Rapports de Human Rights Watch

IX. Le rôle de la communauté internationale

Tout comme le gouvernement congolais, la communauté internationale et la MONUC n’ont pas trouvé de moyen efficace pour résoudre la crise au Nord-Kivu au cours de la première moitié de 2007. Encore engagé en principe à aider le gouvernement à rétablir pleinement son contrôle sur son territoire, aucun acteur international ne semble avoir offert au gouvernement le soutien dont il avait besoin pour traiter la question de façon décisive. Le Rwanda, le plus impliqué dans la réalisation d’un accord politique fin 2006, a aussi permis le recrutement de soldats, y compris des enfants soldats, pour Nkunda, ne faisant ainsi que compliquer la crise.

Prenant de plus en plus conscience de l’étendue de la crise humanitaire, la Belgique, le Conseil de sécurité de l’ONU et la MONUC ont cherché des solutions politiques plus énergiquement après le milieu de l’année. Le 26 septembre, des membres importants de la communauté internationale dont des représentants de haut niveau des USA, du Royaume-Uni, de la France, de la Belgique et de l’Afrique du Sud se sont rencontrés à New York pour discuter des moyens de résoudre la crise croissante au Nord-Kivu. La « feuille de route » qu’ils ont élaborée définit les mesures permettant d’améliorer la situation sécuritaire, à savoir : la poursuite de l’action de la MONUC contre les forces « négatives », en particulier les FDLR ; faciliter le retour des réfugiés depuis le Rwanda et le Burundi en collaboration avec le HCR ; encourager le dialogue politique dans les deux provinces des Kivus ; encourager des relations diplomatiques complètes entre le Rwanda, l’Ouganda et le Congo ; et combattre la culture d’impunité.220 A la suite de cette rencontre, la Belgique a annoncé la désignation d’un facilitateur de haut niveau pour aider à entamer le dialogue entre les factions belligérantes, bien qu’à l’heure où nous écrivons personne n’ait été désigné pour endosser ce rôle.221 

La MONUC, complimentée pour son rôle généralement utile pendant les élections mais embarrassée par des révélations sur des exactions au sein de ses propres rangs (voir ci-après), a lutté pour trouver l’équilibre approprié entre les acteurs politiques concurrents tout en continuant à appliquer son mandat de protection des civils. Bien que beaucoup d’habitants du Nord-Kivu aient apprécié son assistance, la plupart ont estimé que la MONUC devait faire davantage pour protéger les civils, et ils ont parfois critiqué vivement la conduite de ses soldats. Tout au long de l’été, la MONUC a affecté des troupes supplémentaires de maintien de la paix dans l’Est du Congo pour répondre à la crise.

Comme le HCR, la MONUC a hésité pendant un certain temps à parler ouvertement des problèmes de droits humains liés au mixage et du recrutement des enfants soldats. Tandis que ses fonctionnaires chargés des droits humains documentaient nombre des exactions, les officiers supérieurs de la MONUC ont omis dans deux occasions au moins de publier les résultats de leurs enquêtes.222 La Haute Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, la rapporteuse spéciale sur les violences faites aux femmes, et la représentante spéciale du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés,  ont toutes contribué indubitablement à développer la prise de conscience publique des atteintes aux droits humains au Congo,  parmi les diplomates et le public en général.

La communauté des donateurs

La communauté internationale s’est investie de façon significative sur le plan diplomatique et financier dans le processus électoral en RDC. Depuis l’installation du nouveau gouvernement, les diplomates et les donateurs internationaux ont peu parlé des atteintes aux droits humains, que ce soit au Nord-Kivu, au Bas Congo, ou à Kinshasa. Ce silence relatif est peut-être dû en partie à leur réticence à ternir la réussite déclarée des élections elles-mêmes, mais il peut aussi bien avoir traduit une diminution de la cohésion entre des acteurs internationaux importants.

Avant les élections, les donateurs étaient d’accord sur l’importance primordiale de terminer la période de transition et de mettre en place un gouvernement élu avec succès. Dans un accord général sur cet objectif, les principaux acteurs ont coopéré plutôt efficacement dans le Comité international d’accompagnement de la transition (CIAT). Avec l’installation du gouvernement de Kabila, le CIAT a été dissout, indiquant peut-être une érosion dans la communauté d’objectifs des acteurs internationaux. Bien qu’ils aient tous continué à poursuivre les objectifs de la réforme du secteur de la sécurité, d’une meilleure gouvernance, du redressement économique, et du soutien au système judiciaire, ils ont peut-être éprouvé des difficultés à se mettre d’accord sur la façon de parvenir à ces buts. Des intérêts nationaux différents ont été réaffirmés, parfois liés à des espoirs de bénéficier des grandes richesses du Congo. Certains diplomates ont avancé la justification de ne pas interférer dans les affaires des autorités nouvellement mises en place comme raison de leur relative inaction.

Immédiatement après la clôture du processus électoral, les donateurs internationaux ont afflué à Kinshasa pour signer des accords sur des programmes de développement économique.223 Très peu d’entre eux ont exprimé des inquiétudes au sujet des atteintes aux droits humains en cours et aucun n’a soumis son aide à des conditions d’amélioration des droits humains, de la situation sécuritaire, ou d’une protection améliorée pour les civils. En juin 2007, les principaux donateurs se sont mis d’accord sur un programme coordonné d’assistance sur 18 mois, indiquant peut-être une plus grande volonté de coopérer de nouveau.224

Les donateurs reconnaissent que la réforme des forces armées est essentielle pour assurer la stabilité au Congo et ils ont donc poussé le gouvernement congolais à concevoir un programme de réforme du secteur de la sécurité. Présenté par le gouvernement le 12 juillet, le plan comprenait l’achèvement du désarmement, de la démobilisation et de la formation d’une armée intégrée devant servir de force de défense aussi bien que de force de travail organisée pour la reconstruction ; la création d’une force de réaction rapide de cinq à six brigades pour remplacer la MONUC d’ici 2009 ; et la création d’ici 2011 d’une force de défense principale pour défendre les frontières du pays. Les donateurs ont salué les plans du gouvernement mais ont exprimé leur scepticisme sur la possibilité d’atteindre ces objectifs dans le laps de temps fixé.225

Comme par le passé, les donateurs ont continué à parler de la nécessité de rétablir le système judiciaire. S’appuyant sur le succès antérieur d’un programme pilote pour restaurer les tribunaux en Ituri, la Commission européenne, la Belgique, le Royaume-Uni et les Pays-Bas ont lancé au mois de juin REJUSCO, un système élargi d’aide au système judiciaire en Ituri et dans les deux Kivus.226

Depuis que la crise humanitaire croissante a attiré l’attention de la communauté des donateurs et de l’ONU, des diplomates de plusieurs pays, surtout la Belgique et les Etats-Unis, ont redoublé leurs efforts pour trouver une solution politique à plus long terme à la crise actuelle, par exemple avec l’élaboration d’une feuille de route comme décrit ci-dessus.227

Le Rwanda et l’Afrique du Sud

Le Rwanda et l’Afrique du Sud ont figuré parmi les gouvernements les plus actifs impliqués dans la crise de l’Est du Congo.

Les autorités rwandaises a semblé avoir joué un rôle positif pour mettre un terme au conflit militaire en facilitant les discussions entre Nkunda et les officiers congolais à la fin de 2006, mais depuis elles ont été moins qu’utiles sur la question du recrutement d’enfants soldats pour Nkunda au Rwanda.  Quand le problème a été initialement soulevé discrètement par le HCR, les autorités rwandaises n’ont rien fait. Quand il a été soulevé publiquement en avril 2007, les autorités ont rejeté cette allégation bien qu’elles aient finalement accepté un plan avec le HCR pour tenter de stopper le recrutement.228 Comme mentionné plus haut, le Secrétaire général de l’ONU dans un rapport du mois de juin au Conseil de sécurité a demandé au Rwanda d’arrêter ce recrutement immédiatement.229

Des centaines de Rwandais ont rejoint les unités de Nkunda puis sont devenus soldats dans l’armée congolaise, comme mentionné plus haut. De plus, selon des officiers congolais et de la MONUC, plusieurs soldats actuellement en service actif dans les forces de défense rwandaises ont été capturés au Congo, combattant dans les rangs de Nkunda.230

Selon des officiers militaires rwandais et Nkunda, des représentants du gouvernement sud africain ont observé les pourparlers facilités par le Rwanda qui ont mené au compromis du mixage. Selon certaines de ces sources, l’Afrique du Sud a accepté de recevoir Nkunda en Afrique du Sud pour une année d’études (bien que, comme cité précédemment, d’autres sources contestent ce détail de l’accord.) Il n’est pas clair si le gouvernement sud africain s’attendait à ce que le mandat d’arrêt contre Nkunda soit retiré afin qu’il soit plus facile de le recevoir en Afrique du Sud.231 

Lors de discussions avec des diplomates à New York à la fin septembre, le Président Kabila a affirmé que l’Afrique du Sud continuait à faciliter le dialogue entre Nkunda et son gouvernement pour mettre un terme à la crise, bien que ni Nkunda ni les représentants du gouvernement sud africain interrogés par les chercheurs de Human Rights Watch n’aient pu confirmer cette facilitation.232  Certains diplomates qui ont participé à l’élaboration de la feuille de route ont exprimé le souhait de voir un Sud Africain nommé comme facilitateur supérieur.

Les Nations Unies : Conseil de sécurité, MONUC et agences de l’ONU

Le Conseil de sécurité

Le Conseil de sécurité de l’ONU, comme le gouvernement congolais et les pays donateurs, a réagi lentement à la crise au Nord-Kivu. Il était préoccupé initialement par les problèmes de prise du pouvoir du gouvernement Kabila et par le renouvellement du mandat de la MONUC, effectué le 15 mai 2007 seulement, après deux extensions temporaires.

Pendant une brève visite au Congo en juin, les membres du Conseil se sont rendus compte des conséquences humanitaires des opérations militaires dans l’Est et de l’effondrement de la tentative de solution politique à l’intégration des troupes de Nkunda dans l’armée congolaise.233 A peine plus d’une semaine plus tard, le Secrétaire général a présenté au Conseil son rapport sur les graves exactions contre les enfants qui se poursuivaient dans les zones de conflit du Congo, dont le recrutement et l’utilisation d’enfants soldats.

Le Conseil a d’abord exprimé de sérieuses préoccupations sur la détérioration de la situation dans l’Est dans une déclaration présidentielle le 23 juillet. Chagriné par l’empressement signalé des officiers supérieurs de la MONUC à soutenir le gouvernement congolais contre ses opposants, en particulier Nkunda, le Conseil a souligné la nécessité d’une solution politique. Le représentant diplomatique d’une des nations concernées a dit carrément que cette déclaration constituait une directive du Conseil pour que la  MONUC n’attaque pas Nkunda sans en avoir référé d’abord au Conseil pour obtenir son autorisation. Le Conseil s’est aussi fait l’écho de la préoccupation du Secrétaire général concernant le recrutement et l’utilisation d’enfants soldats, en particulier dans les brigades mixées. Il a appelé à poursuivre l’action contre les FDLR.234

La MONUC

La MONUC a dû redéfinir son rôle après l’élection pour tenir compte du nouveau gouvernement élu. Ce processus a été particulièrement compliqué dans l’Est du Congo où les troupes de Nkunda, officiellement partie de l’armée congolaise, étaient engagées dans des opérations militaires contre l’armée, et où les FDLR étaient qualifiées de force négative à éliminer, bien que parfois elles bénéficiaient du soutien tacite des soldats de l’armée congolaise. Tout en essayant de négocier les complexités politiques de cette situation, la MONUC devait aussi faire face à des allégations de corruption dans ses propres rangs, tant en Ituri qu’au Nord-Kivu, où les soldats de la MONUC auraient donné des informations militaires aux FDLR et à d’autres groupes armés en échange d’or.235

Mandat de protection des civils     

Les observations et les conversations des chercheurs de Human Rights Watch avec les habitants du Nord-Kivu en 2006 et 2007 ont montré que la plupart des habitants appréciaient la protection offerte aux civils par la MONUC. En février par exemple, les forces de maintien de la paix de la MONUC ont escorté une centaine de civils pour les mettre en lieu sûr, placés entre deux tanks, après que les forces de Nkunda avaient attaqué Katwiguru.236 Les sondages d’opinion organisés par des ONG internationales ont confirmé une appréciation populaire générale des efforts de la MONUC en matière de protection. Les populations des Kivus estimaient généralement que la MONUC devait faire davantage pour les protéger, toutefois, et elles étaient promptes à la critiquer dans les cas où elles pensaient que la MONUC avait échoué à assurer la protection nécessaire. 237

Quand les soldats de Nkunda ont attaqué la ville de Sake le 25 novembre 2006, les soldats de l’armée congolaise qui défendaient la ville ont pris la fuite. Les soldats de la MONUC ne sont pas intervenus pour empêcher la ville de tomber aux mains des insurgés, alors que la MONUC dispose d’une base à Mubambiro, à deux kilomètres seulement de Sake. Les habitants qui ont dû abandonner leurs maisons ont exprimé plus tard leur colère en jetant des pierres sur des véhicules appartenant à la MONUC.238

Deux jours après la chute de Sake, cependant, les troupes de la MONUC ont répondu énergiquement à une attaque imminente des hommes de Nkunda contre Goma, capitale de la province du Nord-Kivu. Les officiers de la MONUC ont apparemment compris que des pertes humaines sévères pourraient se produire si Nkunda prenait la ville, et ils ont ordonné aux soldats du maintien de la paix de repousser les forces de Nkunda jusqu’à leurs positions d’origine. 239

Quand le combat entre les troupes de Nkunda et l’armée congolaise a repris en août 2007, des habitants de Goma sont descendus dans les rues pour manifester contre la MONUC qui, affirmaient-ils, n’avait pas fait assez pour résoudre le problème de Nkunda.

Relations avec les forces de Nkunda et l’armée congolaise

A la suite de son intervention militaire contre les forces de Nkunda en novembre 2006, la MONUC n’a pas fait mouvement pour vaincre Nkunda, mais elle a plutôt favorisé un règlement négocié. La MONUC n’était pas partie aux discussions qui ont abouti au dispositif de mixage et elle n’a pas fait de déclarations publiques pour approuver le processus, mais en plusieurs occasions les forces de maintiens de la paix ont semblé envoyer un message tacite d’approbation en participant à des cérémonies liées au lancement des nouvelles unités mixées.240

Lorsque les enquêteurs de la MONUC sur les droits humains ont fait état des violations commises par les troupes nouvellement mixées au cours de leurs opérations militaires contre les FDLR, la MONUC a recherché des explications auprès du Président Kabila à propos de la position officielle du gouvernement en relation au mixage et à propos de la date fixée pour l’intégration complète des unités mixées dans l’armée. Ne recevant pas de réponses claires de la part de Kabila, la MONUC a vaincu sa réticence à émettre des critiques sur la politique d’un gouvernement souverain, et en avril et mai 2007 elle a commencé à attirer l’attention sur les conséquences humanitaires des opérations militaires des unités mixées.241

Pourtant, même en déplorant les conséquences humanitaires des opérations menées par les brigades mixées, la MONUC a fait preuve d’une réticence continue à parler ouvertement des violations des droits humains. La MONUC a enquêté sur les crimes de violence sexuelle perpétrés par les troupes de Nkunda à Kibirizi en janvier 2006 et sur le massacre de Buramba en avril 2007, mais elle n’a pas encore publié ces rapports. Selon un officier chargé des droits humains en février 2007, lui et ses collègues se sentent moins à même d’enquêter et de dénoncer publiquement les violations des droits humains que par le passé.242

Les soldats de la MONUC ne sont pas chargés de former les soldats des unités intégrées de l’armée congolaise, mais parfois ils mènent avec eux des opérations conjointes. Etant donné le nombre élevé de cas d’atteintes aux droits humains commises par ces soldats congolais, les forces de la MONUC se retrouvent fréquemment dans une position difficile pour appliquer pleinement leur mandat qui est de protéger les populations civiles. Interrogé sur ce problème, le commandant de la MONUC, le Général Babacar Gaye, a dit aux journalistes que la MONUC signalait ce type de violations à l’autorité appropriée de l’armée congolaise. Il a ajouté aussi que quand la MONUC s’engageait dans des opérations conjointes avec les soldats de l’armée congolaise, ils leurs fournissaient les provisions nécessaires, manifestement pour tenter de limiter l’étendue des pillages que ces soldats pourraient commettre au détriment des populations civiles.243 

La MONUC a aussi été lente à prendre la parole sur la question des enfants soldats, attendant pendant des mois avant de publier les informations sur les enfants recrutés et utilisés pour le service militaire dans les brigades mixées. Peut-être soucieuse de la sensibilité politique de la publication d’informations qui seraient vues comme critiques à l’égard du Rwanda, la MONUC n’a pas rendu public ce qu’elle savait au sujet des enfants et des adultes qui étaient amenés à travers la frontière depuis le Rwanda pour être enrôlés dans les rangs de Nkunda.

En juin, la MONUC a augmenté les effectifs de ses soldats au Nord-Kivu, transférant 800 soldats supplémentaires depuis d’autres endroits du pays. Le 26 juillet, le Général Gaye a déclaré que le Nord-Kivu était devenu le centre des préoccupations de la MONUC.244 Avec l’aggravation des tensions, et l’armée congolaise ainsi que les forces de Nkunda semblant se préparer à de nouveaux combats au mois d’août, le Général Gaye est apparu aux côtés du chef d’état-major de l’armée, le Général Kayembe, à une conférence de presse au cours de laquelle ce dernier a annoncé avec fermeté que tous les soldats devaient se rendre au brassage (voir Chapitre III, ci-dessus). Le Général Kayembe a aussi soutenu que l’armée congolaise et la MONUC règleraient le problème des FDLR et que ce groupe armé devait être éliminé et ses membres renvoyés au Rwanda.245

Quand les troupes de Nkunda et l’armée congolaise se sont affrontées de nouveau fin août et en septembre, la MONUC a insisté sur un cessez-le-feu immédiat et exhorté à une solution négociée pour minimiser d’autres dommages causés aux civils. Tout en refusant d’être entraînée dans des opérations conjointes avec l’armée congolaise contre Nkunda, la MONUC a apporté un soutien logistique à l’armée congolaise, transportant des soldats et des provisions vers le Nord-Kivu et à l’intérieur de la province.246

Le HCR

Fortement investi dans les tentatives pour apporter une aide humanitaire aux habitants du Nord-Kivu, le HCR a initialement exprimé l’espoir que l’accord de mixage apporterait une plus grande sécurité et permettrait aux réfugiés comme aux personnes déplacées de rentrer chez eux.247 Cependant, comme le nombre des personnes déplacées augmentait et que la situation humanitaire empirait, le HCR, agissant au nom du Cluster Protection (regroupement de protection) des ONG et agences de l’ONU, a écrit au commandant des FARDC au Nord-Kivu, le Général Ngizo, le 2 mars, exprimant sa préoccupation au sujet des graves conséquences du mixage en matière de droits humains, à savoir les déplacements forcés, lerecrutement forcé et l’utilisation d’enfants soldats.248

Le HCR souffre encore de la colère rwandaise contre le soutien de l’agence aux camps de réfugiés au Congo en 1994, quand les anciennes forces génocidaires ont utilisé certains des camps comme bases pour se réarmer et se réorganiser. Etant donné la nature difficile de ses relations avec le gouvernement rwandais, le HCR a hésité à parler ouvertement du recrutement militaire d’adultes et d’enfants dans les deux camps qu’il supervisait au Rwanda. Pareillement, l’agence n’a pas contrôlé le retour de centaines de réfugiés qui sont rentrés volontairement au Congo, alors qu’elle avait le mandat pour le faire. Pour cette raison, elle a été incapable de savoir si tous les rapatriés étaient véritablement des civils congolais.249 Etant donné la détermination de Nkunda à ce que les réfugiés rentrent au Congo depuis le Rwanda, le HCR subit de fortes pressions pour signer un accord avec les gouvernements congolais et rwandais pour commencer les retours assistés, bien que le personnel de l’agence comprenne que ce faisant il mettrait les  rapatriés en danger d’autres souffrances et déplacements, étant donné l’insécurité actuelle au Nord-Kivu.250

L’UNICEF

Au Congo, le Fond des Nations Unies pour l’enfance joue un large rôle humanitaire dans l’approche regroupée des agences humanitaires. La protection de l’enfance fait également partie du mandat de l’UNICEF, et celle-ci a travaillé avec des agences locales partenaires et la protection de l’enfant de la MONUC pour essayer d’obtenir la libération des enfants soldats, avec un succès limité. L’UNICEF a agi indépendamment et en association avec le Cluster Protection (regroupement de protection) pour attirer l’attention sur la sérieuse résistance rencontrée sur le terrain de la part d’officiers des brigades mixées contre la démobilisation des enfants. Ces efforts, cependant, ont avancé lentement et ont été relativement peu productifs.

Les porte-paroles de l’ONU pour les droits humains

La Haute Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, la représentante spéciale du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés, et la rapporteuse spéciale du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies sur les violences faites aux femmes, toutes ont rassemblé des données au Congo et ont mené des plaidoyers efficaces sur les droits humains au Congo au cours des premiers mois de 2007.

La Haute Commissaire aux droits de l’homme,  Louise Arbour, a attiré l’attention sur le problème de l’impunité et a persuadé le Président Kabila d’accepter une enquête de l’ONU pour établir les sites de crimes de guerre, la première étape pour rendre possible le devoir de rendre des comptes pour une décennie de crimes au Congo. Aussi bien la Haute Commissaire Arbour que la rapporteuse spéciale sur les violences faites aux femmes ont développé la prise de conscience des violences contre les femmes, et elles ont parlé toutes deux avec fermeté du besoin de justice et de l’aide pratique aux survivantes de crimes de violence sexuelle. La représentante spéciale du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés a rassemblé les données essentielles pour le rapport fait en juin par le Secrétaire général au Conseil de sécurité, permettant ainsi au plus haut fonctionnaire de l’ONU de parler avec force et en connaissance de cause du recrutement et de l’utilisation des enfants soldats au Congo.




220 Entretiens de Human Rights Watch avec des diplomates, New York, 26-28 septembre 2007.

221 Ibid.

222 Entretiens de Human Rights Watch avec des fonctionnaires de la MONUC (identités non divulguées), Goma, 16 février 2007 et Kinshasa, 2 et 3 août 2007.

223 Par exemple, en mars 2007 la France a repris son aide au Congo pour la première fois depuis 17 ans, avec un engagement de 235 millions d’€  sur cinq ans ; le même mois, la Belgique a augmenté son aide pour 2007 de 79 millions d’€ à 109 millionsd’ € et a promis une assistance à long terme de 195 millions d’ € ; et en avril le Royaume-Uni s’est engagé à hauteur de 70 millions de £, mais a fait dépendre cette aide d’une progression dans certains domaines de performance gouvernementale. “235 millions d’euros de la France pour la santé, l’environnement et l’éducation”, Radio Okapi, 25 mars 2007, http://www.radiookapi.net/index.php?i=53&l=18&c=0&a=12706&da=&of=17&s=&m=2&k=0&r=all&sc=2 (consulté le 20 août 2007); “Bilan du Ministre Armand De Decker, Ministre de la Coopération au Développement depuis juillet 2004”, Communiqué de presse du ministère belge de la Coopération et du Développement, 22 mai 2007, http://www.dgos.be/fr/le_ministre/communiques_presse/20070522.html (consulté le 20 août 2007); “Providing aid in the Congo,” United Kingdom Department for International Development, 11 mai 2007, http://www.dfid.gov.uk/news/files/dfid-in-the-congo.asp (consulté le 20 août 2007).

224 “Le conseil d’administration conjoint de la BM et du FMI adopte le DSCRP de la RDC”, Digital Congo, 11 juin 2007, http://www.digitalcongo.net/article/44317 (consulté le 23 août 2007).

225 MONUC, “Kinshasa: Contact group workshop on reform of DRC army,” 13 juillet 2007, http://www.monuc.org/News.aspx?newId=14976 (consulté le 23 août 2007).

226 Entretien de Human Rights Watch avec Dirk Deprez, Rujusco, Goma, 9 mai 2007.

227 Entretien de Human Rights Watch avec un diplomate en poste à Kigali (identité non divulguée), Kigali, 25 juillet 2007.

228 “Kagame Castigates Human Rights Watch,” Rwanda News Agency ; Entretien de Human Rights Watch avec un représentant du HCR (identité non divulguée), Kigali, 25 juillet 2007.

229 Conseil de sécurité de l’ONU, Rapport du Secrétaire général sur les enfants et les conflits armés en République Démocratique du Congo, S/2007/391, 28 juin 2007, paras 22-27, 74.

230 Entretiens de Human Rights Watch avec un officer de la MONUC chargé des affaires politiques (identité non divulguée), Goma, 12 mai 2007, et des officiers de la 9ème brigade des FARDC, Rutshuru, 14 mai 2007.

231 Entretiens de Human Rights Watch avec le Général James Kabarebe, 27 juillet 2007; Joseph Nzambamwita, 26 juillet 2007;un officier militaire rwandais qui a demandé à conserver l’anonymat, 26 juillet 2007; et Laurent Nkunda, Nyamitaba, 31 juillet 2007.

232 Entretiens de Human Rights Watch avec des diplomates, New York,  25 et 26 septembre ; entretien téléphonique avec Laurent Nkunda, 30 septembre ; et entretien téléphonique avec un fonctionnaire sud africain (identité non divulguée), 1er octobre 2007.

233 “UN mission urges political solution in east Congo,” Reuters, 20 juin 2007, http://www.alertnet.org/thenews/newsdesk/L20930073.htm (consulté le 21 août 2007).

234 Conseil de sécurité de l’ONU, déclaration du Président du Conseil de sécurité, S/PRST/2007/28, 23 juillet 2007.

235 "Indian peacekeepers in DRC accused of gold trafficking with rebels," Agence France-Presse, 13 juillet 2007.

236 Entretien de Human Rights Watch avec une personne déplacée à l’intérieur du pays, Kiwanjda, 15 mai 2007.

237 Oxfam GB, “Beni Protection Assessment,” février 2007.

238 Entretien de Human Rights Watch avec un défenseur des droits humains de Sake (identité non divulguée), Goma, 26 novembre 2006.

239 Entretien de Human Rights Watch avec un officier de la MONUC chargé des droits humains (identité non divulguée), Goma, 27 novembre 2006.

240 Entretien de Human Rights Watch avec un officier militaire de la MONUC (identité non divulguée), Goma, 10 février 2007.

241 MONUC, “Verbatim point de presse 02 mai 2007”, 3 mai 2007, http://www.monuc,org/News.aspx?newsId=14493 (consulté le 25 août 2007).

242 Entretien de Human Rights Watch avec un officier de la MONUC chargé des droits humains (identité non divulguée), Goma, 16 février 2007.

243 Transcription de conférences de presse données conjointement par le Général Kayembe Mbandakulu Tshisuma, commandant en chef des FARDC, et le Général Babacar Gaye, commandant des forces de la MONUC, 21 août 2007, envoyée par email par un officier de la MONUC à Human Rights Watch, 22 août 2007.

244 ”Nord-Kivu is the focus of our concerns”, entretien du service de presse de la MONUC avec le Général Babacar Gaye, commandant des forces de la MONUC, 26 juillet 2007, http://www.monuc.org/News.aspx?newsId=15059 (consulté le 8 septembre 2007).

245 Transcription de conférences de presse conjointes du Général Kayembe Mbandakulu Tshisuma et du Général Babacar Gaye, 21 août 2007.

246 Département d’information publique de l’ONU, “Press Conference by force commander of Democratic Republic of Congo mission,”  New York, 7 septembre 2007.

247 “DRC-RWANDA: UN official welcomes deal with dissident general”, IRINnews, 18 janvier 2007, http://www.irinnews.org/Report.aspx?ReportId=64512 (consulté le 7 juin 2007).

248 Lettre de Barbara Colzi, officier de protection du HCR, Goma, au Général Ngizi Siatilo Louis, commandant de la 8ème Région militaire, FARDC, Goma, 2 mars 2007.

249 HCR, “Comprehensive Approach to Resolving Refugee Situations and Providing Appropriate Durable Solutions,” http://www.HCR.org/protect/PROTECTION/3d464bc14.pdf (consulté le 4 juillet 2007).

250 Entretien de Human Rights Watch avec un membre du HCR (identité non divulguée), Kigali, 25 juillet 2007.