribué le manque de nourriture à Uvira, fin 2001, en partie au refus des femmes de se rendre dans leurs champs aux abords d'Uvira pour les travailler, un refus motivé par la peur du viol et d'autres formes d'attaques par des soldats ou d'autres combattants.

Violence sexuelle au Nord Kivu

Au moment des recherches pour ce rapport, fin 2001, l'activité militaire était moins intense au Nord Kivu qu'au Sud Kivu. Néanmoins, certains soldats et combattants ont fréquemment violé des femmes et des filles. Comme au sud, les soldats du RCD sont établis dans des villes comme Goma, la ville principale de la région mais ils contrôlent seulement des parties limitées de la campagne. Des combattants armés hutu dominent une bonne part du territoire de Masisi, Rutshuru et Walikale bien que l'APR, avec le RCD, aient lancé, en 2001, un effort important pour les chasser de la région. Certains de ces combattants hutu appartiennent à l'ALIR, la plus importante des unités rebelles rwandaises au Congo et la mieux organisée. Bien que les commandants de l'ALIR aient apparemment ordonné à leurs forces de ne pas faire de mal aux civils lorsqu'un grand nombre d'entre eux a traversé la frontière pour aller au Rwanda, en mai 2001, ils ne semblent pas avoir étendu cet ordre au territoire congolais.124

En mars 2001, un groupe de Congolais se rendait au marché de Kitchanga, dans le territoire de Masisi, à environ soixante kilomètres au nord de Goma. Innocente Y., une femme qui faisait partie de ce groupe, a déclaré qu'ils avaient tout à coup été attaqués par "beaucoup, beaucoup, peut-être une centaine d'Interahamwe." Elle a affirmé qu'elle et les autres étaient certains que les assaillants étaient des "Interahamwe" malgré leurs uniformes. Ils étaient très sales, indice révélant qu'ils avaient vécu en brousse et ils parlaient kinyarwanda. Ils ont tué les deux hommes qui accompagnaient les femmes et ont choisi huit femmes pour porter leur butin, à savoir les biens que le groupe portait au marché. Ses ravisseurs ont emmené Innocente Y. plus avant dans la brousse où elle a été retenue pendant deux jours. Cinq hommes l'ont violée à plusieurs reprises, au cours de cette période. Elle a risqué sa vie en fuyant le camp. Comme elle s'échappait en courant, elle a vu le corps d'une autre femme qui selon elle, avait tenté de s'enfuir et avait été reprise.125

Claire L. a été attaquée par un soldat du RCD alors qu'elle ramassait du bois dans une zone proche de Goma, en mai 2000. Elle a ainsi raconté :

J'étais sortie pour trouver du bois pour faire une construction. J'étais sur la route, avec ma mère. Ma mère m'aidait à charger du bois sur ma tête quand ce soldat est arrivé et a commencé à nous crier dessus en disant : "Vous êtes des Interahamwe, vous voulez vivre ou mourir ?" Il a attaché ma mère à un bananier et il m'a violée. C'était un soldat du RCD. Il avait une grenade et un fusil et il portait un uniforme. Il faisait partie des soldats tutsi qui sont restés dans les collines, au-dessus de la ville.126

Aloysie B., veuve avec trois enfants a été violée par "trois soldats tutsi", en juin 2000, comme elle rentrait chez elle, de son champ de haricots à Sake, à environ vingt-cinq kilomètres de Goma. Quand elle a essayé de résister, ils ont entaillé au couteau le haut de sa cuisse.127

Elise T., une jeune veuve de vingt-neuf ans, a enduré une expérience similaire aux mains de soldats du RCD parlant le kinyarwanda, à la fin de 1999. Elle s'occupait seule de ses haricots, dans un champ proche de Sake, en milieu de matinée. Les soldats ont menacé de la tuer si elle résistait et chacun des huit soldats l'a violée, "l'un après l'autre". Puis, ils l'ont fait marcher sur une longue distance avec eux afin, selon elle, de la terrifier. Elle s'est retrouvée enceinte suite à ce viol et comme beaucoup d'autres, n'a pas consulté un médecin après avoir été violée.128

Hélène C. a été violée en octobre 2001, alors qu'elle était en voyage pour le travail. Un soldat du RCD est arrivé, cherchant le propriétaire de la maison dans laquelle elle séjournait. Elle était seule à ce moment là. Il lui a demandé un verre d'eau et comme elle partait le chercher, il l'a saisie par derrière. "Il a mis sa main sur ma bouche. J'ai lutté. Il m'a donné un coup de pied dans le ventre et je suis tombée. Cela a pris moins de dix minutes," a-t-elle raconté. "Il a pris son fusil et est parti." Elle a ajouté :

Il n'y avait pas de sang, juste une douleur pendant quelques jours. J'ai pensé que j'étais juste un peu blessée. Je ne pense pas que je pourrais l'identifier. Ils diraient simplement [Hélène] a fait ça alors je n'ai rien dit. Je pensais que ça passerait tout seul.129

Commentant la responsabilité de l'attaque, elle a déclaré :

Je n'en veux pas qu'au soldat qui m'a fait ça. J'en veux aussi au RCD. Je pense que c'est la guerre qui est responsable de ce qui m'est arrivé. Nous [les femmes] sommes des victimes de la guerre. On ne prend pas les armes, mais nous les femmes, c'est nous qui souffrons le plus.130

Cette agression était la seconde qu'elle subissait, bien que la première fois, en 1997, elle ait réussi à prendre la fuite. Cette fois là, un commandant de l'armée rwandaise avait tenté de la violer. Elle a affirmé que c'était un "Afande"131 en charge du camp militaire de Mushaki, au Nord Kivu, à cette époque. Elle nous a raconté : "[En tentant de résister], j'ai été piquée par des herbes comme si j'avais été piquée par des abeilles. Il m'a poursuivie et m'a tiré dessus deux fois. J'ai dit à l'Afande : `Tue moi si tu dois, je ne peux pas le faire.'"132

Antoinette E., vingt ans, a été violée après l'école, un jour du début de l'année 2000 alors qu'elle partait chercher de l'eau. Un soldat RCD du camp militaire tout proche est descendu de la colline en provenance du camp et s'est dirigé vers elle. Il a offert de l'aider à porter l'eau, puis ensuite s'est tourné sur elle et l'a violée. Quand elle a résisté, il a entaillé son épaule avec un couteau, lui laissant une large cicatrice. Elle a pleuré et est rentrée chez elle mais n'a pas cherché à recevoir une aide médicale. Elle s'est retrouvée enceinte après ce viol. A cette époque, elle vivait avec sa famille et allait à l'école. Suite au viol, sa famille l'a rejetée et elle a dû quitter l'école. Elle s'occupe maintenant seule de son bébé qui est handicapé et elle survit en lavant des vêtements ou en travaillant comme ouvrière agricole dans le champ des autres. "Les soldats du RCD font ce qu'ils veulent", elle a dit.133

Ville de Goma

Bien que le RCD ait une emprise plus forte sur la ville de Goma que sur n'importe quelle autre ville de l'est du Congo, il règne dans la ville une forte insécurité qui se manifeste par des viols, des vols à main armée et des attaques contre les habitants. Dans certains cas, les auteurs de ces actes sont des soldats du RCD ou de l'APR, dans d'autres, des policiers congolais. Les autorités du RCD ont reconnu que des personnalités officielles avaient été impliquées dans certains de ces crimes. Selon l'Agence France Presse, ils ont publié une déclaration lue à la radio qui disait : "Ces actes répréhensibles sont souvent commis avec la complicité de certains éléments liés de près à des autorités politiques ou militaires et par des soldats errants."134 Certains des attaquants peuvent aussi appartenir aux groupes armés majoritairement hutu ou être des déserteurs issus de tels groupes ou de l'armée.

Delphine W., âgée de vingt-et-un ans, a été violée par trois soldats rwandais et congolais, lors d'une attaque à main armée à Goma, en septembre 2001 :

Je ne savais pas quelle heure il était, je dormais. Quatre hommes, des soldats, sont venus pour voir ce qu'ils voulaient voler. Ils étaient armés de couteaux. Ils parlaient kinyarwanda et kiswahili, les deux langues de l'armée. Certains étaient rwandais, d'autres congolais. Certains étaient en civils, d'autres en uniformes militaires. Je n'ai pas vu leurs visages. Ils ont choisi notre maison au hasard, il y a beaucoup d'autres maisons dans le quartier. J'étais seule à la maison avec ma mère. Ils ont forcé la porte de la maison.

J'étais au lit. Quand la porte s'est ouverte, j'ai crié. Ils ont dit qu'ils avaient besoin de la fille. Trois des hommes m'ont violée. Ils n'ont pas violé ma mère. Ils ont dit qu'ils n'avaient pas besoin de la mère, juste de la fille. Ils ont demandé si j'étais mariée et j'ai dit non. Ils ont demandé si j'avais déjà été prise par un homme et pourquoi. [L'un des hommes] a dit quelle fille n'a jamais été prise par des hommes ? C'était la première fois que je couchais avec des hommes. Ils ont dit que si je refusais, ils me tueraient. Le premier qui m'a prise m'a frappée avec ses mains. Il m'a prise de force. Je lui ai demandé d'avoir pitié de moi. Il a dit que si je ne le laissais pas faire, il me tuerait. J'ai refusé. Il m'a frappée alors j'ai accepté. J'étais encore au lit. Les autres ne m'ont pas frappée. Le second voulait mettre sa chose dans ma bouche, j'ai refusé. Les trois m'ont violée, le quatrième est parti. Quand ils m'ont prise, je me suis sentie mal.

Dans la nuit, j'ai pleuré et j'ai demandé à Dieu : "Pourquoi as-tu voulu qu'il en soit ainsi ? J'ai refusé tellement d'hommes. Et il a fallu que j'accepte des hommes que je n'avais jamais rencontrés, je ne connaissais même pas leurs visages."

Ma mère m'a dit que je devrais remercier Dieu d'être encore en vie. Elle m'a dit d'être courageuse et de ne rien dire aux autres familles pour ne pas perdre ma réputation. Elle a dit que si je racontais ce qui m'était arrivé, j'aurais du mal à trouver un mari. Ils pourraient dire que j'avais des maladies parce que j'étais avec des soldats.

J'ai été malade pendant trois jours. J'avais froid. C'était comme s'ils avaient mis du piment en moi, ça brûlait. Je saignais beaucoup. J'ai saigné pendant cinq jours comme si j'avais mes règles. Je n'ai pas encore eu de règles normales depuis [le viol s'était produit environ cinq semaines plus tôt]. J'avais mal après mais ça va maintenant. Au matin, ma mère m'a donné de l'eau pour me laver, juste de l'eau. Je n'ai pas vu un docteur ou une infirmière. Je n'ai pas assez d'argent pour les tests. J'ai déjà du mal à trouver de l'argent pour mes études, je ne peux pas, en plus, payer des médicaments. Pour mes examens, on doit payer chaque professeur un dollar, un dollar... Je n'avais pas assez pour ça non plus.

J'ai parfois des migraines et des vertiges et je ne peux alors rien faire du tout. Parfois, je ne peux plus respirer et on dirait que je vais mourir. J'ai eu ça trois fois depuis que ça s'est produit. Ça m'était jamais arrivé avant. Je prie mais cela ne semble pas m'aider. Des fois, je me sens détachée de mon corps. Ça s'est produit quatre fois et puis ça passe et je me sens vivante de nouveau.

J'ai parlé de ça à ma mère. Elle dit que je ne dois pas me plaindre parce que je suis toujours en vie. Les voisins ne savent rien, ma mère leur a dit qu'ils n'avaient rien fait, juste volé.135

Brutalité extraordinaire

Les assaillants qui ont violé des femmes et des filles les ont fréquemment battues, fouettées ou agressées d'une autre façon avant, pendant ou après que le viol se soit produit. Ceux-qui ont enlevé des femmes et des filles et les ont gardées pendant des semaines ou des mois leur ont régulièrement infligé des coups en plus des viols. Les violeurs ont aussi insulté et humilié leurs victimes.

Au delà de ces cas habituels d'abus, il y a eu d'autres cas où les violeurs ont infligé à leurs victimes de graves blessures, en faisant pénétrer dans leur vagin des bâtons ou d'autres objets ou en mutilant leurs organes sexuels au moyen d'armes telles que des couteaux ou des lames de rasoir. Un gynécologue a raconté qu'au cours de ses nombreuses années de travail, il n'avait jamais vu des atrocités comme celles commises contre les femmes qui avaient été violées et qu'il avait récemment traitées. Parmi ces cas, se trouvent des femmes dont le clitoris et les lèvres vaginales ont été coupés avec des lames de rasoir. Il a affirmé que l'une de ses patientes a expliqué ceci en disant : "C'est de la haine et c'est tout."136 Père de quatre filles, le médecin faisait le commentaire suivant : "J'ai le sentiment que si vous naissez fille dans ce pays, vous êtes condamné à mort dès la naissance ... Pourquoi restons-nous silencieux là dessus ?"137

Des soldats en uniformes, armés, identifiés par des témoins comme étant des "Banyamulenge" ont entouré un groupe de femmes travaillant dans un champ à Kigongo, à environ dix kilomètres au sud d'Uvira, en juillet 2001. La plupart des femmes ont réussi à prendre la fuite et à se cacher, y compris la femme qui nous a informés de cet incident. Cependant, elle a vu comment les attaquants ont saisi une femme burundaise, décrite comme étant hutu. Ils ont accusé cette femme d'être l'épouse de Mai-Mai, selon la témoin qui observait la scène depuis sa cachette. La femme retenue captive a nié l'accusation, prétendant qu'elle était venue du Burundi chercher refuge au Congo. Sept hommes ont pris la femme burundaise et l'ont violée. Puis l'un des violeurs a introduit son fusil dans son vagin et a tiré. Les assaillants sont alors partis. La témoin et les autres femmes sont sorties de leur cachette et ont tenté d'emmener la femme très gravement blessée vers un poste de santé mais elle est morte en chemin. Le matin suivant, les mêmes attaquants sont revenus et ont menacé de tuer les autres femmes. Selon la témoin, il y a eu deux autres cas similaires récemment, à Kabumbe. Dans chacun de ces cas, des soldats du RCD ont usé de leur arme dans le vagin des femmes qu'ils avaient violées et les ont ainsi tuées. La témoin, une veuve de quarante ans, n'est pas retournée au champ depuis qu'elle a assisté au meurtre de la femme burundaise.138

Le 1er juin 2000, un soldat du RCD a violé une jeune femme de vingt-cinq ans, près de Nundu, dans le territoire de Fizi. Il a ensuite tiré à trois reprises dans ses organes génitaux. Miraculeusement, elle n'est pas morte. Elle est restée à l'hôpital pendant plusieurs mois et a besoin d'opérations et de traitements supplémentaires.139 Selon des sources locales d'information, il n'y a pas eu d'enquête officielle sur ce crime.

Dans certains cas, les violeurs réagissent avec une extraordinaire cruauté à tout type d'effort pour leur résister. Une mère a décrit le traitement de la sorte réservé à sa fille, Monique B., vingt ans, fiancée. Elle a raconté :

Le 15 mai de cette année [2001], quatre combattants fortement armés - c'était des Hutu - sont venus chez nous à 9 heures du soir. Tout le monde dans le quartier avait pris la fuite. J'ai voulu cacher mes enfants mais je n'ai pas eu le temps. Ils ont pris mon mari et l'ont attaché à un pilier dans la maison. Mon bébé de quatre mois a commencé à pleurer et je l'ai mis au sein. Et ils m'ont laissée seule.

Ils sont partis chercher ma fille et je savais qu'ils la violeraient. Mais elle a résisté et a dit qu'elle préférerait mourir que d'avoir des relations avec eux. Ils lui ont coupé le sein gauche et lui ont mis dans la main. Ils ont dit, "Tu veux encore nous résister ?" Elle a dit qu'elle aimerait mieux mourir que d'être avec eux. Ils ont coupé ses lèvres génitales et les lui ont montrées. Elle a dit, "Par pitié, tuez-moi." Ils ont pris un couteau et l'ont mis sur son cou et ensuite ils ont fait une longue incision verticale en descendant sur sa poitrine et ont ouvert son corps. Elle pleurait mais finalement, elle est morte. Elle est morte avec son sein dans la main.

Des officiers du RCD sont venus et ont regardé le corps. Puis ils sont partis et je pense qu'ils n'ont jamais rien fait à ce sujet. Je n'ai pas parlé à d'autres autorités parce que je pensais que c'était une affaire militaire. Il n'y a pas l'électricité là-bas et on ne voyait pas grand chose mais on pouvait entendre ses cris et voir ce qui s'était passé quand on a vu son corps le matin. Je n'ai jamais revu les attaquants mais je ne les voyais même pas bien cette nuit-là. Ils ne sont pas restés après avoir tué ma fille.140

Enfants et personnes âgées

Certains violeurs s'en prennent aux jeunes et aux très jeunes, trahissant l'obligation habituellement reconnue à l'adulte de protéger l'enfant. Il est possible qu'ils aient cherché à éviter le risque du VIH/SIDA en violant celles qui n'avaient pas encore eu de partenaires sexuels. Certains Congolais interrogés ont aussi affirmé qu'une croyance existe selon laquelle des relations sexuelles avec un jeune enfant pourraient éliminer le virus.

Un assaillant non identifié ou des assaillants, apparemment en uniformes, ont violé une enfant de cinq ans à Goma, fin 2001. Lorsqu'elle a ensuite été conduite à l'hôpital, l'enfant avait perdu tellement de sang qu'elle a eu besoin d'une transfusion. La mère de la victime nous a relaté ce cas et nous a dit qu'il avait fallu beaucoup de temps avant que l'enfant puisse de nouveau commencer à marcher normalement.141

Dans les zones d'activité militaire, des soldats et des combattants armés ont violé des jeunes filles autant que des femmes pour aider à établir leur domination sur la région. En mai 2001, une fille de quatorze ans s'est rendue dans la forêt, près du Parc National de Kahuzi-Biega parce qu'elle espérait commencer à gagner de l'argent en vendant de la braise comme les filles plus âgées et les femmes. Elle rentrait chez elle, accompagnée d'environ dix autres personnes, avec leur chargement de braise lorsque des combattants armés, qu'elle a identifiés comme des Interahamwe, sont tombés sur elles. Avec une autre jeune fille, âgée de seize ans, elles ont été enlevées par deux combattants qui les ont gardées dans la forêt, pendant trois jours. Elle a raconté : "Au début, on a résisté mais ils faisaient que de nous frapper. On a finalement abandonné et ils nous ont violées."142 Après trois jours, les combattants sont partis et les filles ont retrouvé le chemin de leur maison.

A peu près à la même période, une autre fillette de quatorze ans et deux filles plus âgées ont également été attaquées, dans la même région, alors qu'elles rentraient de la forêt, peu de temps après la tombée de la nuit. Trois combattants les ont enlevées et les ont fait marcher jusqu'à 2 heures du matin, plus profondément dans la forêt. Chaque fille a dû rester avec un combattant et a dû avoir des relations sexuelles avec lui. Les ravisseurs les ont gardées pendant cinq jours et les ont fait obéir en menaçant de leur tirer dessus.143

A Walungu, près du Parc National de Kahuzi-Biega, des soldats armés ont attaqué une maison en avril 2000 et ont tué les parents de la famille. Les six filles ont fui mais sont rentrées chez elle deux semaines plus tard. Parce qu'elles avaient trop peur, elles dormaient toutes dans un seul lit. L'une des s_urs a ainsi décrit la seconde attaque sur leur maison :

Les soldats sont revenus. C'était environ dix heures du soir. Ils étaient huit. Je ne les ai jamais vus tous ensemble mais je pense qu'ils étaient aussi nombreux. Ils ont braqué une torche sur nos visages et nous ont jetées au sol. Ils nous ont toutes violées deux fois chacune rapidement, une à une. Nos voisins n'ont rien fait pour nous aider, peut-être qu'ils n'ont pas entendu nos pleurs. Les soldats ne sont pas restés longtemps après ça. On aurait dit qu'ils avaient peur aussi.

La plus jeune des s_urs avait neuf ans et les autres, treize, quinze, dix-sept, dix-neuf et vingt ans. Les jeunes filles pensent que des garçons du village, eux-mêmes peut-être âgés de quinze ou seize ans, se sont joints aux soldats pour les violer. La plus âgée des s_urs a dit :

Après notre viol, on est allé dans un champ de manioc jusqu'à 1 heure du matin. On n'a dit à personne ce qui s'était passé mais on a découvert que ce qui s'était passé s'était déjà répandu dans tout le quartier - tout le monde savait. Et partout où on allait, les gens parlaient de ces filles qui avaient été violées. Les voisins avaient peur que la même chose se produise dans leur famille.
Je ne peux pas retourner dans ce village tant que les gens savent et se souviennent de tout ça. J'essaie de ne pas trop m'inquiéter et juste de me concentrer sur mes études. Je ne veux plus jamais voir des gens de ce quartier.144

Les jeunes filles sont actuellement avec la famille et les amis d'un prêtre, dans une autre communauté sauf la plus âgée, qui avec les encouragements du prêtre, a récemment passé un examen pour entrer à l'université.

Le 19 octobre 2001, des combattants armés du FDD ont violé deux enfants, dans un village proche de Baraka, sur le lac Tanganyika. Leur mère, Agnès T., a raconté aux chercheurs de Human Rights Watch que les assaillants avaient violé sa fille de treize ans et son fils de seize ans, devant elle. Des rebelles FDD ont attaqué un groupe de pêcheurs, incluant son fils. Ils les ont attachés et plus tard, cette nuit-là, ont emmené le garçon ligoté dans sa maison, à la recherche d'argent. Le mari d'Agnès T. a réussi à s'échapper par une fenêtre mais les assaillants ont pris Agnès T. et l'ont ligotée. Quatre rebelles ont violé sa fille. Ils ont également violé son fils, "comme une fille", a raconté Agnès T. Puis les combattants ont pillé la maison et sont partis. Suite à cela, les deux enfants ont souffert d'infections et la jeune fille a passé un mois à l'hôpital.145

Thérèse K., treize ans, a été violée par des soldats du RCD qui attaquaient sa maison, dans la ville d'Uvira. Sa grand-mère, avec laquelle elle vit, a réussi à s'enfuir mais l'a laissée derrière. Sept hommes en uniformes, armés de fusils et parlant kinyarwanda - des Banyamulenge, selon elle - ont fait irruption dans la maison. L'un d'eux l'a violée.146

Juliette M., alors âgée de quinze ans a été violée par des soldats de l'APR dans la ville de Kabare, à environ dix kilomètres de Bukavu. Elle se rendait chez ses grands-parents, pour prendre un poulet pour le Noël 1998. Aux abords d'un camp militaire à Kabare, elle a vu de nombreux soldats. L'un d'entre eux lui a demandé d'aller lui chercher un verre. Elle est partie le faire, a-t-elle dit, parce qu'il s'agissait d'un soldat et qu'elle pensait qu'elle devait le respecter. Il lui a dit qu'il savait qu'elle l'aimait, ce qu'elle a nié et ensuite, il a menacé de la violer. Il a appelé quatre autres hommes et ils l'ont conduite vers une petite maison, dans le camp militaire. Ils lui ont dit : "Si tu ne veux pas..., on va te frapper." Ils l'ont déshabillée et chacun des quatre soldats l'a violée. Puis, ils l'ont chassée. Elle est rentrée chez elle en pleurant mais a trouvé le soutien de sa mère qui l'a emmenée dans un centre de santé local. Juliette M. affirme qu'elle ne veut plus jamais voir un homme. A cause de ce qui lui est arrivé, elle déclare : "Je ne peux pas me marier. Mais je peux étudier et un jour, aider les enfants."147

Eléonore R., âgée de douze ans, séjournait chez sa tante et son oncle à Goma lorsque des attaquants armés non identifiés ont fait irruption dans la maison, en août 2001. Ils ont eu recours à une méthode, couramment utilisée, connue sous le nom de "katarina" consistant à jeter de grosses pierres sur le verrou de la porte jusqu'à ce qu'il cède. Elle a raconté :

Ils se sont servis de deux pierres pour entrer. Quatre [hommes] sont entrés dans la maison et il y en avait davantage dehors. Ils ont ouvert la porte, ont pris papa, l'ont attaché, ont frappé maman et ont tout pris dans la maison. Ils ont fait beaucoup de bruit. Je me suis cachée sous le lit.

Ils sont ensuite entrés dans ma chambre. L'un était très grand, l'autre gros. Je ne les connaissais pas et ne les voyais pas vraiment. Ils avaient des fusils et des torches. Ils parlaient kinyarwanda et kiswahili. Quand j'ai refusé, l'un d'eux m'a frappée deux fois avec sa main. Puis il a commis l'acte. Il y avait quatre autres enfants dans la chambre, tous plus jeunes. L'homme qui l'a fait a dit aux autres de fermer leurs yeux. J'ai aussi fermé mes yeux. Ils ont cessé quand le sang a commencé à couler.

Je crois qu'ils n'ont attaqué que notre maison cette nuit-là. Ils sont peut-être allés dans d'autres maisons mais je n'en ai pas entendu parler. Après ça, de nombreuses personnes du quartier sont venues.

Le matin, je suis allée à la clinique voir une infirmière. J'étais déchirée et il y avait beaucoup de sang. On m'a fait une transfusion, on m'a donné des comprimés et une piqûre. Je pense que c'était des vitamines. Je saignais beaucoup. Je n'ai plus mal maintenant et je me sens bien sauf que parfois mes jambes sont comme paralysées. Je n'ai pas eu d'autres tests. Les autres mères dans le quartier m'ont aidée, m'ont donné des choses.148

Dans un autre cas, six hommes armés, masqués et en uniformes ont fait irruption dans une maison à Bukavu et ont attaqué le père de famille avec des machettes. Deux hommes ont emmené la mère alors que les autres ont violé la fille de quinze ans, pendant une heure. Quand elle a commencé à pleurer, ils ont introduit le canon d'un fusil dans sa bouche. Elle a été violemment battue et a souffert de blessures internes et externes.149

Dans certains cas, des jeunes filles ont été violées par des hommes occupant des positions d'autorité ou liés à des gens occupant de telles positions. Grace C., quinze ans, a été enlevée, après l'école, à Goma, le 15 octobre 2001 et maintenue en captivité pendant huit jours par une personnalité officielle, dans l'administration RCD, un homme qu'elle avait vu une ou deux fois, chez un voisin. Bien que civil, le ravisseur était suffisamment haut placé pour bénéficier d'une escorte militaire armée. La mère de Grace a passé plusieurs jours à essayer de retrouver la trace de sa fille. Elle a dépensé plusieurs centaines de dollars en transport et frais de téléphone pour que des officiers de sécurité du RCD et des soldats localisent sa fille. Elle pense qu'au moins certains d'entre eux savaient où se trouvait sa fille et qui la détenait. Quand ils ont échoué à l'aider, elle est allée voir un conseiller de Bizima Karaha, chef de la Sécurité et des Services de renseignements. Lui, a-t-elle dit, a réagi immédiatement et avec colère, ordonnant que la fille lui soit remise dans les deux heures. Bien que la mère de Grace ait encore dû payer pour le transport des personnes parties chercher sa fille, celle-ci a été immédiatement ramenée à la maison.

Au cours des huit jours de sa captivité, Grace C. a été violée plusieurs fois et menacée à bout portant. Elle a demandé plusieurs fois à être ramenée chez elle. A deux reprises, elle a été contrainte (une fois avec un revolver sur la gorge) de téléphoner à sa mère et de mentir sur l'endroit où elle se trouvait. A une autre occasion, elle a été contrainte de demander à sa mère d'accepter une délégation envoyée pour arranger son mariage avec son ravisseur. L'homme qui l'a violée a prétendu qu'il voulait l'épouser et lui a ordonné de dire aux autres qu'elle voulait vivre avec lui.150 Les autorités judiciaires ont enquêté sur ce cas et ont détenu son auteur présumé pendant plusieurs jours. Il a ensuite été relâché et le cas n'est pas allé en justice.151

Dans un autre cas, le fils d'une autorité locale a violé une fillette de onze ans, dans un village peu éloigné de Goma. Il a pris l'enfant alors qu'elle était partie avec une autre fillette ramasser des feuilles de manioc, dans les champs. Il a ligoté l'autre fille et a violé celle de onze ans. Ce viol lui a causé une fistule et pendant quelque temps, elle a évacué ses matières fécales par le vagin. La famille de l'enfant a rapporté le viol aux autorités locales. Le violeur aurait payé un dédommagement à une personnalité officielle qui n'aurait rien transmis à la victime, ni à sa famille. Le violeur a quitté la région et n'a pas été poursuivi.152

Des assaillants ont aussi violé et agressé autrement des femmes âgées, normalement traitées avec grand respect par la société locale. En octobre 2000, un grand nombre de Mai-Mai ont trouvé une arrière-grand-mère qui avait cherché refuge dans la forêt avec son petit-fils et sa famille. Les Mai-Mai savaient apparemment que son petit-fils avait travaillé dans un bureau du gouvernement local et donc, l'ont accusé de collaborer avec le RCD. Elle a raconté :

Il y a un an environ, on vivait dans la forêt. J'étais avec mon petit-fils et son nouveau-né, un garçon. De nombreux Mai-Mai nous ont attaqués. Le bébé était avec moi et ils l'ont jeté à terre. Ils ont battu mon petit-fils avec un bâton à piler [du type de ceux utilisés pour piler du manioc séché en farine] jusqu'à ce que sa cervelle et ses yeux sortent de sa tête.

Puis, ils m'ont violée. Ils ont mis un couteau sur chacun de mes yeux et ils ont dit que si je pleurais, ils me couperaient les yeux. Ils étaient nombreux quand ils m'ont violée mais je ne sais pas combien. Ils étaient très sales. Ils portaient des masques et des peaux d'animaux. Ils ont dit qu'ils sauveraient tout le monde mais seulement si tous, on leur obéissait.153

Travail forcé

Des combattants ont enlevé des femmes et des filles et les ont détenues pour des périodes pouvant aller jusqu'à un an et demi, les forçant, pendant cette durée, à fournir des services sexuels et un travail sexospécifique. En plus d'être violées, des femmes et des filles ont été obligées d'accomplir des travaux domestiques, comme chercher et transporter du bois et de l'eau, rassembler et préparer la nourriture et laver le linge de ceux qui les maintenaient en captivité. Par exemple, les jeunes femmes enlevées par des hommes armés hutu des villages proches de la forêt de Kahuzi-Biega ont raconté à notre équipe qu'elles avaient été forcées de travailler pour leurs ravisseurs. Béatrice K., Cécile K. et Valérie J. qui ont été détenues ensemble - leurs cas sont cités plus haut - devaient aller chercher de l'eau et cuisiner pour les trois hommes qui les retenaient dans la forêt.154 Cécile K. a raconté : "Parfois, on refusait de cuisiner et de manger parce qu'après, ils voulaient toujours avoir des relations sexuelles."155 Lorsque Valérie J. a refusé de cuisiner, l'un des hommes s'est fâché et l'a giflée.156

Lorsque les combattants changeaient de camps, ils forçaient les femmes et les filles sous leur contrôle à transporter leurs biens. Quand ils faisaient des raids pour piller des biens, ils obligeaient les femmes et les filles à porter leur butin jusqu'à leur base.157 Véronique K., seize ans, originaire d'un village du territoire de Katana, proche de la forêt de Kahuzi-Biega, a été enlevée par des hommes armés hutu, en septembre 2001. Avec la fille d'un voisin, elle a dû transporter le butin jusqu'à la forêt. Quand elle a été libérée, après une semaine d'abus sexuels, l'un des combattants lui a dit : "Rentre au village, gagne des dollars et après, on reviendra et on te prendra à nouveau."158

Lorsque Innocente Y. a été enlevée par des rebelles hutu, près de Kitchanga, au Nord Kivu - son cas est cité plus haut - elle et plusieurs autres femmes ont dû transporter dans la forêt, les biens qu'elles se préparaient à vendre au marché, fournissant ainsi de la nourriture fraîche à leurs ravisseurs.

Dans un cas, des combattants ont forcé des captives à les accompagner dans un raid afin qu'elles les aident à enlever d'autres femmes, un plan qui a échoué parce que le village visé avait été abandonné.159 Dans un autre cas, décrit plus bas, des femmes formées comme infirmières ont parfois fourni des soins rudimentaires aux blessés.

Les ravisseurs détenaient habituellement les femmes et les filles dans des lieux distants de leur maison et souvent, dans des zones qui leur étaient peu familières, ce qui compliquait les tentatives d'évasion. Dans certains cas, des femmes et des filles ont été maintenues en captivité par des gardes armés.

Les femmes et les filles détenues dans la forêt ont souvent vécu dans des conditions misérables, dans des abris temporaires faits de feuilles, de bois et de bâches de plastique. Dans un cas, les ravisseurs ont privé les femmes de leur natte de couchage et les ont forcées à dormir à même le sol. Dans certains cas, des femmes et des filles n'avaient pas d'abri et étaient exposées à des pluies torrentielles lorsque le temps était mauvais. Manquant souvent d'eau et privées de savon, les femmes ont eu des difficultés à rester propres. Dans certains cas, les efforts déployés pour être propres étaient gâchés par le fait de devoir s'associer à des ravisseurs qui ne se lavaient jamais et étaient infestés de puces. Certains Mai-Mai pensent que laver leur corps va diminuer leur force et donc ne se lavent pas, même si de l'eau est disponible.

Des ravisseurs ont parfois relâché leurs prisonnières parce qu'ils étaient attaqués ou craignaient une attaque du camp adverse. Dans d'autres cas, des ravisseurs ont relâché des femmes et des filles parce qu'ils avaient prévu en enlever d'autres, voulant apparemment s'assurer une présence permanente de femmes qui ne soient pas fatiguées, ni malades des suites des rigueurs de la vie en brousse. Dans plusieurs cas, des ravisseurs ont informé des femmes et des filles qu'ils avaient relâchées qu'ils reviendraient pour les prendre une seconde fois. Dans un cas au moins, documenté par Human Rights Watch, des ravisseurs qui avaient violé une femme et l'avaient détenue pendant quelque temps lui ont permis de retourner à l'endroit de la forêt où elle vivait auparavant. Au cours des mois qui ont suivi, ils sont revenus occasionnellement pour exiger qu'elle vienne avec eux et leur fournisse des services, pour une période courte.

53 Entretien conduit par Human Rights Watch avec un défenseur de la société civile, Bukavu, 16 octobre 2001.

54 International Crisis Group, "Disarmament in the Congo: Investing in Conflict Prevention," Africa Briefing, 12 juin 2001, p. 5.

55 Entretien conduit par Human Rights Watch, Bukavu, 19 octobre 2001.

56 En octobre 2001, un groupe local de défense des droits humains, à Goma, a découvert que quatre femmes avaient été violées, dans la prison de Goma. Human Rights Watch et des groupes locaux de défense des droits humains ont également enregistré des cas de viols commis par la police.

57 Entretien conduit par Human Rights Watch, Bukavu, 18 octobre 2001.

58 Entretien conduit par Human Rights Watch, Bukavu, 16 octobre 2001.

59 La perception générale est que les Tutsi sont grands et minces et les Hutu, petits et trapus. Cependant, il s'agit de stéréotypes qui se révèlent souvent faux.

60 Le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en République Démocratique du Congo rapportait que les soldats hutu de l'APR étaient impliqués dans le massacre de soixante personnes dont cinq avaient été brûlées vives et dans le viol de seize femmes et filles, certaines de moins de neuf ans, à Chiherano, Bugobe, Nyatende, Kamisimbi, Lurhala et Nyangesi dans le sud Kivu, en décembre 2000 (Rapport du Rapporteur Spécial sur la situation des droits de l'homme en République Démocratique du Congo, conformément à la résolution 55/117 de l'Assemblée Générale et à la résolution de la Commission des droits de l'homme 2001/19, A/56/327, 31 août 2001, para. 80).

61 Entretien conduit par Human Rights Watch avec un activiste de la société civile, Bukavu, 16 octobre 2001.

62 Entretien conduit par Human Rights Watch, Goma, 25 octobre 2001.

63 Entretien conduit par Human Rights Watch avec un activiste de la société civile, Bukavu, 16 octobre 2001.

64 Entretien conduit par Human Rights Watch, Bukavu, 17 octobre 2001.

65 Entretien conduit par Human Rights Watch avec un activiste de la société civile, Bukavu, 16 octobre 2001.

66 Entretien conduit par Human Rights Watch, Bukavu, 20 octobre 2001.

67 Des géomètres qui travaillaient à la délimitation du parc ont été tués, mi-2000. Plus récemment, des organisations environnementales ont dénoncé les meurtres de gorilles, une espèce protégée, dans le parc.

68 Entretien conduit par Human Rights Watch, Bukavu, 18 octobre 2001.

69 Pour des raisons de sécurité, la plupart des véhicules évitent les limites du Parc National de Kahuzi-Biega.

70 Entretien conduit par Human Rights Watch avec une représentante d'une organisation de femmes, Murhesa, 19 octobre 2001. Selon une organisation à Bukavu, les femmes et les filles sont plus exposées les jours de marché. Sur certaines routes, elles doivent franchir des postes de contrôle gérés par le RCD, l'APR ou la Force de Défense Locale, une force auxiliaire du RCD composée de civils. A certains de ces postes de contrôle, on exige d'elles qu'elles donnent une partie de leurs braises comme péage. Le total peut atteindre 60 FC (Francs congolais), soit plus d'un quart du coût d'un sac de charbon (200 FC). Un sac de charbon se vend environ 350 FC, soit un profit d'environ 100 FC, l'équivalent de 0.05USD ou de deux mesures de farine de manioc. Gagner cette somme en achetant et vendant du charbon coûte à chaque femme deux jours de voyage et d'immenses risques personnels.

71 Entretien conduit par Human Rights Watch, Murhesa, 19 octobre 2001.

72 Entretien conduit par Human Rights Watch, Murhesa, 19 octobre 2001.

73 Entretien conduit par Human Rights Watch, Murhesa, 19 octobre 2001.

74 Entretiens séparés conduits par Human Rights Watch, Murhesa, 19 octobre 2001.

75 Entretien conduit par Human Rights Watch, Murhesa, 19 octobre 2001.

76 Entretien conduit par Human Rights Watch, Bukavu, 18 octobre 2001.

77 Entretien conduit par Human Rights Watch, Murhesa, 19 octobre 2001.

78 Entretien conduit par Human Rights Watch, Murhesa, 19 octobre 2001.

79 Entretien conduit par Human Rights Watch avec une représentante d'une organisation de femmes, Murhesa, 19 octobre 2001.

80 Entretien conduit par Human Rights Watch, Bukavu, 18 octobre 2001.

81 Entretien conduit par Human Rights Watch, Murhesa, 19 octobre 2001.

82 Entretien conduit par Human Rights Watch, Bukavu, 19 octobre 2001.

83 PAIF, "Enquête sur les cas de blessés suite à la guerre", Centre pour la Paix et les Droits de l'Homme-Peace and Human Rights Center (CPDH-PHRC), "Occasionnel d'Information et Revendication du CPDH-PHRC", No 017 du 03 mai 2001.

84 UN OCHA Sud Kivu, "Rapport de mission Shabunda", mai 2001, p. 2. UN OCHA affirme que le territoire de Shabunda est le plus large du Sud Kivu et qu'il s'étend sur 25 216 kilomètres carrés.

85 Bureau des Nations Unies pour la Coordination des Affaires Humanitaires (OCHA) Sud-Kivu, "Rapport de mission Shabunda", mai 2001, p. 3.

86 Norwegian Refugee Council IDP database, 2001, cité dans Save the Children, Oxfam et Christian Aid, "No End In Sight, The human tragedy of the conflict in the Democratic Republic of Congo," août 2001, p. 10.

87 Voir Human Rights Watch, "L'Est du Congo dévasté," p. 17.

88 Entretien conduit par Human Rights Watch, Shabunda, 21 octobre 2001. Une force avec les mêmes noms et fonctions opère au Rwanda. L'organisation a probablement été introduite dans la région par les troupes de l'APR.

89 Entretien conduit par Human Rights Watch, Shabunda, 21 octobre 2001.

90 Le chiffre de 2 500 à 3 000 victimes avancé par le gouverneur semblait se référer à la province du Sud Kivu, dans son ensemble. UN OCHA, "Compte rendu de la commission ESPD sur les femmes violées de Shabunda", juillet 2001, p.1 et UN OCHA Sud Kivu, "Rapport de Mission Shabunda", mai 2001, p. 4. Voir aussi les entretiens conduits par Human Rights Watch avec des représentants du International Rescue Committee, Bukavu, 15 et 17 octobre 2001 et Médecins Sans Frontières, Bukavu, 16 octobre 2001, Goma, 24 octobre 2001 ainsi que d'autres entretiens à Bukavu et Shabunda, octobre 2001.

91 Entretien conduit par Human Rights Watch avec le personnel du International Rescue Committee, Bukavu, 15 octobre 2001.

92 Entretien conduit par Human Rights Watch, Bukavu, 17 octobre 2001.

93 Entretien conduit par Human Rights Watch avec Guy Cirhuza, Assistant humanitaire, UN OCHA et Gertrude Mudekereza, Assistante de programme, Programme Alimentaire Mondial, Bukavu, 17 octobre, 2001 ; avec Cory Kik, Médecins Sans Frontières, Bukavu, 16 octobre 2001 ; avec le International Rescue Committee, Bukavu, 15 et 17 octobre, 2001 ainsi que d'autres entretiens à Bukavu et Shabunda, octobre 2001.

94 Une fistule est une communication directe et anormale qui se développe entre deux organes du corps humain. Les fistules recto-vaginales relient le rectum et le vagin et ont pour conséquence de faire passer des matières fécales, via la fistule, dans le vagin. Elles sont donc fréquemment accompagnées d'incontinence fécale et d'infections. Les fistules vésico-vaginales relient le vagin et la vessie et peuvent entraîner une incontinence urinaire et des infections. Les fistules se développent après des traumatismes ou des inflammations graves causées par une maladie. Certaines fistules se fermeront spontanément ; d'autres nécessiteront une intervention chirurgicale.

95 Entretien conduit par Human Rights Watch, Shabunda, 22 octobre 2001.

96 Entretien conduit par Human Rights Watch, Shabunda, 22 octobre 2001.

97 Les Batembo et les Bahutu (ou Hutu) sont des groupes ethniques de l'est du Congo. Dans cette citation, "Bakongo" signifie probablement Congolais, en opposition à Rwandais.

98 Entretien conduit par Human Rights Watch, Shabunda, 22 octobre 2001.

99 Entretiens conduits par Human Rights Watch, Bukavu, 20 octobre 2001 et Shabunda, 21 et 22 octobre 2001.

100 Entretien conduit par Human Rights Watch, Bukavu, 16 octobre 2001.

101 Entretien conduit par Human Rights Watch avec Guy Cirhuza, Assistant humanitaire, UN OCHA, Bukavu, 17 octobre, 2001.

102 UN OCHA Sud Kivu, Rapport de mission Shabunda, mai 2001, p. 4.

103 Entretien conduit par Human Rights Watch, Shabunda, 22 octobre 2001.

104 Entretien conduit par Human Rights Watch, Shabunda, 22 octobre 2001.

105 Entretien conduit par Human Rights Watch, Shabunda, 22 octobre 2001.

106 Entretien conduit par Human Rights Watch, Shabunda, 22 octobre 2001.

107 Entretiens conduits par Human Rights Watch, Shabunda et Bukavu, octobre 2001.

108 Entretien conduit par Human Rights Watch, Shabunda, 22 octobre 2001.

109 L'incident le plus connu est le massacre de Makobola en janvier 1999. Un autre grave incident fut le massacre de civils à Lusende, en juillet 2000.

110 Entretien conduit par Human Rights Watch, Uvira, 1er novembre 2001.

111 International Crisis Group, "Disarmament in the Congo: Investing in Conflict Prevention," Africa Briefing, 12 juin 2001, p. 5 et Neuvième rapport du Secrétaire Général sur la Mission de l'Organisation des Nations Unies en République Démocratique du Congo, S/2001/970, paragraphe 23.

112 Entretien conduit par Human Rights Watch, Uvira, 1er novembre 2001.

113 Entretien conduit par Human Rights Watch, Uvira, 31 octobre 2001.

114 Entretien conduit par Human Rights Watch, Uvira, 31 octobre 2001.

115 Rapport par un groupe local de défense des droits humains à Uvira, non publié.

116 Rapport sur la situation dans le territoire de Fizi fourni par un groupe local de défense des droits humains à Uvira, non publié.

117 Rapport par un groupe local de défense des droits humains à Uvira, non publié.

118 Entretiens conduits par Human Rights Watch, Uvira, 1er et 2 novembre 2001.

119 Entretien conduit par Human Rights Watch, Uvira, 31 octobre 2001.

120 Entretien conduit par Human Rights Watch, Uvira, 1er novembre 2001.

121 Entretien conduit par Human Rights Watch, Uvira, 31 octobre 2001.

122 Entretien collectif conduit par Human Rights Watch, Uvira, 1er novembre, 2001. Concernant les enlèvements commis par les forces rebelles burundaises, voir aussi "Neglecting Justice in Making Peace", A Human Rights Watch Report, vol.12, No.2 (A), avril 2000.

123 Entretien conduit par Human Rights Watch, Uvira, 31 octobre 2001.

124 "Respecter le règles de la guerre ?", A Human Rights Watch Report, vol.13, no.8 (A), décembre 2001.

125 Entretien conduit par Human Rights Watch, Sake, 26 octobre 2001.

126 Entretien conduit par Human Rights Watch, Goma, 25 octobre 2001.

127 Entretien conduit par Human Rights Watch, Sake, 26 octobre 2001.

128 Entretien conduit par Human Rights Watch, Sake, 26 octobre 2001.

129 Entretien conduit par Human Rights Watch, Goma, 26 octobre 2001.

130 Entretien conduit par Human Rights Watch, Goma, 26 octobre 2001.

131 "Afande" est un titre utilisé en kiswahili pour parler des soldats, de la police, etc. Le terme a été associé en particulier avec des membres de l'APR lorsque l'APR a combattu aux côtés de l'AFDL, dans la guerre de 1996-1997. Un "Afande" ou "Afande" fait toujours référence en général à un soldat (souvent de haut rang) d'origine rwandaise, APR et/ou tutsi.

132 Entretien conduit par Human Rights Watch, Goma, 26 octobre 2001.

133 Entretien conduit par Human Rights Watch, Sake, 26 octobre 2001.

134 Agence France Press, "Rwanda-backed rebels retake town in east DR Congo: rebels," Kigali, 10 novembre 2001. Traduction réalisée par Human Rights Watch ; le texte de la déclaration de presse est disponible en anglais sur www.reliefweb.int.

135 Entretien conduit par Human Rights Watch, Goma, 25 Octobre 2001. De nombreuses personnes ont dit à nos chercheurs que les familles de femmes et de filles violées lors d'attaques à main armée prétendaient - sans être crues - qu'aucun viol n'avait été commis. Plusieurs survivantes de viol, en plus de Delphine W., ont admis avoir nié ainsi les faits.

136 Entretien conduit par Human Rights Watch, Bukavu, 17 octobre 2001.

137 Ibid.

138 Entretien conduit par Human Rights Watch, Uvira, 1er novembre 2001.

139 Voir Les Héritiers de la Justice, "Situation des Droits de l'Homme en République Démocratique du Congo (RDC) cas du Sud-Kivu. Une population désespérée, délaissée et prise en otage," Rapport avril-décembre 2000 pour des récits d'autres cas de viols commis par des troupes du RCD et des groupes rebelles opposés au RCD, y compris les FDD.

140 Entretien conduit par Human Rights Watch, Murhesa, 19 octobre 2001.

141 Entretien conduit par Human Rights Watch, Goma, 25 octobre 2001.

142 Entretien conduit par Human Rights Watch, Murhesa, 19 octobre 2001.

143 Entretien conduit par Human Rights Watch, Murhesa, 19 octobre 2001.

144 Entretien conduit par Human Rights Watch, Bukavu, 18 octobre 2001.

145 Entretien conduit par Human Rights Watch, Uvira, 31 octobre 2001. Ce cas est le seul concernant le viol d'un homme rapporté à Human Rights Watch. Parce que le viol est considéré comme encore plus honteux pour un homme, les crimes de ce type sont probablement moins dénoncés que ceux impliquant des victimes de sexe féminin.

146 Entretien conduit par Human Rights Watch, Uvira, 3 novembre 2001.

147 Entretien conduit par Human Rights Watch, Bukavu, 19 octobre 2001.

148 Entretien conduit par Human Rights Watch, Goma, 25 octobre 2001.

149 Entretien conduit par Human Rights Watch, Bukavu, 20 octobre 2001.

150 Entretien conduit par Human Rights Watch, Goma, 27 octobre 2001.

151 Communication électronique des membres de la famille avec Human Rights Watch, décembre 2001 ; entretien téléphonique conduit par Human Rights Watch, décembre 2001.

152 Entretien conduit par Human Rights Watch, Sake, 26 octobre 2001.

153 Entretien conduit par Human Rights Watch, Shabunda, 22 octobre 2001.

154 Entretiens conduits par Human Rights Watch, Bukavu et Murhesa, 18 et 19 octobre 2001.

155 Entretien conduit par Human Rights Watch, Murhesa, 19 octobre 2001.

156 Entretien conduit par Human Rights Watch, Murhesa, 19 octobre 2001.

157 Entretien conduit par Human Rights Watch, Murhesa, 19 octobre 2001.

158 Entretien conduit par Human Rights Watch, Bukavu, 19 octobre 2001.

159 Entretien conduit par Human Rights Watch, Bukavu, 18 octobre 2001.

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