Rapports de Human Rights Watch

Violence sexuelle pendant la crise politico-militaire ivoirienne

Prévalence de la violence sexuelle en Côte d’Ivoire

Ni les autorités des Forces Nouvelles, ni les autorités gouvernementales ont établi des statistiques officielles fiables sur les agressions sexuelles perpétrées par leurs forces, ou sur les niveaux de violence sexuelle dans les zones sous leur contrôle. Les comptes-rendus et les plaintes enregistrées par la police sont au mieux contradictoires, et au pire inexistants. Malheureusement, les ONG internationales ont également été dans l’incapacité de mener des enquêtes sur une base suffisamment large pour déterminer le pourcentage de femmes et de filles ayant subi des violences sexuelles liées au conflit en Côte d’Ivoire. Ne disposant pas d’étude fiable au moment de la rédaction de ce rapport, il était impossible de déterminer précisément le pourcentage de femmes et de filles qui avaient subi un ou plusieurs cas de violence sexuelle liée au conflit.

Toutefois, sur la base des entretiens avec de nombreuses survivantes et témoins, ainsi qu’avec multiples ONG ivoiriennes et internationales, Human Rights Watch estime que des centaines sinon des milliers de femmes et de filles ont subi un ou plusieurs cas de violence sexuelle commises par des membres des groupes armés. La cohérence des nombreux témoignages et signalements reçus traduit le caractère massif de la violence sexuelle, en particulier dans l’ouest de la Côte d’Ivoire.

Ce point de vue est corroboré par de nombreux rapports compilés par des organisations humanitaires. Par exemple, un rapport de 2004 d’un groupe local de défense des droits humains dans la région des 18 Montagnes (province de l’ouest durement frappée par la crise) a pu établir que de novembre 2002 à juin 2004, 122 cas de viol leur avaient été signalés par des éléments armés. De plus, ce rapport comportait aussi des évaluations selon lesquelles, parmi les femmes interrogées au cours d’une enquête de terrain dans une vingtaine de villages sur les abus commis contre la population civile, deux sur cinq femmes interrogées avaient été victimes d’abus sexuel.14 D’autres ONG locales ont fait état de chiffres pareillement élevés jusqu’à la fin de 2004.15 Par exemple, une ONG active à l’ouest de la Côte d’Ivoire dans les zones contrôlées aussi bien par les Forces Nouvelles que par le gouvernement, a enregistré plus de 2700 personnes qui cherchaient des informations et de l’aide en 2005 pour des victimes de violences sexuelles, entre autres pour des traumatismes résiduels liés à des violations commises entre 2002 et 2003 par des hommes armés.16

De plus, le Ministère de la Famille, de la femme et des affaires sociales a un programme Genre17 et une Direction de la réglementation et de la protection, responsable de l’accueil des victimes de violence et de l’orientation des victimes vers les services spécialisés. Au moment de la rédaction de ce rapport, ce comité aurait recueilli des informations sur 473 cas de violence sexuelle. Par ailleurs, au sein du Ministère de la Solidarité et des victimes de guerre, le programme national de prise en charge des personnes déplacées de guerre a constaté qu’un tiers des cas qu’il traitait étaient des victimes de violence sexuelle.18

Une étude de 2005 réalisée par une organisation internationale a documenté les violences sexuelles à l’encontre des enfants dans l’ouest contrôlé par les Forces Nouvelles et par le gouvernement. Elle s’appuie sur une enquête concernant 147 enfants qui ont été associés à un groupe armé. 56 pour cent des cas de violence sexuelle signalés dans cette étude ont eu lieu pendant les combats actifs, mais 35 pour cent se sont produits depuis la fin des hostilités actives. Selon cette étude, un pourcentage élevé de filles ont vécu et vivaient toujours dans la peur d’être sexuellement agressées. Un pourcentage tout aussi élevé de mères partageait cette préoccupation pour leurs filles. A la question « [quels] sont les problèmes de sécurité que rencontrent les femmes et les enfants dans la communauté ? », les réponses ont révélé que la peur des violences sexuelles était classée avant l’extorsion, le travail forcé, les meurtres, les menaces, ou d’autres formes de violence physique. « Les hommes armés » (souvent non identifiés) étaient le plus souvent désignés comme les coupables de viol. L’étude a constaté que 56 pour cent des cas de violence sexuelle contre les enfants déclarés dans l’enquête concernaient des enfants de 13 à 18 ans. Les enfants de 5 à 12 ans auraient été victimes de 41 pour cent des cas déclarés, et les enfants de moins de 5 ans victimes de 3 pour cent des cas déclarés.19

Au moment de la rédaction de ce rapport, il a été impossible de déterminer précisément le nombre ou le pourcentage de femmes et de filles qui ont été enlevées et réduites à l’esclavage sexuel, ou de celles qui ont été victimes d’abus sexuels après avoir été « recrutées » par des groupes armés. Le nombre de celles qui restent sous le contrôle de leurs « maris » ou qui sont retournées dans leur village d’origine est également incertain. Toutefois, une indication de ce qui est arrivé aux femmes et aux filles capturées par des groupes armés ressort d’une étude non publiée qu Human Rights Watch a pu obtenir. 20 Cette étude, réalisée par une ONG qui aidait les enfants associés à un groupe armé, a calculé que 35 pour cent environ des enfants qui se sont démobilisés eux-mêmes (au lieu d’attendre un programme officiel de démobilisation) dans l’ouest étaient des filles. Parmi ces filles qui avaient fui les groupes armés ou elles étaient, 30 pour cent ont signalé avoir été violées et 35 pour cent qu’elles avaient témoigné du viol d’autres filles.21 Le rapport de l’étude a noté que la proportion de mères adolescentes était extrêmement élevée, allant de 28 pour cent à 75 pour cent dans différentes communautés.22 Bien que toutes les filles mères n’aient pas mentionné ouvertement le viol, il est fort probable que beaucoup d’entre elles soient tombées enceintes à la suite de relations sexuelles non consensuelles avec des hommes appartenant aux groupes armés — rebelles, milices, ou soldats du gouvernement.

Abus sexuels commis par les groupes rebelles ivoiriens

Les rebelles en Côte d’Ivoire ont commis d’atroces abus sexuels contre les femmes et les filles dans les zones sous leur contrôle, tels que le viol, le viol collectif, les tortures sexuelles, les fausses couches forcées et les incestes forcés. Des femmes et des filles ont subi des violences sexuelles chez elles, à la recherche d’un refuge, en brousse, aux barrages, dans leurs fermes, et même dans des lieux de culte. Ces violences sexuelles se sont souvent accompagnées d’autres actes de violence tels que des coups, torture, meurtres, mutilations, ou des actes de cannibalisme. Nombre de femmes et de filles ont été enlevées et réduites à l’esclavage sexuel dans des camps rebelles, où elles subirent souvent de nombreux viols pendant de longues périodes. La résistance se soldait fréquemment par des punitions effroyables, voire même la mort.

Les informations disponibles laissent supposer que les formes les plus flagrantes de violence sexuelle ont été commises pendant la période d’hostilités actives et les mois qui s’ensuivirent : depuis l’éclatement du conflit armé en septembre 2002 jusqu’à mi 2003. Durant cette période, les combattants libériens qui se battaient aux côtés des groupes rebelles ivoiriens étaient les auteurs les plus fréquemment impliqués. Par la suite, les quatre années d’impasse politique et militaire ont vu une certaine diminution des niveaux de violence sexuelle – mais elle continue néanmoins. Depuis le déclenchement des hostilités, aucune faction rebelle n’a à aucun moment fait d’efforts significatifs pour traduire en justice les coupables.

Analyse des trois factions rebelles impliquées dans des abus sexuels

Au début des hostilités en 2002, les individus auteurs de ces actes faisaient partie de trois factions rebelles différentes : le Mouvement Patriotique de Côte d’Ivoire (MPCI), le Mouvement pour la justice et la paix (MJP), et le Mouvement Populaire Ivoirien du Grand Ouest (MPIGO).

Le MPCI était surtout composé de groupes ethniques originaires du nord, bien que ses membres tant au niveau de la troupe que des hauts responsables politiques appartenaient à la plupart des groupes ethniques ivoiriens, renforcés par quelques recrues Burkinabés et maliennes, et les « Dozos. »23 Le MPCI formait le groupe rebelle le plus organisé, discipliné et idéologique en Côte d’Ivoire.

En novembre 2002, deux nouveaux groupes rebelles sont apparus : le MJP et le MPIGO. Ils ont ouvert un nouveau front militaire à l’ouest, ou ils se sont rapidement emparés des principales villes, telles que Man, Danané, Toulepleu, et Blolequin. Human Rights Watch a documenté de nombreuses agressions sexuelles qui ont eu lieu pendant les premières offensives militaires importantes du MPJ et du MPIGO, qui commencèrent le 28 novembre 2002. En 2003, ces deux nouveaux groupes formèrent une alliance politico-militaire avec le MPCI et prirent le nom collectif de Forces Nouvelles (ou FN).

Bien que le MJP et le MPIGO aient affirmé être ivoiriens, les deux groupes comprenaient des centaines de combattants libériens et, dans une moindre mesure, sierra léonais. Nombre des combattants libériens s’étaient battu précédemment avec des groupes armés liés au président libérien d’alors, Charles Taylor, et nombre des sierra léonais avaient été membres du groupe rebelle sierra léonais, le Front uni révolutionnaire (Rebel United Front, ou RUF).

Des trois groupes rebelles, le MPCI était de loin le plus organisé et discipliné ; il fut aussi impliqué dans moins d’atrocités que ne l’étaient les combattants du MPJ ou du MPIGO. Ces deux derniers groupes basés dans l’ouest commirent des abus systématiques et à grande échelle à l’encontre de civils dans toutes les zones se trouvant sous leur contrôle. D’après le Secrétaire national des Forces Nouvelles aux Communications, les atrocités commises par le MPJ et le MPIGO se sont aggravées jusqu’à devenir un handicap politique pour le MPCI.24 Guillaume Soro, le dirigeant politique des Forces Nouvelles, effectua une visite dans l’ouest de la Côte d’Ivoire en mars 2003 qui l’aurait convaincu que les combattants libériens et sierra léonais devaient être expulsés de Côte d’Ivoire. Après cette visite, Soro aurait réuni les chefs militaires dans la capitale rebelle de Bouaké et leur aurait dit que ce dont il avait été témoin dans l’ouest devait cesser, que les abus à l’encontre des victimes civiles entraîneraient des problèmes, que le conflit menaçait d’embraser une grande partie de l’Afrique de l’Ouest, et qu’il voulait des volontaires pour expulser les combattants libériens et sierra léonais de Côte d’Ivoire. Par conséquent, en début 2003, les dirigeants du MPCI ont déployé des troupes depuis leur capitale rebelle de Bouaké vers l’ouest pour expulser ou tuer les combattants libériens et sierra léonais et leurs chefs, Félix Doh et Sam Bockarie. L’expulsion massive des ces hommes par les dirigeants du MPCI a mis progressivement fin aux pires violences sexuelles liées au conflit dans l’ouest rebelle.

L’utilisation de drogues pour encourager des rebelles à violer et à maltraiter des civils

Des victimes et des témoins ont noté que bon nombre des atrocités sexuelles et autres étaient commises par des combattants sous l’influence de drogues ou de l’alcool. Par exemple, une jeune femme qui a été enlevée et violée successivement par des rebelles ivoiriens, libériens et sierra léonais dans un camp de rebelles non loin de la frontière du Libéria, déclara à Human Rights Watch qu’elle pensait que l’usage de drogues était un facteur qui favorisait la violence sexuelle. Elle a décrit la façon dont les rebelles violaient des femmes alors qu’ils étaient sous l’emprise de drogues.

Quand ils nous ont prises nous étions dans leur camp, nous les avons vus et souvent ils prenaient des drogues. Et c’est sous l’influence des drogues qu’ils étaient comme ça. Et vraiment, c’est tellement terrible que vraiment, nous ne savons pas… Chaque fois ils prenaient des femmes quand ils reviennent de la guerre, du combat, les femmes sont rassemblées dans une chambre et ils viennent, ils se jettent sur nous, ils font tout ce qu’ils veulent. Ils nous violent malgré nos cris, malgré nos pleurs, vraiment, ça ne leur dit rien. 25

En plus des nombreuses survivantes qui ont décrit le rôle de l’usage de drogues, deux hommes qui ont été enrôlés de force par les rebelles ont témoigné à Human Rights Watch que leurs commandants les avaient obligés à consommer des drogues, qu’ils appelaient parfois des « médicaments. » Un jeune homme a raconté comment il avait lutté contre ses ravisseurs qui l’ont forcé à prendre des drogues et ensuite à manger de la chair humaine et violer une femme en fin 2002 ou début 2003.

Ils m’ont forcé. Je ne voulais pas le prendre. Ils ont commencé à me battre, à me frapper. De gauche à droite, partout. Et sur le champ ils m’ont donné cette chose que je ne connaissais pas, ils appellent ça de la drogue. Ils l’ont mis dans ma bouche par la force, avec violence. Avec des liquides. Des feux inconnus. Quand ils mont fait prendre cela, je me suis trouvé dans un autre monde. Ma conscience avait changé. Une esclave de guerre était assise à côté, plus particulièrement une femme. Ils m’ont demandé de la monter et la violer. J’ai dit non. Ils m’ont frappé dans mon dos. Ils m’ont mis sur elle. Je ne savais pas exactement ce qui se passait, je ne comprenais pas. Et j’ai exécuté ce qu’ils ont dit. Ce qu’ils ont dit de faire.26

Les femmes et les filles considérées comme partisanes du gouvernement prises pour cible

Human Rights Watch a documenté de nombreux cas où les épouses, filles, sœurs, et mères de membres du parti au pouvoir, le FrontPopulaire Ivoirien (FPI), et des forces de sécurité pro-gouvernementales, à savoir des membres de la police, de la gendarmerie et de l’armée, ont été agressées sexuellement à cause de la fonction occupée par un homme de leur famille. Ces agressions furent souvent précédées ou suivies d’attaques brutales contre d’autres membres de la famille. Plusieurs survivantes de viol interrogées par Human Rights Watch ont raconté comment les rebelles les avaient sélectionnées ainsi que d’autres femmes liées aux policiers, membres du parti au pouvoir, et autres organismes pro-gouvernementaux. Elles ont signalé que certains rebelles les traitaient de traîtresses et leur disaient explicitement qu’elles étaient punies à cause des fonctions occupées par un ou plusieurs membres de leur famille. Pareillement, des travailleurs humanitaires et sociaux actifs à l’ouest en 2002-2003 révélèrent à Human Rights Watch qu’ils avaient documenté de nombreux cas dans lesquels des femmes et des filles semblaient avoir été prises pour cible de la même manière.

Une femme raconta à Human Rights Watch comment en 2002 elle avait été prise pour cible par quatre rebelles parce que son père était gendarme. L’agression a eu lieu à Danané, une ville à l’ouest de la Côte d’Ivoire :

Papa était dans la gendarmerie, alors nous avons tous été traqués, avec toutes les familles de ceux en tenue. Le jeudi que la guerre est venue chez nous, mon papa revenait du service, il se reposait à la maison, il était allongé. J’étais dehors. Puis tout d’un coup j’ai vu six [hommes] qui arrivaient de partout vers la maison, on a entendu beaucoup de tirs et le camp s’est rempli de rebelles. Ils sont entrés dans la maison si vite qu’on ne les a même pas vus venir. Et ils ont traîné mon papa dehors. Ils l’ont tué devant moi. Et quatre m’ont violée. Devant le corps de papa.27

La fille d’un policier a raconté à Human Rights Watch comment peu après que les rebelles aient pris Danané en 2002, elle avait été violée successivement par plusieurs rebelles qui n’arrêtaient pas de lui demander où se trouvait son père :

Mon papa qui était policier…travaillait. J’ai entendu des tirs et j’ai couru vite pour le trouver au camp mais il n’était pas là. Alors j’ai attrapé les enfants que je pouvais trouver et mes sœurs qui avaient couru à la maison… J’ai entendu des rumeurs que mon grand frère a été tué et que papa a été attaché et arrêté. Jusqu’à présent personne ne sait ce qui lui est arrivé… En brousse, mon [autre] frère [X] et moi nous avons caché la famille qu’on a trouvée… et nous sommes allés sur la route pour essayer de trouver à manger et des informations. C‘est là que les rebelles nous ont trouvés. Des rebelles ivoiriens montraient du doigt les gens aux rebelles libériens et leur disaient qui était avec la police. Ils nous ont montrés et les libériens nous ont presque tués sur le champ. Ils ont frappé mon frère très, très dur, ils ont commencé à le battre. J’ai reconnu le jeune ivoirien qui nous a indexés. C’est lui qui disait « où est ton père ? » Ils ont tellement battu [mon frère] que je pleurais et je leur demandais pardon, je les suppliais d’arrêter, et ils m’ont traînée sur mes genoux et mes genoux étaient complètement écorchés, ils me traînaient – et puis ils m’ont violée. [Mon frère] a été obligé de tout voir. Puis ils ont fini de me violer et ils m’ont tellement battue que je criais. Ils ont cassé le bras de mon frère. Son os sortait même. Ils ont essayé de me traîner dans leur pick-up, et ils me demandaient « où est ton père ? » Ils m’ont battue encore. A la fin ils sont rentrés dans leur voiture et ils nous visaient avec leurs fusils comme ça, tout le temps. On est restés couchés par terre et on faisait semblant d’être morts.28

Une femme dont le mari était soupçonné d’être un espion du gouvernement à Bouaké a raconté avoir été enlevée, violée par multiples rebelles, torturée, affamée, et gardée comme esclave sexuelle dans une prison contrôlée par les rebelles à Bouaké d’octobre 2003 à novembre 2004, à titre de punition pour les activités supposées de son mari. Son mari a «disparu» pendant cette même période et ses enfants restent introuvables.

Je veux oublier. Parfois j’ai des crises. Je suis seule mais je parle à moi-même. En 2002 la guerre a commencé. J’étais mariée… Les rebelles sont venus et ils ont tiré dans toute la maison. Ils ont dit [à mon mari] « tu es un espion et tu donnes des messages à Gbagbo. » … Ils l’ont emmené. J’ai attendu et je suis restée à la maison pendant une semaine. Puis les rebelles sont revenus et ils ont dit « Où est ton mari ? » Ils ont de nouveau tiré dans toute la maison. J’ai dit « Mais c’est moi qui devrais vous demander où il est, vous êtes ceux qui l’ont amené la semaine passée. » Alors ils étaient très fâchés avec moi et ils m’ont amenée à [une prison rebelle]. J’ai trouvé les chefs rebelles là et ils m’ont encore demandé « où est ton mari » et j’ai répondu encore « pardon, je ne sais pas. » Ils [les rebelles] m’ont battue tous les jours et ils me violaient à tout moment. Regarde, j’ai des marques partout sur mes cuisses et mes jambes. Ils m’ont attachée et ils m’ont gardée nue et ils m’ont frappée avec des couteaux et des fusils… Ils m’ont trop violée.29

Cette femme a dit à Human Rights Watch qu’elle aurait non seulement été agressée physiquement et sexuellement, mais elle aussi forcée d’être témoin d’actes de torture, d’exécutions extrajudiciaires, et de massacres (au cours desquels plusieurs prisonniers auraient été abattus à la mitraillette). Elle a affirmé avoir été interrogée, emprisonnée, et agressée sexuellement par des officiers et haut gradés des Forces Nouvelles.

Des femmes ont également été prises pour cible d’abus sexuels sur la base de leur appartenance à un groupe ethnique. Entre autres, Human Rights Watch a documenté le cas de plusieurs femmes de l’ethnie Yacouba, groupe essentiellement originaire de l’ouest généralement considéré comme soutenant l’ancien président Robert Guei. Une femme Yacouba d’un certain âge a décrit cinq rebelles l’ont agressée en fin 2002 :

J’ai fui au Libéria mais en route les rebelles m’ont battue. Je suis Yacouba et ils m’ont dit « tu étais pour le président »… Puis cinq rebelles m’ont attrapée et ils m’ont enfermée dans une maison et ils m’ont violée. Ils m’ont fait très, très mal. Il y a eu de la souffrance chez nous en Côte d'Ivoire.30

Violence sexuelle contre des femmes enceintes

Human Rights Watch a documenté plusieurs cas dans lesquels les rebelles — en particulier ceux du MPJ et du MPIGO — ont commis des violences sexuelles particulièrement graves contre des femmes enceintes, y compris celles qui étaient proche de leur terme. Des femmes enceintes ont été violées, violées collectivement, menacées d’éviscération, poursuivies, et frappées au ventre dans le but semble-t-il de provoquer des accouchements ou des fausses couches. D’autres ont été sexuellement agressées ou mutilées. Une femme enceinte de neuf mois au moment des faits a décrit une de ces agressions, commise dans une ville à l’ouest par un groupe mixte de rebelles libériens, sierra léonais et ivoiriens en septembre 2002 :

L’attaque à [X] m’a trouvée chez mon père. Il était représentant du FPI à [X]. J’étais presque prête à accoucher. On a entendu des tirs et on a couru chez nous… Mais les rebelles sont venus à nos portes et ils ont beaucoup frappé. Ils parlaient l’anglais libérien et sierra léonais mélangé, et puis le Yacouba libérien et le Yacouba de chez nous [ivoirien], et un peu de français, alors ils étaient mélangés. Ils disaient dans le Yacouba de chez nous que papa était un traître. Je me suis cachée sous le lit mais ils m’ont trouvée. J’étais avec mes grandes sœurs et ma maman et ils ont pris mon papa et ils l’ont mis à genoux parce que ses genoux ne sont pas bons, il ne marche pas bien. Puis ils nous ont dit aux trois filles de se déshabiller devant papa. Je me suis déshabillée. Ils m'ont fait faire des choses honteuses… Ils m’ont forcée à me balader devant eux avec mon ventre [enceinte]… Ils se moquaient de moi, ils m’insultaient, ils disaient « elle va faire garçon, non elle va faire fille, elle va faire garçon, non elle va faire fille, » et puis ils ont dit « il faut t’asseoir tu vas accoucher. Pousse ! » Je ne pouvais pas ! J’ai dit « pardon, je ne peux pas. » Ils ont commencé à me frapper avec leurs pieds, même dans mon sexe, ils nous frappaient. Mon père ne pouvait plus voir ça et il a accouru pour nous protéger, ils l’ont frappé avec leurs fusils, il est tombé. Ils sont tombés sur mes sœurs et ils ont commencé à violer nos grandes sœurs devant nous tous. Mes sœurs criaient et pleuraient. Ils tiraient en l’air et ils fumaient des drogues et ils riaient. Après ils ont terminé de violer mes sœurs. Et puis ils ont commencé à me dire qu’ils voulaient voir si je porte un garçon ou une fille et ils ont dit « pousse, POUSSE ! Tu dois accoucher ! » Et ils m’ont battue. J’ai essayé mais je ne pouvais pas accoucher et ils m’ont tellement donné des coups de pieds, ça faisait trop mal. Ils ont commencé à mettre leurs mains dans mon sexe, ils ont dit ils vont sortir l’enfant. Je pleurais. Et ils m’ont obligée à me mettre à genoux et ils ont commencé à me violer. Je me suis évanouie. Quand je suis revenue [à moi] j’étais dehors, sans personne de ma famille. 31

D’autres femmes qui n’étaient pas visiblement enceintes ont dit aux rebelles qu’elles étaient enceintes et ont supplié à être épargnées et de ne pas subir de viol et d’autres formes d’abus sexuel. Une de ces femmes a raconté à Human Rights Watch comment elle avait supplié les rebelles du MPIGO de ne pas la violer parce qu’elle était enceinte, mais ils lui ont quand même fait subir un viol collectif. Cette agression a eu lieu en 2002 dans la ville de Danané, dans l’ouest du pays :

J’étais enceinte d’un mois. Ils m’ont dit que tu dois [coucher avec nous]. J’ai dit je ne veux pas, j’ai un homme et je suis enceinte. Mais il y a un qui m’a prise. Et puis chaque fois qu’il partait je devais être la femme des autres. Ils m’ont beaucoup violée. Tomate est un chef du MPIGO et il me donnait un peu à tous ses hommes. Et c’était dur d’accoucher à cause de tous les viols. Ils ont dit que je pouvais mourir. Mon copain a entendu que j’avais été la femme des rebelles et il m’a abandonnée, et il a dit qu’il ne veut plus de moi, ou même notre bébé. Je suis là avec son enfant mais je suis seule.32

Selon plusieurs sages-femmes interrogées par Human Rights Watch, nombreuses femmes ont accouché dans des conditions excessivement difficiles par suite de déchirures vaginales et autres conséquences du viol,33 ou ont fait des fausses couches à cause des abus sexuels subis, ou parce qu’elles avaient été frappées au ventre.34

Viols forcés et incestes forcés commis par les hommes sous la menace de torture et de mort

Des civils ont été punis pour avoir voulu protéger des femmes, et furent aussi contraints à violer des femmes, sous la menace de torture et de mort. Un homme recruté de force par les rebelles fin 2002 ou début 2003 a dit à Human Rights Watch comment il avait été forcé de violer une femme le jour même où il avait été enlevé. Certains hommes qui ont été contraints de violer des femmes en souffrent encore psychologiquement. L’épouse de l’ex-combattant cité ci-dessus a décrit l’anxiété de son mari :

Je crois que ce qu’il a vécu est quelque chose très, très – qui fait mal. Même moi qui suis là, même moi j’ai vu que ce qu’il a vécu c’est pas bon. Pendant la nuit s’il dort, souvent il crie. Souvent je le réveille et je lui demande « on dit quoi ? » Il explique les choses qui se sont passées. Il a des problèmes maintenant. Même si je pense à ce qu’il a vécu, ça me fait mal. 35

Human Rights Watch a documenté plusieurs cas d’inceste forcé. Des hommes ont été contraints à violer des membres de leur propre famille forcés sous la menace de la torture et de la mort. Un homme d’un certain âge a décrit un incident de ce type survenu dans un camp rebelle dans l’ouest en 2002 :

Ils [les rebelles] m’ont demandé de coucher avec ma sœur. Et après ça ils nous ont mis dans leur véhicule et nous ont amenés à leur camp. Ils ont commencé à nous battre encore. Ma sœur était entre leurs mains. Ils faisaient tout ce qu’ils voulaient avec elle. Puis ils m’ont pris, ils m’ont demandé de coucher avec elle encore, publiquement, et j’ai été obligé [de le faire].36

Des membres de la famille qui refusèrent de prendre part au viol ou de torturer leurs sœurs, épouses, ou filles, ont été punis, et même tués. Une jeune femme raconta comment son frère avait été tué pendant la guerre, à Tiapleu, après avoir refusé de la violer.37

Des personnes contraintes à témoigner d’actes de violence sexuelle

Beaucoup de femmes et de filles ont été violées sous les yeux de membres de leur famille. Ceci aggrava leur supplice psychologique mais servit à punir leurs parents. Human Rights Watch a documenté de nombreux cas de maris, de pères, de mères et d’enfants qui ont dû assister aux agressions sexuelles contre leurs épouses, leurs filles et leurs mères, impuissants, sans pouvoir réagir. Un homme témoigna à Human Rights Watch comment il avait été forcé d’assister aux viols de sa femme et de sa sœur par des rebelles fin 2002.

Une nuit les rebelles sont arrivés chez moi, dans ma cour, avec des armes lourdes, et ils ont cassé la porte. Ils sont rentrés dans ma maison. Ma femme était au salon. Ils ont commencé à la violer. Et les cris que j’entendais… J’ai sauté, je suis descendu. Ils m’ont terrassé car j’étais un peu corpulent. Ils ont pris mon fils, ils ont pris ma sœur. Ma femme était entre leurs mains. Avec cette force qu’ils ont, nous étions forcés… Ils nous ont battus. Vous pouvez voir les cicatrices. Elles sont noires sur ma peau. Sur mon dos. Et même mon fils. Et ma sœur, ils la violaient. Je n’ai jamais vu ma femme depuis que j’ai quitté la Côte d’Ivoire. Après ça, on était entre leurs mains.38

Des hommes, des femmes et des enfants ont été forcés d’assister aux actes de violence sexuelle comme punition, apparemment dans le but de les terroriser. Une fille de douze ans a raconté à Human Rights Watch comment elle avait été forcée d’assister au viol de plusieurs femmes alors qu’elle n’avait que huit ans.

Quand cette guerre est venue en 2002 à Danané j’étais [assise] dans le marché. Sans mes parents. Je faisais la couture. J’avais huit ans. Quand ils ont commencé à tirer partout je tremblais. J’avais très peur. Tout le monde criait. Les gens m’ont dit « calme-toi » mais ils tiraient partout, c’était pire même. Un groupe courait. Chacun se cherchait…Je suis partie avec eux. En route, les rebelles nous ont fatigués et ils disaient « on est là pour vous aider, venez là. » J’avais peur de pas obéir. Ils ont dit de venir et j’avais très, très peur alors je suis allée. Ils ont obligé les familles à continuer et ils ont gardé les jeunes [dames dans une maison] et des vieilles aussi. Les plus grandes, les rebelles les ont violées devant moi. Les plus vieilles [femmes] avaient 30 ou 45 [ans] peut-être. Quatre ont été violées. J’étais avec les autres enfants, on voyait ça. J’ai caché mes yeux. J’ai jamais vu [quelque chose comme] ça avant. Je ne connais pas l’homme ou quelque chose comme ça [le sexe]. Mais ils m’ont obligée [à regarder]… Depuis ça, quand je dors, mon cœur s’arrête. Je me sens très, très – pas bien quand je pense à ça. Aux vieilles dames qui étaient abusées. La plus vieille est morte là même. Ils ont laissé le corps avec nous dans la chambre. Pendant quatre jours. Depuis ça, quand je vois les vieilles personnes je me sens trop mal. Je m’inquiète que ça va leur arriver aussi. Ça me mélange trop dans ma tête… J’ai des cauchemars, je vois ces dames qui sont violées. Je vois la violence. Je crois qu’ils vont venir me prendre.39

Des enfants ont été violées sous les yeux de leurs parents et dans certains cas, des mères et leurs enfants ont été violées par le même groupe de criminels. La mère d’une fillette de dix ans décrit comment en 2002 trois rebelles les ont violées, elle et sa fille, dans leur maison à Danané :

Trois rebelles sont entrés et ils ont cassé la porte et ils ont dit « où est ton mari ? » Trois sont venus avec des fusils. Ils m’ont trouvée. Ils m’ont frappée avec leurs couteaux et je me suis défendue. Et après, il y a deux m’ont violée et l’autre a violé ma petite [fille] de dix ans. Ils ont tout volé. Ils ont brûlé la maison. Je saignais, ma fille avait très mal. Je pleurais tellement. J’ai pris mes enfants et on a couru en brousse.40

Des femmes violées sous les yeux de leurs maris souffrirent ensuite l’éclatement de leurs familles et d’autres liens communautaires. Certains maris quittèrent leur femme à cause de la honte infligée par le tabou associé au viol. Une jeune femme de 22 ans expliqua à Human Rights Watch comment son mari l’avait divorcé et abandonnée avec leur petite fille après que les rebelles l’aient violée devant lui près de la frontière libérienne en 2002. Elle n’avait que 18 ans quand les rebelles l’ont violée, entraînant la désintégration de sa famille.

J’étais à Danané avant la guerre, en 2002. J’ai fui et on est arrivés vers le début de Logouatou avec mon mari et ma fillette de cinq mois. J’avais 18 ans. On a rencontré les rebelles pendant qu’on fuyait. Ils m’ont violée devant mon mari. Mon mari ne veut plus de moi. Il dit que c’est une abomination dans notre culture. Il m’a divorcée. Je vis dans des conditions très difficiles. 41

Des hommes violés

Certains hommes et garçons ont été forcés de violer des femmes ou d’être témoins de viols, et d’autres encore furent violés ou agressés sexuellement par des combattants. Pourtant, jusqu’à présent, il n’y a malheureusement peu ou pas de données disponibles sur les agressions sexuelles à l’encontre des hommes. Peu de survivants sont prêts à parler des agressions qu’ils ont souffert, en grande partie du fait des tabous culturels. Toutefois, une femme qui travaille dans une ONG a parlé à Human Rights Watch des viols commis contre des hommes dans son village natal :

Beaucoup d’hommes ont été maltraités. Les rebelles les ont forcés à travailler comme des esclaves et ils ont violé quelques-uns des hommes. Pas des garçons. Non, je crois qu’ils avaient entre 18 et 35 ans, par là. J’ai entendu que les hommes ont été violés parce que quand les libériens ont attaqué, on avait déjà terminé de récolter le riz. Tout[e la nourriture] était [stockée] au village. Alors il fallait qu’on aille au village pour trouver à manger, quand on se cachait en brousse. Des hommes sont allés pour nous. Et cinq ou six [d’entre eux] ont été violés. Il y en a qui sont morts. D’autres sont toujours là.42

Des ONG ont aussi fait état de cas de tortures sexuelles infligées à des hommes et des garçons. Par exemple, à Sangouiné, une organisation a interrogé un groupe de pères, qui décrivirent le cas d’un garçon qui avait été attaché par le pénis et traîné sur près de deux kilomètres par les Forces Nouvelles.

De plus, des hommes ont été humiliés sexuellement, tout comme l’ont été nombreuses femmes. Une jeune fille a dit à Human Rights Watch combien cela avait été destructeur psychologiquement pour son grand-père d’être humilié sexuellement:

Les rebelles… ont pris mon grand-père et ils l’ont frappé et ils l’ont mis complètement nu. C’était très honteux. Il pleurait.43

Viols avec objets

Plusieurs témoins ont raconté la façon dont les rebelles inséraient des objets tels que des morceaux de bois et des fusils dans les vagins des femmes. Une femme raconta à Human Rights Watch comment les rebelles l’avaient battue et violée, ainsi que ses deux filles adolescentes, puis avaient enfoncé des morceaux de bois dans le vagin des deux filles.44 Cette agression particulièrement brutale a eu lieu fin 2002 dans la ville de Logoualé ou à proximité, dans l’ouest du pays.

Moi et mes deux filles, ils nous ont violées. Ils nous ont beaucoup frappées. Franchement, je ne sais pas comment je vais faire… Ils ont pris [des morceaux de] bois pour mettre dans le vagin de mes [deux] filles… Ils ont pris [du] bois pour le pousser dans leurs vagins. Quand ils ont sorti ça ils ont mis leurs mains. Vraiment, ils ont gâté mes enfants. Le sang coulait. Quand le sang coulait ils m’ont dit d’essuyer ça. Du bois, des mains… quand ils ont fini ils ont battu mes filles encore. Ils ont dit ils vont nous tuer. Je devais nettoyer le sang de mes filles. 45

Une autre femme a dit à Human Rights Watch comment, alors qu’elle fuyait les combats entre les rebelles et les troupes gouvernementales près de Man en 2002, elle avait été témoin d’un viol anal perpétré sur une jeune femme par un rebelle, près d’un village appelé Biankouma, dans l’ouest du pays :

En 2002, on était à Man, mais on a couru quand les loyalistes sont arrivés [en ville]. C’est eux qui prenaient tout. Une femme a accouché sur la route avec des jumeaux et les rebelles l’ont tuée, elle et ses bébés… J’ai vu ça avec mes propres yeux. Et j’ai même vu trois groupes à côté de la route qui violait des filles. J’ai vu une dame qu’ils violaient en brousse, un était en train de la violer derrière [dans son anus] avec [son] fusil.46

Autres violations des droits humains associées aux violences sexuelles

Human Rights Watch a constaté que nombreuses violences sexuelles se déroulèrent dans le contexte d’autres violences brutales, tels que le meurtre, le cannibalisme, la torture, les agressions, l’enlèvement, l’enrôlement forcé, la détention arbitraire, le travail forcé, et le déplacement forcé.

Une ONG internationale a réalisé une enquête portant sur 489 personnes dans la région des 18 Montagnes à l’ouest rebelle, et dans la région gouvernementale de Moyen Cavally. L’étude évalua les expériences des jeunes filles qui avaient été associées aux groupes armés, en tant qu’enfants soldats féminines, cuisinières, porteuses, esclaves sexuelles, ou dans une combinaison de ces rôles.47 L’étude a constaté que tandis qu’elles se trouvaient avec les forces rebelles et pro-gouvernementales, les jeunes filles subissaient non seulement des viols et des viols collectifs ou en étaient témoins, mais étaient aussi victimes de fréquents harcèlements psychiques, d’humiliations et de menaces de mort.48 Elles étaient aussi témoins d’actes de torture, de meurtres, de coups et blessures, et d’ingestion forcée de drogues. Les filles décrivirent les camps comme des environnements violents et terrifiants, marqués par des bruits quasi-incessants de coups de feu.

Des atrocités plus rares mais plus terrifiantes telles que le cannibalisme ont aussi été liées au viol. Les actes de cannibalisme semblaient complètement terroriser les filles et les femmes qui y furent exposées. Plusieurs femmes qui ont été enlevées par des factions rebelles décrivirent à Human Rights Watch comment elles avaient été témoins d’actes de cannibalisme, ou forcées de cuire, et dans certains cas, de manger de la chair humaine.

Une jeune femme, qui avait près de vingt ans lorsqu’elle fut détenue comme esclave sexuelle dans un camp rebelle, a raconté la terreur qu’elle éprouva quand des rebelles lui coupèrent un morceau de sa chair et le mangèrent devant elle en 2003.

Ils m’ont amenée, et pendant une semaine ils m’ont violée tout le temps, ils m’enfermaient dans une maison…Quand ils ne me violaient pas je devais juste rester là

Sanctions en cas de résistance

Des femmes qui tentèrent de résister aux agressions, et les amis ou parents essayèrent de secourir les victimes de violences furent souvent punis sévèrement, et parfois tués. Un membre d’un groupe ivoirien de défense des droits humains a dit à Human Rights Watch que son organisation avait interrogé de nombreux hommes punis pour avoir tenté de libérer leurs épouses de l’esclavage sexuel qu’elles subissaient. Il a décrit des exactions dont il avait été témoin ainsi que celles que son organisation avait documentées en 2002-2003 dans l‘ouest rebelle :

Le Chef Zana envoyait ses hommes [dans des descentes] pour aller arracher des femmes de chez elles et les amener aux « commissariats. » Quand les maris sont venus se plaindre, on les a obligés de s’allonger par terre et regarder le soleil, regarder ça fixement. Si tu ne le fais pas, on te bat. Ils ont battu deux maris à mort. Moi-même j’ai vu les hommes qu’ils obligeaient à se coucher au soleil toute la journée. Ces maris étaient exposés, nus, toute la journée. Les femmes étaient des esclaves pour préparer [à manger], pour tout… Ces abus ont duré peut-être entre quatre et huit mois.50

Une femme qui fut enlevée à Danané en fin 2002 et gardée par la suite comme esclave sexuelle pendant plus d’un an raconta à Human Rights Watch comment les rebelles ont mitraillé le jambe de son petit frère quand il essaya de la sauver. Son père fut battu et probablement tué pour avoir tenté d’empêcher l’enlèvement de sa petite sœur de quatorze ans :  

Mon papa a été battu et ils l’ont amené dans une prison probablement pour le tuer. Tout ça c’est parce que papa essayait de sauver ma petite sœur. J’ai entendu que ma sœur est toujours [otage] à Bin-Hounien. Et je n’ai pas de nouvelles [d’elle]. Elle avait 14 ans quand ils l’ont prise. Ce qui s’est passé c’est qu’ils m’ont prise à Danané et ils ont commencé à abuser de moi. Et ils m’ont amenée à Bin-Hounien pour chercher mes affaires. C’est là qu’ils ont vu ma petite sœur. Ils ont essayé de la prendre tout de suite. J’ai dit « pardon, non, pardon, s’il vous plait, elle est trop petite, vous pouvez me garder. » Mais ils m’ont frappée et ils ont pris mon papa qui a essayé de les arrêter. J’ai entendu qu’ils l’ont amené à la gendarmerie de Zouan-Hounien. Mon petit frère a essayé de me défendre mais ils ont mitraillé sa jambe, tellement qu’il fallait la couper après, sa jambe pendait quoi, on était tous en train de crier, crier. J’ai entendu qu’il est toujours là tout seul, handicapé. On m’a prise, on a pris ma sœur, on a pris mon père, ils ont brûlé la maison. Ils ont tué sept personnes dans ma famille. Qui va s’occuper de mon petit frère maintenant qu’il peut plus marcher ? 51

Les victimes de violence sexuelle qui tentèrent elles-mêmes de résister subirent des coups et blessures, des tortures, et d’autres violations en plus du viol. Une femme enceinte a raconté comment elle avait été sexuellement mutilée près de Man fin 2002 ou début 2003 à cause de son refus initial à être violée.

Sur la route de Man les rebelles ivoiriens m’ont trouvée. Ils m’ont violée et m’ont déchiré le sexe parce qu’ils m’ont violé très fort. J’étais enceinte de trois mois et j’ai perdu ma grossesse. Ils m’ont coupée aussi avec leurs couteaux sur les bras et les jambes, et ils m’ont battue, parce que je refusais de coucher avec eux.52

Une jeune femme de Danané raconta comment les rebelles rendus furieux par sa résistance l’avaient battue et torturée avec des fourmis en fin 2002 :

Ils passaient dans les cours pour prendre [des] soldats. Mes frères ont dit « non. » Ils ont demandé aux filles de se battre aussi. J’ai dit non, pardon, j’ai dit à mes frères et mes sœurs de refuser. Ils étaient fâchés avec moi. Ils m’ont attrapée et ils m’ont prise et j’ai crié à ma famille de s’enfuir et de se cacher. J’ai crié que si je meurs ça va mais sauvez au moins mes enfants. Les rebelles m’ont amené dans leur pick-up. Mon village est à entre la frontière [libérienne] et [Danané]. Ils m’ont amenée dans la brousse et ils m’ont violée là. Ils étaient cinq. Puis ils m’ont battue, et après qu’ils m’ont violée et battue ils m’ont amenée dans une case où ils gardaient d’autres filles prisonnières aussi. Quand ils ont essayé de m’enfermer là, d’abord j’ai résisté. Et alors ils m’ont mise toute nue et ils m’ont jetée sur des fourmis qui m’ont mangée, je ne pouvais presque plus sentir ma peau. Ils m’ont déshabillée. Puis ils m’ont jetée dans la prison avec les autres filles. Ils nous ont violées.53

Harcèlement sexuel, fouilles, humiliations sexuelles, et nudité forcée

Du fait des formes brutales et extrêmes de violence sexuelle éprouvées par les femmes en Côte d’Ivoire, des formes moins graves de harcèlement sexuel semblent être presque ignorées. Par exemple, le harcèlement, les fouilles à nu, l’humiliation sexuelle et la nudité forcée semblent avoir si peu d’importance relative que la plupart les personnes interrogées les mentionnent rarement si elles n’y sont pas spécifiquement invitées – pourtant, une fois questionnés, toutes les personnes interrogées citèrent des cas.

Des femmes ont dit à Human Rights Watch qu’elles ne savaient jamais où et quand elles pourraient être harcelées, déshabillées, humiliées sexuellement, ou menacées sexuellement : dans leur village, en voyageant, au travail, ou bien chez elles. Une femme qui a été déshabillée en mars 2003 dans une prison rebelle provisoire dans la région des 18 Montagnes, a raconté son épreuve :

En mars 2003, j’ai été arrêtée sous prétexte que j’étais une espionne. Ils m’ont tellement battue que je pensais que j’allais mourir. Ils m’ont amenée à la préfecture et m’ont accusée de donner des informations [à quelqu’un qui était apparemment employé du gouvernement], quand j’étais professeur. Ils ont menacée de me tuer. Ils m’ont laissée nue toute une journée, de 13 heures jusqu’à 17 heures le lendemain… J’ai pleuré, j’ai prié, j’avais très peur. Ils m’ont gardée au Palais de Justice où ils avaient leur quartier général. Ils m’ont battue. Ça a même laissé des traces. La mission de l’ONU est venue et a pris une photo des marques terribles dans mon dos. Ils m’ont presque gâté un œil.54

Esclavage sexuel 

L’esclavage sexuel est défini comme la condition d’une personne sur laquelle s’exercent les attributs du droit de propriété ou certains d’entre eux, y compris l’accès au sexe (souvent par le viol ou d’autres formes de violence sexuelle), et comprend la plupart des formes, sinon toutes, de la prostitution forcée. En Côte d’Ivoire, des femmes et des filles ont été enlevées pour faire du travail forcé ainsi que des hommes. En outre, nombre des femmes et des filles enlevées sont devenues les esclaves sexuelles des rebelles. De nombreux rebelles ont contracté des « mariages » avec ces femmes enlevées qu’ils forçaient à être leurs « femmes ». Les rebelles changeaient aussi fréquemment de « femmes » quand ils se fatiguaient d’elles ou quand leurs « femmes » s’enfuyaient, tombaient malades, ou mouraient.

La plupart des enlèvements et des cas d’esclavage sexuel documentés par Human Rights Watch se sont produits dans les zones rebelles à l’ouest de la Côte d’Ivoire, en particulier dans la région des 18 Montagnes.

Après avoir été capturées, de nombreuses femmes et filles ont été violées, violées collectivement au cours d’incidents isolés, et violées successivement sur de longues périodes. Elles ont été forcées de vivre avec leurs ravisseurs pendant des périodes allant de plusieurs jours à plus d’un an. Certaines ont été contraintes à prendre une part active aux combats. Tandis que certaines esclaves sexuelles étaient utilisées dans les camps pour du travail forcé comme chercher de l’eau, cuisiner, nettoyer, et accomplir d’autres tâches domestiques traditionnellement féminines, d’autres furent incarcérées dans de petits espaces confinés où elles étaient prisonnières juste pour les relations sexuelles, et même parfois attachées. Certaines survivantes ont raconté qu’elles étaient considérées comme la « propriété » d’un combattant, qui semblait assurer un certain degré de protection contre des crimes comme le viol collectif. Suite à leur enlèvement et leur esclavage sexuel, des femmes et des filles ont subi des sévices brutaux, et ont dû supporter des coups, blessures, humiliations, et d’autres peines au-delà de la violence sexuelle.

Plusieurs anciennes esclaves sexuelles interrogées par Human Rights Watch ont dit avoir vécu dans une peur quasi constante, ou des coups de feu, des violences, des atrocités, et des châtiments corporels devirent leur réalité quotidienne. La plupart d’entre elles se rappelaient avec une angoisse particulière le tourment de leur souffrance solitaire, sachant qu’elles étaient sans famille ni amis, séparées de tous ceux qu’elles aimaient. Une femme enlevée en 2002 par des soldats du MPIGO alors qu’elle était adolescente, et prisonnière pendant des mois, décrivit:

Passer d’un garçon à l’autre, c’est très dur. C’est très triste. J’en suis presque morte plusieurs fois. Le rebelles prenaient des filles dans presque tous les villages près de là où j’étais. On voyait de nouvelles filles arriver dans le camp. Et les garçons parlaient de ça. Ils en étaient fiers. On était quatre filles dans ma maison [qui était] dans un des camps. J’ai rencontré beaucoup de filles de toute la région, même celles qui étaient de loin, comme de villages près de Bangolo et Logouatou et près de Man.55

Human Rights Watch a parlé avec des femmes et des filles qui ont été retenues comme esclaves sexuelles et qui ont dit avoir été enlevées alors qu’elles étaient enfants. Par exemple, une jeune fille de dix-sept ans raconta à Human Rights Watch comment elle avait été enlevée dans la rue à Danané en fin 2002, alors qu’elle n’avait que 13 ans.

Quand la guerre est arrivée, les rebelles sont venus de partout… Un grand commandant rebelle, Samson, conduisait une grosse voiture et il a dit « monte dans la voiture ou on te tues. » J’ai dit « Pourquoi tu vas me tuer ? Qu’est-ce que j’ai fait ? » Il a dit « Monte. » Ils m’a amené à une maison, il m’a violée, il m’a prise, il me prenait tout le temps… La maison avait trois chambres et un salon. On était beaucoup de filles là-dedans. Au moins dix filles. Chaque fois que je veux sortir ou essayer de refuser ils me bat. Toujours il me punit parce qu’il pense que je vais m’échapper. Chaque fois que je disais « Je veux rentrer à la maison, » il disait « Non, fais ce que je veux ou je te tues. » Je disais, « Non je veux rentrer à la maison maintenant. » Il disait « Non, tu es ma femme maintenant. » Je disais « Non » et il me battait. Pendant une année je crois… Samson, il m’a fait si mal, il me prenait brutalement.56

Certaines femmes et filles ont été enlevées dans les rues, sur des routes de campagne, ou en brousse. D’autres ont été arrachées à leur propre maison, sous les yeux de leur famille et de leurs voisins impuissants. Une fille a dit à une ONG internationale :

J’ai été recrutée de force à Zeaglo. Mon père refusait que je les suive. Ils l’ont tué sous mes yeux. Mon père est mort à cause de moi. 57

Un leader de la société civile, travaillant à l’ouest contrôlé par les rebelles fin 2002 début 2003, a documenté beaucoup de cas où des femmes et des filles ont été enlevées à des barrages des rebelles et lors de descentes lancées sur des villages à proximité de la ville de Man. Il expliqua :

J’enseignais dans cette zone et je connaissais beaucoup de gens et ils me parlaient, ils me faisaient confiance. C’était les militaires, les responsables. Les FAFN, libériens et ivoiriens tous mélangés. Surtout le MJP mais aussi le MPIGO et certains étaient avec le MPCI… Il y avait surtout des viols collectifs. Quand des femmes [ou des filles] allaient au marché les soldats [rebelles] les kidnappaient sur la route, aux barrages. Il y a avait aussi des cas de descentes fréquentes où des soldats [rebelles] prenaient des filles [ou des femmes] et des marchandises, puis les groupes de patrouille revenaient au camp avec les femmes [ou les filles]. Après les barrages et les descentes, les femmes [ou les filles] restaient dans les camps facilement une, deux, ou trois semaines, parfois davantage. Quand les maris allaient chercher leurs femmes et pour payer des rançons, ils étaient battus. Cinq jeunes femmes ont été retenues pendant trois mois, tellement longtemps que les familles pensaient que les petites étaient déjà mortes. Quand les familles ont essayé de rencontrer le chef [des rebelles], c’était impossible. Souvent ils enlevaient des filles à leurs familles.58

Un jeune homme a raconté l’enlèvement de sa cousine en 2003 par des sierra léonais combattant avec les forces du MPIGO ou du MPJ dans la ville de Danané.

Une de mes cousines a été prise par un chef de guerre sierra léonais nommé Idrissa. Il l’a vue dans une discothèque. Elle est très belle. Elle ne voulait pas sortir avec lui mais il est venu dans la cour avec tous ses hommes, ils tiraient en l’air, vraiment tout le monde paniquait. Il terrifiait tout le monde. Il était sadique : il criait que si la fille ne l’accepte pas il y aurait un massacre. Ils ont débarqué dans la cour en tirant. Les gardes étaient sauvages. Tout le quartier s’est réveillé. La famille avait si peur qu’ils ont poussé la fille à aller avec lui. Ils m’ont même demandé d’intervenir et de lui dire qu’elle devait se sacrifier pour sauver le reste de la famille. La mère est venue me demander d’intervenir, elle a dit que sa fille devait l’accepter pour nous sauver tous de la barbarie de cet homme. Le cas de ma cousine fait vraiment pitié… Sa maman est morte, parce qu’elle était malade avant et les soucis pour sa fille l’ont tuée.59

Tandis que quelques esclaves sexuelles interrogées par Human Rights Watch ont fait des récits poignants et héroïques d’évasion, beaucoup d’autres ont été forcées en 2003 d’accompagner leurs « maris » combattants libériens ou sierra léonais au Libéria quand ces derniers battaient en retraite. Même si la période d’hostilités est révolue, nombreuses femmes et de ces filles sont restées avec leurs ravisseurs, à la fois de peur des représailles et de peur d’être rejetées par leurs familles. Certaines femmes ont expliqué à Human Rights Watch qu’elles restaient avec leurs ravisseurs parce qu’elles craignaient que leurs familles leur reprochent d’avoir été enlevées et violées ; d’autres restaient parce qu’elles avaient donné naissance à leurs enfants, ou parce qu’elles étaient dépendantes de la drogue.

Celles qui veulent rompre les liens avec leurs ravisseurs ont peu d’alternatives économiques ou sociales, et demeurent très vulnérables. En Côte d’Ivoire comme au Libéria, les esclaves sexuelles qui ont pu échapper à leurs ravisseurs se retrouvent démunies et abandonnées, sans autre choix que de se livrer au sexe de survie, ou de survivre péniblement en travaillant pour un maigre salaire dans l’économie informelle. Plus de la moitié des anciennes esclaves sexuelles ivoiriennes interrogées par Human Rights Watch au Libéria ont à moment échangé le sexe contre de la nourriture – parfois juste une assiette.

Les esclaves sexuelles évadées que Human Rights Watch interrogea, ainsi que certains responsables des réfugiés ivoiriens au Libéria, estiment que nombreuses femmes et filles ivoiriennes restent avec leurs anciens ravisseurs au Libéria et dans une moindre mesure en Côte d’Ivoire.60 Un travailleur humanitaire a dit à Rights Watch :

Il y a beaucoup de filles de Bangolo capturées par des libériens, qui ont été trouvées à Bin-Hounien et réunies avec leurs familles. Elles ont été prisonnières, épouses, mais forcées. Ca pouvait durer trois ans même, elles passaient des rebelles libériens aux ivoiriens. Et beaucoup d’autres filles sont allées au Libéria et ne sont pas revenues. Souvent ils ont pris des filles à leurs familles, et maintenant elles vivent toujours avec eux au niveau des barrages et dans des maisons comme leurs femmes. Ces filles ne savent pas comment revenir, quelquefois elles ont des enfants avec ces hommes maintenant ou elles se droguent.61

Plusieurs anciennes esclaves sexuelles interrogées par Human Rights Watch au Libéria ont expliqué combien il leur avait été difficile d’échapper à leurs ravisseurs, aussi bien matériellement que psychologiquement. Certaines ont dit qu’elles vivaient toujours dans la peur d’être retrouvées et punies, ou même tuées pour avoir eu la témérité de s’échapper.

Meurtres d’esclaves sexuelles

Tandis que certaines esclaves sexuelles et de « femmes » des rebelles s’échappaient ou restaient avec leurs ravisseurs, d’autres ont été tuées. Human Rights Watch a interrogé plusieurs témoins de ces meurtres. Des femmes et des filles ont été tuées, en particulier au cours de la lutte interne pour le pouvoir entre le MPCI et les forces libériennes et sierra léonaises issues du MPJ et du MPIGO en début 2003, qui a abouti à l’extermination ou l’expulsion des combattants libériens et sierra léonais de la région ouest contrôlée par les rebelles. Même si ce refoulement des libériens et des sierra léonais a éventuellement entraîné la fin progressive des pires formes de violence sexuelle liée au conflit dans l’ouest rebelle, dans l’immédiat le refoulement a donné naissance à une montée brève mais brutale de la violence contre les femmes.

D’après des entretiens avec des responsables locaux de la société civile, le personnel d’ONG sociales et humanitaires, d’anciennes esclaves sexuelles, et un ancien porte-parole des rebelles sous le commandement du chef rebelle Félix Doh, nombre de femmes et de filles enlevées par des combattants libériens et sierra léonais entre 2002 et 2003 furent tuées pendant ou peu après l’expulsion de leurs ravisseurs étrangers de Côte d’Ivoire.62 Ces meurtres ont eu lieu dans plusieurs contextes.

Premièrement, pour des raisons qui restent confuses, les libériens et les sierra léonais ont tué bon nombre de leurs propres esclaves sexuelles.

Deuxièmement, les forces du MPCI impliquées dans l’expulsion des combattants libériens et sierra léonais ont tué beaucoup des « femmes » ivoiriennes des rebelles libériens et sierra léonais à titre de représailles.

Des rebelles libériens et sierra léonais tuèrent leurs propres « femmes »

Des femmes qui avaient déjà connu le traumatisme de l’enlèvement et de l’esclavage sexuel ont fait part à Human Rights Watch de leur panique quand les meurtres ont commencé. De nombreux meurtres ont été signalés entre Man et Danané près de la frontière libérienne quand des combattants libériens en fuite ont tué certaines de leurs propres captives. Quatre anciennes esclaves sexuelles différentes ont expliqué à Human Rights Watch comment elles avaient été témoins du meurtre de beaucoup de « femmes » des combattants libériens et sierra léonais, lors de différents massacres qui ont eu lieu en début 2003. Une ancienne esclave sexuelle a fait part à Human Rights Watch de sa propre expérience, terrifiante et presque mortelle, aux mains de ses ravisseurs rebelles libériens dans la brousse près de Logouatou, au cours de cette période troublée :

Ils ont tué quatre filles ivoiriennes devant moi. C’était dans la brousse près de Logouatou. J’ai dit « pardon, pardon, je vous en supplie, laissez-les vivre, elles sont mes soeurs. » J’ai essayé d’intervenir mais elles ont été tuées. C’était des filles de Danané. Je connaissais deux. Je ne connaissais pas les deux autres mais toutes les quatre ont dit qu’elles étaient de Danané. Nous ne les avons pas enterrées. Je voulais le faire mais je n’ai pas pu les enterrer. Quelques-uns des libériens voulaient me tuer moi aussi. Ils ont dit que toutes filles devraient être tuées. Mais les cinq hommes qui me violaient tout le temps ont dit « Non, c’est notre femme. » J’ai entendu qu’il y avait eu beaucoup, beaucoup d’autres filles tuées vers la frontière.63

Une femme enlevée fin 2002 et réduite en esclavage par ses ravisseurs,dans plusieurs camps rebelles de la région des 18 Montagnes, déclara : « Quand les libériens ont quitté la Côte d’Ivoire, ils ont tué beaucoup, beaucoup de filles qu’ils avaient enlevées, depuis Danané jusqu’à la frontière. J’ai vu des exécutions de mes propres yeux et d’autres filles comme moi m’ont parlé de choses qu’elles avaient vues aussi. » 64 Cette femme a estimé que sur une période de plusieurs semaines elle seule avait vu tuer au moins une dizaine de femmes enlevées, sans compter les cas dont elle avait simplement entendu parler. Une autre esclave sexuelle évadée décrivit son expérience aux mains de ses ravisseurs rebelles qui l’a mené au seuil de la mort :

Après deux jours ils nous ont prises, nous étions neuf femmes, la plupart dans les vingt et trente ans. Ils nous ont mises à l’arrière de leur pick-up et ils nous ont mis des bandeaux sur les yeux. On était nues. On s’est arrêtés. Ils nous ont dit de descendre. Ils ont dit qu’ils allaient tirer et que quand ils tirent en l’air il faut courir sinon ils nous tuent. Mais on ne savait pas qu’on était au bord d’une rivière. Sans le savoir à cause des bandeaux sur nos yeux. Ils ont tiré et on a couru sans voir la rivière. Cinq jeunes femmes au moins se sont noyées comme ça. L’eau m’a emportée. Je me suis accrochée à un arbre et j’ai réussi à enlever mon bandeau. La rivière m’a amenée jusqu’au Libéria. J’ai réussi à sortir et à ramper dans la brousse où il y avait des femmes qui travaillaient dans les champs. J’étais toute nue, et je tombais parce que je n’avais presque plus de force. Les rebelles nous avaient laissées sans manger pendant trois jours. Je suis tombée dans les champs. Elles croyaient que j’étais morte. Mais elles m’ont emmenée et lavée et nourrie et donné de l’eau, elles m’ont habillée. Ces femmes libériennes étaient gentilles. C’était à côté du village de Bohepleu. J’ai passé une semaine dans ce village.65

Des rebelles du MPCI tuèrent des « femmes » des libériens et des sierra léonais à titre de représailles

De plus, les rebelles ivoiriens du MPCI impliqués dans l‘élimination des combattants libériens et sierra léonais auraient tué de nombreuses filles associées à ces derniers. Selon un ancien porte-parole des rebelles ayant des informations dignes de foi sur le sort de ces femmes, le nombre des femmes tuées ainsi durant l’expulsion en 2003 de libériens et de sierra léonais pourrait être même au-delà de 50 à 100 :

Quand les ivoiriens ont poussé les libériens dehors, toutes les filles qui étaient laissées en arrière ont été tuées. Si quelqu’un montrait votre cour et disait que vous étiez sortie avec un chef de guerre libérien ou même un simple combattant, ils vous tuaient, ils ne veulent rien savoir. Ces filles qui ont été tuées étaient si nombreuses… trop nombreuses. Je ne peux pas donner de chiffre exact, mais j’ai vu une dizaine de corps de filles ivoiriennes tuées seulement à Danané, de mes propres yeux. Et à cause de ma fonction, j’ai entendu parler de beaucoup d’autres.66

Les femmes et les filles enlevées par des rebelles libériens et sierra léonais sierra léonais et ayant entendu parler de ces meurtres en représailles étaient terrifiées. D’anciennes esclaves sexuelles ont dit à Human Rights Watch que ces meurtres en représailles rendaient encore plus dangereux leurs efforts pour s’échapper à leurs « maris » et rester en arrière en Côte d’Ivoire, voire retrouver leur famille.67

Violence sexuelle aux barrages des Forces Nouvelles

Depuis le début de la guerre et tout au long de la crise jusqu’au moment des enquêtes effectuées pour de rapport en fin 2006, les nombreux barrages répartis dans les zones rebelles (d’ailleurs comme de nombreux barrages en zone gouvernementale) ont constitué des points névralgiques pour des violences de type, et des comportements de prédateurs sexuels. Les exactions au niveau des barrages comprennent le viol, le viol collectif, l’exploitation sexuelle, le harcèlement sexuel, et d’autres crimes tels que le vol, l’extorsion, l’intimidation, les coups et blessures, les tortures, les meurtres, et les disparitions forcées. Des survivantes d’abus sexuels, des responsables de la société civile, et des chauffeurs d’autobus et de « bana bana » décrivirent pour Human Rights Watch comment des rebelles forçaient des femmes de descendre des véhicules de transports en communs pour les retenir en arrière, tandis que d’autres passagers pouvaient passer, suite à quoi ils abusaient d’elles. Ce phénomène était particulièrement répandu à l’ouest sous contrôle rebelle.

Human Rights Watch et d’autres organisations ont documenté de nombreux cas de viol, de viol collectif, d’humiliation sexuelle, de mauvais traitements physiques et de harcèlement sexuel perpétrés par des combattants rebelles aux barrages tenus par des rebelles. Un responsable de la société civile qui a fait des recherches en 2002 et 2003 sur les abus commis dans 20 villages à l‘ouest rebelle, affirma à Human Rights Watch que son organisation avait documenté au moins 40 cas de viol, dont la plupart s’étaient produits à des barrages. Une employée d’une ONG ivoirienne qui voyageait fréquemment dans l’ouest a décrit ce qu’elle avait vu :  

Je devais voyager tout le temps, et j’ai vu des filles sorties des bus [bana bana] au moins 10 fois, peut-être plutôt 15. Je me rappelle même une fois où les parents étaient là et ils criaient et pleuraient et la mère suppliait les soldats à genoux et alors à la fin les rebelles ont laissé la fille remonter dans le bus. Mais ça [laisser aller les jeunes femmes] c’était rare.68

Certaines routes dans la région des 18 Montagnes étaient particulièrement périlleuses pour les femmes et les filles, bien après que le conflit armé ait cessé jusqu’au mois ou Human Rights Watch effectua ses enquêtes. Un responsable local de la société civile a signalé qu’en novembre 2006 une fillette de dix ans avait été violée à un barrage près de Bloalé.69 Une représentante d’ONG a décrit ce qu’elle avait vu à un barrage près de l’entrée de Logoualé :

Quand une fille plaît à un rebelle là, elle doit rester en arrière, cuisiner, et être une esclave sexuelle. Dans beaucoup d’endroits. Le barrage à l’entrée de Logoualé est mauvais, ils bloquaient beaucoup de filles là. Une femme que je connais était commerçante et chaque fois qu’elle devait passer le barrage elle était obligée de rester et elle était violée chaque fois. Son mari est venu avec elle une fois et ils l’ont prise même devant lui.70

Des témoins, dont plus d’une dizaine de conducteurs de minibus qui passent quotidiennement par bon nombre de barrages, ont dit à Human Rights Watch que de 2002 à 2004 ils voyaient souvent des femmes contraintes de rester en arrière tandis que le reste des passagers du bus était autorisé à continuer. Les chauffeurs ont décrit comment les plus belles jeunes passagères étaient couramment forcées de descendre des véhicules de transport public. Ce phénomène était particulièrement répandu durant le conflit actif, mais a continué jusqu’au moment où les enquêtes pour ce rapport a été effectuées en fin 2006. Comme l’a dit un chauffeur : « Aux barrages, ils gardent les filles jeunes et jolies, et les autres peuvent passer. » 71 Des chauffeurs d’Abidjan à Man, de Man à Danané, et de Guiglo vers plusieurs destinations ont tous signalé à Human Rights Watch des cas où des femmes et des filles avaient été emmenées de cette façon par des hommes de diverses factions armées. Deux jeunes femmes ont dit à Human Rights Watch qu’elles avaient été violées à des barrages par des combattants rebelles en 2003 et 2004, l’une dans une région proche de Bouaké et l’autre non loin de Bangolo.72 Un groupe de trois chauffeurs a expliqué à Human Rights Watch qu’ils avaient observé des jeunes femmes s’habillant avec des vêtements déchirés peu attrayants pour s’enlaidir le plus possible, ou même se travestissant en jeunes hommes, afin d’éviter le harcèlement et l’exploitation sexuelle prévisibles aux barrages.73

Par exemple, une des survivantes de ce type de violence a raconté à Human Rights Watch comment elle avait été kidnappée à un barrage, battue, déshabillée, et violée par un officier des Forces Nouvelles à Danané en fin janvier 2006, apparemment à titre de représailles pour son soutien supposé au gouvernement. Elle pense avoir été prise pour cible parce qu’elle voyageait en provenance d’Abidjan, et elle a été donc accusée d’être une espionne du gouvernement :  

Je suis restée à Abidjan quand la guerre est arrivée. Je n’avais pas de contact avec mes parents et mes deux enfants. Je me faisais tellement de souci pour eux… Finalement en 2005 j’ai décidé de quitter Abidjan et je suis partie le 26 janvier 2006, et arrivée le 27 janvier. Les rebelles me harcelaient beaucoup aux barrages et ils me demandaient de l’argent et ils disaient que mes papiers n’étaient pas propres et quelques-uns voulaient que je reste avec eux. Malgré ça, j’ai réussi à arriver presque jusqu’à Danané…et là encore ils m’ont demandé mes papiers. Les rebelles disaient : « Tu es une espionne, on connaît les gens comme toi. Tu es une menteuse, ce papier est la preuve. » Ils m’ont enfermée dans une case et toute la journée ils m’ont maltraité et frappé et menacé…Puis à 18 heures, ils m’ont envoyée à la ville de Danané dans le quartier de Belleville au Chef de Poste… Je lui ai dit que je ne suis pas espionne, je viens d’être opérée et je ne voulais pas mourir sans voir ma mère et mes enfants. Mais il a déchiré mes vêtements et il m’a frappée très fort et je disais « Pardon, pardon, je viens d’avoir une opération » et j’essayais de lui montrer ma cicatrice mais il m’a violée quand même. C’était la première fois que j’avais eu des relations sexuelles depuis mon opération et ça faisait très mal, il m’a forcée très brutalement. Je me suis évanouie. Et je me suis réveillée et j’ai vu qu’il m’avait laissée par terre, nue, et je l’ai entendu parler aux hommes dehors, puis je l’ai entendu dire « On l’amène en brousse, préparez-vous. » Alors j’avais très peur et j’ai poussé une chaise contre une fenêtre et j’ai sauté par la fenêtre toute nue. Et j’ai rampé et je suis arrivée à une maison et ils m’ont donné un pagne [un tissu que les femmes enroulent autour d’elles] et après un moment je me suis enfuie.74

Presque tous les 15 membres d’ONG et responsables de la société civile interrogés séparément et indépendamment par Human Rights Watch à l’ouest sous contrôle des Forces Nouvelles ont confirmé que la violence sexuelle continue aux barrages. Ils ont remarqué que les femmes sur les marchés étaient particulièrement vulnérables, du fait de la nature de leur travail qui les obligeait à voyager pour vendre leurs marchandises. Selon les membres d’ONG et les responsables de la société civile ainsi que les chauffeurs d’autobus, les femmes travaillant sur les marchés se voient systématiquement rackettées aux barrages. Celles qui ne peuvent pas payer les pots-de-vin réclamés sont souvent retenues et exposées aux abus sexuels, y compris le viol.

Différences chronologiques : violence sexuelle pendant la période « ni paix ni guerre » 2004-2007

Quand les troupes françaises et de l’ONU ont commencé à patrouiller la zone tampon entre les Forces Nouvelles au nord et les forces du gouvernement au sud, les combats actifs se sont interrompus, et l’impasse politique et militaire de 2004-2007 a commencé. Cette période a souvent été décrite comme « ni paix, ni guerre, » qui a épargné au pays les affrontements militaires de 2002-2003 sans pour autant voir naître une paix durable. Si les abus contre les civils étaient plus concentrés dans la période d’hostilités actives auparavant, de graves violations ont cependant continué à se produire pendant cette phase de tension et de militarisation accrue, telles que des massacres, des exécutions extrajudiciaires, des actes de torture, de harcèlement, de pillage, et d’intimidation.75

Human Rights Watch a documenté moins de cas d’abus sexuels commis par les Forces Nouvelles pendant la période 2004-2006 que ce n’était le cas pendant la guerre de 2002-2003, ou dans la périodes suivant les combats actifs. En dépit de leurs préoccupations face aux abus continus, bon nombre des représentants de la société civile et d’ONG actifs dans la zone contrôlée par les Forces Nouvelles Cette constatèrent également une amélioration.76

En l’absence de données plus exhaustives et scientifiques sur les tendances et la fréquence de la violence sexuelle, il est impossible d’être sûr des raisons de la diminution des attaques sexuelles et autres depuis 2004. Cependant, les observateurs locaux et les membres de la société civile attribuent la diminution des agressions sexuelles d’abord et surtout au départ en 2003 des combattants libériens et sierra léonais (qui furent les plus notoires agresseurs sexuels) ; deuxièmement à l’impact des forces françaises de maintien de la paix chargées de contrôler une zone tampon connue sous le nom de « Zone de confiance » et qui effectuaient des patrouilles régulières ; troisièmement à l’arrivée des troupes de l’ONUCI qui faisaient de même77 ; et quatrièmement à quelques efforts de la part de certains chefs rebelles pour traiter le problème. Par exemple, après les sanctions imposées par l’ONU contre le commandant rebelle Martin Kouakou Fofié pour violations majeures des droits humains en février 2006, le dirigeant des Forces Nouvelles, Guillaume Soro, a ordonné une réduction numérique des barrages, peut être en partie en reconnaissance des nombreux cas d’atteintes aux droits humains qui s’y produisaient.78

Le porte-parole des Forces Nouvelles Sidiki Konaté a déclaré le 26 mai 2006 lors d’une conférence de presse que les Forces Nouvelles étaient responsables pour les crimes commis dans les zones sous leur contrôle. Il a déclaré : « Chacun répondra de ses actes, des atteintes aux droits humains… cette crise finira un jour, mais les crimes ne pourront pas être effacés. Il faut faire attention et comprendre qu’avant, c’est différent de maintenant. Il y a des choses qu’on pouvait faire parce que la communauté internationale n’était pas là. Il faut désormais arrêter car les temps ont changé avec la présence de la communauté internationale. Les FN vont continuer la sensibilisation de l’ensemble des autorités des FN et de leurs éléments sur le terrain. »79

Cependant, des abus sexuels continuent à se produire. Human Rights Watch a documenté et reçu de nombreux rapports sur des abus sexuels dans la partie de la Côte d’Ivoire contrôlée par les Forces Nouvelles entre 2004 et 2006, surtout des viols et des viols collectifs. Bien que les représentants de la société civile aient unanimement constaté que la situation s’était considérablement améliorée depuis la fin des hostilités actives, ils ont été catégoriques sur le fait que la violence sexuelle demeurait un réel problème. Une responsable d’une ONG locale des droits des femmes a déclaré à Human Rights Watch à l’automne 2006 :

Nous constatons de la violence sexuelle jusqu’à aujourd’hui, vous savez. Comme à Vavoua, une jeune fille était victime d’un mariage forcé avec son cousin et elle s’est enfuie. Elle est allée chercher de l’aide auprès de l’autorité locale, qui était un chef rebelle. Il l’a forcée à devenir sa femme… Il y a un mois.80

De même, la Division des Droits de l’Homme de la Mission de l’ONU en Côte d’Ivoire (ONUCI) a documenté des dizaines de cas de violence sexuelle commis par des combattants rebelles de 2004 à 2006.81 Certains de ces cas, qui ont eu lieu dans toutes les zones sous contrôle des Forces Nouvelles, comportent des viols, des viols collectifs et des agressions sexuelles à l’encontre de femmes et de filles à Vavoua, Bouaké, Konankankro, Ibodokro, Korhogo, et d’autres localités du nord.

Différences régionales dans les abus sexuels commis par les rebelles

Les abus sexuels commis par les rebelles n’ont pas eu la même intensité ni la même fréquence dans toutes les zones sous contrôle des Forces Nouvelles. La mesure dans laquelle les commandants ont toléré, encouragé ou participé à la violence sexuelle semble avoir influencé la prévalence de la violence sexuelle dans certaines zones rebelles.

Dés le début du conflit ivoirien, des différences régionales pouvaient être constatées. Les territoires du centre et du nord, contrôlés par le MPCI, ont été épargnés par la violence sexuelle largement répandue qu’ont connue les civils à l’ouest sous contrôle du MPJ et du MPIGO.82 Depuis l’expulsion en 2003 des mercenaires libériens et sierra léonais, l’ouest a été contrôlé plus étroitement par les dirigeants du MPCI à Bouaké, mais les commandants locaux des Forces Nouvelles à Man et Danané semblent rester relativement indépendants par rapport au contrôle centralisé.

Quand Human Rights Watch a mené des recherches en 2003, les civils qui vivaient dans les zones du centre et du nord sous contrôle du MPCI (y compris certains qui n’étaient pas des sympathisants de la cause des rebelles) ont témoigné que le MPCI respectaient généralement davantage les civils dans les villes dont ils s’emparaient dans le nord, organisant des réunions avec la population civile, expliquant leurs objectifs, et disant aux civils qu’ils n’étaient pas là pour s’attaquer à eux.83 Une raison plausible de ce type de comportement est que le MPCI se considérait initialement comme un mouvement de libération et voulait maintenir sa réputation comme tel dans le centre nord, en particulier là où les membres du MPCI ressentaient des affinités ethniques ou autres avec la population, ayant subi les mêmes discriminations aux mains des forces de sécurité majoritairement sudistes.

Néanmoins, malgré ces rapports positifs et les efforts du MPCI pour réprimer les atrocités du MJP et du MPIGO, les membres du MPCI du centre nord se sont rendus coupables de nombreuses violations flagrantes des droits humains, qui rappellent celles commises par leurs alliés à l’ouest. Par exemple, quand les rebelles ont pris Bouaké en septembre 2002, ils ont arrêté une centaine de gendarmes et les ont détenus dans les casernes de la 3ème Bataillon de la Gendarmerie. Plusieurs semaines plus tard, le 6 octobre 2002, entre 90 à 131 corps ont été découverts dans une fosse commune au cimetière communal de Dar Es-Salaam à Bouaké, dont beaucoup auraient été liées à la gendarmerie. On pense que les morts auraient été sommairement exécutés par le MPCI.

Les meurtres n’ont pas été les seuls châtiments infligés par le MPCI aux personnes soupçonnées de soutenir le gouvernement ; la violence sexuelle a aussi été utilisée. Des groupes locaux de défense des droits humains ont fait état de cas de violence sexuelle où les rebelles du MPCI ont pris pour cible des femmes dont des membres de la famille étaient affiliés à la police et à d’autres responsables gouvernementaux, des femmes affiliées au FPI (le parti au pouvoir), et certains groupes ethniques considérés comme étant fidèles au gouvernement ou simplement hostiles aux Forces Nouvelles.84 La plupart de ces cas se sont produits au cours des premiers mois de la rébellion, de septembre à décembre 2002, période durant laquelle les atrocités des rebelles du MPCI autour de Bouaké ont terrifié les civils et déclenché un déplacement massif des populations.85 Un leader de la société civile d’une ville du nord a décrit cette dynamique à Human Rights Watch :

Bouaké avait beaucoup de Baoulés et d’autres personnes originaires du sud, mais aussi des gens originaires du nord. Les Baoulés et les gens du sud soutenaient les loyalistes et le gouvernement, et donc beaucoup d’entre eux ont fui Bouaké quand les rebelles ont gagné. Ngatakro, Aouniansou et d’autres quartiers Baoulés et de gens du sud sont presque vides depuis que les rebelles sont arrivés, alors que Koho et Dar Es-Salaam sont très animés et pleins de vie, parce qu’ils ont toujours été Dioulas. Les quartiers se sont vidés parce que les gens ont subi des exactions. Ils ont été pillés et aussi il y a eu des violences sexuelles.86

Quand les populations principalement Baoulés ont fui, elles sont descendues vers le sud dans le territoire sous contrôle du gouvernement, en particulier à Yamoussoukro et à Abidjan. Des sages-femmes et des travailleurs sociaux basés à Yamoussoukro ont dit à Human Rights Watch qu’en novembre et décembre 2002, ils avaient soigné des dizaines de femmes qui avaient été violées par les rebelles.87

Quand ils furent sur le terrain à ce moment, Amnesty International documenta des cas dans lesquels les rebelles du MPCI ont violé des parentes d’agents gouvernementaux à Bouaké. Par exemple, dans un des cas documentés, les rebelles ont fait subir un viol collectif à la femme d’un fonctionnaire du ministère des Finances lorsqu’ils ont pris Bouaké en septembre 2002. Cette femme Baoulé qui avait la quarantaine a subi un viol collectif par des rebelles du MPCI dans sa maison, devant son mari et ses enfants.88

En plus des agressions contre des civils comprenant le viol ou le viol collectif des femmes, les rebelles du MPCI ont aussi réduit des femmes à l’esclavage sexuel. Par exemple, Amnesty International a rapporté un cas dans lequel trois sœurs âgées de 17, 16 et 12 ans ont été « gardées comme épouses » dans leur propre maison par des rebelles occupants du MPCI en septembre 2002. Si les deux sœurs plus âgées ont selon le compte-rendu réussi à s’échapper, la plus jeune est morte en chemin.89 Les rebelles du MPCI ont aussi recruté des femmes sous la contrainte pour prendre part aux hostilités actives, et presque toutes ont été violées ou ont subi une autre forme de violence sexuelle, selon Amnesty International.90 Une jeune femme de vingt-deux ans a raconté à Amnesty International comment elle avait été enlevée à Bouaké par le MPCI en septembre 2002 ainsi que de nombreuses autres jeunes femmes, comment elle et beaucoup d’autres avaient été frappées à coups de barres de fer et de bâtons, et comment celles qui refusaient de porter l’uniforme auraient été tuées. Elle a aussi décrit la façon dont elle et les autres furent violées à partir du premier jour de leur captivité. Pendant les deux premiers jours, les rebelles violaient toutes les captives sans distinction, suite à quoi attribuèrent une femme à chaque rebelle pour qu’elle lui serve d’esclave sexuelle.91

De plus, au fur et à mesure que le temps passait et que les salaires et les provisions à disposition des rebelles ivoiriens diminuaient, la conduite des soldats du MPCI s’est détériorée même dans la zone nord, avec plus d’incidents de pillage et de viol signalés dans le territoire sous contrôle du MPCI en 2003.

Tout comme les soldats du MPCI dans le centre du pays autour de Bouaké, les rebelles dans la zone nord commettaient aussi des viols et autres violations des droits humains pendant le conflit. Par exemple, Amnesty International a documenté comment dans la région de Korhogo, non loin de la frontière avec le Mali, les rebelles du MPCI auraient violé plusieurs femmes qui fuyaient vers le Mali, et tranché la gorge d’un homme accusé d’appartenir à une force pro-gouvernementale.92

Les préoccupations relatives à la violence sexuelle et à d’autres crimes contre l’humanité ont fait partie des raisons de la mise en œuvre des sanctions économiques et d’interdiction de voyager prises par les Nations Unies à l’encontre du commandant de Korhogo, Martin Kouakou Fofié.93 Selon la déclaration du Comité des sanctions de l’ONU du 7 février 2006 : les forces sous son commandement se sont livrées au recrutement d'enfants soldats, à des enlèvements, à l'imposition du travail forcé, à des sévices sexuels sur les femmes, à des arrestations arbitraires et à des exécutions extrajudiciaires, contraires aux conventions des droits de l’homme et au droit humanitaire international.94

Etant donné que la mission de Human Rights Watch ne comportait pas d’enquête de terrain aux environs des villes du nord-ouest de Odienné ou de Touba, il est impossible à l’heure actuelle de décrire les caractéristiques des violences sexuelles dans ces régions. De plus, du fait en partie des problèmes de sécurité et de restrictions de financement, les agences d’aide et les ONG locales n’ont pas pu réaliser un travail solide sur la violence sexuelle dans les vastes parties du nord rural. Une spécialiste de la violence basée sur le genre travaillant en Côte d’Ivoire a déploré :

Ces régions [comme Odienné] sont un grand trou noir. Nous n’avons aucune information. Qui sait ce qui s’est passé là ? C’est probablement mieux que ce qui s’est passé dans l’ouest, mais ça pourrait être plutôt mauvais. Nous ne le savons pas. 95

Abus sexuels commis par les forces pro-gouvernementales

Depuis 2000, les forces pro-gouvernementales se sont rendues coupables de nombreuses violences sexuelles à l’encontre de femmes et de jeunes filles, tels que le viol, le viol collectif, les actes de torture sexuelle, et l’esclavage sexuel. Les abus sexuels commis par les forces pro-gouvernementales ont commencé au début de la crise politique en 2000, ont atteint leur apogée pendant les hostilités armées de 2002-2003, mais continuèrent par la suite (2004-2006), en particulier pendant les périodes de forte tension politique.

Nombre d’abus sexuels commis par les forces pro-gouvernementales semblaient politiquement motivés, et furent commis à l’encontre de femmes et de filles considérées comme soutenant les rebelles basés au nord ou l’opposition politique. Les plus vulnérables aux attaques étaient des femmes liées au parti d’opposition, le Rassemblement des républicains (RDR), surtout celles dans les familles des responsables de ce parti ; des femmes appartenant à des groupes ethniques venant principalement du nord comme les « Dioulas » (le terme Dioula est souvent utilisé pour désigner non seulement des ivoiriens mais aussi des personnes originaires du nord ou de l’étranger en général); et des femmes originaires d’autres pays ouest africains, surtout le Burkina Faso et le Mali.

La période la plus intense de violences sexuelles commises par les forces pro-gouvernementales s’est déroulée dans le contexte des hostilités actives, de septembre 2002 à mi 2003, alors que le gouvernement et les rebelles luttaient pour le contrôle de la Côte d’Ivoire, surtout à l’ouest.96 Certaines des pires violences sexuelles au cours de cette période semblent avoir été commis par des libériens mercenaires progouvernementaux. Les crimes sexuels flagrants commis par les forces pro-gouvernementales étaient souvent accompagnés d’autres atrocités graves, telles que des massacres, tortures, mutilations, recrutements forcés d’enfants et d’adultes.97

Même suite à la cessation du conflit armé actif en 2003, les forces pro-gouvernementales continuèrent à commettre des abus sexuels graves contre des femmes et des filles dans tous les territoires sous leur contrôle. Les sévices sexuels dans cette période — de fin 2003 à 2006 — étaient souvent associés aux développements militaires et politiques clés en Côte d’Ivoire, tels que des émeutes, des marches, des affrontements interethniques, et d’autres moments propices à la violence à large échelle. Par exemple, sur 15 cas de violence sexuelle documentés par Human Rights Watch pendant cette époque Abidjan, six ont eu lieu en période de crise politique ou sécuritaire. La plupart de ces cas concernaient des femmes qui semblaient avoir été choisies sur la base de leur appartenance ethnique, de leur nationalité, ou leur affiliation réelle ou présumée aux groupes rebelles et d’opposition.

Les différentes forces pro-gouvernementales impliquées dans les exactions

Les forces impliquées dans des violences sexuelles comprennent des membres des forces armées officielles et des institutions chargées de l’application de la loi, ainsi que des nombreuses milices armées pro-gouvernementales et de groupes informels de jeunes progouvernementaux.

Forces de sécurité officielles

Les forces de sécurité associées aux violations des droits humains comprennent les gendarmes, chargés de faire respecter la loi et de maintenir l’ordre dans un district (essentiellement dans les zones rurales) ; la police, qui doit maintenir l’ordre et faire respecter la loi dans les villes ; et les Forces armées nationales de Côte d'Ivoire (FANCI, qui regroupent l’armée, les forces aériennes, et la Marine). D’autres unités fonctionnent comme des unités paramilitaires attachées à des forces différentes, comme le Centre de commandement des opérations de sécurité (CECOS), la Brigade anti-émeute (BAE), la Garde Présidentielle (GP), le Groupement de Sécurité Présidentielle (GSP), et la Garde Républicaine (ou GR).98

Milices

Depuis l’irruption des hostilités armées en 2002, les milices urbaines et rurales ont joué un rôle de plus en plus actif dans les questions de sécurité nationale, comme la gestion de barrages sur les routes principales dans les zones contrôlées par le gouvernement, les vérifications d’identité des civils, et de façon générale la prise en charge de tâches remplies habituellement par les forces de sécurité gouvernementales en uniforme. Les dirigeants des milices affirment qu’ils sont à l’avant-garde des forces qui défendent le gouvernement, en compensation d’une armée qui a été partagée selon des lignes régionales et ethniques depuis la rébellion de 2002.99 Des diplomates aussi bien que des fonctionnaires ivoiriens font référence aux milices comme à des « forces de sécurité parallèles. »100 Ces milices ont été instrumentalisées par les responsables du gouvernement pour violemment réprimer les manifestations de l’opposition, intimider les dissidents critiques envers le gouvernement, museler la presse, fomenter de violents sentiments xénophobes, et attaquer des villages dans les zones productrices de café et de cacao situées à l’ouest.

Les milices urbaines opérant surtout à Abidjan comprennent entre autres les Jeunes Patriotes ; le Groupement des Patriotes pour la Paix (GPP) ; un groupe étudiant progouvernemental radical appelé la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI) ; le mouvement de jeunesse du FPI (le parti au pouvoir) ; et des groupes plus petits comme par exemple les Scorpions à Yamoussoukro.101

De nombreuses autres milices pro-gouvernementales opèrent au sud-ouest autour de Toulepleu, Duékoué et Guiglo, la plus importante étant les Forces de Libération du Grand Ouest (FLGO).102 D’autres milices à l’ouest sont, entre autres le Mouvement pour la libération de l’ouest de la Côte d’Ivoire (MILOCI); l’Alliance Patriotique Wê (AP-Wê); et l’Union des Patriotes pour la Résistance du Grand Ouest (UPRGO). D’autres milices plus petites opèrent aussi à travers l’ouest, comme par exemple le Front de sécurité du centre ouest (FSCO) et la Solidarité Africaine (SOAF). La plupart des recrues de ces milices de l’ouest viennent des groupes ethniques Guéré, Bété, Attie, Abeys, Dida, Wê, et Krou.

Mercenaires libériens

Depuis 2002, le gouvernement a recruté et utilisé des mercenaires libériens, y compris des enfants, pour combattre aux côtés des milices et des forces armées gouvernementales, surtout au sud-ouest. Beaucoup des forces libériennes invitées et soutenues par le gouvernement, ont des liens avec les groupes rebelles libériens notoires pour les exactions commises par leurs éléments tels que les Libériens Unis pour la Réconciliation et la Démocratie (« Libérians United for Reconciliation and Democracy » ou LURD) ou le Mouvement pour la Démocratie au Libéria (« Movement for Democracy in Libéria » ou MODEL). Nombreux combattants libériens souvent désignés comme les forces « Lima » ont combattu avec le Front de libération du grand ouest (FLGO).103 Que ce soit le fruit d’une politique organisée telle quelle ou d’un manque de contrôle du gouvernement, le fait est que les libériens sont devenus les autorités de facto dans certaines de « leurs » zones, agissant souvent en collaboration avec les membres des comités d’autodéfense ivoiriens comme par exemple des milices Guérés.

Loyalistes

Les victimes et les témoins interrogés par Human Rights Watch n’ont pas toujours été capables d’identifier avec précision le groupe armé responsables d’abus sexuels, qui furent souvent commis dans des situations extrêmement chaotiques, par des hommes armés en civil ou en uniformes non conformes et dépareillés, voire même des uniformes sans insigne identifiable. Par surcroît, des mercenaires libériens, des milices civiles et des forces de sécurité officielles coopérèrent pour reprendre aux rebelles des villes et des territoires et donc apparaissaient souvent en groupes mixtes, surtout en 2002 et 2003. Human Rights Watch a reçu des informations récurrentes selon lesquelles depuis le début de la guerre, nombre de gendarmes et de policiers revêtirent des tenues militaires de camouflage.

Sans uniformes, souvent sans direction ni hiérarchie claires, caractérisés par des liens obscurs au gouvernement, l’identité de nombreux hommes armés pouvait être difficile à déterminer. De ce fait, beaucoup de victimes et de témoins interrogés dans le cadre de ce rapport ont seulement pu décrire leurs assaillants comme des « corps habillés », « hommes du gouvernement », ou « loyalistes ».

Abus sexuels commis pendant les hostilités actives, 2002-2003

La période la plus intense d’abus sexuels commis à l’encontre des femmes et des filles par les forces pro-gouvernementales a eu lieu pendant la période d’hostilités actives de septembre 2002 jusqu’en mi 2003, et dans les zones où les batailles étaient les plus féroces, essentiellement à l’ouest et autour de la ligne séparant le sud gouvernemental et le nord rebelle. Des troupes gouvernementales et des milices ethniques ont été impliquées, quoique les mercenaires libériens fussent les combattants progouvernementaux les plus souvent associés avec les plus graves violations, y compris les abus sexuels particulièrement atroces.

Témoignant des violences sexuelles commis par les forces pro-gouvernementales dans la bataille pour la ville de Man, dans l’ouest du pays, la présidente d’une association de femmes, qui était aussi une guérisseuse traditionnelle et avait soigné de nombreuses femmes victimes de viols et de viols collectifs commis par les forces pro-gouvernementales, s’est exprimée sur la violence utilisée par ces groupes. Les exactions qu’elle a soulevées auraient été commises entre le 1er et le 18 décembre 2002, lorsque les forces gouvernementales ont repris Man aux rebelles.104

Mon mari est mort dans la guerre avec mon enfant de 4 ans… Mon neveu a eu une balle tirée dans le pied… Ils sont venus dans ma cour, à Man. Ils ont tiré en l’air tellement que tout le monde était terrifié et depuis ça, un de mes enfants ne va pas bien dans sa tête à cause de la peur. Il y a eu tellement de meurtres que nous avons dû enterrer mon enfant dans la cour. Ce sont les loyalistes qui ont fait ça. Quand ils ont repris la ville de Man, ils ont violé beaucoup de femmes, presque toutes ces femmes étaient des Dioulas … Beaucoup de femmes … sont venues me voir pour la violence sexuelle, parce que je suis une guérisseuse traditionnelle et aussi parce que je suis la présidente [d’une association de femmes]. J’ai soigné personnellement au moins 30 femmes, mais beaucoup d’autres viennent et j’ai entendu parler de plus de 100 cas [dans la guerre]. Je ne peux pas les aider toutes.105

Des sages-femmes, des infirmières et des travailleuses sociales ont transmis à Human Rights Watch des informations portant sur des dizaines de viols et d’autres formes d’agressions sexuelles perpétrés par les troupes pro-gouvernementales en 2002 et 2003. Leurs informations renforçaient des rapports confidentiels que des ONG locales et internationales opérant dans les villes de Man, Blolequin et Toulepleu, situées à l’ouest ont montré à Human Rights Watch. 106

Selon les victimes, les témoins et les travailleurs sociaux, les milices Guérés — actives au sud-ouest autour de Guiglo — auraient été impliqués dans de nombreux abus. Les violences sexuelles qu’ils commirent ainsi que d’autres forces pro-gouvernementales ont souvent eu lieu dans le contexte d’autres violations flagrantes des droits humains. Les personnes interrogées ont décrit pour Human Rights Watch la façon dont ces hommes armés ont perpétré des violences sexuelles en même temps que d’autres exactions, à savoir l’extorsion, le harcèlement, les coups et blessures, la torture, et les meurtres.

Les milices Guérés semblent avoir pris spécialement pour cibles les individus d’origine ouest africaine, en 2002 et 2003, dont ceux du Burkina Faso et du Mali. Par exemple, une femme musulmane d’origine Burkinabée a expliqué à Human Rights Watch que dès le début de la guerre, sa communauté, près de la ville frontalière de Zouan-Hounien, avait subi nombre d’atrocités y compris des violences sexuelles de la part des « Loyalistes ».

Ma mère et mon père ont été tués à Miadatou, près de Zouan-Hounien. Ce sont les loyalistes qui ont fait ça … Ils sont arrivés, ils tiraient en l’air, tout le monde criait et criait et courait et puis ils ont tranché la gorge à quatre personnes là, devant moi. Quand ils ont fini de les tuer, ils ont battu les autres, alors nous avons fui dans la brousse. Tout le village a été brûlé. Il n’est resté que trois maisons. Après ça nous avons fui… Je suis partie parce qu’il y avait trop de coups de feu alors je me suis enfuie… Nous ne savons même pas où est le reste de la famille. Quand on était encore au village, les loyalistes ont attrapé des jeunes filles et les ont mises dans une maison, et ils ont dit qu’ils les tueraient si elles refusaient. Les loyalistes qui sont allés dans la maison pour se servir des filles étaient nombreux, je ne pourrais pas les compter. Une fille avait 12 ans, une avait cinq ans, une autre sept. J’ai vu ça de mes propres yeux. Nous savons tous qu’elles ont été violées. Elles étaient très petites. Ces filles pleuraient… Je me sens très traumatisée après tout ça.107  

Beaucoup de violences sexuelles semblent avoir eu lieu durant des campagnes de violence organisées par les forces pro-gouvernementales, conçues pour forcer les « allogènes » (les étrangers) à quitter les terres qu’ils cultivaient. De ce fait, pour nombre de victimes et de témoins, les violences sexuelles faisaient souvent partie d’un contexte de souffrances et de perte plus générale éprouvées : villages ou maisons incendiés, possessions volées, familles et amis tués. Toutefois, il est apparu que les conflits interethniques et les attaques contre les plantations dans le sud-ouest étaient davantage caractérisés par une extrême violence physique que par une violence spécifiquement sexuelle.108 Beaucoup de victimes et de témoins ont décrit des actes de violence collective, de harcèlement, d’intimidation, de tortures, de massacres, de la destruction de villages, mais ont déclaré n’avoir jamais vécu ni été témoin de violence sexuelle.109 Dans une étude sur les problèmes fonciers et les conflits entre foyers Bétés et Burkinabés dans la région forestière du centre ouest de la Côte d’Ivoire, l’historien Joshua Strozeski a constaté une augmentation de 500% des conflits physiques après le vote d’une loi foncière discriminatoire contre les étrangers, mais il n’a pas découvert de pics aussi choquants de la violence sexuelle.110

De plus, tous les chefs locaux et les milices des territoires contrôlés par le gouvernement ne se sont pas livrés au même titre à des violences sexuelles ou autres contre les « étrangers » et les musulmans. En fait, certains dirigeants locaux ont résisté à la vague de xénophobie qui a balayé les zones contrôlées par le gouvernement et ont refusé de se joindre aux persécutions fondées sur l’appartenance ethnique ou religieuse, ou de les autoriser. Une femme a expliqué à Human Rights Watch qu’elle croyait que sa communauté avait été épargnée par les violences interethniques et les agressions sexuelles contre les femmes Burkinabés et autres immigrantes, grâce au refus du chef de son village de laisser commettre de tels abus.

Dans les palabres avec mes amies, beaucoup de gens parlaient des viols. Ça arrivait souvent… [mais] où j’étais, le chef de village n’était pas d’accord avec la violence contre les allogènes.111  

Femmes prises pour cibles du fait de leur origine Dioula

Les politiciens au pouvoir, du Président Bédié au Président Gbagbo, ont développé et véhiculé un discours sur l’ivoirité, utilisant souvent la propagande pour manipuler l’imagination sociale et creuser les divisions entre deux groupes : les ivoiriens soi-disant de souche et dont la citoyenneté ne faisait aucun doute, et les individus dont la citoyenneté ivoirienne était douteuse, qui pouvaient même être reclassés comme « étrangers ». Au début, cette distinction aurait eu pour but d’écarter de la vie politique des rivaux politiques actuels ou futurs. Cependant, au fil des années, la notion d’ivoirité devint plus forte et renforça les clivages entre les groupes ethniques. À partir de 2000, les partisans du parti politique du RDR ont progressivement été pris pour cibles comme ennemis du gouvernement, de même que ceux considérés comme leurs sympathisants : les gens originaires du nord, les musulmans, les Dioulas, et les personnes d’origine étrangère, en particulier d’origine burkinabée et malienne. Après l’éclatement de la guerre en 2002, cette polémique a adopté une nouvelle interprétation relative à la sécurité nationale, selon laquelle les individus mentionnés ci-dessus étaient perçus comme étant potentiellement des traîtres et partisans des rebelles.

L’ancien Chef de cabinet du Directeur de la police, qui est actuellement le Préfet de police de Korhogo, a parlé à Human Rights Watch de nombreux cas d’agressions sexuelles contre des femmes Dioulas, musulmanes et étrangères, commis par des officiers de police commis même avant l’explosion des hostilités armées de 2002. Il a expliqué comment ses tentatives pour sanctionner des officiers de police accusés de viol entre 1999 et 2001 avaient échoué, et comment, à sa connaissance, aucun des coupables présumés au sein de la police n’avait jamais été puni :

J’étais dans la police pendant 28 ans à Abidjan… J’avais sous mes ordres des hommes originaires du sud qui ne m’obéissaient pas…Ils commettaient des crimes contre les gens du nord, y compris des viols et du harcèlement contre des femmes parce qu’elles étaient musulmanes ou parce qu’elles s’appelaient « Ouattara » par exemple. Toutes sortes de crimes… J’ai constitué des dossiers sur ça et essayé de sanctionner les gens, mais ça n’est jamais allé nulle part. Tout ça a commencé même sous Bédié. Par exemple en 2001, j’ai préparé un rapport sur un collègue pour viol, pour le faire virer, mais à cause de la crise ils ont abandonné l’affaire. Le défaut de sanctions était une façon d’encourager plus de violence sexuelle… et vers la fin mes collègues admettaient que le viol arrivait en périodes de tensions, pendant des descentes.112

Depuis 2000 et jusqu’aujourd’hui, les abus commis aux barrages par les forces pro-gouvernementales ont transformé des déplacements en cauchemar pour bon nombre de femmes. Bien que l’extorsion d’argent et les violences physiques soient restées les formes les plus courantes d’abus, des hommes armés aux barrages progouvernementaux ont soumis des femmes et des filles à de multiples formes d’abus sexuels, comme les fouilles à nu, les humiliations sexuelles, le viol, le viol collectif et autres exactions. Une jeune femme a décrit comment elle a vu des gendarmes humilier sexuellement et maltraiter une femme Dioula en 2002 à un barrage à Abidjan, l’accusant de soutenir les rebelles :

Un jour, juste devant moi, je faisais du commerce à Guédiawaye pour revendre mes marchandises à Abidjan ; j’étais avec une femme Dioula. Ils l’ont faite descendre du bus, la police, et ils l’ont forcée à ramper sur les genoux. Elle était enceinte. Ils ont touché ses seins et la fouillaient et ils l’ont déshabillée et ils la maltraitaient. C’était en 2002 pendant la crise.113

La jeune femme a dit à Human Rights Watch que les policiers criaient à leur victime qu’elle était une Dioula, et que la guerre « est la faute de ton peuple ».

Plusieurs femmes dirigeantes du parti d’opposition du RDR ont déclaré à Human Rights Watch qu’elles recevaient régulièrement des plaintes de femmes du RDR (dont la plupart ont des noms à consonance musulmane) par rapport aux harcèlements sexuels, dénigrements, et menaces verbales faisant référence à leur identité nationale ou ethnique. Les dirigeantes estimaient que les fouilles à nu, les humiliations sexuelles, ou les fouilles vaginales avaient lieu plus fréquemment aux barrages se trouvant dans des quartiers principalement musulmans à Abidjan et Yamoussoukro.114

De nombreuse victimes, témoins et femmes leaders Dioulas ont dit à Human Rights Watch qu’elles vivaient dans la peur des violences physiques et sexuelles de la police, des gendarmes, et des autres forces pro-gouvernementales. Un témoignage d’une femme Dioula qui vivait à Abidjan et qui a subi un harcèlement sexuel physique et verbal, et peut-être des abus sexuels, illustre cette peur :

Je vendais des choses à Abidjan et les gendarmes nous fatiguaient. Ils nous chassaient et ils ont gâté ma marchandise… Le harcèlement [sexuel] arrivait souvent… même à moi. Mais j’ai trop honte pour en parler. Ça arrivait à beaucoup de femmes au marché… Si je vous dis ce qui m’est arrivé, je vais pleurer. Je ne peux le dire à personne. Au marché, si tu es une femme Dioula, ils nous amènent au poste de police. Ils nous gardent et ils t’enferment et beaucoup d’eux te violent. Si un a fini, les autres viennent et il n’y a pas assez de femmes alors ils passent sur toi…115

Beaucoup de viols se sont produits au cours des attaques par le gouvernement contre des « quartiers précaires », surtout ceux occupés par des milliers de personnes d’origine immigrante et de Dioulas. La Croix-Rouge a découvert que du 21 au 24 septembre 2002, 12.000 personnes environ ont été déplacées hors des quartiers avec une forte présence de Dioulas à Abidjan.116 Durant ces opérations, d’octobre 2002 jusqu’en décembre 2002 et même après, les forces gouvernementales soi-disant à la recherche d’armes et des rebelles ordonnaient souvent aux habitants de partir et brûlaient ou démolissaient leurs logements, se livrant à de multiples atteintes aux droits humains, comme l’extorsion, les arrestations et les détentions arbitraires, les « disparitions, » les exécutions sommaires, le déplacement de milliers de personnes, et les abus sexuels.117

Femmes prises pour cibles parce qu’elles étaient « étrangères »

Human Rights Watch et plusieurs autres ONG nationales et internationales ont documenté une tendance claire à ce que des forces pro-gouvernementales harcèlent des femmes d’origine ouest africaine, les prenant souvent pour cible d’abus sexuels de tous types. Parfois, les violences sexuelles commis contre des femmes d’origine ouest africaine se sont déroulés dans le contexte d’attaques contre des campements ou des quartiers majoritairement « Maliens » ou « Burkinabés » . D’autres fois, les forces de sécurité ciblaient des femmes d’origine ouest africaine, par exemple dans les transports en commun au niveau des barrages.

Human Rights Watch a documenté toutes sortes de crimes commis contre les femmes Burkinabés et maliennes, allant des fouilles vaginales jusqu’au viol collectif. Une ONG a documenté des violences sexuelles commises à l’encontre de plus de 100 femmes et filles Burkinabés à l’ouest de la Côte d’Ivoire sous contrôle gouvernemental dans la zone de Moyen Cavally, au plus fort du conflit fin 2002 et début 2003. L’ONG a établi qu’elles avaient été violées ou agressées sexuellement surtout par des hommes armés appartenant à divers groupes progouvernementaux.118 La zone où les agressions ont eu lieu est un bastion des milices pro-gouvernementales. Un représentant de l’organisation a dit à Human Rights Watch que beaucoup des attaques sexuelles avaient été commises dans le contexte de fouilles au corps pour découvrir de l’argent caché, et que la plupart de ces femmes avaient fui par la suite au Burkina Faso : 119

Beaucoup des femmes Burkinabés qui ont été violées sont parties au Burkina Faso. Nous avons fait une recherche avec des groupes de travail… Les femmes disaient que le viol était fréquent. Elles étaient agressées et fouillées pour trouver de l’argent. Si elles n’avaient pas d’argent, alors elles étaient violées. Ça a commencé parce qu’il y avait une rumeur selon laquelle les femmes Burkinabés cachaient l’argent de leurs maris dans leurs sous-vêtements. Elles étaient violées à partir de l’âge de 16 ans jusqu’à la quarantaine.120

Une femme Burkinabée a parlé à Human Rights Watch de l’expérience de sa sœur, victime des sévices sexuels infligés par des éléments des forces pro-gouvernementales dans une communauté du sud-ouest, non loin de la frontière libérienne. Dans un premier temps, les milices Guérés et les loyalistes ont attaqué et violé des civils dans sa communauté lorsque la guerre faisait rage, et par la suite, en 2005, deux de ses sœurs âgées de 12 et 13 ans ont été violées collectivement par des miliciens. De plus, elle a été témoin d’un viol collectif commis par les loyalistes :

Nous sommes d’un campement [communauté rurale] avec surtout des Burkinabés. Nous avons souffert. Ils nous font peur, ils veulent qu’on parte. Ils volent nos affaires et nous disent « rentrez chez vous ou on vous tue. » [Des miliciens] ont violé deux de mes petites sœurs en 2005. Dans la soirée, elles étaient allées voir leur grande sœur et les miliciens les ont prises, les filles avaient peur, une avait seulement 12 ans et l’autre 13. Les miliciens les ont fait boire. Les filles ne savaient pas quoi faire ou comment chercher de l’aide. Puis les hommes ont tous violé mes sœurs. On pleurait tous. Nous les avons envoyées à Danané pour les faire soigner. Je suis partie alors je ne sais même pas si elles vont bien maintenant. Je me fais du souci pour elles. Aussi une fille qui venait du marché à Zouan-Hounien, elle a été violée devant moi par des loyalistes… Je les ai vus qui la harcelaient et la prenaient et alors je me suis enfuie et je me cachais et je l’ai entendue crier « pardon, pardon »… Ils savaient qu’elle était Burkinabée à cause de son nom sur sa carte d’identité.121

Beaucoup de cas d’abus sexuels à l’encontre de femmes originaires d’Afrique de l’Ouest concernaient des victimes fouillées à nu, contraintes de se déshabiller ou soumises à des fouilles vaginales dans le but apparent de les humilier. Une ONG basée à Abidjan a parlé à Human Rights Watch de trois cas de fouilles vaginales des femmes Burkinabés, à des barrages gérés par des gendarmes à Abidjan entre 2003 et 2005.122 Une autre organisation a documenté de nombreux cas de fouilles vaginales sur des femmes Burkinabées et maliennes à des barrages autour de la ville de Guiglo au sud-ouest, ville contrôlée par des milices pro-gouvernementales.123 Les victimes venues chercher des soins et de l’aide auprès d’ONG locales ou internationales ont décrit ces expériences comme étant profondément humiliantes et traumatisantes.

Une femme ivoirienne musulmane a expliqué comment elle avait vu de nombreuses femmes attaquées par des miliciens progouvernementaux Bétés sur un marché essentiellement musulman à Abidjan en automne 2002. Les femmes qui y étaient considérées comme étant d’origine étrangère furent déshabillées totalement ou en partie, dans des actes d’humiliation sexuelle.

C’est arrivé devant moi à Abobo. Ils sont arrivés, ils ont pris tout le monde, ils nous battaient, ils en ont déshabillé beaucoup et battu, battu et battu les gens : des Maliennes, des Guinéennes, des Burkinabées, mais pas beaucoup de Dioulas. Des jeunes hommes Bétés ont fait ça. J’ai vu trois femmes qu’ils ont battues et déshabillées devant moi. J’ai eu de la chance parce qu’une femme ivoirienne nous a cachées. C’était quand la guerre était chaude.124

Dans certains cas, les fouilles vaginales et les humiliations sexuelles ont pu anticiper des formes bien plus graves d’abus sexuels. Par exemple, une femme malienne prise pour cible d’abus sexuels a expliqué comment un policier l’avait accusée d’être une rebelle du fait de sa nationalité malienne, puis l’avait déshabillée, avait introduit ses doigts dans son vagin, l’avait battue, puis violée vaginalement et analement en juin 2005, sur la route du sud conduisant à la ville de Duékoué à l’ouest :

J’avais caché mes [papiers maliens] dans une des poches de mes vêtements. Parce qu’au Mali tout le monde m’avait dit que si on donnait ces documents sur le territoire ivoirien on risquait des abus du FDS. Puis, à un barrage au sud de Duékoué, on m’a demandé mes papiers. J’ai dit à l’agent que je n’en avais pas et il m’a amenée à une maison près du passage. Il a fouillé mes poches et il a trouvé mes papiers. Puis il a fouillé mes affaires. D’après lui, il cherchait des drogues que je cachais. Puis il m’a ordonné d’enlever mes habits, il m’a forcée à me mettre nue. Puis il a mis ses doigts dans mon sexe et les a remués sous prétexte qu’il cherchait des drogues, avant de les enlever et de m’ordonner de m’habiller. Il s’est mis à me frapper avec un bâton. Un de ses amis est arrivé et a demandé pourquoi j’étais là. Il a répondu que j’étais une amie des rebelles, et qu’en plus de ça je faisais du trafic de drogues. Pas besoin de dire que j’ai nié toutes ces accusations. Il n’arrêtait pas de dire que j’avais refusé de lui donner mes papiers pour ne pas être identifiée. Alors son ami a [aussi] commencé tout de suite à me battre. Puis le premier agent de police m’a embarquée dans une voiture blanche, sous prétexte que le commissaire de police me faisait demander au poste de police. En route, il m’a dit que j’irais en prison comme femme des rebelles et que le danger pour moi en prison c’est que je serais avec des hommes qui n’avaient pas fait l’amour depuis des années. Aussi ils me violeraient. Il m’a demandé si je pouvais coucher avec cinq ou six hommes l’un après l’autre. J’ai dit « Non, » et j’ai dit « Je ne peux pas, et je ne veux pas. » Il a dit que je devais choisir entre lui et les prisonniers… Il m’a amenée jusque dans une cour… il est venu me demander de coucher avec lui, et j’ai dit « Non, pardon, je ne peux pas faire ça » alors il m’a poussée et je suis tombée et il a abusé de moi. Puis il a mis ses doigts dans mon sexe et il les faisait bouger dans tous les sens. Ces mouvements faisaient très mal. Puis il m’a retournée et il m’a sodomisée. Avant de commencer ces choses, il a posé son arme sur la table.125

Ce policier l’a gardée en captivité pendant une nuit et un jour, durant lesquels il l’a forcée à sucer son pénis, l’a battue à nouveau et l’a violée vaginalement et analement encore, et a répété plusieurs fois qu’elle était « une amie des rebelles ».126   

Human Rights Watch a recueilli des informations sur nombreux autres viols et documenté trois autres cas de viol similaires perpétrés par des forces pro-gouvernementales contre des femmes d’origine burkinabée et malienne. Une dirigeante d’une ONG a expliqué à Human Rights Watch comment elle avait apporté son aide dans des multitudes de violences sexuelles contre des femmes maliennes et Dioulas. Elle a dit à Human Rights Watch qu’elle pensait que des policiers violaient régulièrement les femmes « allogènes » (étrangères) et Dioulas, qu’ils arrêtaient pour diverses raisons. Par exemple, un cas parmi d’autres qu’elle évoqua, datant des premiers mois du conflit armé, concernait le viol d’une femme malienne d’un certain âge qui vivait dans un quartier d’Abidjan majoritairement musulman. Cette femme aurait expliqué à dirigeante qu’elle avait quitté la maison malgré le couvre-feu pour chercher son fils, parce qu’elle avait entendu des coups de feu dehors. En chemin, elle a été embarquée dans un véhicule avec 12 gendarmes ainsi que deux autres femmes, toutes violées avant d’être déposées au poste de police. La dirigeante de l’ONG, qui avait été prévenue de l’arrestation de cette femme, est allée la prendre au poste de police, où elle l’a trouvée débraillée et sanglotante. La dirigeante de l’ONG a cité neuf autres cas impliquant des victimes d’origine Burkinabée, Malienne ou Dioula présentant des particularités comparables, et elle a affirmé avoir documenté bien d’autres cas.127

De multiples cas de violence sexuelle contre des femmes Dioulas et d’origine ouest africaines ont eu lieu pendant des descentes dans les quartiers majoritairement Dioulas par des forces de défense et de sécurité. Par exemple, des sources dignes de foi ont documenté un cas en novembre 2003 dans lequel deux jeunes femmes maliennes ont été violées, et une femme enceinte a été battue si brutalement qu’elle a fait une fausse couche, pendant une attaque violente lancée sur le quartier d’Adjamé à Abidjan.128 Une femme d’origine malienne, vivant dans un quartier d’Abidjan majoritairement musulman, a raconté comment elle avait été violée par des soldats devant son mari, le 25 mars 2004. L’agression a eu lieu pendant la répression du gouvernement faisant suite à une manifestation du RDR :

Pendant la crise après la manifestation de l’opposition, j’ai été abusée par les militaires vers 20 heures. Ils sont rentrés chez nous. Mon mari était dans le salon et mes trois enfants étaient dans leurs chambres. Les soldats ont enfermé les enfants. Je venais juste de sortir de la douche. Ils ont obligé mon mari à s’asseoir et à regarder pendant qu’ils me violaient sous la menace de leurs fusils. Cette honte m’empêche de regarder mon mari aujourd’hui. Je veux revenir au Mali parce que je souffre trop de la honte.129

Il y a eu des cas encore plus graves de viols ou de viols collectifs accompagnés de meurtres et d’actes de torture. Une commerçante d’origine Burkinabée a expliqué à Human Rights Watch comment fin 2002 ou début 2003 des hommes portant des uniformes militaires et des civils d’ethnies Baoulé, Bété et Agni l’avaient agressée ainsi que d’autres étrangères, dont une qu’elle a vue se faire violer et tuer. L’incident s’est déroulé sur la route d’Abidjan allant à Lomé, au Togo.

J’étais avec une amie qui est guinéenne et une amie malienne. Je suis Burkinabée. Je vendais des choses entre Lomé et Abidjan. Un jour, nous sommes parties pour Lomé. Sur le chemin du retour, des bandits nous ont arrêtées. Ils ont tué beaucoup de gens ce jour-là : des hommes, des femmes. Ils ont tué un jeune homme qui était avec nous. On avait très peur. Ce jour-là, plusieurs gens ont été tués, beaucoup même. J’ai vu qu’ils tuaient quatre hommes et trois femmes. Les bandits portaient des habits militaires, les soldats de Gbagbo. Il y avait des soldats et des civils mélangés. On nous tuait parce qu’on est des étrangers… c’est ce qu’ils nous ont dit. Ils ont dit que nous devions rentrer chez nous. Les Baoulés, les Bétés, les Agnis maltraitaient les étrangers et on nous tuait. La police ne faisait rien. Un de nos voisins dans ce voyage, sa fille a été violée. Il allait au Niger. Ils ont pris un couteau et découpé son pantalon. Elle a été violée par un premier. Puis un second voulait la violer et elle a résisté. Il l’a tuée.130

Certaines violences sexuelles contre des femmes originaires des pays voisins d’Afrique de l’Ouest se sont produits dans le contexte de conflits fonciers interethniques, en particulier au sud-ouest. Le sud-ouest de la Côte d’Ivoire reste vulnérable aux violences et tensions interethniques, caractérisées par la présence des milices et de groupes armés qui attaquent des villages, détruisent des maisons, des écoles, des puits et des centres de santé, entraînant des cycles de déplacement.131 Des massacres, des viols et quelques massacres ont continué à se produire jusqu’à l’écriture de ce rapport, longtemps après la fin des hostilités actives, et même à l’intérieur de la Zone de confiance quand elle existait encore.

Femmes prises pour cibles parce qu’elles étaient françaises ou blanches

Des femmes étrangères d’origine non africaine ont aussi été la cible de violences sexuelles pour des motifs politiques. Plusieurs femmes blanches, probablement françaises, ont été violées au cours des émeutes et des attaques antifrançaises qui ont secoué Abidjan du 6 au 12 novembre 2004. Ces attaques se déroulèrent suite à une crise militaire entre le forces armées françaises et ivoiriennes : en début novembre 2004, des avions ivoiriens ont rompu un cessez-le-feu et bombardé une base française à Bouaké, tuant neuf soldats français. Les français ont immédiatement riposté en détruisant toute l’aviation militaire ivoirienne, ce qui a déclenché des émeutes antifrançaises, des violences à large échelle à Abidjan et ailleurs, et l’évacuation de 8.000 étrangers (des Français pour la plupart).

Selon des officiers de l’armée française, plusieurs femmes blanches ont été violées ; le Général français Henri Poncet, alors commandant de l’opération Licorne (forces françaises de maintien de la paix en Côte d’Ivoire), a déclaré : « Je confirme qu’il y a eu des viols… Il y a eu des exactions, des tragédies pour de nombreuses femmes. Je ne ferai pas d’autre commentaire, par respect. »132 Le Général Henri Bentégeat, Chef d’état-major de l’armée qui commandait toutes les forces françaises opérationnelles à cette époque, n’a pas hésité à caractériser de « violeurs » les auteurs des pillages de résidences françaises à Abidjan et des agressions contre des citoyens français.133 Henri Aussavy, alors porte-parole de la Licorne, ainsi que Hervé Ladsous, alors porte-parole du ministère des Affaires étrangères à Paris, ont confirmé qu’il y avait réellement eu des viols en novembre 2004.134 Le 12 novembre 2004, la Présidente de l’Union des Français de l’étranger à Abidjan, Catherine Rechenmann, a fait allusion à trois femmes européennes qui avaient été violées et seraient rentrées en France.135 Human Rights Watch n’a pas pu obtenir d’informations concrètes sur le nombre total de viols, ni d’informations permettant de contacter les victimes, même celles peu nombreuses ayant entamé une action en justice à Paris.136

Femmes prises pour cibles à cause de leur affiliation au parti d’opposition, le Rassemblement des Républicains (RDR)

Avant même l’irruption des hostilités en 2002, et dès 2000, des femmes en Côte d’Ivoire ont été prises pour cibles par les forces pro-gouvernementales à cause de leur affiliation — réelle ou supposée — au parti politique d’opposition du RDR. Dans de nombreux cas, ces actes ont terrorisé des familles et des communautés entières, peut-être dans une tentative d’affaiblir leur soutien au parti d’opposition. Certaines femmes ont été violées individuellement ou collectivement à cause des activités politiques d’un mari, d’un père, d’un frère, ou d’un autre parent — même si elles n’avaient jamais pris part elles-mêmes à une activité politique quelconque.

Une vague d’abus sexuels à l’encontre de femmes affiliées à l’opposition a eu lieu en 2000, deux ans avant l’éclatement des combats actifs. Pendant les violences qui caractérisèrent les élections parlementaires et présidentielles de 2000, des policiers, des gendarmes, des soldats et autres forces pro-gouvernementales ont commis de nombreux viols et tortures sexuelles à l’encontre de partisans réels ou supposés du RDR.137 Les auteurs de ces actes ont souvent commis ces crimes sexuels dans des centres de détention où les détenus aussi bien hommes que femmes étaient victimes d’humiliations et d’abus sexuels, alors qu’ils se trouvaient sous la garde des gendarmes et de la police, ou par des partisans du FPI en présence des forces de sécurité. Les parties génitales des hommes ont subi des coups et blessures, ont été torturées, ont été brûlées, et des détenus ont reçu l’ordre d’avoir une érection et de violer des femmes détenues. Des femmes furent dépouillées de leurs vêtements, battues, menacées d’agression sexuelle, violées, violées collectivement, pénétrées avec des objets, frappées sur les parties génitales, ou humiliées sexuellement. Certains viols ont eu lieu dans les locaux d’un institut technique à Cocody, à l’Ecole nationale de police, et à la gendarmerie de Youpougon.138

En dépit de l’indignation nationale et internationale soulevée par ces abus sexuels de 2000, des atrocités contre des membres du RDR et leurs familles se sont poursuivis, ressurgissant en 2002 quand la guerre a éclaté, et continuant tout au long du conflit. A partir de 2002, des femmes associées au RDR ont continuées à être agressées sexuellement par les forces pro-gouvernementales, parfois dans un contexte d’intimidation des membres du RDR en général.

Quant à ce contexte, une Commission d’enquête des Nations Unies,139 chargée d’enquêter sur les atteintes aux droits humains en Côte d’Ivoire de 2002 à 2004, a produit un rapport bloqué aux Nations Unies et n’a pas été publié. Dans une version non officiellement divulguée de ce rapport, la Commission d’enquête faisait état de nombreux assassinats politiques de dirigeants du RDR. Un groupe éminent de défense des droits humains, le Mouvement Ivoirien des Droits de l’Homme, a documenté environ 300 assassinats de militants du RDR pour la seule période qui a suivi la rébellion.140 Les entretiens menés par Human Rights Watch avec des victimes, des témoins et des leaders du RDR laissent penser que ces attaques étaient parfois accompagnées d’agressions sexuelles contre des partisans du RDR et les membres féminins de leurs familles. Human Rights Watch a reçu de nombreux rapports et documenté sept cas de 2002 à 2006 dans lesquels des victimes d’abus sexuels semblent avoir été prises pour cibles du fait de leur affiliation au parti du RDR, ou de celle d’un membre de leur famille.

Par exemple, une femme dont la famille était active au RDR a raconté la façon dont des mercenaires libériens et des gendarmes ivoiriens l’avaient violée collectivement devant son mari et puis l’avait tué, après l’avoir accusé d’être un « traître. » L’agression a eu lieu fin 2002 quand les forces pro-gouvernementales ont repris la ville de Daloa aux rebelles. Selon la Commission d’enquête des Nations Unies, de nombreux partisans du RDR ont été pris pour cibles à cette époque, pendant un massacre commis par les forces pro-gouvernementales à Daloa. La survivante du viol a dit à Human Rights Watch qu’elle avait vu de nombreux corps d’autres personnes tuées et qu’elle pensait que d’autres femmes avaient été violées comme elle, du fait de leur affiliation au RDR ou de leur soutien présumé aux rebelles.

J’étais à Daloa quand les rebelles sont arrivés. On était du RDR et on est sortis pour applaudir [les rebelles quand ils ont pris la ville] parce qu’on pensait qu’ils se battaient pour nous. Les gens de Gbagbo ont fait une liste141 de tous les gens qui sont sortis pour accueillir les rebelles, de tous ceux qui avaient applaudi comme nous. Et plus tard, Gbagbo a envoyé les mercenaires libériens [et d’autres forces pour reprendre Daloa]. Ils sont venus chez nous. Ils [les libériens] parlaient anglais, mélangés avec les gendarmes qui parlaient français. Ils ont frappé mon mari. Quand j’ai protesté et crié, ils m’ont battue terriblement et ils m’ont violée. Devant mon mari. Je ne sais pas combien m’ont violée. Je me suis évanouie et je ne pouvais pas supporter la douleur. Et après je me suis réveillée et j’ai vu qu’ils avaient tué mon mari. Son corps était devant moi. Ils ont surtout tué des hommes et violé les femmes. Mais si vous n’as pas de chance, ils te violent et puis ils te tuent aussi.142

Human Rights Watch a documenté deux cas particulièrement graves dans lesquels des femmes dont les beaux-parents étaient des responsables du RDR sembleraient avoir été prises pour cibles d’abus sexuels. Dans les deux cas, au moins un partisan du RDR dans leur famille avait été assassiné. La première femme a raconté à Human Rights Watch comment au début de la guerre elle avait été détenue illégalement, emprisonnée et violée collectivement à plusieurs reprises par huit hommes armés à Abidjan qu’elle n’a pas pu identifier. Elle pensait qu’ils la punissaient à cause de l’activisme politique de son beau-père au RDR :

Le père de mon mari était un gros planteur et il était à la tête [d’un groupe] du RDR. Un jour de la guerre ils sont allés l’attaquer et le tuer, et il est mort. J’étais au marché. Et ils cherchaient mon mari pour le tuer aussi. Ils sont venus me chercher au marché. Ils ont cassé mon magasin où je vends du tissu et ils ont tué des gens devant le magasin. Ils m’ont prise et mise dans une prison. J’ai passé trois jours en prison. J’ai moi-même été violée. J’ai été violée. C’était très dur. Ils nous ont attrapées, dans cette histoire de la politique, nous sept femmes. Si j’en parle, je sens que ça me touche trop et mon cœur est coupé. C’est trop dans mon coeur. Ils passaient sur nous l’un après l’autre. En une heure, ils pouvaient coucher avec moi trois fois dans une heure. Ils nous ont beaucoup violées. Ils sont allés nous mettre dans un endroit comme une maison loin dans la brousse…J’ai vu des corps des femmes mortes. Nous avons trouvé des cadavres de femmes là, dans la maison abandonnée. Je n’avais jamais vu [de] corps comme ça de mes propres yeux avant.143

La deuxième femme —dont le beau-père et deux beaux-frères ont été tués— a aussi été détenue dans une prison officieuse, clandestine, semblable. Elle a expliqué comment elle avait été attaquée, battue, kidnappée, incarcérée et violée collectivement pendant trois jours, tandis que son mari fut blessé et que ses jeunes enfants durent se débrouiller par eux-mêmes.

Plusieurs personnes interrogées ont dit que des femmes avaient été violées dans leurs maisons et surtout dans des quartiers du RDR, en même temps que les hommes avaient été emmenés pour être tués. Une femme qui résidait dans un bastion du RDR à Abidjan a raconté à Human Rights Watch une descente chez elle fin 2002, peu après que Bouaké a été pris par les rebelles. Au cours de cet évènement traumatique, des forces pro-gouvernementales portant des uniformes de treillis ont arrêté et « disparu » son mari qui était un membre actif du RDR, ont violé plusieurs femmes, dont une qui était enceinte, et ont blessé ou tué des voisins, aussi militants du RDR :

Mon mari et moi étions du RDR et nous menions des campagnes ensemble…Ils sont arrivés dans notre cour à Anyama. Quand ils sont entrés, ils ont tué un vieil homme et blessé un jeune et lancé une grenade. Puis ils sont rentrés dans la pièce des femmes pour violer les femmes. Ils ont pris mon mari parce qu’ils ont dit qu’il était du RDR…Je ne peux pas revenir à Abidjan à cause de ce que j’y ai vu. C’est arrivé après que Bouaké a été pris. Les hommes qui ont fait ça portaient [du] treillis et [des] fusils. Ils ont tout pris. Les femmes qu’ils ont violées, une était enceinte. La femme enceinte a avorté là. Oui, les filles criaient. Et quand les hommes sont partis et que la femme enceinte a avorté, elle pleurait, pleurait, et elle a parlé des viols. Ils ont battu à mort le mari de la femme enceinte.144

Les violences sexuelles commis à l’encontre de parents de membres importants du RDR semblent avoir été conçus pour punir et terroriser des familles et des communautés toutes entières, peut-être pour tenter d’affaiblir leur soutien au parti d’opposition. Une autre survivante, dont la famille était musulmane et dont certains des parents étaient d’origine malienne, a raconté l’attaque menée contre sa famille par des forces pro-gouvernementales en uniforme à Daloa dans le but de découvrir l’endroit où se trouvait leur frère, militant du RDR. Au cours de l’attaque, sa sœur aînée a été violée par sept « loyalistes » et elle-même a été menacée de viol, frappée à coups de fusil et elle a eu le bras cassé.

Mon grand frère était membre politique au RDR… Ils sont venus le chercher. Nous [mes sœurs et moi] avons dit « Il est sorti. » Ils ont dit alors « Nous vous tuerons toutes les trois si vous ne l’appelez pas pour le faire venir. » Ils ont trouvé un carnet d’adresses avec le numéro de…mon grand frère et ils l’ont appelé. Ils ont dit qu’ils vont tuer ses trois sœurs s’il ne vient pas. Il a dit « J’arrive, prenez juste de l’argent, pardon, ne leur faites pas mal. » Ils ont dit « On va les violer toutes les trois. » Ils m’ont prise et frappée avec un fusil et ils m’ont cassé le bras, ils ont giflé ma grande soeur. Ils nous ont enfermées toutes les deux [filles plus jeunes]. Puis ils ont pris ma sœur aînée qui est si belle et ils l’ont attachée et ils l’ont beaucoup violée. Puis ils sont venus nous chercher [les deux petites] et ils nous ont battues encore. Puis après ça il y a eu une deuxième attaque des forces pro-gouvernementales. Et quelque temps plus tard ont s’est échappé et on a pris un bus pour venir au Mali. On a su plus tard qu’ils avaient tout brûlé et tout cassé et volé toutes nos affaires. Alors on est ici au Mali sans rien. Ma vie est misérable ici. Chaque jour je pleure. Je ne sais pas quoi faire. Ma grande sœur qui a été violée est mariée ici maintenant… Ma grande sœur est triste et elle sent la douleur pour toujours. Il y en avait beaucoup qui l’ont violée, sept loyalistes… Quand je vois des hommes maintenant, j’ai peur et je me sens mal.145

Des représentants du RDR, des membres de la société civile, et des ONG locales et internationales ont dit à Human Rights Watch qu’ils pensaient que les femmes et les filles appartenant à des groupes considérés comme partisans des rebelles ou de l’opposition politique étaient particulièrement vulnérables aux violences sexuelles de la part des forces de sécurité et de leurs partisans pendant les crises politiques. 146 Beaucoup de ces attaques ont eu lieu dans les quartiers d’Abidjan de Sadiba, Adjamé, Abobo, Youpougon et Treichville, qui ont d’importantes populations de Dioulas, de musulmans, et de personnes d’origine étrangère, et sont de ce fait considérés à tort ou à raison par la plupart des acteurs du conflit ivoirien comme des bastions du parti RDR et comme sympathisants des Forces Nouvelles.

Femmes prises pour cibles par la FESCI

Human Rights Watch a documenté plusieurs cas d’abus sexuel et d’exploitation sexuelle perpétrés par le groupe étudiant militant progouvernemental de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI). La FESCI est devenu de plus en plus violente avec l’aggravation de la crise ivoirienne à la fin des années 90 et est férocement loyale à présent au gouvernement du Président Gbagbo. Entre autres, la FESCI fut dirigée d’antan par le leader des Jeunes patriotes, Charles Blé Goudé (un des trois individus en Côte d’Ivoire à avoir été sanctionné par les Nations Unies), et par Guillaume Soro (chef des Forces Nouvelles, et occupant actuellement le poste de Premier Ministre). Des étudiants, journalistes, diplomates, et défenseurs des droits humains ont dit à Human Rights Watch qu’en plus de répandre la terreur, la FESCI est devenue de fait une « mafia » qui utilise la violence pour contrôler l’activité économique sur le campus universitaire, avec une main mise absolue sur l’attribution de logements et de marchés sur le campus, apparemment sans crainte de devoir rendre de comptes.147

Dans des rapports précédents, Human Rights Watch a documenté comment la FESCI s’était livrée à des actes fréquents de harcèlement, d’intimidation et de violence contre les étudiants et autres groupes jugés par elle comme étant des partisans de l’opposition ou des Forces Nouvelles sur les campus universitaires et ailleurs à Abidjan.148 Ces pratiques ont réduit à la clandestinité l’association étudiante rivale, l’Association générale des élèves et étudiants de la Côte d’Ivoire (AGEE-CI). Des membres de l’AGEE-CI ont affirmé à Human Rights Watch que bien qu’ils signalent régulièrement les incidents de harcèlement et d’abus à la police, aucun fesciste n’a été poursuivi ou puni pour ces crimes jusqu’ici. Dans un entretien de juillet 2005, le leader de la FESCI, Serge Koffi Yao, a justifié les attaques en prétextant que « l’AGEE-CI n’est pas une organisation étudiante et nous ne pouvons pas les laisser se réunir sur le campus. C’est une organisation rebelle créée dans la zone rebelle et qui cherche à étendre ses tentacules jusqu’à l’université. »149

Plusieurs organisations locales des droits humains ont déclaré à Human Rights Watch qu’elles avaient peur de donner suite et de rendre publics les signalements de violences sexuelles et autres agressions sur le campus perpétrées par la FESCI, pour des raisons de sécurité. 150 Si Human Rights Watch a documenté plusieurs cas d’abus sexuels de la part de membres de la FESCI, nous pensons que le nombre et la fréquence des abus sexuels commis par ces individus est probablement très sous-estimé en raison des tabous comme de la peur des représailles.

Les entretiens de Human Rights Watch indiquent que des membres de la FESCI, dont au moins un « général » de la FESCI, ont été impliqués dans des actes de violence sexuelle. Par exemple, en juin 2005, une étudiante de l’AGEE-CI a été violée collectivement et brutalement sur le campus de Cocody à Abidjan, explicitement du fait de son militantisme à l’AGEE-CI.

J’ai été kidnappée par les mêmes membres de cette FESCI qui avaient torturé Habib Dodo à mort. Après m’avoir traînée dans tout le campus, à la recherche d’un « général » qui était censé leur dire quoi faire, ils sont finalement allés sur le vieux campus. Peu de temps après, ils m’ont fait subir un interrogatoire. Leurs questions essayaient de me faire avouer la collaboration de l’AGEE-CI avec les rebelles, et d’obtenir des informations sur les dirigeants. J’ai essayé de dire que je ne savais rien…Ils m’ont dit que j’étais fichue. Ils m’ont aussi donné des informations sur ma maison, ma vie privée, pour me montrer qu’ils savaient beaucoup de choses sur moi et que je ne pouvais pas leur échapper. Quand ils ont parlé [des membres de ma famille]…j’ai eu des frissons…Puis mon interrogateur leur a demandé « d’être efficaces » en m’enfermant avec quatre d’entre eux, et il leur a dit « Faites du boulot propre… » Ils m’ont battue. Ils m’ont dit qu’ils étaient entraînés pour tuer et qu’ils me tueraient si je ne parlais pas. Ils m’ont montré des tâches de sang sur le sol… et ils m’ont dit que c’était le sang de mes camarades qui avaient été torturés là peu de temps avant. Puis…un d’entre eux a insisté pour qu’ils me déshabillent de force et me fassent allonger, ce qui a été fait. J’ai compris tout de suite que c’était pour accomplir un plan diabolique. L’un d’eux m’a frappé la tête contre un mur, les autres me frappaient et me touchaient. J’ai hurlé jusqu’à me casser la voix mais c’était inutile…Mon violeur a pris sa place, me serrant la gorge à deux mains. Il m’étranglait…Il m’a couvert le visage avec un bout de chiffon et il m’a pénétrée. Tandis qu’il me violait j’essayais de lutter et de hurler, mais les autres me tenaient les pieds…Mon violeur me faisait mal. J’étais dégoûtée, j’avais mal et j’étais impuissante… [Après qu’ils m’ont laissée partir] ils m’ont interdit de retourner sur le campus et ils m’ont dit que mes études étaient finies…sous peine de mort.151

Une organisation locale des droits humains a documenté le viol collectif d’une autre étudiante militante d’un parti d’opposition par deux membres de la FESCI (dont un qu’elle a pu identifier) près de chez elle à Abidjan, peu après avoir participé à une manifestation antigouvernementale le 25 mars 2004. Cette étudiante a fait une déposition écrite et détaillée auprès de l’ONG, et que Human Rights Watch a vue. L’ONG a confirmé qu’il n’y avait eu aucune suite policière ou judiciaire de cette affaire.152

Trois étudiantes ont affirmé à Human Rights Watch qu’elles sont fréquemment victimes de harcèlement sexuel et d’intimidation de la part de la FESCI, et ont dit qu’elles pensaient que beaucoup d’autres femmes subissaient les mêmes menaces et les mêmes abus, surtout celles qui sont particulièrement belles.153 Cette affirmation a reçu l’écho d’un responsable du syndicat étudiant d’opposition, l’AGEE-CI.154 Selon les trois étudiantes interrogées individuellement par Human Rights Watch, et un entretien de groupe avec sept étudiantes, la FESCI est aussi impliquée dans une pratique généralisée d’exploitation et du harcèlement sexuel des étudiantes sur le campus. Les étudiantes ont dépeint un système de domination de la FESCI étendue à tout le campus, dans lequel des étudiantes peuvent être contraintes ou induites à avoir des relations sexuelles avec des représentants de la FESCI. Elles ont expliqué que l’impunité pour ces agressions est alimentée par le contrôle de la FESCI sur la distribution des chambres à la résidence universitaire. Les étudiantes interrogées ont aussi expliqué que les étudiantes les plus belles couraient le plus de risques : « Si tu es vraiment jolie et ils te veulent, c’est difficile de refuser…ils peuvent te créer beaucoup de problèmes, » a dit une étudiante qui a refusé de dire son nom ou son âge.155 Le Réseau intégré d’information régionale de l’ONU a cité une étudiante en droit déclarant « Dès qu’une fille leur plaît, ils envoient leurs types la chercher. Si elle refuse de se soumettre à eux, elle est expulsée de la résidence et empêchée d’aller sur le campus pour suivre ses cours. » 156

Quand Human Rights Watch a demandé à un groupe d’étudiantes comment elles pouvaient contacter l’administration de l’école pour obtenir une protection, contre des harcèlements sexuels, ou comment elles pouvaient signaler un pareil comportement pour obtenir des sanctions, les étudiantes interrogées se sont toutes mises à rire, et l’une d’elles a déclaré à Human Rights Watch : « Vous plaisantez ! L’université ne fera rien. » 157 De fait, les membres de la FESCI peuvent attaquer non seulement les étudiantes, mais aussi des professeurs et des cadres administratifs en toute impunité. Entre autres, un professeur a été défiguré lors d’une agression de la FESCI, ce qui a poussé ses collègues à arrêter le travail pendant deux semaines.158 Un autre exemple : en février 2007, le directeur de l’Université de Cocody nouvellement nommé et désigné par le ministère, a été battu par des membres présumés de la FESCI le jour même où il devait prendre ses fonctions, et a été gravement blessé à la tête.

Abus sexuels généraux facilités par l’impunité et le conflit

La nature prolongée de la crise politico-militaire ivoirienne a accru la vulnérabilité des femmes et des filles à de diverses formes de violence sexuelle et d’exploitation, y compris le viol par les civils, la prostitution des enfants, les abus sexuels commis par des enseignants, le mariage précoce et forcé, et les violences domestiques. De nombreuses femmes et filles ont expliqué à Human Rights Watch qu’elles avaient été amenées à faire le commerce du sexe ou à subir des relations abusives du fait de la pauvreté accrue causée par le conflit.

Les viols où les criminels sont inconnus et semblent être des civils ou des hommes armés sans affiliation évidente gouvernementale ou rebelle, sont semble-t-il de plus en plus élevés depuis la crise. De nombreux cas d’agression et d’exploitation sexuelles semblent avoir été facilités par l’effondrement du système juridique, la prolifération des armes, et le climat d’impunité générale.

Les déplacements et la pauvreté entraînés par le conflit en Côte d’Ivoire ont alimenté une augmentation importante de la prostitution, de l’exploitation sexuelle, et des abus sexuels à l’encontre des femmes et des enfants les plus vulnérables. On estime que la guerre a déplacé environ 1,7 million de personnes au sein du pays, et des centaines de milliers d’autres à l’étranger, souvent dispersant des familles, endommageant les réseaux qui les protègent traditionnellement et laissant les femmes ou les enfants se débrouiller subvenir seuls aux besoins des enfants qui sont souvent à leur charge, avec la responsabilité financière de la gestion des ressources du ménage. Les personnes déplacées à l’intérieur comme à l’extérieur du pays semblent être particulièrement vulnérables aux abus sexuels et à l’exploitation sexuelle.

Avec des taux de croissance économique moyens d’environ 7 pour cent pendant les 20 premières années de son indépendance, la Côte d’Ivoire faisait l’envie des pays du monde en développement.159 Cependant, son économie a été gravement endommagée par la guerre et par d’autres causes, appauvrissant des millions d’ivoiriens.160 De nombreuses femmes et filles se sont donc livrées au sexe de survie (sexe contre de l’argent, de la nourriture ou des services pour leurs familles ou pour elles-mêmes).

Une adolescente, qui avait 11 ans quand la guerre a commencé, a expliqué qu’après avoir été séparée de sa famille pendant la guerre, elle est devenue dépendante d’un homme qui a fini par devenir son « mari. »

Quand la guerre est arrivée, je me suis enfuie en brousse. J’avais 11 ans. J’ai perdu ma famille. Et en route un jeune m’a aidée, il m’a sauvée parce que je ne savais pas où aller. Alors depuis çà, je vis avec lui comme sa femme. La vie est dure.161

Les représentants d’organisations humanitaires nationales et internationales ont reconnu à l’unanimité qu’il y a une augmentation spectaculaire du sexe de survie et de l’exploitation sexuelle, qu’ils estiment être la conséquence directe de la pauvreté croissante et des déplacements massifs de populations.162 Plusieurs organisations de défense des droits de l’enfant ont fait état de l’augmentation du nombre d’enfants concernés par le commerce du sexe, et ont identifié des filles qui le pratiquent régulièrement à partir de 12 ans, et certaines ayant à peine 8 ans. Un représentant du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) a souligné que les personnes déplacées étaient particulièrement vulnérables, même après leur déplacement initial.163

En échange contre le sexe, beaucoup de femmes et de jeunes filles reçoivent de près petites sommes d’argent (1000 CFA,164 ou 2 $US) ou des denrées alimentaires, par exemple un paquet de biscuits, ou une assiette de nourriture. D’autres reçoivent des vêtements, des téléphones portables, du parfum ou des montres. Un représentant d’OCHA basé dans la ville de Man à l’ouest du pays a expliqué que certaines femmes et jeunes filles vendaient leur corps pour aussi peu qu’un repas : « Des femmes et des adolescentes vont passer la nuit avec un homme contre un plat de atchéké [un plat à base de manioc] ».165

Une femme qui a subi un viol collectif en 2002 commis par des forces pro-gouvernementales qui ont aussi assassiné son mari, se livre maintenant au sexe de survie :

J’ai fui au Mali. Nous nous sommes cachés pour nous échapper, dans un gros camion. Je vis seule dans ma chambre, chez une famille malienne, je paie quand je peux…Je dois me prostituer pour manger. Beaucoup de filles font ça, mais elles ne le disent pas. Je veux me tuer, je veux me suicider.166




14 Rapport d’une organisation locale [nom et détails dissimulés par Human Rights Watch], Côte d’Ivoire, 2004.

15 Entretien de Human Rights Watch avec un responsable d’une organisation humanitaire locale qui a été actif dans de nombreuse associations locales, Danané, Côte d’Ivoire, Septembre 2006.

16 Ibid.

17 Le Décret 2000-133 du 23 février 2000 relatif à l’organisation du Ministère de la Famille, de la femme et des affaires sociales a créé un Comité national de lutte contre la violence à l’égard des femmes et des enfants.

18 Entretiens de Human Rights Watch avec des activistes locaux des droits des femmes qui ont assisté à des présentations du Ministère de la Famille, de la femme et des affaires sociales et du Ministère de la Solidarité et des victimes de guerre, Man, Côte d’Ivoire, Septembre 2006.

19 Ibid.

20 Les Accords de paix de Marcoussis et d’Accra ont réduit le conflit armé en Côte d’Ivoire, et des hommes et des femmes ont commencé peu après à s’auto démobiliser.

21 Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d’une organisation humanitaire internationale, Man, Côte d’Ivoire, Septembre 2006.

22 Ibid. Les chiffres les plus bas sont enregistrés à Blédi Deya avec 28 pour cent de mères adolescentes parmi les filles interrogées. Les autres chiffres sont les suivants : Danané, 37 pour cent ; Zeaglo, 53 pour cent ; Bloléquin, 70 pour cent ; et Toulepleu, 75 pour cent.

23 La fraternité des dozos n’a pas d’équivalent dans le monde occidental. La personne d’un dozo chevauche plusieurs rôles : chasseurs, guérisseurs, magiciens, il inspire la crainte et fait partie d’une confrérie prestigieuse. Le rôle des dozos a une tradition centenaire, mais s’est quelque peu estompé pendant la construction des États post-coloniaux. L’importance des dozos émergea de façon plus prononcée à travers la sous région avec les guerres brutales des 1990s. Au Libéria et au Sierra Léone, les kamajors — qui ressemblent de près au dozos — se transformèrent en groupe armé incontournable durant les guerres de ces pays respectifs.

24 Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec Alain Lobognon, Secrétaire National à la Communication, le 10 avril 2007 ; Entretiens de Human Rights Watch avec un ancien porte parole : Aux alentours du mois de mars 2003, les leaders du MPCI à Bouaké ont envoyé des troupes pour expulser ou tuer les combattants libériens et sierra léonais à l’ouest, ainsi que leurs chefs « Félix Doh » (Ndri Koffi N’Guessan) et Sam Bockarie, soi-disant parce que ces forces étaient responsables pour de nombreuses violations graves qui étaient devenus une influence négative sur l’image des Forces Nouvelles. Le MPCI aurait mobilisé la Compagnie Guépard venue du nord sous le commandement de leur chef de guerre Chérif Ousmane pour aller à l’ouest ou ils expulsèrent et tuèrent les combattants étrangers du MPJ et MPIGO, assassinant même leur leader Félix Doh. Guillaume Soro aurait apparemment accompagné Ousmane à Danané, pour présenter Ousmane à la population, et demander le soutien des habitants.

25 Entretien enregistré en vidéo [archivé par Human Rights Watch], Libéria, Octobre 2006.

26 Ibid.

27 Entretien de Human Rights Watch et correspondance électronique, Monrovia, Libéria, Octobre 2006.

28 Entretiens de Human Rights Watch, Monrovia, Libéria, Octobre 2006.

29 Entretien de Human Rights Watch, Monrovia, Libéria, Octobre 2006.

30 Entretien de Human Rights Watch, Comté de Nimba, Libéria, Octobre 2006.

31 Entretien de Human Rights Watch, Monrovia, Libéria, Octobre 2006.

32 Entretien téléphonique de Human Rights Watch, Côte d’Ivoire, Septembre 2006.

33 Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec des sage femmes, Danané, Côte d’Ivoire, Septembre 2006.

34 Ibid.

35 Ibid.

36 Entretien de Human Rights Watch, Libéria, Octobre 2006.

37 Entretien de Human Rights Watch, Monrovia, Libéria, Octobre 2006.

38 Entretien de Human Rights Watch, Libéria, Octobre 2006.

39 Entretien de Human Rights Watch, Côte d’Ivoire, Septembre 2006.

40 Entretien de Human Rights Watch, Monrovia, Libéria, Octobre 2006.

41 Entretien de Human Rights Watch, Monrovia, Libéria, Octobre 2006.

42 Entretien de Human Rights Watch, Man, Côte d’Ivoire, Septembre 2006.

43 Entretien de Human Rights Watch, Monrovia, Libéria, Septembre 2006.

44 Ibid.

45 Entretien de Human Rights Watch, Comté de Nimba, Libéria, Octobre 2006.

46 Entretien de Human Rights Watch, Bamako, Mali, Octobre 2006.

47 Rapport d’une organisation humanitaire internationale, qui a préféré garder l’anonymat, fondé sur une étude de mars à juin 2006 sur la réinsertion dans la communauté de filles ayant été associées à différents groupes armés dans l’ouest de la Côte d’Ivoire, document non publié [ci-après, “Réinsertion d’anciennes filles soldats,” archivé par Human Rights Watch].

48 Ibid.

50 Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d’une organisation humanitaire internationale, Man, Côte d’Ivoire, Septembre 2006.

51 Entretien de Human Rights Watch, Monrovia, Libéria, Octobre 2006.

52 Entretien de Human Rights Watch, Côte d’Ivoire, Septembre 2006.

53 Entretien de Human Rights Watch, Côte d’Ivoire, Septembre 2006.

54 Entretiens de Human Rights Watch avec un membre du personnel d’une organisation humanitaire locale, Man, Côte d’Ivoire, Septembre 2006.

55 Entretien de Human Rights Watch, Monrovia, Libéria, Octobre 2006.

56 Entretien de Human Rights Watch, Côte d’Ivoire, Septembre 2006.

57 Ibid.

58 Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d’une organisation humanitaire locale, Man, Côte d’Ivoire, Septembre 2006.

59 Entretien de Human Rights Watch avec un ancien porte-parole des rebelles , Monrovia, octobre 2006.

60 Entretiens de Human Rights Watch avec des responsables de réfugiés ivoiriens, Libéria, Octobre 2006.

61 Entretien de Human Rights Watch avec plus d’une dizaine de membres du personnel d’une organisation humanitaire internationale, Man, Côte d’Ivoire, Septembre 2006.

62 Les rapports sur d’autres meurtres de femmes et de filles enlevées par des forces fidèles au président libérien d’alors, Charles Taylor, méritent plus ample investigation. Ces rapports suggèrent que beaucoup de femmes et de filles enlevées ivoiriennes et autres pourraient avoir été tuées dans la ville libérienne de Ganta, quand les forces gouvernementales libériennes, agissant semble-t-il sur les ordres du président libérien d’alors Charles Taylor, ont assassiné son ancien allié.

63 Entretien de Human Rights Watch et correspondance email, Monrovia, Libéria, Octobre 2006.

64 Entretien de Human Rights Watch, Côte d’Ivoire, Septembre 2006.

65 Entretien de Human Rights Watch, Monrovia, Libéria, Septembre 2006.

66 Entretien de Human Rights Watch avec un ancien porte-parole des rebelles, Monrovia, Liberia, October 2006.

67 Entretien de Human Rights Watch, Côte d’Ivoire, Septembre 2006.

68 Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d’une organisation de femmes locale, Danané, Côte d’Ivoire, Septembre 2006.

69 Entretiens de Human Rights Watch avec un membre du personnel d’une organisation locale, Man, Côte d’Ivoire, Septembre 2006.

70 Entretiens de Human Rights Watch avec un membre du personnel d’une organisation locale, Man, Côte d’Ivoire, Septembre 2006.

71 Entretien de Human Rights Watch avec Joseph Djitro, membre du personnel du Haut commissariat des Nations Unies aux Réfugiés (UNHCR), Guiglo, Côte d’Ivoire, 29 septembre 2006.

72 Entretiens de Human Rights Watch, Abidjan, Côte d’Ivoire, Septembre 2006.

73 Entretiens de Human Rights Watch, Abidjan, Côte d’Ivoire, Septembre 2006.

74 Entretien de Human Rights Watch, Comté de Nimba, Libéria, Octobre 2006.

75 ONUCI, Division des Droits de l’Homme, Situation des droits de l’homme en Côte d’Ivoire, Rapport n° 6, mai – juin – juillet - août 2006, publié en 2007. Ce rapport nota que la situations des droits humains est particulièrement alarmante dans la Zone de confiance, où les violences intercommunale et interethnique “continuent de plonger la population dans une insécurité rampante,” avec des criminels, des hommes armés, des milices appelées "Cocos taillés", des Dozos, et d’autres groupes armés agissant dans une impunité totale. L’ONUCI a signalé des assassinats, des meurtres, des extorsions et des vols, des enlèvements, des disparitions, et autres atteintes à l’intégrité physique dans la Zone de confiance, qui continuent à déclencher le déplacement forcé des populations. Dans les zones rebelles, l’ONUCI a constaté de fréquentes exécutions sommaires et détentions d’espions supposés, et a reçu des signalements de viols.

76 Entretien de Human Rights Watch avec des représentants de la société civile et des travailleurs humanitaires actifs dans la partie de la Côte d’Ivoire sous contrôle des rebelles, Côte d’Ivoire, Septembre 2006.

77 L’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire (ONUCI) a remplacé la Mission des Nations Unies en Côte d’Ivoire (MINUCI) le 4 avril 2004.

78 Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec Alain Lobognon, Secrétaire national des Forces Nouvelles aux Communications, 10 avril 2007.

79 ONUCI, Division des Droits de l’Homme, Situation des droits de l’homme en Côte d’Ivoire, Rapport n° 6, mai – juin – juillet - août 2006, publié en 2007, p. 21.

80 Entretiens de Human Rights Watch avec la responsable d’une organisation locale des femmes, Abidjan, Côte d’Ivoire, Septembre 2006.

81 ONUCI, Division des Droits de l’Homme, Rapport sur la Situation des droits de l’homme en Côte d’Ivoire, janvier – février – mars – avril 2006, publié en juin 2006. pp. 31-36; ONUCI, Division des Droits de l’Homme, Rapport sur la Situation des droits de l’homme en Côte d’Ivoire, août – septembre – octobre – novembre – décembre 2005, publié en février 2006, pp. 27-29; ONUCI, Division des Droits de l’Homme, Rapport sur la Situation des droits de l’homme en Côte d’Ivoire, mai – juin – juillet 2005, publié en octobre 2006, pp.29-33.

82 Human Rights Watch, Pris entre deux guerres, pp 24-25.

83 Ibid, p. 24.

84 Les groupes ethniques considérés comme fidèles au gouvernement ou simplement hostiles aux Forces Nouvelles pouvaient inclure les Baoulés, les Bétés, les Guérés, ou les Krous.

85 Au cours de la prise de contrôle par les rebelles du nord et du centre de la Côte d’Ivoire en septembre et octobre, de nombreuses atrocités ont été commises. Le nombre de violations des droits humains reste difficile à calculer. Les rebelles auraient arrêté et tué de grands nombres et peut-être des centaines de personnes affiliées à la police et au gouvernement. Les forces pro-gouvernementales ont alors brièvement repris la ville de Bouaké et la région environnante, procédant à des exécutions sommaires de nombreux partisans présumés des rebelles, brûlant et exposant leurs corps dans les rues. Quelques jours plus tard, le 8 octobre 2002, quand les rebelles ont repris définitivement Bouaké, ils ont commis des exécutions similaires en représailles, prenant pour cible aussi bien les forces pro-gouvernementales armées que les civils qui avaient montré leur soutien au gouvernement. Ces atrocités ont déclenché un déplacement massif de population. On évalue à environ  200 000 au moins le nombre de personnes qui ont fui la seule ville de Bouaké, beaucoup appartenant au groupe ethnique des Baoulés ou à d’autres groupes originaires du sud, qui ont fui en partie de peur que les rebelles, appartenant surtout aux Sénoufous ou à d’autres groupes ethniques du nord, ne commettent des exactions contre eux. Voir Human Rights Watch, Pris entre deux guerres .

86 Entretien de Human Rights Watch avec un responsable d’une organisation humanitaire locale, Korhogo, Côte d’Ivoire, octobre 2006.

87 Entretiens téléphoniques de Human Rights Watch avec des sages-femmes et des travailleurs sociaux qui avaient été basés à Yamoussoukro, septembre 2006-mars 2007.

88 Amnesty International, « Côte d’Ivoire – Les femmes, victimes oubliées du conflit, » AI Index: AFR 31/001/2007, 15 mars 2007, http://web.amnesty.org/library/Index/ENGAFR310012007.

89 Ibid.

90 Ibid, p. 10.

91 Ibid.

92 Ibid.

93 Un crime particulièrement flagrant attribué au commandant Fofié est le massacre bien documenté en juin 2004 de plus de 100 personnes, des combattants rebelles dissidents pour la plupart, dont il a été établi qu’une soixantaine sont morts de suffocation, après avoir été enfermés dans des containers de marchandises pendant plusieurs jours, sans eau ni nourriture. Voir, Commission d’enquête internationale sur les allégations de violations des droits de l’homme en Côte d’Ivoire, Rapport sur la situation des droits de l'homme en République de Côte d’Ivoire depuis le 19 septembre 2002 jusqu’au 15 octobre 2004 conformément aux dispositions de l’annexe VI de l’Accord de Linas-Marcoussis et à la Déclaration du Président du Conseil de Sécurité du 25 mai 2004, (PRST/2004/17), p. 38. (dorénavant cité comme « Commission d’enquête, Rapport sur la situation des droits de l'homme”).

94 « Côte d’Ivoire : Profils de trois ivoiriens faisant face aux sanctions onusiennes » (“Côte d’Ivoire: Profiles of three Ivorians facing UN sanctions,”) IRIN, 8 février 2006, disponible à http://www.globalsecurity.org/military/library/news/2006/02/mil-060208-irin04.htm.

95 Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec un membre du personnel d’une organisation humanitaire locale, Abidjan, Côte d’Ivoire, 16 janvier 2007.

96 Les zones qui ont été le plus durement touchées dans l’ouest et le sud de la Côte d’Ivoire semblent être les régions administratives des 18 Montagnes, Moyen Cavally, Bas-Sassandra, et Haut-Sassandra, et les villes de Duékoué, Guiglo, Blolequin, Toulepleu, Tai, Tabou, Vavoua et Daloa.

97 Human Rights Watch, Pris entre deux guerres , p. 7-8. Human Rights Watch et d’autres ont documenté bon nombre de ces crimes, par exemple le massacre de plus de 60 civils par des mercenaires libériens et des troupes gouvernementales à Bangolo début mars 2003, le massacre de plus de 50 civils à Daloa en octobre 2002, et le massacre d’une centaine de civils à Monoko Zohi en novembre 2002.

98 Human Rights Watch, Côte d’Ivoire : Le coût de l’impasse politique pour les droits humains , Décembre 2005, disponible en ligne à http://hrw.org/backgrounder/africa/Côte1205/index.htm.

99 Ibid.

100 Ibid.

101 Human Rights Watch a déjà documenté la prolifération des milices pro-gouvernementales, ainsi que leur rôle et leur pouvoir croissant, dans des recherches antérieures. Voir, Human Rights Watch, Côte d’Ivoire – Les milices commettent des abus en toute impunité, 27 novembre 2003, disponible en ligne à http://hrw.org/english/docs/2003/11/27/cotedi6541.htm.

102 Human Rights Watch, Le coût de l’impasse politique pour les droits humains.

103 Le nom « Lima » vient peut-être du fait que Lima est le code dans l’alphabet radio pour la lettre « L » utilisée pour désigner les libériens.

104 Une combinaison de forces rebelles s’est emparée de Man le 28 novembre 2002. Le gouvernement a contre-attaqué et a réussi à reprendre Man le 30 novembre 2002. Les forces loyalistes ont alors tenu Man pendant deux semaines au moins, jusqu’à ce que la ville soit reprise par les rebelles le 19 décembre 2002.

105 Entretien de Human Rights Watch avec la présidente d’une association de femmes, Bamako, Mali, Octobre 2006.

106 Entretiens de Human Rights Watch avec des travailleurs humanitaires et sanitaires, Man, Côte d’Ivoire, Septembre 2006.

107 Entretien de Human Rights Watch, Comté de Nimba, Libéria, Octobre 2006.

108 Human Rights Watch, Parce qu’ils ont les fusils…il ne me reste rien : Le prix de l’impunité persistante en Côte d’Ivoire, Volume 18 No. 4 (A), mars 2006.

109 Entretiens de Human Rights Watch avec un échantillon pris au hasard de 14 femmes Burkinabés qui ont fui la Côte d’Ivoire à différents moments de la guerre et de la crise, Burkina Faso, Octobre 2006.

110 Joshua A. Strozeski, « Le rôle des conflits fonciers dans les conflits entre communautés Bétés et Burkinabées dans la région forestière du centre ouest de la Côte d’Ivoire », (“The Role of Land Ownership in Localized Conflicts Between Bété and Burkinabé Households in the Central Western Forest Regions of Côte d’Ivoire”) (Washington, D.C.: Thèse rendue au Département d’études africaines de l’Université de Howard), (Faculty of the Graduate School of Howard University Department of African Studies) document non publié reçu par Human Rights Watch, mai 2006, p. 142. Cette thèse est basée sur des études entreprises à Gboghue, Yokorea, Gripazo, Niapoyo/Koneadougou, Sorohio, à Valua, ainsi qu’à Abidjan, et ailleurs dans la sous région).

111 Entretien de Human Rights Watch, Burkina Faso, Octobre 2006.

112 Entretien de Human Rights Watch avec Koné Nabalassé, Préfet de police de Korhogo, Korhogo, Côte d’Ivoire, Octobre 2006.

113 Entretien de Human Rights Watch avec un témoin, Abidjan, Côte d’Ivoire, septembre 2006.

114 Entretien de Human Rights Watch avec plusieurs leaders du parti RDR, Abidjan, Côte d’Ivoire, septembre 2006.

115 Entretien de Human Rights Watch avec un témoin, Bamako, Mali, octobre 2006.

116 Human Rights Watch, Côte d’Ivoire : le gouvernement prend les civils pour cibles, vol. 14, no.9(A), novembre 2002, note de bas de page 20: “Informations provenant d'agences humanitaires a Abidjan.”

117 Human Rights Watch, Côte d'Ivoire : le gouvernement prend les civils pour cibles, vol. 14, no.9(A), novembre 2002; « Des centaines de soldats ont investi hier des bidonvilles », Le Jour, 12 décembre 2002, p. 2; Human Rights Watch, Pris entre deux guerres , pp. 9-10.

118 Rapport anonyme non publié par une organisation internationale humanitaire, archivé par Human Rights Watch. (Violence sexuelle dans les 18 Montagnes ).

119 Entretien de Human Rights Watch avec des membres du personnel d’une organisation humanitaire internationale, Guiglo, Côte d’Ivoire, 29 septembre 2006.

120 Ibid.

121 Entretien de Human Rights Watch avec un témoin, Comté de Nimba, Libéria, octobre 2006.

122 Entretien de Human Rights Watch avec la présidente d’une organisation locale, Abidjan, Côte d’Ivoire, septembre 2006.

123 Entretien de Human Rights Watch avec des membres du personnel d’une organisation humanitaire internationale, Abidjan et Guiglo, Côte d’Ivoire, septembre 2006.

124 Déclaration non publiée d’une victime auprès d’une organisation locale de défense des droits humains, archivée par Human Rights Watch, Abidjan, Côte d’Ivoire, octobre 2005.

125 Entretien de Human Rights Watch avec un témoin, Abidjan, Côte d’Ivoire, septembre 2006.

126 Entretiens de Human Rights Watch avec des sources demandant l’anonymat, des représentants d’un groupe local de défense des droits humains impliqué, et la déposition du témoin, Abidjan, Côte d’Ivoire, septembre 2006. Les officiers consulaires ont dit à Human Rights Watch que le policier impliqué dans cette agression était un récidiviste notoire, qui avait été impliqué dans de nombreux viols alors qu’il était en service.

127 Entretiens par téléphone et en personne de Human Rights Watch avec la présidente d’une organisation locale des droits humains, Bamako, Mali, octobre 2006.

128 Entretiens de Human Rights Watch avec une source voulant rester anonyme, Abidjan, Côte d’Ivoire, septembre 2006.

129 Entretien de Human Rights Watch avec quatre femmes responsables d’une organisation des femmes, Abidjan, Côte d’Ivoire, septembre 2006.

130 Entretien de Human Rights Watch avec un témoin, Burkina Faso, octobre 2006.

131 Strozeski, Conflits fonciers, pp. 142.

132 Meera Selva, « Des émeutiers violent des européennes qui fuyaient la Côte d’Ivoire » (Rioters Rape Europeans As They Flee From Ivory Coast), The Independent (UK), 13 novembre 2004; Marie-Amélie Lombard-Latune et Christophe Cornevin, « Des plaintes pour viol déposées en justice ,» Le Figaro, 13 novembre 2004.

133 « Entretien avec le Général Henri Bentégeat, » Europe-1, 12 novembre 2004.

134 Selva, « Des émeutiers violent des européennes qui fuyaient la Côte d’Ivoire » et Lombard, « Des plaintes pour viol déposées en justice ».

135 Nouvelles à la radio France-Inter, 12 novembre 2004.

136 Deux cent trente-sept plaintes ont été enregistrées au tribunal français de Bobigny (Seine-Saint-Denis, près de l’aéroport Roissy Charles-de-Gaulle) le 1er février 2005, dont trois pour viol et une pour tentative de viol. Les affaires ont été traitées et étaient en cours au moment de la rédaction de ce rapport.

137 Human Rights Watch, Le nouveau racisme.

138 Ibid.

139 Commission d’enquête, Rapport sur la situation des droits de l'homme, p. 52.

140 Ibid, pp. 36-37.

141 Pour une discussion sur les listes de noms, voir Human Rights Watch, Pris entre deux guerres. Ce rapport de Human Rights Watch nota que le fait de prendre pour cibles les sympathisants de l’opposition politique et les sympathisants présumés des rebelles a parfois été accompli avec préméditation et planification. De nombreux témoins ont affirmé à Human Rights Watch qu’il existait des listes de noms circulant entre les unités des forces armées gouvernementales à Daloa, Guiglo, Vavoua et ailleurs. Dans plusieurs cas, des témoins ont pris la fuite après avoir été avertis de l’existence de ces listes par des contacts amicaux qu’ils avaient dans le gouvernement. Dans la plupart des cas, ces listes semblent avoir été créées avec l’aide de villageois locaux et de citadins favorables au gouvernement. Dans certains cas cependant, les noms sur les listes ont pu provenir d’Abidjan.”  

142 Entretien de Human Rights Watch, Bamako, Mali, octobre 2006.

143 Entretien tourné en vidéo au Mali et archivé par Human Rights Watch, octobre 2006.

144 Entretien de Human Rights Watch avec un témoin, Bamako, Mali, Octobre 2006.

145 Entretien de Human Rights Watch avec un témoin, Bamako, Mali, octobre 2006.

146 Entretien de Human Rights Watch avec des sources voulant rester anonymes, Abidjan, Côte d’Ivoire, septembre 2006.

147 Human Rights Watch, Parce qu’ils ont les fusils, Note de bas de page 41: Entretiens de Human Rights Watch avec des diplomates, des journalistes et des défenseurs des droits humains, Abidjan, septembre - octobre 2005.

148 Human Rights Watch, Le coût de l’impasse politique pour les droits humains ; Human Rights Watch, Parce qu’ils ont les fusils.

149 « Côte d’Ivoire: Le campus universitaire divisé par des violences politiques » (“Côte d’Ivoire: University Campus Polarized by Political Violence"), IRIN, 29 juillet 2005.

150 Entretien de Human Rights Watch avec des organisations ivoiriennes de défense des droits humains, Abidjan, Côte d’Ivoire, septembre 2006.

151 Entretiens de Human Rights Watch, Abidjan, Côte d’Ivoire, septembre 2006.

152 Entretien de Human Rights Watch avec des représentants d’une organisation locale des droits humains], Abidjan, Côte d’Ivoire, septembre 2006.

153 Entretiens de Human Rights Watch, Abidjan, Côte d’Ivoire, septembre 2006.

154 Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec un responsable du syndicat étudiant d’opposition AGEE-CI, Abidjan, Côte d’Ivoire, septembre 2006.

155 Entretiens de Human Rights Watch, Abidjan, Côte d’Ivoire, septembre 2006.

156 « Côte d’Ivoire: Violence sur le campus universitaire » (“Côte d’Ivoire: Violence on University campus,”) IRIN, 23 février 2007.

157 Entretiens de Human Rights Watch, Abidjan, Côte d’Ivoire, septembre 2006.

158 « Côte d’Ivoire: Violence sur le campus universitaire », IRIN, 23 février 2007.

159 Jean-Claude Berthelemy et François Bourguignon, Le développement et la crise en Côte d’Ivoire, (Growth and Crisis in Côte d’Ivoire) (Washington DC: The World Bank Press, 1996).

160 Les autres causes sont la chute du prix du cacao sur le marché mondial, la corruption (Hofnung, Dix clés, p. 9.), et la déforestation la plus rapide dans aucun pays du monde depuis le milieu des années 50 (M. P. E. Parren et N. R. de Graaf, The Quest for Natural Forest Management in Ghana, Côte d’Ivoire and Libéria, (Wageningen: Wageningen Agricultural University Press, 1995), p. 29., selon lequel le taux moyen annuel de déforestation, en pourcentage de la forêt restante, est passé de 2,4 pour cent en 1956 – 65 à 7,3 pour cent en 1981 – 85, soit plus de dix fois la moyenne tropicale globale de 0,6 pour cent.

161 Entretiens de Human Rights Watch avec une mineure victime d’exploitation sexuelle, Côte d’Ivoire, septembre 2006.

162 La quasi-totalité des dizaines de représentants d’ONG nationales et internationales, interrogés individuellement à propos de la prostitution et de l’exploitation sexuelle, ont dit à Human Rights Watch qu’ils estimaient que toutes deux avaient augmenté de façon spectaculaire en 2002, avec le début du conflit, conséquence directe de la pauvreté et des déplacements massifs de population.

163 Entretien de Human Rights Watch avec Joseph Djitro, membre du personnel du Haut Commissariat des Nations Unies aux réfugiés (UNHCR), Guiglo, Côte d’Ivoire, 29 septembre 2006.

164 Le franc CFA (ou plus familièrement appelé simplement “franc”) est une devise utilisée dans 12 pays africains autrefois sous domination française, ainsi qu’en Guinée-Bissau (ancienne colonie portugaise) et en Guinée équatoriale (ancienne colonie espagnole).

165 Entretien de Human Rights Watch avec Boni M’Paka, membre du personnel du Bureau de la Coordination des affaires humanitaires (OCHA), Man, Côte d’Ivoire, 24 septembre 2006.

166 Entretiens de Human Rights Watch, Bamako, Mali, octobre 2006.