Résumé
Le travail domestique est le principal secteur demploi pour les enfants du monde entier. En Guinée, des dizaines de milliers de filles travaillent comme domestiques. Tandis que les autres enfants de la famille sont souvent scolarisés, ces filles passent leur enfance et leur adolescence à faire des travaux ménagers « de femmes » : elles nettoient, lavent le linge et soccupent des jeunes enfants. Beaucoup dentre elles travaillent jusquà 18 heures par jour. La grande majorité dentre elles ne sont pas payées ; quelques autres reçoivent des paiements, souvent irréguliers, en général inférieurs à 5 $US par mois. De nombreuses filles employées comme domestiques ne reçoivent aucune aide quand elles sont malades, et elles ont souvent faim car elles sont exclues des repas familiaux. Elles sont souvent tenues à lécart, insultées et moquées. Elles peuvent aussi être victimes de coups, de harcèlement sexuel et de viol. Malgré ces conditions, quitter la famille de lemployeur est difficile pour beaucoup denfants employées domestiques qui ne peuvent pas joindre leurs parents et nont pas dautre endroit où aller. Ces filles vivent dans des conditions analogues à lesclavage. En Afrique de lOuest, le recrutement de filles pour le travail domestique seffectue dans un contexte plus large de migration, de discrimination en fonction du sexe, ainsi que de pauvreté. Les rôles des filles et des femmes sont encore souvent limités à ceux dépouse et de mère. Près dun tiers des filles guinéennes ne sont jamais scolarisées dans lenseignement primaire, et beaucoup dautres sont retirées de lécole au cours des toutes premières années. Les filles des zones rurales pauvres en particulier sont souvent considérées par leurs parents comme ne méritant pas dêtre éduquées. Beaucoup de parents envoient leurs filles vivre et travailler avec des familles se trouvant dans les villes. Envoyer des enfants grandir avec dautres membres de la famille placement denfant en famille daccueil ou confiage est une pratique sociale courante dans toute lAfrique. Les jeunes guinéennes employées comme domestiques travaillent souvent dans la maison dun membre de la parenté, où elles ont été envoyées par leurs parents alors quelles avaient à peine cinq ans. Dautres filles venues de lintérieur de la Guinée ou de pays voisins travaillent dans les maisons détrangers. Les adolescentes maliennes en particulier viennent en Guinée travailler comme domestiques pour gagner de largent pour leurs trousseaux. Si une famille daccueil traite bien une fille, lenvoie à lécole et lui permet de rester en contact avec ses parents, elle peut avoir un avenir meilleur quen restant à la maison. Pourvu que le travail ninterfère pas avec leur éducation, le droit international autorise les enfants à accomplir des travaux légers, cest-à-dire des corvées domestiques non dangereuses faisant partie des tâches quotidiennes. Quand des adultes accueillent une fille comme employée domestique, cette enfant dépend deux pour ses soins, et dans ce rôle ils peuvent être considérés comme des employeurs ainsi que des tuteurs de facto, mais non légaux. Etant les principales personnes qui prennent soin de lenfant à ce moment donné, ils sont censés remplir certains devoirs envers lenfant. Pourtant, beaucoup dadultes qui emploient des filles domestiques ne se comportent pas comme des tuteurs ou des employeurs responsables, mais comme des maîtres brutaux. Cest même parfois le cas avec des parents proches, aussi bien quavec des personnes qui nappartiennent pas à la famille. Souvent, les parents de la fille ne vérifient pas non plus si leur enfant est traitée avec respect. Lexploitation des enfants comme employées domestiques est très répandue et largement acceptée socialement. Les familles des classes moyennes et supérieures, y compris celles demployés du gouvernement et des ONG, ont souvent des enfants domestiques qui travaillent chez elles, et considèrent rarement la façon de les traiter comme un abus. En même temps, il est difficile pour les victimes de demander réparation car les abus ont lieu à la maison et sont soustraits de lattention publique. Certains enfants employés comme domestiques deviennent même des victimes de la traite, du moment où ils sont recrutés, transportés et réceptionnés dans le but de les exploiter, par exemple par le travail forcé ou des pratiques analogues à lesclavage. Lexploitation et la maltraitance des enfants employés comme domestiques constituent une violation du droit national et international. Le gouvernement guinéen est Etat partie à la Convention relative aux droits de lenfant et à tous les principaux traités régionaux et internationaux sur le travail des enfants, la discrimination selon le sexe et la traite. Selon le droit guinéen, les enfants ont droit à léducation, et la scolarisation dans lenseignement primaire est obligatoire. Lâge minimum pour travailler est de 16 ans, mais il y a une disposition qui prévoit que les enfants de moins de 16 ans peuvent travailler avec le consentement de leurs parents ou de leurs tuteurs légaux. Les enfants de plus de 16 ans sont autorisés à travailler dans certaines limites, mais doivent bénéficier de tous leurs droits du travail. De plus, le droit guinéen protège les enfants contre les châtiments corporels et autres violences physiques, les sévices sexuels, et la traite. Le droit international comporte aussi des interdictions claires contre certains comportements nocifs, pour protéger les enfants contre la discrimination, la violence physique, la traite et les conséquences nocives du travail des enfants. Il octroie aussi aux enfants le droit à léducation et établit la façon dont les devoirs envers les enfants devraient être remplis, que ce soit par lEtat, les parents, les tuteurs légaux ou dautres personnes ayant la garde dun enfant. Ces dernières années, le gouvernement guinéen et les acteurs internationaux ont adopté certaines mesures prometteuses pour améliorer laccès des filles à léducation et pour combattre la traite des enfants en particulier, bien que pour le moment, leur impact sur les filles employées comme domestiques semble limité. Dans le contexte de lInitiative pour la mise en uvre accélérée du programme Education pour tous, une initiative internationale des donateurs, des agences de lONU et des pays en développement, la Guinée a pris des mesures pour améliorer laccès à lenseignement primaire, en particulier pour les filles. Les taux de scolarisation des filles ont augmenté, mais près dun tiers d´entre elles ne vont pas du tout à lécole. Il y a eu peu de tentatives ciblées de façon spécifique sur la scolarisation des filles travaillant comme domestiques, qui ont des difficultés particulières pour accéder à léducation. Le gouvernement a également créé une unité de police spéciale, la police mondaine(brigade des moeurs) pour combattre la prostitution des enfants, la traite et autres abus commis contre les enfants. Avec des ressources limitées, la police mondainea commencé à enquêter sérieusement sur des cas et les a transmis au système judiciaire. Mais il y a eu très peu de poursuites jusquici. Le système judiciaire souffre de graves faiblesses institutionnelles, telles que le manque de formation et la corruption. Beaucoup de victimes nont pas confiance dans linstitution judiciaire. En pratique, les tuteurs et autres adultes peuvent commettre, et commettent en toute impunitédes atteintes physiques et sexuelles contre des filles domestiques. En juin 2005, les gouvernements guinéen et malien ont signé un accord contre la traite et ils travaillent actuellement à sa mise en uvre. La plupart des activités ont pour but de surveiller et de contrôler les frontières et leurs abords, ainsi que le rapatriement. Si ces activités ont le potentiel darrêter la traite, elles sont problématiques du fait quelles risquent darrêter la migration légitime, et denfreindre la liberté de mouvement des filles en particulier. Même si les mesures de lutte contre la traite étaient exemplaires, elles ne pourraient suffire à mettre un terme aux abus commis à lencontre des enfants travailleurs domestiques. Nombre dentre eux sont isolés dans la maison de leur employeur et sont incapables daccéder à toute information ou assistance de lextérieur. Ils sont coincés pendant des années dans des situations traumatisantes et de maltraitance. Il ny a pas dorganisme pour la protection de lenfance en Guinée pour contrôler de façon systématique le bien-être des enfants et faciliter leur retrait dune maison où ils sont maltraités, si nécessaire ; si le ministère des Affaires sociales a la responsabilité de cette question, il nest pas opérationnel. Il nexiste pas non plus de système de placement en famille daccueil qui puisse offrir aux enfants un environnement familial alternatif protecteur et contrôlé. Bien quil existe un service dinspection du travail, il manque de personnel et ne soccupe pas de la situation des enfants travaillant comme domestiques. Les organisations non gouvernementales locales (ONG) et les associations communautaires font de leur mieux pour combler ce manque de protection. Grâce à laide de donateurs internationaux, elles sefforcent de réunir des informations sur le traitement des enfants domestiques, parlent à leurs tuteurs de la façon dont ils sont traités, et les retirent dans les pires des cas. Elles gèrent des refuges et de petits réseaux de familles daccueil. Ces associations sont dun grand réconfort pour les enfants domestiques et elles ont changé la vie de beaucoup dentre eux. Les enfants domestiques maliens ont en particulier bénéficié de ce soutien au sein de leur communauté. Cependant, les ONG et les associations communautaires manquent de personnel, de formation, de mobilité territoriale et de ressources financières pour répondre à lampleur du problème, et elles nont pas lautorité légale pour représenter devant la justice les filles dont elles soccupent.
En mars 2007, un nouveau gouvernement national a été formé, à la suite de manifestations populaires contre laggravation des conditions de vie, la corruption et la mauvaise gouvernance. Selon le nouveau Premier Ministre, Lansana Kouyaté, deux des priorités du nouveau gouvernement sont le renforcement du système judiciaire et lamélioration des conditions de vie de la population dans son ensemble, et de la jeunesse en particulier. La tragédie des filles employées comme domestiques, qui manquent déducation, de meilleures conditions de travail, et de protection contre les mauvais traitements et lexploitation, sinscrit parfaitement dans ce programme. Le gouvernement guinéen devrait, prioritairement, créer un système de protection de lenfance qui permette le contrôle systématique du bien-être des enfants qui ne sont pas sous la garde de leurs parents, et en particulier les filles domestiques et les enfants vivant au domicile de personnes autres que leurs parents. Il devrait aussi prendre des mesures pour professionnaliser le personnel judiciaire, améliorer laccès au système judiciaire pour les citoyens ordinaires, et sassurer que les crimes contre les enfants à savoir la traite, lexploitation, les violences physiques et sexuelles soient poursuivis. De plus, le nouveau gouvernement guinéen devrait cibler de façon spécifique les filles travaillant comme domestiques lors de lélaboration de programmes pour laccès à léducation et à lapprentissage. |