Africa - West

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IV. LE CONTEXTE DE LA TRAITE DES ENFANTS AU TOGO

La traite existe parce qu'il y a des enfants disponibles pour cela.

- Un juriste à Bafilo, 2 mai 2002.

Pays côtier d'environ 5,2 millions d'habitants, le Togo occupe une bande de terre de 54 390 km2 entre le Ghana et le Bénin, avec également une petite frontière septentrionale avec le Burkina Faso. L'indépendance par rapport à la France a été obtenue en 1960. Le Président actuel du Togo, Gnassingbé Eyadéma, a pris le pouvoir en 1967 à l'issue d'un coup d'état sanglant et s'est depuis maintenu à la tête du pays sans interruption. L'absence d'élections libres et impartiales au Togo a conduit au retrait presque complet de l'aide au développement en provenance des Etats Unis et de l'Union européenne.9 Incapable même de financer des services fondamentaux comme la santé et l'éducation10, le Togo a été décrit par un officiel du gouvernement comme « un malade sous perfusion11. »

Ampleur de la traite des enfants
Il n'existe pas de statistiques précises sur le nombre d'enfants victimes de la traite, chaque année, en Afrique de l'Ouest. Le chiffre de 200 000 est souvent cité comme une estimation de l'UNICEF pour l'Afrique de l'Ouest et du Centre bien qu'un responsable de l'UNICEF ait affirmé à Human Rights Watch que l'organisation ne pouvait déterminer qui avait initialement avancé cette donnée12. En 1999, l'UNICEF a identifié approximativement douze routes sur lesquelles les enfants sont victimes de la traite, dans la région et a désigné treize pays de la région comme pays « de destination », « d'origine », « de destination et d'origine » et/ou « pays de transit/d'étape ».13 Deux ans plus tard, en 2001, le programme du Bureau Internationale du Travail pour l'élimination du travail des enfants (BIT-IPEC) a publié une synthèse de neuf études par pays sur la traite des enfants en Afrique de l'Ouest, concluant que les routes de la traite allaient de pays et régions où la pauvreté était généralisée, les niveaux d'éducations bas et les taux de natalité élevés vers des zones moins peuplées et plus développées.14

Le Togo entre dans la catégorie selon le BIT des pays d'origine et a été désigné principalement comme tel. Il a également été identifié par le rapport BIT-IPEC comme un point « de destination » et de « transit » ainsi que comme un pays abritant un commerce interne substantiel (à savoir à l'intérieur de ses propres frontières).15 Les estimations officielles du nombre d'enfants togolais directement affectés par la traite se fondent sur le nombre d'enfants interceptés aux frontières du Togo et le nombre d'enfants « récupérés » et rapatriés de l'étranger. Lors d'une réunion régionale sur la traite des enfants en janvier 2002, la représentante du gouvernement togolais, Suzanne Aho, a rapporté que 297 enfants avaient été victimes de la traite au départ du Togo en 2001.16 Aho a cependant ensuite affirmé à Human Rights Watch que le nombre de cas d'enfants victimes de la traite enregistré pour 2001 était de 261, contre 337 en 1999. Selon elle, cette baisse s'expliquerait plus par un nombre plus important de trafiquants opérant sans être repérés que par un nombre effectivement plus faible de cas.17 Ces données sont probablement sous estimées puisque nombre d'enfants victimes de la traite au Togo n'entrent jamais en contact avec les autorités et le gouvernement n'a pas les ressources pour intercepter les enfants de façon systématique. Les estimations officielles ont tendance à être beaucoup plus basses que celles avancées par le BIT-IPEC. Par exemple, en 1999, lorsque le gouvernement a enregistré 337 cas d'enfants trafiqués, le BIT-IPEC en enregistrait 800.18

Si les rapports de l'UNICEF et du BIT-IPEC ne remontent pas aux origines de la traite des enfants, l'étude sur le Togo a conclu que la pratique, telle qu'elle est actuellement définie, existait « depuis au moins dix ans » dans ce pays et avait connu une augmentation rapide depuis que le gouvernement et les ONG avaient commencé à enregistrer des cas, au milieu des années 90.19 L'étude se poursuit en associant la traite des enfants à des phénomènes modernes comme l'amélioration des transports, l'augmentation de la demande pour une main d'_uvre bon marché et l'augmentation de la pauvreté liée aux programmes d'ajustement structurel et à la crise économique du milieu des années 90.20 Au même moment, les rapports de l'UNICEF et du BIT-IPEC ont tous les deux perçu la traite des enfants comme un prolongement de pratiques anciennes telles que la migration pour le travail et le travail des enfants. Soulignant, par exemple, que « les gens d'Afrique de l'Ouest et du Centre ont toujours migré pour des raisons économiques, » le rapport BIT-IPEC suggérait que, dans certaines communautés, la traite des enfants vers les pays voisins suivait les processus migratoires de leurs parents.21 Sur les quatre-vingt-seize enfants interrogés pour l'étude BIT-IPEC sur le Togo, la plupart ont raconté avoir été victimes de la traite pour accomplir des travaux agricoles, domestiques, dans les restaurants ou sur les marchés au Nigeria, au Gabon ou en Côte d'Ivoire. Dans d'autres pays, les enfants ont raconté avoir travaillé dans ces secteurs ainsi que sur des plantations, des mines de diamants et dans l'industrie du sexe.22

Le commerce togolais dans ce domaine a pour la première fois suscité l'attention internationale en 1999, lorsque la British Broadcasting Coroporation (BBC) a rapporté que deux femmes avaient été arrêtées à la frontière entre le Togo et le Ghana avec sept enfants qui leur auraient été remis par leurs parents.23 Deux ans plus tard, le bateau sous pavillon nigerian, l'Etireno, aurait quitté la ville de Cotonou, au Bénin, avec à son bord, 250 enfants originaires du Bénin, du Mali et du Togo, destinés à des emplois domestiques et autres au Gabon. Si les rapports sur des enfants esclaves à bord de l'Etireno ont été exagérés - les autorités ont ensuite confirmé qu'approximativement vingt-trois enfants, âgés de trois à quatorze ans étaient à bord dont huit seulement étaient togolais et que tous n'étaient pas destinés à travailler24 - l'incident a marqué d'une forte empreinte les efforts régionaux et internationaux de lutte contre la traite des enfants. Depuis l'incident de l'Etireno, les médias internationaux ont recueilli des informations sur la traite des filles togolaises destinées à travailler comme domestiques en Côte d'Ivoire, au Nigeria, au Gabon et au Congo.25

Les raisons de la traite des enfants

Pauvreté et manque d'opportunités
La traite des enfants commence typiquement par un arrangement passé en privé entre un trafiquant et un membre d'une famille. L'accord s'appuie sur les difficultés financières de la famille et le désir du trafiquant de faire un profit et d'accéder à une main d'_uvre bon marché.26 « Quelqu'un arrive et dit qu'il a des métiers ou des travaux pour les enfants et les parents le croient, » déclarait à Human Rights Watch un chef de village à Vogan. « Mais la personne les réduit alors à la servitude ou donne l'enfant à quelqu'un d'autre27. » Human Rights Watch a entendu de nombreux récits de villageois togolais sur des négociations trompeuses entre des parents et des trafiquants d'enfants. « Les parents pensent qu'en laissant partir [les enfants], ils font quelque chose de bien pour [eux], » a déclaré une femme à Afanyagan, « mais quelqu'un les prend et en fait des domestiques et quelqu'un d'autre prend tout l'argent au lieu de leur donner un salaire28. » Une femme à Elavagnon a ajouté que les trafiquants « disent aux parents que leur enfant va bien et qu'il reçoit de l'argent mais ils ne donnent pas l'argent aux gosses et ne leur achètent rien29. »

A la question de savoir combien d'enfants devaient être exploités avant que les parents ne comprennent, les villageois ont donné une réponse peu optimiste. « Quand les gens sont pauvres, ils sont désespérés, » déclarait un chef de village à Vogan. Il a expliqué que quand un enfant rentre chez lui sans argent, les trafiquants disent aux parents que c'est parce que leur enfant était paresseux. « D'autres parents disent, `mais mon enfant n'est pas paresseux,' et ils sont prêts à donner un autre enfant30. » Dans une étude conduite en 2002 sur 650 foyers par l'ONG Plan-Togo, les parents d'enfants victimes de la traite ont été interrogés sur leur situation familiale et sur les événements ayant conduit à l'envoi de leurs enfants à l'étranger. Les parents ont cité toute une variété de promesses faite par les trafiquants, y compris celles d'une éducation formelle ou d'un apprentissage pour leurs enfants ainsi qu'un emploi dans une maison ou dans le secteur commercial. Une majorité de foyers affectés par la traite des enfants se livrait à une agriculture de subsistance et ne pouvait se permettre d'envoyer leurs enfants à l'école.31

Selon le directeur de l'UNICEF pour l'Afrique de l'Ouest et du Centre, la pauvreté est une cause « majeure et omniprésente » de la traite des enfants32. Dans ces pays d'Afrique de l'Ouest classés comme pays « d'origine » - le Togo, le Bénin, le Mali, le Nigeria et le Burkina Faso - entre 33 et 73 pour cent de la population totale vit avec moins d'un dollar américain par jour.33 L'étude BIT-IPEC de 2001 sur quatre-vingt-seize enfants victimes de la traite a également trouvé qu'une large majorité (87 pour cent) d'enfants victimes de la traite venait de familles pratiquant une agriculture de subsistance.34 Sur les quarante-cinq parents interrogés, 70 pour cent des mères et 60 pour cent des pères n'avaient jamais fréquenté l'école35. Environ 74 pour cent des foyers étudiés étaient polygames. De plus, 82 pour cent des foyers examinés avaient plus de cinq enfants36.

Au Togo, les frais de scolarité annuels varient entre 4 000 et 13 000 CFA (entre U.S.$6 et $20) en dépit de la garantie par la loi de la gratuité de l'éducation primaire37. « Les parents disent toujours qu'ils ne peuvent payer les frais de scolarité, » a déclaré à Human Rights Watch un juge de Bafilo, familier de nombreux cas d'enfants victimes de la traite. « Ils préfèrent que l'enfant soit avec un oncle à Abidjan. La complicité des parents dans ces cas-là est une honte38. » Dans son panorama mondial sur la traite des enfants dressé en 2001, le BIT-IPEC remarquait que « les enfants sans accès à l'éducation n'ont souvent pas d'autre alternative que de chercher un travail à dès leur plus jeune âge39. »

Concernant les filles, selon certains experts, la traite proviendrait d'une longue tradition voulant que les parents utilisent leurs filles comme domestiques plutôt que de les envoyer à l'école40. En 2002, au Togo, on estimait que les filles avaient 20 pour cent moins de chance que les garçons d'être inscrites à l'école primaire, 25 pour cent moins de chance d'atteindre le lycée et au moins 50 pour cent moins de chance d'entrer à l'université41. En 1994, l'ONG Anti-Slavery International (ASI) et la branche africaine de World Association of Orphans (WAO-Afrique) faisaient observer « qu'au Togo, il a été démontré que les parents préféraient diriger les filles plutôt que les garçons vers les travaux domestiques, non seulement parce que les corvées de la maison sont traditionnellement perçues comme `un travail de femmes' mais aussi parce que le salaire de la fille aide à financer la scolarisation de ses frères42. » Huit années plus tard, en 2002, ASI suggérait une évolution de cette tradition du travail domestique des enfants vers la pratique moderne de la traite des enfants : « le processus de recrutement est en train de devenir plus organisé, alors que les agents et les trafiquants écument les zones rurales en faisant des offres aux parents, » notait l'ONG. « Le résultat est que davantage d'enfants et de jeunes gens [en Afrique de l'Ouest] travaillent aujourd'hui dans des foyers aucunement liés au leur, souvent situés à une distance considérable de chez eux43. »

Le lien avec le VIH-SIDA
Des études ont établi un lien entre la traite des enfants et l'effondrement de l'unité familiale causé par le divorce ou le décès d'un parent44. L'étude BIT-IPEC de 2001 sur la traite des enfants au Togo montrait que sur les quatre-vingt-seize enfants interrogés, victimes de la traite, presque 30 pour cent avaient perdu leur mère, leur père ou leurs deux parents45. Un schéma similaire existait au Cameroun où 60 pour cent des 329 enfants victimes de la traite appartenaient à une famille monoparentale46. Ces données ont conduit certains chercheurs à postuler l'existence d'un lien entre la traite des enfants et le VIH-SIDA, qui produit rapidement un nombre croissant d'orphelins en Afrique sub-saharienne47.

Au Togo, au moins 95 000 enfants de moins de quinze ans avaient perdu leur mère ou leurs deux parents à cause du SIDA. Deux tiers de ces enfants étaient vivants en 199948. Une étude récente sur les familles affectées par le SIDA dans la région maritime du Togo, financée par la Banque Mondiale et mise en _uvre par l'ONG CARE-Togo, observait que les orphelins du SIDA passaient moins de temps à l'école et que dans certains cas, ils abandonnaient complètement leur scolarité49. « Les ONG rapportent que certains de ces orphelins sont devenus des proies faciles pour les trafiquants d'enfants, » notait l'étude50. La probabilité pour les enfants affectés par le SIDA de contracter le VIH et d'autres maladies sexuellement transmissibles, suite à la traite était également soulignée : « l'un dans l'autre, un cercle vicieux est créé parce que ces enfants, livrés à leurs seules ressources sans soutien moral, financier ou émotionnel sont vulnérables et susceptibles de sombrer dans la délinquance (vols, drogues) et la prostitution pour y connaître finalement le même sort que leurs parents, à savoir mourir du SIDA51. » Les efforts pour protéger les enfants affectés par le SIDA de l'exploitation et des abus sont souvent compromis par le profond ostracisme qui frappe ces enfants52.

Kodjo Djissenou, directeur exécutif de l'ONG togolaise La Conscience a affirmé à Human Rights Watch qu'un enfant affecté par le SIDA était vulnérable à la traite des enfants dans trois cas : si il ou elle était abandonné(e) suite au décès de l'un de ses parents ou des deux ; si il ou elle était contraint(e) de gagner de l'argent pour subvenir aux besoin d'un parent malade ou mourant ou si il ou elle était poussé(e) à quitter son village suite à l'ostracisme que suscite la présence du SIDA dans une famille53. D'autres experts, du gouvernement, des Nations Unies, des ONG au Togo ont élaboré sur ce point. Arsène Mensah, coordinateur de programme pour l'ONG Aide Médicale et de Charité a affirmé à Human Rights Watch que « quand un parent est séropositif, les enfants cherchent automatiquement à faire quelque chose pour gagner de l'argent. Quelqu'un leur offre de travailler à Abidjan et ils sont d'accord pour partir54. » Gouna Yawo, assistante médicale, conseillère SIDA et présidente de l'ONG Espoir-Vie Togo a déclaré qu' « avec le SIDA, il y a souvent une augmentation de la pauvreté dans le foyer... [Ceci] peut impliquer que les familles affectées par le SIDA abandonneront leurs enfants plus facilement55. » La meilleure experte du gouvernement togolais sur la traite des enfants et ministre de la Santé publique, de la promotion de la femme et de la protection de l'enfant, Suzanne Aho, a déclaré, « la traite pourrait augmenter avec une augmentation du SIDA et des orphelins du SIDA. Ces enfants sont rejetés et marginalisés. Quelqu'un n'aurait qu'à venir et à proposer à un tel enfant quelque chose à faire et il suivrait cette personne56. » Les orphelins du SIDA ont été identifiés par le représentant du BIT-IPEC au Togo, Essodina Abalo, comme l'un des quatre groupes les plus exposés à la traite des enfants au Togo, les autres étant les enfants en milieu rural, les enfants des rues et les jeunes filles57.

Autres facteurs
En plus de la pauvreté, de l'effondrement des structures familiales et du VIH-SIDA, les experts ont également identifié des facteurs qui facilitent la traite des enfants - parmi eux, des frontières poreuses et des régulations laxistes, des processus traditionnels de migrations, des affinités ethniques et des informations inadéquates sur la traite et ses risques58. Ces facteurs peuvent contribuer à expliquer pourquoi les pressions économiques ne conduisent pas à la traite des enfants dans tous les cas d'extrême pauvreté59. Comme l'a dit à Human Rights Watch Koffi Badjow Tcham, directeur de cabinet au Ministère togolais pour la protection et la promotion de la famille et des enfants, « il y a des endroits où les gens sont très pauvres mais on ne voit pas ce trafic des enfants. Il y a des régions avec une très forte tendance à la migration et celles où c'est la tradition d'envoyer les enfants chez leurs oncles ou leurs tantes60. »

L'encouragement actif ou passif des patrouilles aux frontières ou d'autres agents du maintien de l'ordre est particulièrement propice à la traite des enfants. Le BIT-IPEC a noté que « les douaniers ferment les yeux » sur la traite des enfants, dans certaines parties d'Afrique de l'Ouest, en particulier sur les routes traversant le Cameroun et le Nigeria61. Une étude ASI de 2000 sur la traite des enfants entre le Bénin et le Gabon avançait le même argument, apportant des informations sur des trafiquants qui payaient la police pour lever la difficulté que représentait le passage des frontières du Gabon62.

Les nombreuses forces dans lesquelles s'enracine la traite des enfants contribuent à expliquer pourquoi les efforts du Togo pour combattre cette pratique n'ont pas, jusqu'à présent, porté leurs fruits. Suite au premier Congrès Mondial contre l'exploitation commerciale et sexuelle des enfants à Stockholm, en Suède, en 1996, le Togo a développé un Plan national de lutte contre le travail des enfants et la traite des enfants, appelant à la création d'une banque de données sur les trafiquants, à l'amélioration de la législation pour protéger les enfants, à des échanges d'informations sur la traite des enfants avec le Bénin, le Ghana, le Burkina Faso, à une amélioration de la coopération entre la police, les douaniers et les responsables des services d'immigration, à une amélioration des opportunités d'éducation pour les filles et les enfants des rues, à des campagnes de sensibilisation, à la réinsertion et la réintégration des enfants victimes de la traite63. Alors que la mise en _uvre de certaines de ces mesures a débuté, le gouvernement togolais a jusqu'à présent été incapable de s'immiscer dans les arrangements privés passés entre parents, enfants et trafiquants, encore moins de s'attaquer aux racines sociales et économiques de ce problème.

Les enfants victimes de la traite interrogés dans ce rapport
Human Rights Watch a interrogé quarante-et-une filles et trente-et-un garçons, victimes de la traite lorsqu'ils avaient entre trois et dix-sept ans64. Parmi les filles, treize ont été victimes de la traite en interne - à savoir d'une région du Togo à une autre - et vingt-quatre ont été victimes de la traite à l'extérieur du pays, au Gabon, Bénin, Nigeria ou Niger. Les quatre autres filles ont été victimes de la traite au Togo, en provenance du Bénin, du Nigeria ou du Ghana. Tous les garçons ont été victimes de la traite, de l'intérieur du Togo vers des régions du Nigeria, du Bénin ou de la Côte d'Ivoire. Dix des soixante-douze enfants ont été recrutés et transportés hors de chez eux mais ont été interceptés avant d'arriver à leur destination.

Dans les entretiens avec les enfants victimes de la traite, Human Rights Watch a mis à jour un lien entre absence de scolarité et vulnérabilité à la traite. Si la moitié ou presque des enfants interrogés avait seize ans ou plus au moment de l'entretien, peu d'enfants avaient fréquenté l'école secondaire qui débute normalement à l'âge de quinze ans65. (Dans la population générale, on estimait, en 1993, que 34 pour cent des garçons et 12 pour cent des filles, au Togo, étaient inscrits dans l'enseignement secondaire66.) Dans de nombreux cas, les enfants ont dit qu'ils avaient été recrutés par des trafiquants après avoir manqué d'argent pour payer l'école. Comme l'a dit un garçon, « J'étais à l'école et je payais mes frais de scolarité mais quand je suis arrivé en septième année, je ne pouvais plus payer les frais. C'était 4 000 CFA [U.S.$6] par an. Le directeur me demandait tout le temps de partir67. » Un père interrogé par Human Rights Watch a déclaré qu'il n'avait pas assez d'argent pour payer les frais de scolarité de ses enfants en âge scolaire et qu'il avait donc dû envoyer l'un d'entre eux en Côte d'Ivoire :

J'ai quatre femmes et seize enfants. Je suis fermier et parfois, je distille du sodabi68. Certains de mes enfants sont plus vieux et sont mariés mais actuellement, j'ai dix enfants qui vivent avec moi. Quatre sont prêts à aller à l'école et les autres sont trop jeunes. Je n'ai pas assez d'argent pour m'occuper de mes enfants. Si mon fils a dû aller en Côte d'Ivoire, c'est surtout parce que je n'avais pas d'argent pour l'envoyer à l'école.69

En dépit de la gratuité de l'éducation primaire garantie par la loi au Togo, au moins douze enfants victimes de la traite, tant garçons que filles, ont donné une version proche de cette histoire - certains d'entre eux forcés de quitter l'école pendant une période économique difficile, d'autres après la mort d'un parent. « On a dû quitter l'école quand notre père est mort, » a déclaré un enfant dont le demi-frère aurait été victime de la traite à l'âge de dix-sept ans. « Nos mères ne pouvaient pas payer les frais de scolarité70. Un autre, également devenu orphelin jeune, a raconté à Human Rights Watch : « Je voulais aller à l'école mais je n'avais rien71. »

Human Rights Watch a interrogé dix garçons et onze filles qui ont affirmé qu'ils avaient été victimes de la traite suite au décès de l'un de leurs parents ou des deux. Un garçon, maintenant âgé de dix-sept ans, a affirmé qu'à sept ans, il avait déjà perdu ses deux parents. Un autre, quatorze ans, a perdu ses deux parents et a ensuite été victime de la traite trois fois à destination du Nigeria. « Je n'avais pas d'autre choix que d'y aller » a-t-il dit à Human Rights Watch. « Je ne faisais aucun travail ici et les choses devenaient plus dures. Je n'ai rien dit à ma grand-mère parce qu'elle n'aurait pas accepté. Je n'avais pas d'autres parents vers qui aller - j'ai des oncles à Kara mais ils ne s'inquiètent pas de moi72. » Une jeune fille de seize ans a affirmé qu'elle avait été présentée à un trafiquant par un ami après le décès de son père, soi-disant d'une morsure de serpent. Sa mère s'est enfuie au Burkina Faso, laissant neuf enfants derrière elle. « Je n'ai rien dit à mes frères, » a-t-elle raconté. « Je savais qu'ils allaient dire que c'était juste une réaction à une mauvaise situation et qu'ils pouvaient s'occuper de moi si je restais. Je voulais les surprendre en revenant avec de l'argent et des compétences73. » A la question sur les causes principales pouvant expliquer le nombre d'orphelins au Togo, N'Bighe N'Faba, préfet de La Binah a affirmé à Human Rights Watch que les enfants peuvent être orphelins « à cause du SIDA mais aussi du paludisme, des morsures de serpent, des mères mortes en couches et simplement de la tradition de ne pas aller à l'hôpital à temps ou du manque de médicaments74. »

A Tchamba, Human Rights Watch a recueilli des informations sur le cas d'une enfant victime de la traite après la mort de son père, causée par le SIDA. Hodalo S. qui était à l'école primaire quand son père est tombé malade, a dit à Human Rights Watch que sa grand-mère l'avait envoyée vivre avec une tante75, qui l'a ensuite emmenée au Gabon pour travailler. Pendant un mois, elle a vendu du lait sur le marché sans être payée et quand elle est rentrée chez elle, son père était mort76. Human Rights Watch a interrogé un assistant social qui connaissait ce cas. Celui-ci a déclaré que l'infirmier qui soignait le père d'Hodalo avait confirmé le diagnostic de VIH-SIDA. Dans d'autres cas, des orphelins recrutés par des trafiquants étaient incapables de citer la cause du décès de leurs parents.

Comme dans l'étude BIT-IPEC, Human Rights Watch a trouvé des différences significatives entre les expériences des filles victimes de la traite et celles des garçons victimes de la traite. Alors que la plupart des filles interrogées ont rapporté avoir travaillé comme domestiques ou sur les marchés, les garçons ont rapporté avoir travaillé dans l'agriculture et pour un cas, dans une usine de meubles. De plus, alors qu'un certain nombre de filles ont affirmé avoir été victimes de la traite au Togo, tous les garçons ont rapporté avoir été victimes de la traite du Togo vers d'autres pays. Pour finir, alors que la plupart des filles interrogées par Human Rights Watch ont fui leurs trafiquants suite à des périodes prolongées de sévices physiques et mentaux, la plupart des garçons ont été libérés après un certain temps et livrés à eux-mêmes pour rentrer chez eux au Togo. Les expériences des témoins de Human Rights Watch sont décrites en détail dans les deux chapitres suivants : les filles victimes de la traite, à l'intérieur du pays et à l'extérieur, pour travailler comme domestiques et sur les marchés suivi des garçons victimes de la traite à l'extérieur du pays pour des emplois dans l'agriculture ou les usines.

9 L'aide au développement de l'Union européenne est gelée depuis 1993 alors que l'aide globale des Etats Unis se résume à quatre-vingt volontaires des Peace Corps et à des programmes de santé et de nutrition d'un montant de US$8 000 000. Voir du Département d'Etat américain, 2002 Background Note for Togo à www.state.gov/r/pa/ei/bgn/5430.htm (consulté le 28 juillet 2002).

10 Voir M. Tovo, « Togo: Overcoming the Crisis, Overcoming Poverty: A World Bank Poverty Assessment » (Washington, D.C.: Banque Mondiale, 1996), p. xiii.

11 Entretien conduit par Human Rights Watch avec Koffi Badjow Tcham, Directeur de cabinet, Département de la protection et de la promotion de la famille et des enfants, Lomé, 7 mai 2002.

12 Communication électronique entre Human Rights Watch et Jean-Claude Legrand, conseiller régional à la protection de l'enfance, UNICEF, Bureau régional pour l'Afrique de l'Ouest et du Centre, 7 juillet 2002.

13 L. Bazzi-Veil, « Sub-regional Study on Child Trafficking in West and Central Africa » (Abidjan : UNICEF, Bureau régional pour l'Afrique de l'Ouest et du Centre, 1999), carte.

14 Programme international sur l'élimination du travail des enfants (IPEC) et BIT, « Combating trafficking in children for labour exploitation in West and Central Africa: synthesis report based on studies of Benin, Burkina Faso, Cameroon, Côte d'Ivoire, Gabon, Ghana, Mali, Nigeria and Togo » (Genève, BIT, 2001), p. 6.

15 Ibid., pp. 22-24.

16 « West and Central Africa: United Nations Integrated Regional Information Network (IRIN) focus on regional efforts against child trafficking », IRIN, 27 mars 2002, à www.irinnews.org/print/asp?ReportID=19693 (consulté le 27 mars 2002), p. 2. Aux moments de la réunion regionale et de sa rencontre avec Human Rights Watch, Aho était directrice, au Togo, du Département pour la protection et la promotion de la famille et des enfants, qui fait partie du Ministère des Affaires sociales. En 2002 elle à était nommée ministre de la Santé publique, de la promotion de la femme, et de la protection de l'enfant. Entretien conduit par Human Rights Watch avec Suzanne Aho, Lomé, 6 mai 2002 ; U.S. State Department's Country Reports on Human Rights Practices for 2001, à www.state.gov/g/drl/rls/hrrpt/2001/af/8408pf.htm (consulté le 27 mars 2002), p. 17.

17 Entretien de Human Rights Watch avec Suzanne Aho, Lomé, 6 mai 2002.

18 Comparer l'entretien de Human Rights Watch avec Suzanne Aho avec E.M. Abalo, « Problématique du trafic des enfants au Togo : Rapport d'enquête » (Lomé : BIT-IPEC, 2000), p. viii. Selon le Département d'Etat américain, l'estimation du gouvernement était de 750 enfants trafiqués en 1999. Département d'Etat américain, 2001 Country Reports on Human Rights Practices, p. 17.

19 Abalo, «Trafic des enfants au Togo, » p. viii. Le premier cas enregistré par une ONG togolaise remonte à 1995, lorsqu'un enfant de cinq ans sur le point d'être vendu au Bénin pour 15 000 CFA (U.S.$22) a été intercepté et amené à l'ONG Terre des Hommes. Abalo, « Trafic des enfants au Togo, » note 3. Le cas le plus ancien sur lequel Human Rights Watch a recueilli des informations, dans le cadre de la présente recherche, date de 1993, lorsqu'une fillette de trois ans a été emmenée du village de Hahatoe vers le Nigeria. Entretien conduit par Human Rights Watch interview, Hahatoe, 11 mai 2002.

20 Abalo, «Trafic des enfants au Togo, » pp. xx-xxi ; P. Boonpala et J. Kane, « Trafficking of Children: The problem and responses worldwide » (Genève : BIT, 2001), p. 19.

21 BIT-IPEC, « Synthesis Report », p. 4 ; voir aussi, Abalo, « Trafic des enfants au Togo, » p. xviii.

22 BIT-IPEC, « Synthesis Report », p. 10 ; Abalo, « Trafic des enfants au Togo, » p. xxiii.

23 « Child traffickers arrested in Togo », BBC News, 27 juillet 1999 à news.bbc.co.uk/hi/english/world/africa/newsid_404000/404342.stm (consulté le 20 mai 2002).

24 « Eight Togolese Children on board Etireno, » Panafrican News Agency (PANA) Daily Newswire, 17 mai 2001, à http://global.factiva.com/en/arch/print_results.asp (consulté le 8 avril 2002).

25 Voir par exemple, « West Africa's Little Maids », BBC News, 16 avril 2001, à http://news.bbc.co.uk/hi/english/world/africa/newsid_1279000/1279776.stm (consulté le 29 mai 2002) ; H. Mayell, sans titre National Geographic News, 24 avril 2001 ; « Togo hands suspected child traffickers to Benin », Reuters, 7 mai 2001, à http://global.factiva.com/en/arch/print_results.asp (consulté le 8 avril 2002) ; R. Mulholland, « Legal Inquiry Underway in Benin », Fonds américain pour l'UNICEF, 10 mai 2002 ; « UN plans active part in eradicating child trafficking », PANA Daily Newswire, 31 mai 2001, à http://global.factiva.com/en/arch/print_results.asp (consulté le 8 avril 2002) ; « West African domestic servants face slavery », PANA Daily Newswire, 11 juin 2001, à http://global.factiva.com/en/arch/print_results.asp (consulté le 8 avril 2002) ; « Immigrant Ship Leaves Togo, Heads For Nigeria », Dow Jones International News, 23 juin 2001, à http://global.factiva.com/en/arch/display.asp (consulté le 8 avril 2002).

26 Voir par exemple la Première réunion spécialisée sur la traite et l'exploitation des enfants en Afrique de l'Ouest et du Centre, « Rapport de synthèse », p. 6.

27 Entretien conduit par Human Rights Watch avec des villageois, Vogan, 29 avril 2002.

28 Entretien conduit par Human Rights Watch avec des villageois, Afanyagan, 29 avril 2002.

29 Entretien conduit par Human Rights Watch avec des villageois, Elavagnon, 10 mai 2002.

30 Entretien conduit par Human Rights Watch avec des villageois, Vogan, 29 avril 2002.

31 Abalo, « Trafic des enfants au Togo », pp. xv-xvii ; E. Amouzou, A. Amenyedzi, D. Sambiani et K. Segnon, « Pour une nouvelle dynamique au service des enfants du Togo : Recherche sur le trafic d'enfants au Togo : Rapport définitif » (Lomé : Plan-Togo, 2002), pp. 37-38. Le rapport de synthèse du BIT-IPEC concluait « qu'en général, ... les enfants victimes de la traite viennent de familles pauvres, vivant dans des zones rurales. » Il est à noter que selon l'étude par pays du BIT-IPEC pour le Togo, 50 pour cent de la population togolaise travaillent dans une agriculture commerciale ou de subsistance. BIT-IPEC, « Synthesis Report », p. 13 ; Abalo, « Trafic des enfants au Togo », p. iii.

32 R. Salah, « Child Trafficking in West and Central Africa: An Overview » (Présentation faite lors de la Première conférence panafricaine sur le trafic d'individus organisée par la Fondation pour l'éradication du trafic des femmes et du travail des enfants (WOTCLEF), 19-23 février 2001), p. 4.

33 L. Bazzi-Veil, « Étude sous-régionale sur le trafic des enfants à des fins d'exploitation économique en Afrique de l'Ouest et du Centre » (Abidjan : UNICEF Bureau régional pour l'Afrique de l'Ouest et du Centre (WCARO), 2000), p. 9 ; Programme de développement des Nations Unies, 2002 Human Development Report, téléchargé sur www.undp.org/hdr2002/complete.pdf le 6 août 2002. Les taux de pauvreté ont tendance à être beaucoup plus élevés dans les zones rurales. Ainsi au Togo, le taux général de pauvreté est de 35 pour cent mais le taux dans les zones rurales est de 78 pour cent. Abalo, « Trafic des enfants au Togo », p. iii. Les liens entre pauvreté et traite des enfants ont fait l'objet de nombreuses études et récits journalistiques. Il a été dit que la pauvreté contraignait les familles à trouver des moyens pour réduire le coût des soins aux enfants, incitait les enfants à chercher une vie meilleure à l'étranger et poussait les familles rurales vers des salaires plus élevés dans les zones urbaines. La pauvreté pousserait également les fermiers à employer leurs enfants dans les champs, entraînant des taux élevés d'abandon scolaire et une vulnérabilité accrue au recrutement par des intermédiaires liés à la traite. La pauvreté contribuerait également à l'emploi des filles comme domestiques, ce qui en soi peut potentiellement conduire à la traite des enfants. Voir R. Salah, « Child Trafficking », p. 4 ; UNICEF-WCARO, « Workshop on Trafficking in Child Domestic Workers », p. 30 ; Bazzi-Veil, « Trafic des enfants en Afrique de l'Ouest et du Centre, » p. 8 ; Boonpala et Kane, « Trafficking of Children », pp. 20-21 ; BIT-IPEC, « Synthesis Report », pp. 13-14, 31 ; Abalo, « Trafic des enfants au Togo », p. xix ; Bureau des Nations Unies pour le Contrôle des Drogues et de la Prévention du Crime, « Trafficking for Forced Labor », annonce de service public, téléchargé sur www.odccp.org/multimedia.html le 27 juin 2002 ; récits journalistiques listés ci-dessus.

34 Abalo, « Trafic des enfants au Togo », p. xvii.

35 Ibid., p. xvi.

36 Ibid., p. xvii. 71 pour cent des parents avaient entre cinq et huit enfants et 11 pour cent avaient plus de huit enfants.

37 Entretien conduit par Human Rights Watch avec Kodjo Djissenou, directeur exécutif, La Conscience, 18 mai 2002. En 1996, la Banque Mondiale notait que « le coût est l'une des principales raisons pour lesquelles les pauvres n'envoient pas leurs enfants à l'école. Si les frais de scolarité sont bas, le matériel scolaire est cher. » La Banque Mondiale notait également que les dépenses d'éducation du gouvernement n'ont pas suivi la croissance de la population en âge d'être scolarisée - à la fois par manque de ressources et par choix budgétaires - et qu'en 1995, le gouvernement togolais a alloué presque cinquante fois plus d'argent à chaque étudiant du supérieur qu'à chaque étudiant du niveau primaire. Dans son étude par pays sur la traite des enfants au Togo, le BIT-IPEC a demandé à quatre-vingt-seize enfants victimes de la traite s'ils avaient jamais été scolarisés et si oui, s'ils avaient abandonné l'école et à quel moment. Sur les quatre-vingt-quatre enfants victimes de la traite qui avaient été scolarisés, 81 pour cent avaient déjà abandonné l'école avant d'être recrutés par des trafiquants. M. Tovo, « World Bank poverty assessment », p. xi ; Abalo, « Trafic des enfants au Togo, » p. xix. Voir aussi UNICEF-WCARO, « Workshop on Trafficking in Child Domestic Workers », p. 22 ; Bazzi-Veil, « Trafic des enfants en Afrique de l'Ouest et du Centre, » p. 9 ; R. Salah, « Child Trafficking » p. 4 ; Boonpala et Kane, « Trafficking of Children », p. 21.

38 Entretien conduit par Human Rights Watch avec des villageois, Bafilo, 2 mai 2002.

39 Boonpala et Kane, «Trafficking of Children », p. 21.

40 Voir de façon générale M. Tovo, « World Bank poverty assessment », p. xi ; M. Black, « Child Domestic Workers: A Handbook for Research and Action » (Londres : Anti-Slavery International, 1997), p. 15 ; Anti-Slavery International et WAO-Afrique, « Children Working in Domestic Service in Togo » (Londres : Anti-Slavery International, 1994) ; UNICEF-WCARO, « Workshop on Trafficking in Child Domestic Workers », pp. 15-19 ; UNICEF, « Child Domestic Work », Innocenti Digest no. 5 (Florence : Innocenti Research Centre, 1999), p. 2 ; Boonpala et Kane, « Trafficking of Children », p. 23 ; Abalo, « Trafic des enfants au Togo », p. xviii. Dans son étude de 2000 sur la traite des enfants, l'UNICEF affirmait que les filles risquent davantage d'être victimes de la traite là où des « facteurs culturels » entravent leur éducation mais n'a pas approfondi ce point. Voir Bazzi-Veil, « Trafic des enfants en Afrique de l'Ouest et du Centre », p. 8.

41 Voir Conseil économique et social des Nations Unies, « Youth at the United Nations: Country Profiles of the Situation of Youth », à esa.un.org/socdev/unyin/countrya.asp?countrycode=tg (consulté le 5 juin 2002) ; Division des statistiques des Nations Unies, « Togo: Millenium Indicators », à unstats.un.org/unsd/mi/mi_results.asp?crID=768 (consulté le 6 juillet 2002). En 1997, le Comité des Nations Unies sur les droits de l'enfant notait qu'alors que le principe « d'une éducation de base universelle et obligatoire pour tous les enfants » est reconnu par le Togo, il était « inquiet du faible taux de scolarisation et du taux élevé d'abandon scolaire, en particulier parmi les filles, entraînant des taux d'analphabétisme élevés, un manque d'installations pour apprendre et enseigner et une pénurie d'enseignants formés, particulièrement en milieu rural ». Voir Nations Unies, « Concluding Observations of the Committee on the Rights of the Child: Togo », Document Nations Unies CRC/C/15/Add.83 (New York: U.N. Publications, 1997), para. 25.

42 L'étude notait également que 95 pour cent des enfants travailleurs domestiques au Togo étaient des filles. M. Black, « Child Domestic Workers » (London: ASI, 1997), p. 15, citant ASI et WAO-Afrique, « Children in Domestic Service in Togo » (London: ASI, 1994).

43 M. Black, « A Handbook on Advocacy: Child Domestic Workers: Finding a Voice », (London: ASI, 2002), p. 9.

44 BIT-IPEC, « Synthesis Report », p. 15.

45 Abalo, « Trafic des enfants au Togo », p. lxvi. Dans l'étude Plan-Togo, 8 pour cent des parents interrogés étaient veufs ou veuves ; cependant, il n'est pas clair si ces mêmes 8 pour cent avaient pratiqué la traite des enfants. Amouzou et al, « Trafic d'enfants au Togo », p. 35.

46 BIT-IPEC, « Synthesis Report », p. 15.

47 Selon une estimation conjointe développée en 2002 par l'ONUSIDA, l'UNICEF, USAID et le Bureau américain du recensement, le nombre total d'enfants vivants de moins de quinze ans dont la mère, le père ou les deux parents sont décédés du SIDA en Afrique sub-saharienne est de 11 millions. The Synergy Project, « Children on the Brink 2002: A Joint Report on Orphan Estimates and Program Strategies » (Washington, D.C.: USAID, July 2002).

48 OMS/ONUSIDA, « Togo, Epidemiological fact sheets on HIV/AIDS and sexually transmitted infections », p. 3 ; entretien conduit par Human Rights Watch avec Apelète Devotsou, Programme National de lutte contre le SIDA, Lomé, 6 mai 2002.

49 Dans l'une des écoles primaires étudiées dans le document CARE/Banque Mondiale, 100 élèves sur 214 étaient orphelins. Parmi ceux-ci, plus de la moitié avaient perdu au moins un parent du SIDA. A.Y. Akolatse et K.T. Djonoukou, « Analyse de la situation des orphelins, veuves et familles affectées du SIDA dans la région Maritime en vue de la réalisation d'un programme de prise en charge », Projet IDF/RIPPET (Lomé: CARE/Banque Mondiale, 2001), p. 37. Dans une étude différente, la Banque Mondiale a trouvé que les orphelins au Togo, définis comme des enfants ayant perdu soit leur mère, soit leurs deux parents avaient 20 pour cent moins de chance d'être scolarisés que les enfants ayant leurs deux parents.

50 Ibid., p. 37. La vulnérabilité des enfants affectés par le SIDA aux travaux dangereux et aux sources d'exploitation a également été étudiée dans d'autres régions d'Afrique. Voir par exemple, le rapport de Human Rights Watch, « Dans l'ombre de la mort : VIH-SIDA et droits des enfants au Kenya », A Human Rights Watch report, vol. 13, no. 4(A), juin 2001 ; UNICEF Bureau régional pour l'Afrique orientale et australe (ESARO), « Child Labor in the Shadow of HIV/AIDS » (Nairobi: UNICEF-ESARO, April 2002) ; Synergy Project, « Children on the Brink 2002. »

51 Akolatse et Djonoukou, « Analyse de la situation des orphelins », p. 36. Les filles sont probablement plus exposées à une contamination par le VIH suite à l'exploitation qu'elles subissent au travail parce que les activités que sont la prostitution et les travaux domestiques les exposent aux violences sexuelles, à la contrainte ainsi que, de façon générale, aux relations sexuelles non protégées. Voir par exemple, UNICEF, « Child Domestic Work » ; Human Rights Watch, « Dans l'ombre de la mort », p. 16.

52 Dans l'étude CARE/Banque Mondiale de 2001, un thérapeute togolais est cité affirmant que « le SIDA est une maladie nouvelle qui suscite la peur. C'est la maladie des bohémiens et des prostitutées. » Fidèle Avajon, directeur d'un ONG qui travaillait avec des orphelins du SIDA a affirmé à Human Rights Watch que « les familles n'acceptent pas facilement que quelqu'un, parmi leurs proches, meure du SIDA. On avait des familles dans lesquelles on savait que quelqu'un était mort du SIDA et on essayait de les aider. Mais la famille refusait notre aide parce qu'elle ne voulait pas admettre que la cause du décès était le SIDA. » Arsène Mensah, coordinateur de programme de l'ONG Aide Médicale et de Charité a attribué une telle réaction aux premières campagnes d'information qui disaient « le SIDA, c'est la mort. » « Si une famille sait que quelqu'un dans la famille a le SIDA, ils s'éloignent de cette personne, » a-t-il dit. « Les gens ont encore peur d'être contaminés. » Voir Akolatse et Djonoukou, « Analyse de la situation des orphelins », p. 30 ; entretien conduit par Human Rights Watch avec Fidèle Avajon, directeur, Association pour une Meilleure Intégration Sociale, Lomé, 7 mai 2002 ; entretien conduit par Human Rights Watch avec Arsène Mensah, Aide Médicale et de Charité, Lomé, 7 mai 2002.

53 Communication électronique de Kodjo Djissenou à Human Rights Watch, 15 avril 2002.

54 Entretien conduit par Human Rights Watch avec Arsène Mensah, Aide Médicale et de Charité, Lomé, 7 mai 2002.

55 Entretien conduit par Human Rights Watch avec Gouna Yawo, Président, Espoir-Vie Togo, Lomé, 6 mai 2002.

56 Entretien conduit par Human Rights Watch avec Suzanne Aho, Lomé, 6 mai 2002.

57 Entretien conduit par Human Rights Watch avec Essodina Abalo, administrateur, IPEC-Togo, Lomé, 17 mai 2002.

58 Abalo, « Trafic des enfants au Togo », pp. vii, xxi, xviii ; BIT-IPEC, « Synthesis report, » p. 32 ; R. Salah, « Child Trafficking », pp. 4, 5 ; UNICEF-WCARO, « Workshop on Trafficking in Child Domestic Workers », p. 34 ; Bazzi-Veil, « Trafic des enfants en Afrique de l'Ouest et du Centre », p. 11. Dans l'étude BIT-IPEC sur la traite des enfants au Togo, 46 pour cent des enfants victimes de la traite interrogés appartenaient à l'ethnie des Kotokoli, une communauté qui partage des caractéristiques linguistiques, ethniques et culturelles avec des groupes au Ghana, Bénin et Nigeria.

59 Selon l'étude de Bazzi-Veil, certaines parties du Togo connaissent une pauvreté élevée mais des pourcentages d'enfants victimes de la traite faibles. L'étude note également que la migration des filles maliennes vers un travail domestique est motivée moins par la pauvreté que par l'acquisition d'un trousseau et le désir de faire l'expérience de la vie urbaine. Une étude récente de la Banque Mondiale sur la traite des enfants au Bénin concluait que la traite des enfants était moins une réponse à la pauvreté « qu'une stratégie pour encourager le départ des enfants » réservée aux familles disposant d'un certain niveau d'épargne et d'une capacité à planifier le futur. Voir Bazzi-Veil, « Trafic des enfants en Afrique de l'Ouest et du Centre », p. 9 ; communication électronique avec Human Rigths Watch d'Anne Kielland, 30 mai 2002.

60 Entretien conduit par Human Rights Watch avec Koffi Badjow Tcham, 7 mai 2002.

61 BIT-IPEC, « Rapport de Synthèse », p. 18.

62 A.F. Adihou, « Summary of the final report on trafficking of children between Benin and Gabon », (London: ASI, 2000), p. 9.

63 Une description du plan est disponible par le biais de End Child Prostitution and Trafficking (ECPAT), à www.ecpat.net/eng/Ecpat_inter/projects/monitoring/online_database/countries.asp?arrCountryID=174&CountryProfile=&CSEC=&Implement=&Nationalplans=National_plans_of_action&orgWorkCSEC=&DisplayBy=optDisplayCountry (consulté le 10 juillet 2002).

64 Les garçons interrogés avaient entre neuf et dix-sept ans lorsqu'ils ont été victimes de la traite et les filles avaient entre trois et dix sept ans. Dix-huit autres enfants ont été interrogés, certains dont les histoires ne pouvaient s'apparenter à une expérience de traite d'enfants et d'autres dont les témoignages n'offraient pas suffisamment de preuve pour décider s'ils avaient ou non été victimes de la traite. Toutes les données statistiques dans cette section concernent les témoins interrogés par Human Rights Watch. Elles n'ont pas pour but de conduire à une généralisation sur une population plus large d'enfants victimes de la traite.

65 Le système scolaire au Togo est divisé en 6 années d'école primaire, quatre années de collège (middle school) et trois années de lycée (secondary school). Pour ce rapport, les appellations du niveau 1 au niveau 12 seront utilisées.

66 Conseil Economique et Social des Nations Unies, « Youth at the United Nations ».

67 Entretien conduit par Human Rights Watch, East-Mono, 10 mai 2002.

68 Un alcool local.

69 Entretien conduit par Human Rights Watch, Vo, 16 mai 2002.

70 Entretien conduit par Human Rights Watch, Bassar, 3 mai 2002.

71 Entretien conduit par Human Rights Watch, Sotouboua, 4 mai 2002.

72 Entretien conduit par Human Rights Watch, East-Mono, 10 mai 2002.

73 Entretien conduit par Human Rights Watch, Bassar, 3 mai 2002.

74 Entretien conduit par Human Rights Watch avec N'Bighe N'Faba, préfet de La Binah, 3 mai 2002.

75 Selon une étude ASI de 1998-1999 sur la traite des filles entre le Bénin et le Gabon, les femmes responsables des filles victimes de la traite sont souvent appelées « Tatas » afin de laisser croire à l'existence d'un lien familial. A.F. Adihou, « Trafficking of children between Benin and Gabon », p. 10. Human Rights Watch n'a pas été en mesure de vérifier dans la plupart des cas si la « tante » ou « tantie » que désignaient les filles victimes de la traite était effectivement une parente par le sang ou le mariage.

76 Entretien conduit par Human Rights Watch, Tchamba, 2 mai 2002.

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