Rapports de Human Rights Watch

I. Résumé

De septembre 2005 à septembre 2006, l’agence de renseignement d’état du Burundi, appelée maintenant Service National de Renseignement (SNR), semble avoir été responsable de l’exécution extrajudiciaire d’au moins 38 personnes, et en a torturé et mis en détention arbitrairement environ 200 autres. Ces graves exactions ont largement été perpétrées en toute impunité.1 

Un nouveau gouvernement est entré en fonction en août 2005 mais sa première année au pouvoir a été marquée par une lutte continuelle avec le dernier groupe rebelle à demeurer actif, les Forces Nationales pour la Libération (FNL). Une campagne menée avec rudesse pour punir les partisans des FNL a entraîné des mauvais traitements pour de nombreux civils de la part des forces gouvernementales, en particulier des agents du SNR.

La législation actuelle octroie aux agents du SNR un mandat d’investigation vague et large, et subordonne les agents à deux autorités différentes, l’administrateur général du SNR et le bureau du Procureur. L’administrateur général du SNR rend compte directement au président du Burundi.

Les agents du renseignement sont connus pour être particulièrement brutaux dans l’exécution de leurs missions et pour agir souvent en dehors de la loi. Il n’y a pas de mécanisme de contrôle externe par le Parlement, et les défenseurs des droits humains ont rarement obtenu d’avoir accès aux détenus à l’intérieur des installations du SNR durant l’année dernière.

Récemment, les autorités gouvernementales ont arrêté un agent du SNR et un collaborateur du SNR soupçonnés d’avoir commis des exactions dans deux cas particulièrement flagrants pour lesquels des enquêtes seraient en cours.  L’arrestation de l’agent du SNR était liée à la « disparition » et au meurtre présumé d’une trentaine de personnes en juillet et août 2006. Dans l’autre cas, cinq arrestations ont été faites pour l’exécution de quatre hommes qui se trouvaient à la garde de l’Etat au moment de leur mort, et l’un des individus arrêtés se trouvait en possession d’une attestation d’affiliation au SNR. Il est nécessaire d’agir énergiquement pour enquêter sur les exactions et poursuivre ceux qui les commettent.

Les procureurs civils devraient chercher à établir les responsabilités à tous les niveaux de la chaîne de commandement dans toutes les enquêtes portant sur des exactions du SNR. Si des condamnations pour des accusations de meurtres et de tortures sont rendues par la cour burundaise, des dédommagements devraient également être accordés aux victimes et à leurs familles comme le prévoient le droit national burundais ainsi que le droit international des droits humains.

La législation qui régule tout service de renseignement devrait clarifier les pouvoirs spécifiques des agents et soumettre le service à une étroite surveillance par l’exécutif de façon générale, et par les autorités judiciaires pendant les investigations, arrestations et détentions, ainsi qu’à une surveillance plus attentive par le Parlement.

Ce rapport s’appuie sur une enquête de terrain menée par des chercheurs de Human Rights Watch au Burundi d’octobre 2005 à octobre 2006. Les noms des victimes et des témoins ont été dissimulés dans l’intérêt de leur sécurité.




1 Etant donné que Human Rights Watch, les organisations locales de défense des droits humains et les observateursdes droits de l’homme de l’Opération des Nations Unies au Burundi (ONUB) n’ont pas obtenu un accès régulier aux installations de détention du service de renseignement, cette estimation est basée sur des entretiens avec des personnes qui ont été relâchées après avoir été en détention ou bien transférées dans une autre installation, et sur des informations recueillies dans des registres de détention au SNR dans une occasion.