Rapports de Human Rights Watch

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II. Recommandations

Recommandations pour la période pré-électorale

Au gouvernement de la République démocratique du Congo

  • Protéger les enfants de la rue pendant la période électorale. Le gouvernement devrait rappeler aux partis politiques les obligations qui leur incombent en vertu du code de bonne conduite et leur interdire d'utiliser des enfants dans des activités qui les exposent au danger. En collaboration avec les agences nationales et internationales de protection de l'enfance, le gouvernement devrait utiliser les réseaux urbains existants pour établir le contact avec les enfants de la rue et les prévenir des risques qu'ils encourent en participant à des manifestations politiques.
  • Faire en sorte que le personnel des forces de l'ordre, lorsqu'il encadre des manifestations politiques, respecte le droit de manifester pacifiquement. Si la situation requiert le recours à la force, la police et l'armée devraient mettre en œuvre des moyens non violents avant de recourir à l'usage d'armes, notamment d'armes à feu, et si l'usage de ces dernières se révèle nécessaire, il devrait être réduit au minimum indispensable. Il faudrait veiller tout particulièrement à ne pas blesser ou faire de mal aux enfants. Les forces de l'ordre devraient se conformer aux normes internationales régissant la conduite de la police telles que stipulées dans les Principes de base des Nations Unies (ONU) sur le recours à la force et l'utilisation des armes à feu par les responsables de l'application des lois ainsi que dans le Code de conduite des Nations unies pour les responsables de l'application des lois.
  • Eduquer et former tous les policiers aux questions liées aux enfants de la rue. Sensibiliser la police aux besoins spécifiques des enfants afin de veiller à ce que les droits garantis aux enfants soient respectés. Une attention spéciale doit être accordée à la protection des enfants de la rue contre les adultes qui leur font subir des sévices corporels et sexuels.
  • Mettre fin à la pratique des rafles et des arrestations arbitraires d'enfants de la rue. Le gouvernement devrait amender ou abroger les lois relatives à la délinquance juvénile et datant de l'époque coloniale qui criminalisent le vagabondage et la mendicité des enfants. Il devrait, au contraire, promouvoir la réinsertion familiale et l'aide aux enfants vulnérables.

Aux agences des Nations Unies travaillant en RDC, notamment la Mission de l'ONU en RDC (MONUC)

  • Travailler avec le gouvernement pour protéger les enfants de la rue pendant la période électorale. Faire fond sur les succès déjà engrangés lors des événements de juin 2005 en matière de protection des enfants de la rue contre toute utilisation abusive à des fins politiques et, en se servant des réseaux urbains existants, œuvrer aux côtés du gouvernement et des organisations non gouvernementales congolaises pour veiller à ce que les enfants de la rue ne soient pas manipulés ni utilisés abusivement au cours du processus électoral.

Aux gouvernements bailleurs de fonds de la RDC

  • Faire part de leur inquiétude quant à la façon dont la RDC traite les enfants de la rue et les violences dont ils sont victimes. Lors de rencontres bilatérales avec les autorités congolaises, les bailleurs de fonds devraient insister, auprès du gouvernement et des leaders des partis politiques, sur le besoin de protéger les enfants de la rue pendant le processus électoral. Ils devraient user de leur influence pour que le gouvernement réclame des comptes au personnel des forces de l'ordre qui commettent des abus à l'égard des enfants, notamment en les extorquant et en leur faisant subir des sévices corporels et sexuels.

  • Mettre l'accent sur la protection des enfants de la rue lors de la formation des policiers. Veiller à ce que la protection des enfants soit incluse dans les programmes de formation qui sont financés par les bailleurs de fonds et visent à apprendre aux forces de police à contenir les foules et à maintenir l'ordre en général.

Recommandations pour la période post-électorale

Au gouvernement de la République démocratique du Congo

  • En collaboration avec les agences internationales de protection de l'enfance, lancer une campagne nationale de conscientisation qui s'attaque aux violences et aux abus dont sont victimes les enfants accusés de sorcellerie. Les programmes mis en place devraient souligner le rôle important que les parents et les tuteurs peuvent jouer dans la protection des enfants et leur rappeler que l'abandon, les sévices et les accusations de sorcellerie sont punies par la loi.

  • Lancer une campagne de sensibilisation et de prévention du VIH/SIDA qui réfute en particulier la croyance selon laquelle la sorcellerie est un vecteur de transmission du virus. Avec la coopération des agences de l'ONU et des organisations non gouvernementales nationales et internationales, les messages et campagnes de prévention du VIH/SIDA devraient tenter de venir à bout de l'idée erronée selon laquelle le VIH/SIDA se transmet par la sorcellerie. Les messages de prévention devraient fournir des informations précises sur la façon dont la maladie est contractée et sur la manière dont les gens, notamment les jeunes, peuvent se protéger du virus.

  • Créer un groupe de travail gouvernemental dirigé par de hauts fonctionnaires et chargé de se consacrer aux questions liées aux enfants de la rue. Le groupe de travail devrait servir de noyau central responsable de coordonner les campagnes de sensibilisation, de promouvoir la protection des enfants de la rue et de superviser les pratiques en matière de maintien de l'ordre. Le gouvernement devrait solliciter des financements internationaux pour la mise sur pied du groupe de travail qui devrait aussi compter en son sein des membres d'organisations non gouvernementales nationales et internationales.

  • Finaliser et adopter le projet de code de protection de l'enfant actuellement en cours de révision. L'une des priorités du gouvernement devrait être de compléter la révision du code des enfants qui prévoit une protection et des garanties contre bon nombre de violations des droits humains liées aux enfants de la rue, et mises en lumière dans le présent rapport.

  • Mettre fin aux rafles et arrestations arbitraires d'enfants de la rue. Faisant fond sur les initiatives mises en place par le gouvernement de transition, le nouveau gouvernement élu devrait amender ou abroger les lois relatives à la délinquance juvénile qui datent de l'époque coloniale et criminalisent le vagabondage et la mendicité des enfants. Le gouvernement devrait, au contraire, promouvoir la réinsertion familiale et l'aide aux enfants vulnérables.

  • Faire respecter l'interdiction pour le personnel policier et militaire de commettre des sévices corporels ou sexuels. Le gouvernement devrait exploiter toutes les dispositions de la loi pour poursuivre en justice tout agent de l'Etat reconnu coupable d'actes de ce genre. Des enquêtes devraient être menées sans délai à propos des plaintes concernant l'utilisation et la maltraitance des enfants de la rue et des mesures disciplinaires ainsi que des procédures pénales devraient être ordonnées s'il y a lieu.

  • Etendre à toutes les principales villes les unités spéciales de la police chargées de la protection de l'enfance. Reconnaissant le rôle positif que jouent dans l'Est de la RDC les policiers membres des unités de protection des enfants en accélérant le traitement des dossiers concernant des enfants, en limitant les exactions à leur encontre, et en promouvant la réconciliation avec les membres de leur famille, le gouvernement devrait créer des unités similaires dans d'autres zones urbaines du pays.

  • Veiller à ce que chaque enfant privé de liberté soit détenu séparément des adultes. Les enfants devraient bénéficier d'un accès rapide à une assistance juridique et jouir du droit de contester la légalité de leur privation de liberté. L'arrestation, la détention et l'emprisonnement d'enfants devraient toujours constituer des mesures de dernier ressort et uniquement pour une période aussi courte que possible. Les enfants devraient être protégés contre toutes les formes de torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants commis par des policiers, des fonctionnaires et autres employés de l'Etat, et par d'autres détenus.

  • Comme alternative à la prison, réhabiliter les centres pour enfants en conflit avec la loi. Dix des douze centres créés pour accueillir les délinquants juvéniles tombent en ruines et sont mal employés. L'Etat devrait les réaménager et les rouvrir afin de procurer des alternatives aux enfants en conflit avec la justice et il devrait veiller à ce que les centres promeuvent la réinsertion et procurent une éducation et des soins de santé suffisants.

  • Entamer immédiatement des enquêtes dans les églises qui pratiquent des cérémonies de délivrance au cours desquelles les enfants subissent des violences. Les pasteurs ou prophètes qui commettent des violences physiques or sexuelles sur des enfants devraient être arrêtés, inculpés et jugés sans délai devant un tribunal impartial. Les accusés devraient recevoir la peine maximale prévue par la loi comme le stipule la constitution récemment ratifiée et adoptée, qui interdit d'accuser des enfants de sorcellerie, de les abandonner et de les maltraiter.

  • Enquêter à propos des cas de maltraitance d'enfants dans les foyers où les parents ou les tuteurs auraient commis des violences physiques ou sexuelles sur des enfants. Une attention particulière devrait être accordée aux cas de violences liées à la sorcellerie et à l'abandon d'enfants, interdites par l'Article 41 de la constitution récemment ratifiée. Ces dossiers devraient être immédiatement transmis au personnel judiciaire ou des affaires sociales compétent.

  • Faire de l'enseignement primaire pour chaque enfant de RDC une priorité. Reconnaissant le lien entre le manque de possibilités de scolarité et le nombre d'enfants vivant et travaillant dans les rues, le gouvernement devrait veiller à ce que tous les enfants jouissent de leur droit à l'éducation primaire gratuite. Il devrait élaborer et mettre en place une stratégie nationale visant à réduire progressivement et à éliminer les frais de scolarité et autres dépenses connexes qui empêchent les enfants de RDC de fréquenter l'école.

Aux agences des Nations Unies travaillant en RDC, notamment la MONUC

  • Aider le gouvernement à promouvoir les articles de la nouvelle constitution relatifs à la protection des enfants. En coopération avec le gouvernement, lancer des campagnes de sensibilisation qui s'attaquent à la violence et en particulier aux mauvais traitements infligés aux enfants accusés de sorcellerie. Ces programmes devraient mettre en lumière le rôle important que peuvent jouer les parents et tuteurs dans la protection des enfants et rappeler aux parents que l'abandon, les violences et les accusations de sorcellerie sont punies par la loi.

  • Promouvoir les campagnes nationales de sensibilisation au VIH/SIDA qui s'attaquent à la croyance selon laquelle le virus peut être transmis par la sorcellerie. Les messages de prévention devraient réfuter l'idée que le VIH/SIDA se transmet par la sorcellerie et ils devraient lutter contre d'autres croyances et pratiques locales susceptibles de propager l'épidémie et d'attiser la violence à l'égard des enfants. Les campagnes nationales devraient fournir des informations précises sur la façon dont la maladie est contractée et expliquer en long et en large comment les gens, notamment les jeunes, peuvent se protéger du virus.

Aux gouvernements bailleurs de fonds de la RDC

  • Soutenir les programmes globaux de lutte contre le VIH/SIDA. Les bailleurs de fonds devraient financer les programmes qui:

      o procurent un traitement et des soins aux personnes vivant avec le SIDA;

      o renforcent les protections légales en matière d'héritage;

      o sensibilisent en général à la problématique du VIH/SIDA, réfutant les mythes et combattant la stigmatisation et la discrimination;

      o assistent les orphelins du sida; et

      o lancent des campagnes de prévention qui visent non seulement à diffuser des informations précises et complètes mais également à réduire la vulnérabilité des jeunes face à la maladie.

  • Travailler en coopération avec le gouvernement afin de promouvoir les droits des enfants. Les bailleurs de fonds de la RDC devraient envisager d'allouer des aides pour:

      o la formation du personnel de la police et des forces de l'ordre en matière de droits de l'enfant et de traitement des affaires impliquant des mineurs;

      o la création d'un groupe de travail regroupant des hauts fonctionnaires et chargé de coordonner l'action gouvernementale pour les questions liées aux enfants de la rue;

      o l'amélioration des conditions dans tous les établissements de détention où sont internés des enfants, notamment le réaménagement de centres qui peuvent constituer des alternatives aux prisons d'adultes pour les enfants en conflit avec la loi;

      o les programmes qui recherchent les enfants de la rue en vue de leur apporter une assistance et qui facilitent leur réinsertion dans leur famille; et

      o l'enseignement afin d'aider le gouvernement à inscrire tous les enfants à l'école. Dans ce sens, des financements devraient être versés pour aider le gouvernement à combler tout manque à gagner découlant de la suppression des frais de scolarité primaire et autres frais connexes payés par les parents ou les tuteurs.



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