Rapports de Human Rights Watch

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Les obstacles aux poursuites

La plupart des crimes de violence sexuelle restent impunis, souvent parce que les victimes ne portent pas plainte contre leurs auteurs. Elles gardent le silence pour de nombreuses raisons:

  • Souvent les victimes ne sont pas en mesure d’identifier les auteurs ou de dire où les trouver. C’est particulièrement vrai lorsque les auteurs des crimes sont des combattants Maï Maï ou hutus rwandais. 

  • Elles craignent des représailles ou elles ont précisément été menacées de représailles si elles cherchaient à poursuivre l’agresseur.

  • Elles ne savent pas qu’elles peuvent aller au tribunal ou elles ont le sentiment que la justice, c’est pour les autres, pas pour elles.

  • Elles ont un sentiment de honte ou de culpabilité et craignent d’être stigmatisées par les autres au sein de la communauté.

  • Les autorités — généralement des hommes — leur ont dit de garder le silence.134

    Les responsables gouvernementaux de l’Est du Congo font souvent valoir que l’inaction des victimes est un obstacle majeur à la poursuite des crimes de violence sexuelle. En octobre 2003, l’auditeur militaire du Nord Kivu a déclaré que dans les trois-quarts des cas, les victimes ne portent pas plainte contre les coupables de crimes de violence sexuelle. Il a conclu sur ces mots, “Quand vous n’avez pas d’informations, vous ne pouvez pas envoyer l’affaire au tribunal.”135 Le procureur du tribunal d’Ituri a également expliqué que le nombre réduit de condamnations pour viol était en partie dû à la réticence des victimes à dénoncer le viol.136

    Les autorités judiciaires ont l’obligation d’enquêter sur les crimes une fois qu’elles en ont appris l’existence, que la victime ait déposé une plainte ou non. Elles ont également l’obligation de créer les conditions qui permettent aux victimes de porter plainte. Entre autres, elles doivent faire en sorte que les enquêtes et poursuites soient menées avec la diligence qui s’impose pour maximiser les chances d’aboutir à une condamnation des coupables.

    Envers et contre tout: les victimes veulent que justice soit faite

    Bien que la majorité des victimes n’envisagent pas de porter leur affaire devant un tribunal, elles sont de plus en plus nombreuses à souhaiter le faire. Selon un conseiller psychologique qui travaille avec des victimes de violence sexuelle :

    Beaucoup de femmes avec lesquelles je parle veulent mener des poursuites en justice. Elles disent, “Aujourd’hui, je voudrais qu’il soit puni.” Lorsque vous leur expliquez qu’elles peuvent garder l’anonymat au tribunal, elles répondent: “Je n’ai rien à perdre. Je suis prête à aller au tribunal et à dire ouvertement ce qui s’est passé.”137

    Des victimes se réunissent pour apprendre à agir en justice en écoutant des femmes qui l’ont fait et des militants des droits humains ou en regardant une cassette vidéo du procès, mentionné précédemment. Dans bien des cas, elles repartent décidées à engager une action à leur tour.138 Au cours de la première semaine qui a suivi l’une de ces réunions en septembre 2004 à Sange, au Sud Kivu, quatre femmes se sont adressées aux représentants d’une ONG des droits humains pour réclamer de l’aide; elles étaient treize la deuxième semaine et vingt-trois la troisième semaine. Comme l’a fait remarquer un représentant de l’ONG, “Il y a une volonté d’agir en justice.”139

    Les statistiques corroborent ces informations anecdotiques: selon une ONG, douze cas de violence sexuelle ont été portés devant les tribunaux de Goma en 2002 et vingt-six en 2003.140 Une autre ONG a recueilli des informations sur trente cas portés devant les tribunaux civils et militaires de Goma au cours des six premiers mois de 2004 ; trente et un autres cas faisaient l’objet d’une enquête du procureur du Tribunal de Grande Instance.141

    Dans beaucoup d’affaires, il a été plus facile pour les parents de porter plainte pour les crimes commis contre leurs enfants que pour les victimes adultes d’agir elles-mêmes. Une femme qui a été violée est souvent vue comme quelqu’un qui a amené la honte sur sa communauté alors que les jeunes enfants ne sont pas soumis à pareille stigmatisation. Les communautés agissent souvent ensemble pour s’élever contre les violences sexuelles perpétrées sur des enfants.

    Les autorités ne rendent pas la justice

    Les femmes et les filles qui cherchent à obtenir justice doivent au moins bénéficier de la coopération, sinon du soutien, des autorités. Comme l’illustrent les cas mentionnés ci-après, certaines victimes qui voulaient que leurs agresseurs soient poursuivis n’ont bénéficié ni de l’une ni de l’autre. Bien que dans certains de ces cas, les autorités étaient disposées à recevoir les plaintes, dans tous les cas sauf un les initiatives ont échoué car d’autres personnes disposant de pouvoirs ou d’une position officielle ont fait obstruction aux efforts faits pour traduire les responsables en justice.

    En avril 2003, Simone B., une jeune femme travaillant pour une agence humanitaire dans un camp de réfugiés au sud de Bukavu, a été agressée sexuellement par deux soldats du RCD-Goma. Ils l’ont suivie, l’ont attrapée et l’ont forcée à se coucher par terre. Alors qu’ils commençaient à arracher ses vêtements, elle a crié. Quand d’autres personnes sont arrivées pour l’aider, les deux soldats se sont enfuis. La victime a déposé une plainte auprès de l’auditeur militaire. Un commandant militaire local qui se montrait coopératif a essayé de trouver les hommes dont les noms étaient connus. Mais les suspects n’ont jamais été arrêtés et, selon des observateurs locaux, la victime a dû quitter le secteur après avoir été menacée par d’autres soldats du RCD-Goma.142

    Le 28 juin 2003, deux soldats du RCD-Goma sont arrivés à la maison de Rosette T., douze ans, et de sa compagne Elise K., douze ans également, près de Kalonge, au nord de Bukavu. Ils ont pris des poulets et des cobayes et ont forcé les filles à porter le butin. Arrivés à une rivière où ils se sont arrêtés pour prendre de l’eau, les soldats ont violé les filles. Ils les ont ensuite forcées à laver leurs vêtements. Les parents des deux filles se sont plaintes au commandant du camp militaire du RDC-Goma à Cihimba. Il a immédiatement procédé à une séance d’identification de ses combattants et les filles ont pu identifier l’un des suspects mais elles n’ont pas vu l’autre. Le suspect a tout nié ; le commandant a ordonné qu’il soit battu mais il ne l’a pas arrêté. Les filles se sont rendues dans un centre médical de Bukavu où un médecin a confirmé qu’elles avaient été violées. Alors qu’elles étaient en ville, elles ont vu le deuxième suspect. Les parents, soutenus par des ONG locales, ont insisté pour que des poursuites soient entamées mais l’auditeur militaire, invoquant des raisons logistiques et de sécurité, ne s’est jamais rendu à Kalonge pour enquêter sur le crime ou arrêter les suspects.143

    En août 2003, Marianne L. a été violée par un soldat du RCD-Goma qui a tiré sur elle, comme il a été décrit plus haut.144 Des gens du voisinage qui avaient entendu parler du crime ont arrêté le suspect alors qu’il tentait de fuir à Bukavu et l’ont ramené au camp militaire. Le commandant l’a interrogé et le suspect a avoué ses crimes.145 Mais il n’a pas été arrêté à ce moment-là, apparemment parce qu’il était protégé par ses supérieurs. Il a fallu les pressions de l’auditeur militaire –et le plaidoyer des ONG locales– pour que le suspect soit arrêté deux mois plus tard. Il s’est échappé avec d’autres détenus lors de l’attaque de Bukavu en juin 2004 et il n’a pas été jugé.146

    Le 5 juillet 2003, Laure N., qui rentrait du marché, a été violée par un commandant local des Forces de Défense Locales dans les faubourgs de Bukavu. Son père a porté plainte auprès d’un fonctionnaire local et le supérieur du suspect a ordonné que ce dernier soit détenu dans les bureaux communaux. Selon une ONG locale qui a enquêté sur l’affaire, le suspect a avoué son crime. Pourtant, le maire, qui jouit à la fois des pouvoirs d’un officier de police judiciaire et de haut responsable de l’autorité administrative de la commune, a libéré le suspect, a mis fin à l’enquête et a rejeté les demandes de la famille de la victime pour le rencontrer. La famille, menacée par des membres des Forces de Défense Locales, a quitté le quartier. 147

    Le cas mentionné antérieurement de Marie T., 148 l’étudiante en couture violée par plusieurs membres des Forces de Défense Locales en août 2003, est un autre exemple du blocage des poursuites par les autorités civiles. Même si Marie ne pouvait pas reconnaître le visage de ses agresseurs, elle avait entendu le nom de l’un d’eux. Sa famille a demandé aux autorités locales et à la police de rechercher les membres des LDF postés dans le quartier le jour de l’agression. Mais les autorités ont insisté sur le fait qu’aucun membre des LDF n’était chargé de patrouiller dans ce quartier et la famille s’est vue contrainte d’abandonner les poursuites.149

    Le 27 janvier 2004, Francine G. est allée voir son fils de quinze ans qui avait été emprisonné pour n’avoir pas presté le travail communautaire obligatoire à Rutshuru, au Nord Kivu. Elle a été arrêtée à son tour et pendant la nuit, elle a été violée par un policier dans la prison.150 Le policier a été arrêté et a été remis à l’auditeur militaire de Goma où, un an plus tard, il était toujours détenu sans avoir été jugé.151

    Parmi tous ces cas, les poursuites n’ont abouti à une condamnation qu’une seule et unique fois et il est probable que la volonté dont ont fait preuve les responsables de la MONUC pour intervenir a été un facteur important. A la mi-2004 à Bunia, la grand-mère d’une fillette de quatre ans, Nadine L., est rentrée chez elle du champ pour trouver sa petite-fille en train d’être violée par un voisin adulte. Selon des sources locales, elle a dénoncé les faits au chef mais rien ne s’est passé. Un groupe local de femmes a été informé de l’incident et avec l’assistance de la MONUC, il a aidé la grand-mère à dénoncer les faits à la police qui a alors arrêté le présumé coupable.152 Peu après l’arrestation, la grand-mère a été menacée par des combattants armés, apparemment des membres de la famille de l’accusé, qui sont arrivés chez elle avec des fusils. Elle a dû s’enfuir avec Nadine L. dans un autre quartier de la ville où elle se sentait plus en sécurité ; aucune protection policière ne lui a été fournie. En dépit de ces difficultés, l’affaire a été portée devant un tribunal le 17 juin 2004 et l’auteur du viol a été condamné à une peine de dix ans d’emprisonnement le 29 juillet 2004.153 On avait demandé à la jeune victime de venir au tribunal pour identifier son violeur. Une femme qui connaît Nadine L. a déclaré, “Aujourd’hui, elle souffre d’un réel traumatisme psychologique. Elle ne se souvient plus des choses les plus simples et bien qu’elle ne soit qu’une petite fille, elle parle comme une adulte.”154

    Comme il est expliqué plus loin, il est extrêmement difficile au Congo de poursuivre les soldats et autres combattants impliqués dans des crimes. Ces difficultés sont plus grandes encore lorsqu’il s’agit de violences sexuelles. Les officiers qui commandent s’arrangent souvent pour que les combattants accusés de violences sexuelles soient rapidement transférés ailleurs, rendant les poursuites beaucoup plus compliquées et souvent impossibles. Lors d’une rencontre avec des ONG, des agences internationales et des victimes de violences sexuelles, l’auditeur militaire du Nord Kivu a déclaré :

    L’impunité règne sur le front. Lorsqu’il y a une affaire de viol, les organisations prennent souvent du temps avant de réagir. Cela prend du temps pour qu’une affaire [de viol] arrive jusqu’ici. Nous perdons la trace des soldats… Nous sommes au courant du problème des mutations [de suspects] à Kindu, Kisangani, Bukavu.155

    Cette réticence à poursuivre les soldats accusés entrave également les poursuites dans les zones contrôlées par les anciens mouvements rebelles. Par exemple, lorsque des combattants du RCD-ML ont commis une série d’actes de violence sexuelle et d’autres crimes contre des civils à Musienene en juin 2003, les dirigeants du RCD-ML n’ont poursuivi personne malgré les plaintes déposées par certaines familles de victimes.156 La réticence à arrêter des frères d’armes ou à mener des enquêtes à leur propos se prolonge également lors du procès. Peu de cas arrivant jusqu’au tribunal militaire aboutissent à une condamnation, en partie parce que les personnes qui mènent les poursuites appartiennent à la même institution que les accusés.

    Le manque de protection

    Les personnes qui réclament justice sont souvent menacées et parfois elles décident alors d’abandonner les poursuites, comme nous l’avons vu plus haut. Afin que davantage de plaintes soient déposées et aboutissent, les autorités doivent assurer la protection des victimes et des témoins. Aux termes de l’Article 23 de la Constitution provisoire actuellement en vigueur, les tribunaux peuvent siéger à huis clos s’il y a lieu pour protéger l’ordre public et les bonnes mœurs mais aucune autre disposition ne prévoit spécifiquement de prendre à huis clos les dépositions des témoins ou des victimes qui craignent des représailles. Aucune réglementation ou agence n’existe pour assurer la sécurité de ceux qui sont menacés de représailles s’ils témoignent. Selon une représentante d’une ONG à Bunia, son organisation a aidé plus de 2000 victimes de viol et la vaste majorité d’entre elles accepteraient de se présenter au tribunal à la seule condition que leur identité ne soit pas connue du public.157 Une femme de Bunia qui envisageait d’entamer des poursuites pour des crimes commis à son encontre a demandé à une chercheuse de Human Rights Watch:

    Qui me protégera si je dis qui m’a violée ? Les hommes armés font encore la loi ici. L’ONU ne protège qu’une petite partie de la ville et elle ne m’aidera pas si ces hommes viennent à ma porte.158 

    Les problèmes généraux du système judiciaire

    Les personnes entamant des poursuites pour des crimes de violence sexuelle sont confrontées aux mêmes problèmes que tout citoyen portant plainte pour crime. La corruption est généralisée dans le secteur judiciaire et il est courant de soudoyer les juges ou autres fonctionnaires de justice pour influencer la conclusion d’une enquête ou d’un procès. Suite aux années de guerre et de stagnation économique, le système judiciaire rencontre des problèmes logistiques et financiers qui perturbent aussi d’autres secteurs du gouvernement.

    Manque de personnel qualifié, de soutien logistique et d’efficacité dans l’organisation

    La plupart des membres du personnel des tribunaux militaires et civils sont mal formés. Les enquêteurs ignorent souvent comment recueillir les faits afin qu’ils puissent être utilisés au tribunal, notamment dans les cas de crimes de violence sexuelle. Il n’y a pas d’experts en médecine légale dans l’Est du Congo et le personnel judiciaire ou chargé de l’instruction n’est pas formé pour avoir affaire à des victimes de violence sexuelle gravement traumatisées. Le personnel judiciaire est constitué en grande partie d’hommes. Le procureur militaire de Bukavu a récemment engagé des officiers de police judiciaire de sexe féminin, ce qui peut constituer un progrès; toutefois, engager du personnel féminin ne garantit pas une meilleure qualité des enquêtes.

    Les procureurs militaires et civils de l’Est du Congo n’ont pas suffisamment de véhicules et d’argent pour se rendre dans les zones périphériques et mener des enquêtes correctes. Les tribunaux et les procureurs ne disposent pas non plus du matériel minimum tel que des petits articles de bureaux, et encore moins d’ordinateurs.

    Certains cas récents à Walungu, au Sud Kivu, illustrent ces problèmes. Plusieurs soldats du RCD-Goma ont été accusés de viol et les victimes ont prié le commandant militaire d’entamer une action contre ces hommes. Mais les enquêteurs travaillant sur ces cas étaient tellement peu formés qu’ils ont remis des rapports qui n’incluaient pas certaines informations essentielles telles que les noms des victimes. L’auditeur militaire de Bukavu, plus à même de diriger cette enquête, n’avait pas d’argent pour payer le transport jusqu’à Walungu. Lorsque les enquêteurs de Bukavu sont finalement arrivés sur place, ils ont omis de rechercher les premiers enquêteurs et n’ont par conséquent pas pu localiser les victimes. Plusieurs suspects ont donc dû être libérés par manque de preuves à retenir contre eux.

    Dans un autre cas survenu en avril 2004, le viol d’une fillette de huit ans de Kanyola, à Walungu, avait été rapporté à l’auditeur militaire. Selon ce dernier, la victime avait reconnu l’auteur des faits. Cependant, quatre mois plus tard, le Bureau de l’auditeur militaire n’avait pas encore entamé cette enquête, en partie parce que le transport vers cette zone est difficile à organiser.159

    Obstacles liés au processus de transition

    Peu après la mise en place du gouvernement de transition en juin 2003, celui-ci a suspendu les opérations des tribunaux instaurés en vertu du Code de Justice Militaire de 1972 afin de faire place à des tribunaux opérant en vertu du code adopté en 2002. Néanmoins, très peu de choses ont été faites pour mettre sur pied les nouveaux tribunaux militaires, installer les juges et se mettre au travail. Un Auditeur Général a finalement été nommé à la fin juin 2004. En septembre 2004, plus d’un an après le début de la transition, le personnel judiciaire – magistrats et juges – avait été nommé pour les tribunaux militaires mais il n’était pas encore entré en fonction. Ce retard bloque les enquêtes et les poursuites de crimes dont sont accusés les combattants du RCD-Goma et d’autres groupes armés. Dans certains cas, les suspects finissent par être maintenus par l’armée en détention prolongée sans procès – ce qui constitue une violation de leurs droits. Au Nord Kivu, par exemple, l’auditeur militaire a arrêté au moins douze hommes sous l’inculpation de viol entre novembre 2003 et juin 2004 mais aucun n’a été jugé et certains sont toujours en détention. Dans d’autres cas, les suspects ont tout simplement été libérés.160 Un avocat de Bukavu a déclaré :

    Cet état de choses paralyse et bloque les poursuites contre les auteurs de violences sexuelles... Cette situation donne aux victimes une impression d’impunité [pour les coupables] et cela les traumatise davantage.161

    La voie du progrès

    Une mesure importante qui favoriserait les poursuites contre les auteurs de crimes de violence sexuelle serait la création, par le gouvernement, d’un cadre juridique pour mettre en œuvre le Statut de Rome de la CPI. Le projet de loi de mise en œuvre de la CPI préparé par une commission d’experts en octobre 2002 contient une définition complète des crimes de violence sexuelle qui les assimile à des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Des modifications juridiques complémentaires sont nécessaires pour protéger les victimes et autres personnes qui acceptent de témoigner contre de possibles représailles, particulièrement d’hommes munis de fusils—soldats et membres de groupes armés. Un amendement au Code criminel devrait veiller à ce qu’il soit possible pour une victime de déposer une requête auprès du procureur ou du président du tribunal pour des mesures de protection particulières, notamment que son identité soit gardée secrète et qu’elle bénéficie d’une protection policière avant, pendant et après le procès.

    Outre les modifications de la loi, les autorités doivent fournir une formation aux enquêteurs, notamment une formation spécialisée sur les méthodes d’investigation dans les cas de crimes de violence sexuelle et sur la façon d’aborder les personnes traumatisées. Le nombre de femmes juges, magistrats et officiers de police judiciaire devrait augmenter.162 La police et les tribunaux ont le devoir d’informer les victimes et leurs familles sur le fonctionnement du système de justice pénale et de les accompagner tout au long des procédures judiciaires, de préférence en désignant une personne de contactqui examine régulièrement où en est la victime dans son parcours judiciaire. Ils devraient également si possible employer des experts en médecine légale et fournir une assistance psychologique aux victimes qui témoignent à propos d’actes de violence sexuelle.

    Enfin, l’appareil judiciaire et le ministère public doivent être renforcés par l’octroi de ressources suffisantes pour mener à bien leurs fonctions. Les fonctionnaires de justice doivent notamment pouvoir se rendre dans des endroits reculés pour mener leur enquête et entamer des poursuites, voire même organiser des procès dans des zones rurales isolées.



    [134] Parfois le violeur cherche à mettre fin aux accusations et à éviter les poursuites judiciaires en épousant la victime. Les responsables de la communauté peuvent agir en médiateurs dans ce type d’arrangements qui ont surtout lieu entre un agresseur civil et une jeune fille ou femme. Il est difficile pour les victimes de rejeter une telle option.

    [135] PAIF et HRW, 17 octobre 2003, Goma.

    [136] Entretien téléphonique avec le procureur de Bunia, 24 septembre 2004.

    [137] Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel du Centre Olame de Bukavu, Bruxelles, 11 mars 2004.

    [138] Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel du Centre Olame de Bukavu, Bruxelles, 11 mars 2004

    [139] Entretien de Human Rights avec un représentant d’Initiative Congolaise pour la Justice et la Paix, Goma, 22 septembre 2004.

    [140] Informations fournies par PAIF, une association de femmes.

    [141] Synergie pour l’Assistance Judiciaire aux Victimes des Violations des Droits Humains (SAJ), Rapport sur la situation des droits humains: cas de violences sexuelles identifiées de janvier à juin 2004 au Nord Kivu, juin 2004.

    [142] Entretiens de Human Rights Watch, Bukavu, 15 octobre 2003 et 21 juillet 2004.

    [143] Entretiens de Human Rights Watch avec des ONG locales, 15 et 16 octobre 2003, Bukavu et entretiens de Human Rights Watch, Bukavu, 21 juillet 2004.

    [144] Voir Chapitre III, sous-titre “Autres actes de violence et d’exploitation sexuelles commis par les anciens membres du RCD-Goma”.

    [145] Entretiens de Human Rights Watch avec Marianne L. et un membre du personnel d’une ONG locale, Bukavu, 16 octobre 2003.

    [146] Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d’une ONG locale, Bukavu, 21 juillet 2004.

    [147] Entretien de Human Rights Watch avec une ONG locale, 16 octobre 2003, Goma. L’âge de la fille n’a pu être établi.

    [148] Voir Chapitre III, sous-titre “Violences sexuelles commises par les Forces de Défense Locales au Nord Kivu”.

    [149] Entretien de Human Rights Watch, Goma, 18 novembre 2003.

    [150] Le “Salongo,” ou travail collectif, est encore exigé dans de nombreuses régions de la RDC. Les personnes qui n’ont pas de “jeton” ou petit certificat prouvant qu’elles ont effectué ce travail sont souvent arrêtées.

    [151] Entretiens de Human Rights Watch avec des organisations congolaises de défense des droits humains et avec l’auditeur militaire, Goma, février et mars 2004.

    [152] Entretien de Human Rights Watch avec des ONG de femmes, Bunia, 10 octobre 2004.

    [153] Informations provenant du registre du tribunal, Tribunal de Grande Instance, Bunia, consulté le 9 octobre 2004.

    [154] Entretien de Human Rights Watch, représentant d’une ONG, Bunia, 10 octobre 2004. Human Rights Watch ne dispose pas d’informations concernant l’équité du procès.

    [155] Réunion sur la violence sexuelle coorganisée par PAIF et HRW, Goma, 17 octobre 2003.

    [156] CEJA, RCD-ML et RCD-Goma, Attaques contre la population civile dans le territoire de Lubero. Rapport sur les abus des droits de l’homme commis par les troupes rebelles à Musienene en juin 2003, août 2003.

    [157] Entretien téléphonique avec le Procureur de Bunia, 24 septembre 2004.

    [158] Entretien de Human Rights Watch avec une victime, Bunia, 9 octobre 2004.

    [159] Entretiens de Human Rights Watch avec l’Auditeur militaire, Bukavu, 14 octobre 2003 et 21 juillet 2004.

    [160] Synergie pour l’Assistance Judiciaire aux Victimes des Violations des Droits Humains (SAJ), Rapport sur la situation des droits humains: cas de violences sexuelles identifiées de janvier à juin 2004 au Nord Kivu, juin 2004.

    [161] Courriel d’un avocat de Bukavu à Human Rights Watch, 28 février 2004.

    [162] En Afrique du Sud, la création d’unités de police spéciale s’occupant des violences sexuelles est considérée par certains comme une initiative positive; cette option devrait être envisagée au Congo.


    <<précédente  |  index  |  suivant>>mars 2005