Africa - West

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    V. DROIT INTERNATIONAL

Les femmes vivant en Afghanistan ont éprouvé des violations massives et systématiques de leurs droits humains sous le régime taliban. Les talibans ont promulgué de nombreux décrets contrôlant littéralement chaque aspect du comportement des femmes, tant en public qu'en privé. Les décrets sont officiellement promulgués par le Ministère pour la Promotion de la Vertu et la Prévention du Vice et annoncés au grand public par le biais de la station de radio des talibans, la Voix de la Charia (loi islamique). A de rares exceptions près, les talibans ont interdit aux femmes de participer aux affaires publiques. Les femmes ne sont pas autorisées à accepter un emploi, à apparaître en public sans un parent de sexe masculin, à participer au gouvernement ou à tout autre débat public ni à recevoir une éducation secondaire ou supérieure. La conséquence de cette discrimination a été de réduire les femmes au silence et de les priver de tout contrôle sur leur propre existence. Il faut par ailleurs souligner qu'il ne s'agit pas là de ca isolés ou d'incidents séparés. Au contraire, les discriminations s'ajoutent les unes aux autres de façon tellement oppressante que la vie même de beaucoup de femmes afghanes s'en trouve menacée. Les femmes sont privées des moyens de subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs enfants.

Les talibans s'assurent de la mise en application de leurs décrets en faisant administrer aux femmes des punitions sommaires et arbitraires par la Police Religieuse. En pratiquant une discrimination et une violence à grande échelle contre les femmes, les talibans violent quotidiennement le droit international relatif à la protection des droits humains. Le régime actuel des talibans, tout comme les régimes à venir en Afghanistan, est lié par les principes de base du droit international en matière de droits humains et en particulier par les traités sur les droits humains auxquels l'Afghanistan32 a adhéré ou que ce pays a signés.

Par leurs politiques discriminatoires33, les talibans ont bafoué les droits suivants : liberté d'expression, d'association, d'assemblée, droit au travail, droit à l'éducation, liberté de mouvement et droit aux soins de santé.

Le droit international garantit à tous le droit à la liberté d'expression34. Et aucune des exceptions à ce droit ne justifie l'imposition par les talibans de formes extrêmes de restrictions à la liberté des femmes 35

Les droits à la liberté d'association, de rassemblement pacifique et la liberté de mouvement sont garantis par le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques.36 Les décrets et les pratiques des talibans interdisent de fait toute association, tout rassemblement et viole la liberté de mouvement sur une base indéfinie.

Le droit à la liberté de mouvement est protégé par la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme37 et plus spécifiquement par le Pacte International sur les Droits Civils et Politiques.38 Les décrets des talibans restreignant la liberté de mouvement des femmes en public constituent une discrimination de sexe et violent le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques qui garantit l'égalité des femmes devant la loi sans discrimination aucune de race, sexe, langue ou autres.39

Le droit au travail est affirmé dans la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme40, le Pacte International sur les Droits Economiques, Sociaux et Culturels41 et la Convention sur l'Elimination de toutes les Formes de Discrimination à l'égard des Femmes42. Selon ces textes, les états sont obligés de reconnaître le droit "de toute personne de gagner sa vie par un travail qu'elle choisit et accepte librement."

Le droit à l'éducation est affirmé dans la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme43, le Pacte International sur les Droits Economiques, Sociaux et Culturels44, la Convention relative aux Droits de l'Enfant45 et la Convention sur l'Elimination de toutes les Formes de Discrimination à l'égard des Femmes46. Ces textes affirment que le droit à l'éducation est universel. La Convention sur l'Elimination de toutes les Formes de Discrimination à l'égard des Femmes oblige les états à prendre en considération les problèmes auxquels font face les femmes dans l'accomplissement de ce droit47, notamment en zones rurales. En particulier, les états sont obligés selon le Pacte International relatif aux Droits Economiques, Sociaux et Culturels et la Convention relative aux Droits de l'Enfant d'apporter une éducation primaire et secondaire à tous, sans discrimination de sexe et de garantir un accès égal à l'enseignement supérieur.48

Le droit des femmes à un accès égal aux services de santé est un élément essentiel du droit à la santé garanti par le droit international. La Convention sur l'Elimination de toutes les Formes de Discrimination à l'égard des Femmes garantit ce droit à toutes les femmes, y compris celles vivant en zones rurales49. Le Pacte International relatif aux Droits Economiques, Sociaux et Culturels prévoit des droits égaux au "droit qu'a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu'elle est capable d'atteindre".50

En Afghanistan, non seulement les femmes sont confrontées à des décrets des talibans qui sont discriminatoires mais elles sont également soumises à des châtiments physiques sommaires sans bénéficier de la moindre protection légales. Selon le droit international, les états doivent traduire en justice les auteurs de violations de l'intégrité physique et agir pour protéger les femmes de la discrimination et de la violence sexo-spécifiques. Le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques protège les femmes contre la violence à base sexuelle en garantissant le droit à la vie51, le droit de ne pas être soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants52, le droit à la liberté et à la sécurité de la personne53 et le droit à une égale protection de la loi, y compris une protection efficace contre la discrimination de sexe54.

32 L'Afghanistan a ratifié le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques et le Pacte International relatif aux Droits Economiques, Sociaux et Culturels le 24 janvier 1983. L'Afghanistan a signé la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, le 14 août 1980 et la Convention relative aux droits de l'enfant, le 27 septembre 1990. L'Afghanistan a ratifié cette dernière convention le 28 mars 1994.

33 Les deux traités majeurs en matière de droits humains, le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques et le Pacte International relatif aux Droits Economiques, Sociaux et Culturels, garantissent à tous le plein exercice des droits humains fondamentaux, sans discrimination aucune, notamment sur la base du sexe.

34 Article 19 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques.

35 Selon l'article 19(3) du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques, un état peut limiter cette liberté seulement dans la mesure où cela est nécessaire à la protection des droits des autres, de la sécurité nationale, de l'ordre public, de la santé publique ou des m_urs. Ces limitations doivent être explicitement prévues par la loi et doivent être strictement définies. "Les m_urs publiques" ne sont pas définies par le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques. Le Comité relatif aux Droits de l'Homme a déclaré : "Les m_urs publiques varient grandement. Il n'existe pas de critère commun universellement applicable. En conséquence de quoi, sur ce point, une certaine marge de man_uvre doit être octroyée aux autorités nationales responsables." Même si la définition des m_urs publiques varie beaucoup, Human Rights Watch estime que ceci ne peut être utilisé pour justifier l'imposition de restrictions sévères aux droits humains des femmes et à leurs libertés fondamentales. Vues du Comité des Droits de l'Homme sous l'Article 5(4) sur le Protocole Facultatif du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques concernant la Communication No. R.14/61, para 10.3, Comité des Droits de l'Homme dans le Rapport du Comité des Droits de l'Homme, Assemblée Générale des Nations Unies, 37ème session, U.N. Doc A/37/40, Supp. No.40 (1982), pp. 161-165.

36 Articles 22 et 21. Ils sont également mis en avant dans l'article 20 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. Le droit à la liberté de réunion et d'association pacifique est soumis aux mêmes exceptions que le droit à la liberté d'expression.

37 Article 13. L'Article 2 stipule que toute personne a droit au plein exercice de ces droits et libertés sans distinction aucune telle que celle du sexe.

38 Article 12. Ce droit est soumis aux mêmes exceptions que le droit à la liberté d'expression.

39 Article 26.

40 Article 23(1).

41 Article 6. L'Afghanistan est devenu partie à ce pacte le 24 janvier 1983.

42 Article 11. L'Afghanistan a signé cette convention le 14 août 1980. Selon l'article 11(1)(a) de cette convention, le droit au travail est un "droit inaliénable de tout être humain." L'Article 11 (1)(c) garantit aux femmes le droit au choix libre de leur profession et de leur emploi.

43 Article 26.

44 Articles 13 et 14.

45 Article 28. L'Afghanistan a signé cette convention le 27 septembre 1990 et l'a ratifiée le 28 mars 1994.

46 Articles 10 et 14(2)(d).

47 Article 14(2)(d).

48 Articles 13 et 2(2).

49 Article 14(2)(b). L'Article 6 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques reconnaît un droit plus large à la vie et à la survie.

50 Article 12. Selon l'Article 2(2) du Pacte International sur les Droits Economiques, Sociaux et Culturels, les états sont obligés de garantir que les droits définis par le Pacte "seront exercés sans discrimination aucune".

51 Article 6.

52 Article 7.

53 Article 9.

54 Article 26.

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