Africa - West

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X. CONCLUSION

Ce rapport incrimine à la fois des trafiquants d'enfants et des personnalités officielles gouvernementales dans de graves atteintes aux droits humains des enfants. Dès le moment où ils promettent de fournir aux enfants une scolarité, une formation professionnelle et un travail rémunéré, les trafiquants d'enfants commettent d'horribles abus en toute impunité ou presque. Ils emmènent les enfants dans de longs voyages qui provoquent blessures, maladies et décès. Ils leur ordonnent d'accomplir des travaux difficiles et parfois dangereux. Ils les dédommagent rarement pour leurs services et les soumettent de façon répétitive à une cruauté mentale et physique. Parfois, avec le consentement supposé des parents, les trafiquants maintiennent les enfants loin de chez eux pendant de longues périodes et leur refusent tout contact avec leurs familles. Ils s'acquittent rarement de la promesse qu'ils ont faite de fournir aux enfants une éducation, une formation professionnelle ou une indemnisation adaptée à leur travail.

La promesse du gouvernement togolais de prendre des mesures immédiates et efficaces pour éradiquer les réseaux de la traite des enfants sonne faux. Selon les conventions internationales signées ou ratifiées par le Togo, une réponse efficace à la traite des enfants exige la poursuite des trafiquants, la protection et la réintégration des enfants victimes de la traite et l'apaisement des forces qui alimentent l'offre et la demande pour la traite des enfants à des fins d'exploitation par le travail. Or en 2001, le Togo a arrêté ou détenu seulement dix trafiquants alors qu'il a détenu cinquante-cinq parents d'enfants échoués au Cameroun après le naufrage d'un bateau à destination du Gabon39. La plupart des trafiquants présumés ont finalement été relâchés par manque de preuves40. Au même moment, les patrouilles aux frontières, au Togo, n'ont pas réussi à empêcher les trafiquants de passer les frontières du pays et dans certains cas, ces patrouilles ont accepté des pots de vin. Les enfants qui se sont échappés ou qui ont été relâchés d'une activité dangereuse ont reçu une protection inadaptée de la part des officiers de maintien de l'ordre, ce qui les a rendus vulnérables à un abandon, un travail sexuel ou une seconde épreuve de traite.

Comme d'autres pays d'Afrique de l'Ouest, le Togo avance l'argument des ressources limitées comme l'une des raisons de l'inefficacité de sa réponse au problème de la traite des enfants. La personnalité officielle nationale la plus importante en matière de traite des enfants a affirmé à Human Rights Watch qu'elle avait besoin de « beaucoup, beaucoup plus de ressources » pour protéger les enfants victimes de la traite et elle a décrit le budget de son bureau comme « un budget virtuel qui n'existe que sur le papier41. » Le directeur de cabinet du Département togolais pour la protection et la promotion de la famille et des enfants, Koffi Badjow Tcham, a ajouté que « les ressources ne sont pas proportionnelles au problème, » et qu'après avoir reconduit les enfants victimes de la traite dans leurs communautés, « il serait bon de leur garantir au moins leur éducation primaire42. » Cet officiel et d'autres citent la suspension de l'aide au développement des Etats Unis et celle de l'Union européenne comme les raisons pour lesquelles le gouvernement ne parvient pas à protéger les droits humains fondamentaux des enfants.

Cependant, un examen de la stratégie togolaise dans la lutte contre la traite révèle que le problème va bien au-delà des contraintes de ressources. La pierre angulaire de cette stratégie est une loi qui prévoit d'emprisonner les parents d'enfants victimes de la traite pour une durée pouvant atteindre cinq ans pour la seule infraction d'avoir omis de rapporter à la police un trafiquant connu pour ses activités. En même temps, la proposition de loi ne comporte aucune garantie sur la réintégration des enfants victimes de la traite ni sur leur protection contre d'autres abus et une nouvelle traite. La loi offre également une formulation faible et insuffisante sur la prévention de la traite, avec une seule disposition appelant à des mesures de prévention « appropriées » contre six dispositions sur la poursuite et la punition des responsables de la traite, parents et membres de la famille.

La stratégie togolaise de prévention a également échoué à s'attaquer aux racines de la traite des enfants. Tout en s'efforçant de sensibiliser à la traite des enfants, le gouvernement a accordé peu d'attention aux forces qui poussent les parents et les enfants à croire - ou à vouloir croire - aux promesses des trafiquants d'enfants. Ces forces ne se limitent pas à la pauvreté mais incluent également les opportunités refusées en matière d'éducation, le statut d'infériorité des filles et la perte des parents due à la maladie et aux problèmes de santé. En dépit des promesses faites aux enfants d'une éducation primaire gratuite, le gouvernement n'a pas rempli sa promesse et a laissé des enfants qui ne pouvaient s'acquitter des frais de scolarité être expulsés de l'école et par la suite être recrutés par des trafiquants d'enfants. Il a également négligé la terrible situation des enfants victimes de la traite suite au décès d'un parent. Le nombre de ces enfants ne peut qu'augmenter alors que le VIH-SIDA se répand en Afrique de l'Ouest.

Les gouvernements étrangers ont également une obligation de traiter le problème de la traite des enfants au Togo, que ce soit en protégeant les enfants victimes de la traite à destination de leurs pays ou en contribuant, par une assistance technique ou financière, aux efforts de lutte contre la traite du Togo. Les pays mentionnés dans ce rapport ont reconnu l'existence de la traite des enfants dans leurs frontières, ont arrêté ou détenu certains trafiquants et/ou contribué au rapatriement des enfants victimes de la traite vers le Togo ou au départ du Togo. Cependant, ils ne sont pas plus avancés que le Togo dans la promulgation d'une législation ciblée contre la traite, dans la conduite de poursuites judiciaires jusqu'à leur terme et dans l'établissement de protocoles cohérents pour une réintégration humaine des enfants victimes de la traite. De la même façon, la communauté internationale n'est pas allée assez loin dans son assistance financière nécessaire pour que le Togo élabore des programmes de lutte contre la traite43.

Le Togo a participé à une succession de réunions internationales sur la traite des enfants et s'est joint à d'autres nations pour renoncer à cette pratique. Il a élaboré une nouvelle législation de lutte contre la traite, établi des comités pour sensibiliser les communautés et rapatrié des enfants qui avaient été victimes de la traite à destination de l'étranger. Ces actions préliminaires sont positives mais ne sont pas à la mesure de l'échelle du problème que constitue la traite des enfants, tant par le nombre d'enfants victimes de la traite que par la gravité des abus qu'ils subissent. Sans un engagement plus soutenu en faveur de la prévention, des poursuites et de la protection, les enfants vont continuer à être attirés hors de chez eux, transportés secrètement hors du Togo et au Togo même et exploités en toute impunité.

39 Département d'Etat américain, Country Reports on Human Rights Practices for 2001, p. 17.

40 Ibid.

41 Entretien conduit par Human Rights Watch avec Suzanne Aho, Lomé, 6 mai 2002.

42 Entretien conduit par Human Rights Watch avec Koffi Badjow Tcham, Lomé, 7 mai 2002.

43 Au moment de la rédaction de ce rapport, l'aide internationale au Togo pour ses efforts de lutte contre la traite incluait un financement de la Banque Mondiale de U.S.$302 000 ; une portion du financement de U.S.$4 200 000 du Département américain du travail au BIT-IPEC pour des efforts régionaux de lutte contre la traite et un financement de $2 000 000 du Département américain du Travail pour « Une initiative éducative contre le travail des enfants, » dont le déboursé en octobre 2002.

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