Africa - West

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V. Massacres et autres abus contre les droits humains

L'attaque contre Bunia

Début août 2002, les combattants UPC qui contrôlaient alors une partie de Bunia ont travaillé avec l'armée ougandaise pour déloger les forces RCD-ML et prendre le contrôle de la ville et de certains de ses quartiers excentrés. Ce faisant, ils ont commis les abus détaillés ci-dessous. La prise de Bunia fut le prélude à l'établissement du gouvernement UPC un peu plus tard dans le mois.92

La violence de début août à Bunia a démontré trois aspects essentiels du conflit en Ituri. Premièrement, toutes les parties en présence commettent des abus. Dans ce cas, ce fut plus ou moins simultanément, avec les groupes armés hema comme lendu tuant des civils appartenant à l'autre groupe ethnique, souvent dans leurs maisons. Dans d'autres cas, les tueries se sont produites successivement, censées être des actions de représailles pour des attaques commises préalablement. Deuxièmement, le soutien apporté par des acteurs extérieurs est important. Dans la plupart des cas, un tel soutien reste modeste mais dans ce cas, l'aide de l'armée ougandaise a clairement assuré la victoire de l'UPC. Troisièmement et comme dans tous les autres cas, les victimes les plus nombreuses ont été et continuent d'être parmi les civils.

La montée vers la violence d'août a commencé en juin et juillet alors que l'hostilité de la milice hema à l'encontre du gouverneur Molondo augmentait tandis qu'il intégrait des milices lendu et ngiti dans l'APC. Logée dans la maison de Lubanga et protégée par des soldats de l'armée ougandaise, la milice a cherché à contrôler des parties de plus en plus importantes de la ville de Bunia. Elle s'est accrochée avec les combattants APC, le 10 juillet dans un bar appelé TV5 et le 25 juillet au Camp Ndoromo où l'APC formait environ 1 200 combattants lendu et ngiti. Le 6 août, des combattants hema, apparemment soutenus par des soldats ougandais, ont lancé une attaque majeure à Ndoromo et ont été repoussés après quatorze heures de combat seulement. Deux soldats ougandais auraient trouvé la mort. Selon des sources locales, l'UPC a utilisé des mines anti-personnel, l'une d'entre elles ayant blessé un soldat APC. Les familles des combattants lendu et ngiti ont fui vers la résidence du gouverneur à Bunia pour chercher protection.93

Les 7 et 8 août, la milice UPC a tenté d'occuper certains quartiers de Bunia et au cours de cette tentative, a délibérément tué des civils lendu et d'autres, comme des Nande et des Bira, perçus comme des alliés des Lendu. Les milices lendu ont pris pour cibles et tué des douzaines de civils hema dans le quartier de Mudzi Pela et dans d'autres quartiers majoritairement hema comme Saio, Rwambuzi et Simbiliabo. Les deux parties ont brûlé des maisons provoquant le déplacement d'un nombre important de civils.94 Un témoin a ainsi raconté :

      Le 7 août, les jeunes miliciens hema ont poursuivi les Bira et les Lendu dans Bunia. Ils savaient vers quelles maisons aller et qui prendre pour cible. Ils étaient environ 200, certains en uniforme, d'autres en civil. Ils ont tué beaucoup de personnes ce jour-là - environ 37 - même si je pense qu'il y en a eu plus. Quelques jours plus tard, le 9 août, ces personnes ont été enterrées par la Croix Rouge et le chef du coin. Il y avait des hommes, des femmes et des enfants. Le massacre s'est produit de 7 heures du matin jusqu'à 1 heure de l'après-midi environ.95

En dehors de la ville, à Lengabo, les milices lendu et ngiti ont délibérément tué trente-deux civils hema qui avaient cherché refuge dans la ferme de Tibasima Ateenye, un chef hema auparavant lié au RCD-ML mais qui résidait alors à Kinshasa. Un témoin a rapporté les faits suivants :

      Trente-deux hema sont morts là bas [à la ferme de Tibasima]. Je les ai comptés. Sept environ sont morts par balle alors que les autres ont été tués à la machette. Cette attaque a vraiment augmenté les tensions. Certains des blessés sont venus à Bunia. Ils avaient même coupé les jambes d'un enfant et le bras d'un autre.96

La milice aurait tué deux soldats ougandais qui avaient protégé les Hema à la ferme et a chassé les autres. Il n'est pas clair si ces soldats ougandais ont cherché à protéger les Hema par sens du devoir, par contraste avec leurs camarades qui n'ont rien fait ou se sont joints aux tueries perpétrées contre les Hema ou s'ils avaient été engagés de façon privée pour protéger la ferme de Tibasima, une disposition que les soldats ougandais prennent parfois pour leur propre bénéfice.97

Le 8 août 2002, le Gouverneur a rencontré les commandants de l'armée ougandaise pour appeler à la mesure dans la ville. Il a déclaré que l'armée ougandaise se trouvait là pour assurer la sécurité et non pour prendre parti. Selon un témoin présent à cette réunion, l'un des commandants de l'armée ougandaise a menacé le gouverneur Molondo en disant qu'il avait reçu ordre des plus hautes instances militaires à Kampala de le neutraliser.98 A 8 heures du soir ce soir là, l'armée ougandaise a attaqué la résidence du gouverneur. L'attaque a duré dix minutes seulement mais a suffi à causer une panique supplémentaire en ville. Les Lendu, craignant pour leur vie, ont couru chercher protection dans la résidence du gouverneur alors que les tueries se poursuivaient à Mudzi Pela et dans d'autres quartiers de Bunia.

Le 9 août 2002, à 2 heures de l'après-midi, l'armée ougandaise suivie par l'UPC, a de nouveau attaqué la résidence du gouverneur et le quartier environnant, connu sous le nom de sous-région, en utilisant des armes lourdes dont des tanks. Après une courte bataille, le gouverneur Molondo et les troupes APC ont fui à pied en direction de Beni. Après leur départ, les combattants UPC ont continué de tuer des civils lendu, nande et bira aux abords de l'hôpital principal, dans le quartier de Bigo et près de la prison centrale. Un témoin a rapporté le récit suivant :

      Le 11 août, j'ai enfin pu aller à la résidence du gouverneur. J'ai vu l'UPDF et les Hema qui pillaient les maisons. Dans la maison d'un commandant militaire nommé Pichu, il y avait cinq corps de femmes dont celui de la femme de Pichu et quatre autres. Toutes avaient été tuées par balle et sa femme avait une balle dans la tête. Dans la maison suivante, j'ai encore trouvé trois autres corps, ceux d'une femme et de deux enfants. Il y avait encore des gens qui cherchaient refuge là-bas. Plus loin, j'ai trouvé le corps d'un petit enfant. Ça m'a vraiment choqué. Dans la maison du gouverneur-adjoint, j'ai vu dix-sept corps, dont ceux de femmes et d'enfants. Après avoir vu tout ça, je suis retourné là où je restais. J'avais peur.99

Plusieurs fosses communes ont été découvertes, dont deux près de la résidence du gouverneur et d'autres près de la prison et de l'hôpital. Selon la MONUC, 110 personnes sont mortes au cours des violences d'août à Bunia et dans ses environs mais des sources locales ont estimé le nombre de morts à au moins 150. Les victimes étaient à la fois des civils hema et lendu dont beaucoup avaient été pris pour cibles pour la simple raison de leur appartenance ethnique. Plusieurs fosses communes ont par la suite été découvertes dont une avec vingt-six corps principalement de femmes et d'enfants, beaucoup portant des blessures par balles dans le dos.100 Selon des témoins, certaines victimes ont aussi été jetées dans la rivière Chari.101

L'armée ougandaise a soutenu l'attaque de l'UPC qui a délibérément tué un nombre important de civils. De plus, cette armée a échoué, dans la plupart des cas, à protéger les civils qui ont été pris pour cibles dans la ville et dans ses environs, malgré la disponibilité d'un nombre important de soldats à moins de deux kilomètres. Les soldats ougandais se sont également joints à l'UPC et à d'autres pour piller des maisons et des magasins. Le Major David Muhoozi et le Capitaine Eddy Muwonge de l'armée ougandaise rejettent la responsabilité de ces abus, en affirmant qu'il s'agissait « d'une affaire congolaise. »102

Massacres et autres abus commis par l'UPC

Le gouvernement UPC et la montée de l'extrémisme
L'UPC fut le premier parti politique avec une assise ethnique en Ituri. Sa formation d'un gouvernement sous Thomas Lubanga en août 2002 a suscité la création de plusieurs autres mouvements à base ethnique cherchant à s'opposer à sa croissance (voir l'encadré ci-dessus). Initialement, l'UPC prétendait être un mouvement représentatif national, créé par des gens de la province d'Ituri afin d'apporter la paix et la réconciliation dans la région. Il serait financé par des hommes d'affaires hema dans la région qui auraient eu une influence non négligeable dans de nombreuses décisions politiques.103

D'août 2002 à mars 2003, l'UPC a contrôlé Bunia et la zone qui lui était immédiatement proche, y compris la plupart du territoire Djugu juste au nord. Même si l'UPC prétendait contrôler l'ensemble de l'ancien district d'Ituri, le mouvement ne contrôlait pas Mambasa à l'ouest et la zone de Kpandruma et Rethy au nord où les Lendu avaient leur base. L'UPC exerçait seulement un contrôle sporadique sur les zones alur et lugbara, proches de la frontière ougandaise. Au cours de cette période, l'ancien gouverneur d'Ituri, Jean-Pierre Lompondo Molondo nommé par Mbusa Nyamwisi du RCD-ML, a prétendu gouverner encore les régions occidentales d'Ituri qui étaient sous le contrôle militaire de l'APC.

Sur le papier, le gouvernement UPC apparaissait représentatif avec un certain nombre de ministres appartenant à d'autres groupes ethniques mais en pratique, il était contrôlé par les Gegere, la branche nord du groupe ethnique hema. Certains représentants d'autres groupes ethniques ont rejoint le mouvement et le gouvernement sous la contrainte. L'un de ces ministres a ainsi raconté :

      J'ai décidé de rejoindre l'UPC pour des raisons de sécurité et non parce que je le voulais. Je cherchais à tout prix à protéger ma famille. Beaucoup de gens disparaissaient et j'ai pensé que je n'avais pas le choix. Chaque jour, je vais au travail et à la réunion du mouvement mais mon c_ur n'y est pas. Beaucoup d'autres sont dans la même position.104

D'autres personnes ne souhaitant pas rejoindre l'UPC ou son gouvernement ont pris la fuite ou se sont cachées lorsqu'elles ont appris qu'elles avaient été nommées à des postes ministériels.105

A peu près au moment où l'UPC a établi son gouvernement, un groupe composé essentiellement de Gegere a tenté d'établir une politique plus clairement hostile aux Lendu pour le parti. Le groupe aurait inclus Adele Lotsove Mugisa, Jean-Baptiste Dhetchuvi et Richard Lonema, influent porte-parole hema localement. Selon des Hema maintenant en rupture avec l'UPC, ce groupe aurait prôné avec Lubanga - que le groupe aurait plus orienté que suivi - l'élimination des Lendu et des Ngiti afin de mettre un terme au conflit ethnique de façon définitive. Ils auraient proposé de tuer d'éminents responsables lendu et ngiti, en particulier des intellectuels et de rompre les relations économiques avec les communautés lendu.106

Un groupe hema maintenant opposé à l'UPC a déclaré : « Les réunions du mouvement ont créé des divisions parce qu'un groupe central comprenant Lotsove, Lubanga et Dhetchuvi a tenu des réunions à part, en kilendu, une langue que ne parlent pas les Hema du Sud. Il nous est clairement apparu qu'ils avaient une vision différente. »107 Certains membres de l'UPC ont affirmé qu'ils s'opposaient à la nouvelle direction. L'une de ces personnes a expliqué : « Lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, la logique du mouvement a changé pour s'orienter vers l'élimination des Lendu et des Ngiti. J'étais opposé à cela et je l'ai dit aux responsables. »108 Après ses protestations, le dissident a estimé que les responsables planifiaient de le tuer et il a pris la fuite pour sauver sa vie.

Sur cette toile de fond d'un extrémisme en pleine expansion, l'UPC a fait pression pour l'autonomie de l'Ituri. Dans des déclarations publiques, ils ont demandé : « Pourquoi des personnes qui ne sont pas de l'lturi devraient-elles gérer notre territoire ? »109 Ils ont avancé l'argument que si le gouvernement national prenait le contrôle de la région, il pillerait l'Ituri comme d'autres l'ont fait avant lui. Certains responsables de l'UPC se sont exprimés en utilisant un vocabulaire faisant référence à un nouveau partage des gens entre « originaires » et « non-originaires ».110 S'il n'a jamais été très clair qui étaient les originaires, de nombreuses personnes ont estimé qu'il s'agissait des Hema et des Gegere. Les gens des autres groupes ont eu peur et ont éprouvé du ressentiment à l'encontre de l'UPC qui prétendait rassembler les habitants originels de la région.

L'attaque de Mabanga
Alors que les responsables de l'UPC ont commencé à définir toute personne n'étant pas dans leur camp comme un « ennemi », les groupes armés hema et gegere ont attaqué d'autres groupes qui s'étaient auparavant perçus comme neutres dans ce conflit. A Mabanga, une ville minière habitée par plusieurs groupes ethniques, par exemple, les milices gegere se sont tournées contre les « non-originaires » le 28 août 2002. Une attaque par les milices lendu venait juste d'être repoussée et les combattants gegere locaux ont forcé les « non-originaires » à les rejoindre pour chasser les combattants lendu qui se retiraient. Après avoir repoussé les assaillants à une distance sure, les combattants gegere s'en sont pris aux « non-originaires ». Un témoin a raconté :

      Quand on est revenu du combat, les Gegere ont dit que tous ceux qui parlaient swahili et n'étaient pas originaires devaient partir tout de suite. Puis j'ai vu un groupe de Gegere qui était venu de Iga Barrière. Ils étaient en civil, ils couraient tous ensemble et étaient tous armés de lances, de machettes, de chaînes et de fusils. Ils chantaient : « Non-originaires massacrés, Bira tués. » Quelques minutes seulement après leur arrivée, ils ont commencé à tuer des gens. S'ils te voyaient et que tu avais la peau claire, ils te tuaient en criant « jajabo ».111 Ils tailladaient les gens à la machette sur les bras et sur la tête. Je les ai vus tuer des gens. Ils ont tué M. Totosca et aussi Ramon Faraho, deux personnes que je connaissais. Ils les ont coupés en morceaux avec leurs machettes puis ils les ont brûlés.112

Le massacre de Songolo
L'UPC s'est déplacé vers le Sud après avoir établi son contrôle sur Bunia et les zones environnantes. Les Ngiti, un peuple lié aux Lendu, qui vivaient dans cette zone ont ressenti une pression grandissante au fur et à mesure que l'UPC prenait des chefs lieux et des routes clefs. Ceux vivant près de Nyakunde étaient particulièrement inquiets parce qu'ils avaient un passé de disputes foncières avec les Bira, peuple localement important. Lors de la violence d'août à Bunia, les Hema ont attaqué les Bira, les assimilant aux Lendu. Cependant, dans cette région, peut-être à cause de la compétition pour la terre, les Bira étaient le plus souvent alliés aux Hema et voulaient chasser les Lendu, voyant leur présence comme une raison possible à l'importation de la guerre dans leur région.113 En août 2002, les troupes de l'UPC ont remplacé une petite force ougandaise qui s'était retirée de Nyakunde la semaine précédente. Plusieurs civils ngiti ont été tués fin août, morts que les Ngiti ont imputés aux combattants hema.

Le colonel Khandro et d'autres venus d'un groupe de combattants ngiti ont rencontré les chefs communautaires ngiti à Songolo, une ville située à environ seize kilomètres de Nyakunde pour discuter de possibles actions militaires contre les Hema. Les chefs communautaires ont appelé à la retenue et ont obtenu que les combattants acceptent de ne pas attaquer Nyakunde et de lancer des opérations militaires uniquement dans les cas d'autodéfense.

Tôt le 31 août 2002, l'UPC et les Bira ont attaqué Songolo. Un témoin a raconté :

      L'UPC et les Bira ont attaqué en trois groupes, ils étaient environ 500 venant de trois directions différentes. Ils avaient des uniformes militaires. La plupart étaient de l'UPC. Le Commandant Bagonza a ordonné aux troupes d'attaquer Songolo. Il y était en personne, je l'ai vu. Ils étaient ensemble avec des Bira en civil qui avaient des machettes et des lances. Au centre de Songolo, il y a eu un affrontement entre des combattants ngiti et l'UPC et les Bira. Ils ont utilisé des mortiers et des roquettes. On a vu ça de l'endroit où on était, au bas de la colline. Neuf combattants ngiti ont été tués et plus de vingt Hema/UPC.

      Puis les combattants bira ont guidé l'UPC jusqu'aux maisons. Ils ont tué des gens, la plupart par balles, d'autres avec des machettes et des lances. J'ai vu surtout des vieux se faire tuer. Certains ont été attaqués pendant leur sommeil, dont des enfants et des femmes. Les combattants bira ont également décapité certaines personnes à la machette. Il y a eu 140 morts dont de nombreux femmes et enfants. On a demandé aux gens de sortir de la brousse pour enterrer les morts. On s'est relayé pour les enterrer.114

L'attaque a duré environ neuf heures. Des témoins ont eu le sentiment « d'être encerclés » alors que les attaquants entraient en ville, coupant les routes qui auraient pu permettre une fuite, y compris les petits sentiers. L'un d'eux a raconté :

      Je me suis caché dans les montagnes et je suis redescendu à Songolo à environ 3 heures de l'après-midi. J'ai vu beaucoup de gens tués et j'ai même vu des traces de sang là où on avait tiré les gens par terre. J'ai compté 82 corps, la plupart tués par balles. On a fait une étude et on a trouvé que 787 personnes manquaient. On a supposé qu'ils étaient tous morts mais on ne sait pas. Certains corps étaient sur la route, d'autres dans la forêt. Trois personnes ont même été tuées par des mines. Ceux qui ont attaqué connaissaient la ville et se sont postés sur les sentiers pour tuer les gens quand ils s'échappaient.115

Les responsables communautaires ngiti ont cherché de l'aide en informant la MONUC à Bunia et en soumettant un rapport sur les événements. La MONUC a effectivement informé son siège à Kinshasa, le 3 septembre 2002 que les soldats UPC avaient été vus en train de piller Songolo116 mais aucune autre action n'a été entreprise. Les combattants ngiti ont accusé les responsables communautaires de laisser tomber leur peuple « puisque les rapports ne valaient rien. »117 Ils ont commencé à planifier des représailles contre les Hema qui ont été menées à bien le 5 septembre 2002 à Nyakunde (voir ci-dessous).

Massacre à Mongbwalu
Mongbwalu, importante ville aurifère au Nord-Ouest de Bunia, au c_ur de la concession Ashanti Goldfield a fréquemment changé de mains, suite à une série d'attaques et de contre attaques au cours du conflit. Mi-juin 2002, alors que le RCD-ML contrôlait encore Ituri, ses forces et la milice lendu ont attaqué des civils hema dans la ville tandis que la milice hema prenait pour cibles des civils lendu dans les quartiers excentrés. A la recherche de plus de sécurité, les gens se sont déplacés vers des quartiers habités par d'autres personnes appartenant au même groupe ethnique, un déplacement apparemment facilité par les chefs locaux. De nombreux civils hema ont quitté Mongbwalu à travers « des corridors sûrs » en direction d'autres régions. Ceux qui ont décidé de rester ont subi des abus infligés par les Lendu, dont des exécutions sommaires de femmes et d'enfants accusés d'être des sorcières (voir plus bas).

Lorsque l'UPC a pris le pouvoir à Bunia en août, ses membres désiraient vivement prendre Mongbwalu afin d'avoir accès aux mines d'or. En octobre, ils ont attaqué la ville mais ont été repoussés par les combattants lendu et les soldats APC. L'UPC s'est regroupé et fin novembre 2002 a mené une autre attaque, cette fois-ci conjointe avec certains des soldats MLC de Bemba, des Ougandais et peut-être quelques Rwandais.

Les forces MLC de Bemba étaient dans la région depuis plusieurs semaines avec les troupes RCD-N de Lumbala. Ces troupes tentaient de pousser vers l'est en direction de certaines régions de l'Ituri contrôlées par le RCD-ML de leur rival, Mbusa Nyamwisi (voir plus bas). Leur campagne s'est fait connaître sous le nom « effacer le tableau » et les témoins de ces opérations ont alors fait référence aux soldats de Bemba en utilisant l'appellation « les effaceurs ». De nombreux témoins ont également dit que des Ougandais avaient apporté leur aide à l'UPC. L'un d'entre eux a déclaré : « Les Hema et les Ougandais étaient toujours ensemble. »118 Un autre témoin a expliqué leur tactique en disant que les Ougandais étaient devant et que les Hema étaient derrière lors de l'attaque.119

Au cours de leur seconde attaque, l'UPC a utilisé des armes lourdes, y compris des mortiers et d'autres engins explosifs, probablement fournis par l'un ou l'autre de leurs soutiens étrangers. Ils ont débuté leur attaque dans un village appelé Pluto, dans les faubourgs de Mongbwalu. Un témoin a raconté :

      Les Hema de l'UPC, les Ougandais et les « Effacer le tableau » sont venus à 11 heures le vendredi. Ils ont tous travaillé ensemble et ont attaqué Pluto, juste à l'extérieur de Mongbwalu. Ils sont entrés directement avec leurs fusils pour tirer sur la population. J'étais chez moi, à Pluto et j'ai entendu des cris et des mortiers tomber. Alors j'ai su que la guerre avait débuté. J'ai fui Pluto et j'ai couru jusqu'à Mongbwalu. J'ai vu que c'était des soldats qui nous attaquaient parce qu'ils avaient des treillis et certains portaient des bérets noirs. Ils avaient tous des fusils et ils étaient partout.

      Pendant que je courais, j'ai vu des gens qui étaient touchés par des balles. Des femmes et des enfants tombaient. Certains ne sont pas partis en courant et se sont cachés dans leur maison à Pluto. J'ai entendu après que ces gens avaient tous été massacrés. Les assaillants ont continué à tuer des gens pendant cinq jours à Pluto. Des gens qui se sont échappés de Pluto me l'ont dit même si très peu ont réussi à s'échapper.

      Puis, ils ont aussi attaqué Mongbwalu et j'ai encore dû fuir vers Saio, à environ cinq kilomètres de Mongbwalu. Les attaquants cherchaient des Lendu, des Ngiti et des Nande. Les combattants hema nous connaissaient alors ils pouvaient facilement savoir qui on était. Pourtant, d'autres personnes ont aussi été tuées. Un peu plus tard, ils sont aussi venus nous attaquer à Saio. J'ai dû fuir de nouveau. Ils ont tué beaucoup de gens.120

Un autre témoin a raconté ce qui s'était produit à Mongbwalu même :

      Les Hema et les « Effaceurs » sont venus en ville et ont commencé à tuer des gens. On s'est caché dans notre maison. J'ai ouvert la fenêtre et de là, j'ai vu ce qui se passait. Un groupe de plus de dix personnes armées de lances, de fusils et de machettes a tué deux hommes dans Cité Suni, au centre de Mongbwalu. Je les ai vus sortir les deux hommes de leur maison et les tuer. Ils ont pris Kasore, un Lendu d'une trentaine d'années, à sa famille et l'ont attaqué avec des couteaux et des marteaux. Ils l'ont tué ainsi que son fils (d'environ vingt ans) avec des couteaux. Ils ont coupé la gorge de son fils et lui ont ouvert la poitrine. Ils ont coupé les tendons de ses talons, ils ont écrasé sa tête et ont sorti ses intestins. Le père a été massacré et brûlé.

      On a fui vers Saio. Sur la route, on a vu d'autres corps ... ils tiraient sur tout le monde, ils tiraient juste. Ceux qui prenaient une balle mouraient. La plupart des gens sont morts par balle. Beaucoup de gens ont aussi été tués à l'aéroport, par des machettes et des fusils. Il y avait encore plus de corps là bas, plus de trente.121

Un chercheur d'or qui travaillait à Mongbwalu a raconté :

      Il y avait deux groupes de miliciens hema : l'un avec des armes à feu, l'autre avec des machettes, des lances et des mukuki (un couteau aiguisé attaché à un morceau de bois qui est lancé). Le second groupe tuait les civils qui n'avaient pas fui. Les victimes étaient des Lendu et des Jajabo. La milice hema était sans pitié pour les gens. Ils les tailladaient à la machette et les tuaient.122

De nombreux civils ont fui avec les combattants lendu vers Saio, à quelques kilomètres. Lorsque l'UPC, le MLC et les assaillants ougandais les ont suivis après la prise de Mongbwalu, certains civils ont couru dans les forêts alors que d'autres ont tenté de se cacher dans Saio, notamment dans une église appelée « Mungu Samaki ». Lorsque les combattants UPC ont découvert les gens dans l'église, ils les ont massacrés.123

Les combattants UPC ont capturé d'autres civils et les ont emprisonnés dans un camp militaire où ils les ont ensuite tués. Un homme emprisonné là-bas a raconté aux chercheurs de Human Rights Watch :

      On m'a emmené à la prison et je pouvais voir par la fenêtre de ma cellule. La milice hema tuait des gens appartenant à des groupes particuliers. Ils cherchaient spécialement les Lendu. Ils choisissaient les prisonniers à tuer. Ils les prenaient un à un pour les interroger, puis ils les libéraient ou les tuaient. Ils tiraient sur les gens devant les autres prisonniers. Ils leur attachaient les bras derrière le dos avec des fils de fer. Ils tailladaient leur tête avec des couteaux. Ils les faisaient s'asseoir puis ils les tuaient. Ils tiraient aussi sur tous ceux qui tentaient de s'échapper. Parfois, ils emmenaient des gens à l'extérieur et ils ne revenaient jamais. Ils ont tué environ vingt personnes, y compris des garçons de mon quartier que je connaissais. Je les ai même vus tuer deux Pygmées, un homme et une femme. Une autre femme est venue à la prison chercher son fils. Ils lui ont demandé pourquoi elle était venue puis ils l'ont tuée. Ils nous frappaient avec des fouets et des cordes. Ils nous interrogeaient aussi. Ils m'ont demandé où les Lendu et l'APC avaient fui. Je n'ai rien dit. J'ai réussi à m'échapper le lendemain. J'ai vu plus de dix corps en dehors de la prison. La milice hema était partout dans Mongbwalu et je me suis caché pour qu'ils ne me voient pas. J'ai vu des trous comme des tombes à la limite de la ville. Ils venaient d'être creusés et étaient couverts de terre. Je suppose qu'il y avait des corps dedans.124

Sur la base des déclarations des témoins, les organisations locales de défense des droits humains ont estimé qu'au moins 200 personnes avaient été tuées dans Mongbwalu et dans ses environs mais le bilan humain pourrait être bien supérieur. Au nombre des victimes, se trouvent Freddy Bosama, Lokana Kpakani et deux professeurs appelés Budhe et Lossa.125 Un témoin a fait le récit suivant :

      Six jours plus tard, je suis retourné parce que je connaissais des Hema et je voulais récupérer mes affaires. Il n'y avait que des combattants à Mongbwalu et ils avaient tout pillé. J'ai vu que de nombreux Hema étaient revenus pour occuper les maisons des Lendu. J'ai compté cinq corps de civils dont ceux de femmes et d'enfants. J'étais venu à Mongbwalu depuis la forêt avec une autre fille qui se rendait à Saio. Je l'ai revue plus tard et elle m'a dit qu'il y avait de nombreux corps sur le bord de la route. De nombreuses maisons avaient aussi été brûlées. Les soldats ont pris de nombreux jeunes hommes ce jour-là pour enterrer les corps des gens qu'ils avaient tués.126

L'abbé Boniface Bwanalonga, curé ngiti de la paroisse de Mongbwalu a disparu au cours de l'attaque de novembre. Certains rapports font état de sa détention par des combattants UPC en compagnie de deux religieuses. Ces dernières ont été libérées et sont ensuite retournées apporter de la nourriture à l'abbé mais les combattants UPC leur ont refusé la permission de le voir et leur ont dit de partir et de ne plus revenir. L'abbé Bwanalonga n'a plus été revu depuis cet épisode.127

La coopération entre le MLC de Bemba et l'UPC de Lubanga était un fait nouveau. L'UPC a peut-être exploré la possibilité d'une réelle alliance avec le MLC alors qu'apparemment, le MLC était intéressé par un accès à l'or de Mongbwalu. Un témoin rentré à Mongbwalu après les attaques a raconté :

      A ce moment, il était clair que c'était l'UPC qui contrôlait les choses. Le Commandant Bosco avait dirigé l'attaque mais il n'est pas resté longtemps après la fin de l'attaque. Les troupes du MLC étaient conduites par l'UPC. Ils parlaient tous lingala. J'ai parlé à quelqu'un que je connaissais dans ce groupe. Il m'a dit que l'UPC d'Aru leur avait demandé de venir attaquer Mongbwalu. On leur avait promis de l'or s'ils apportaient leur aide. Dès qu'ils ont pris Mongbwalu, ils ont organisé un système pour collecter des impôts et de l'or auprès des mineurs.128

Peu de temps après l'attaque, l'UPC a tenté de lancer les opérations pour trouver de l'or. Ceci nécessitait de la main d'_uvre et les mineurs les plus expérimentés étaient des Lendu et des « non-originaires ». L'UPC a envoyé des messagers pour encourager la population à rentrer. Selon un témoin, « le commandant UPC a déclaré dans une réunion que l'UPC était pour tout le monde. Il a demandé à la population de rentrer, en particulier aux Lendu mais ils ont refusé. »129 Quand quelques personnes sont rentrées, l'UPC a essayé de les utiliser pour persuader d'autres de faire la même chose. Un témoin a raconté :

      Gbala est aussi revenu et les Hema lui ont demandé d'aller dans la forêt et d'appeler les autres à rentrer. Il est effectivement allé dans la forêt et a dit aux gens la vérité, que leurs maisons avaient été pillées. Certains ont refusé de rentrer mais d'autres l'ont fait. Quand Gbala est rentré le 16 décembre 2002, il a été arrêté et accusé d'être contre l'UPC parce qu'il avait dénoncé le pillage. On l'a emmené en prison puis il a été tué.130

Parce que la plupart des Lendu ont refusé de rentrer, les troupes de l'UPC ont forcé d'autres personnes à commencer à travailler dans les mines. Un témoin a déclaré :

      De nombreuses personnes ont fui mais ceux qui sont restés à Mongbwalu ont dû travailler pour la milice hema à chercher de l'or. Il y avait trois équipes : ceux qui travaillaient le matin, ceux qui travaillaient l'après-midi et ceux qui travaillaient le soir. Ils n'étaient pas payés. C'était un travail dur. Ils devaient creuser sous de grosses pierres sans machine. Ils n'avaient que des outils à main comme des pioches. On leur donnait des bananes et des haricots à manger et ils étaient battus. Certains ont essayé de s'enfuir en faisant semblant d'aller aux toilettes. La milice hema surveillait les travailleurs. Comme les Lendu avaient pris la fuite, tous les autres groupes devaient creuser. Je les ai vus travailler là-bas le premier jour. Les Ougandais étaient aussi là-bas pour assurer la sécurité. S'ils n'avaient pas été là, cela aurait été terrible. La carrière appartenait à Mr. Baou. Avant, tout le monde creusait pour trouver de l'or mais les Lendu étaient considérés comme des experts.131

Dans ce cas précis, les soldats ougandais présents pour protéger les opérations de collecte de l'or ont apparemment également limité les abus de la milice à l'encontre des personnes forcées de travailler là-bas.

Des témoins locaux ont rapporté que des Rwandais étaient présents lors de l'attaque de Mongbwalu, affirmant les avoir reconnus par leur langage, leur accent et leur apparence. Selon une personne, les combattants lendu ont capturé plusieurs Rwandais ainsi que des Ougandais lors des combats. Cette personne a affirmé : « Ils ont trouvé leurs cartes d'identité montrant qu'ils étaient ougandais et rwandais. Je les ai vus amener des Rwandais à Saio. Les Lendu nous ont appelés pour venir voir les Rwandais qu'ils avaient capturés. »132

Compte tenu de la tension entre l'Ouganda et le Rwanda, il est très improbable que des soldats réguliers de leurs armées aient coopéré dans des opérations militaires mais il est possible que des dissidents ou des rebelles de l'une des forces aient rejoint les forces régulières de l'autre force. Un journal spécialiste des questions minières a publié un article dans ce sens. Les Rwandais, qui fourniraient déjà formation et armes à l'UPC, auraient été poussés en partie par le désir d'exploiter les ressources locales en or. Lubanga aurait promis d'acheminer l'or par bateau via Kigali plutôt que Kampala.133

Etablir l'identité de tous les auteurs d'abus à Mongbwalu demandera des investigations supplémentaires. Cependant, il est d'ores et déjà certain que les civils ont énormément souffert de ces exactions.

En plus des cas décrits ci-dessus, les chercheurs de Human Rights Watch ont recueilli des informations sur des meurtres délibérés de civils commis par des combattants UPC à Bolombo, fin août ou début septembre 2002 et à Zungulouka en octobre 2002.

Abus commis par l'UPC contre des Lendu et d'autres perçus comme des opposants politiques
Peu de temps après la prise de pouvoir à Bunia et avec la présence d'extrémistes à des positions de pouvoir, l'UPC de Lubanga a lancé une campagne d'arrestations arbitraires, d'exécutions et de disparitions forcées. Des témoins ont décrit cette campagne comme « une chasse à l'homme » menée contre les Lendu, les Ngiti, les « non-originaires » et d'autres opposés aux politiques extrémistes de l'UPC. Beaucoup ont fui et d'autres ont fait le choix de se cacher. Partout où l'UPC a pris le contrôle, il a initié une campagne contre « l'ennemi », notamment à Bunia, Mahagi et Aru. La campagne fut systématique et a souvent comporté un recours à la torture apparemment autorisée aux plus hauts niveaux de la hiérarchie UPC.

Les commandants Bagonza, Kisembo Bahemuka (chef d'état major de l'UPC) et Rafiki Saba Aimable (chef des services de sécurité de l'UPC) auraient dirigé cette campagne. Deux endroits utilisés comme prisons à Bunia ont acquis une certaine notoriété comme étant des lieux d'exécution et de torture. Il s'agit du Bureau Deux,134 un ancien entrepôt sur l'une des principales rues de Bunia et de la maison du Commandant Bagonza lui-même, toute proche de la rue principale, dans le centre ville. Les chercheurs de Human Rights Watch ont recueilli des informations sur plus de 100 personnes victimes de cette campagne, dont les cas décrits plus bas.

Le 28 septembre 2002, Adriko Johnson, maire adjoint de Bunia âgé de trente ans et membre éminent de l'UPC, a disparu après une réunion du parti. Un certain nombre de Lendu ont attesté que M. Johnson leur avait donné refuge dans sa maison lorsque les troupes de l'UPC cherchaient des Lendu en août.135 D'autres témoins ont attesté que Johnson avait voulu stopper les attaques spécifiquement dirigées contre les Lendu et les Ngiti, en avançant que le mouvement ne pouvait reposer sur un seul groupe ethnique. Selon des rapports, il a été emmené à la maison du Commandant Kisemu, chef d'état major de l'UPC, la nuit de sa disparition. Là-bas, il a été interrogé puis exécuté quelques jours plus tard. Son corps n'a jamais été retrouvé. Ses amis et sa famille ont appelé l'UPC à lancer une enquête. L'un d'eux a dit aux chercheurs de Human Rights Watch : « Quand on posait des questions sur l'endroit où il se trouvait, l'UPC ne voulait pas répondre. Ils ont dit qu'ils allaient faire des recherches mais ils ne l'ont pas fait. Les services de sécurité de l'UPC affirment que c'est un cas très compliqué mais jusqu'à ce jour, on ne sait rien. On a même parlé aux Ougandais et au Président Lubanga mais eux non plus n'ont rien fait. C'est toujours le silence en retour. »136

Chef Bulamuzi Dieudonné, un chef traditionnel de Nyakunde âgé de 40 ans, a été tué à Bunia le 5 septembre 2002. Il lui avait été demandé de rejoindre l'UPC mais il avait refusé. Il aurait été torturé au Bureau Deux puis libéré. La même soirée, six soldats de l'UPC sont venus le tuer à 100 mètres environ de chez lui.137

Un jeune étudiant, accusé d'être un combattant lendu a été emmené par la milice UPC dans une prison souterraine située dans l'enceinte de la résidence du gouverneur à Bunia où il a passé au moins quatre jours avec des cadavres. Il a ensuite été emmené à la prison du Commandant Bagonza où il a été si violemment torturé qu'il en porte encore les cicatrices sur tout le corps. Ses tortionnaires lui ont mis une pierre dans la bouche et ont piétiné sa tête. Il a crié et s'est évanoui. Ils l'ont ranimé en le fouettant et en l'arrosant d'eau. Des soldats ougandais situés non loin l'ont entendu crier et sont intervenus pour mettre un terme aux abus. Il s'est ensuite échappé.138

Les personnes soupçonnées d'être en contact avec le gouvernement RDC ou avec les autorités du RCD-ML à Beni étaient considérées comme des ennemis et souvent soumises à des arrestations arbitraires, des actes de torture et parfois des exécutions :

      Le 9 décembre 2002, je parlais avec ma famille à Aru quand des soldats de l'UPC sont entrés dans la concession. [Des commandants]...ont ordonné aux soldats de tirer sur toute personne qui tenterait de fuir. Ils nous ont forcés à nous déshabiller, nous ont attachés et nous ont fait nous coucher, face contre terre. Puis, ils nous ont battus avec de gros bâtons sur les jambes, les fesses et le dos. Le Commandant Ali nous a accusés de communiquer avec Kinshasa, Beni, les Lendu et Aru pour déclencher la guerre à Bunia mais j'étais simplement un étudiant. Ils ont dit qu'ils essayaient de trouver du pétrole pour me brûler. J'ai prié et ils se sont moqués de moi en disant que Dieu ne pouvait pas me sauver. On m'a ensuite emmené à la maison du Commandant Bosco et on m'a mis dans un large trou dans le sol. Ils nous ont battus jusqu'à ce qu'on pleure. Il y avait d'autres prisonniers dans le trou qui étaient dans un état terrible. On était 20 au total. Il y avait deux hommes lendu qui semblaient avoir été battus vraiment très méchamment : Ngdjole et Lobo, qui avait un bras cassé et un homme nande appelé Kasiko. La nuit du 12 décembre, les soldats sont venus avec des fusils et ont appelé ces trois hommes. Toute la journée, ils les avaient harcelés en leur demandant comment ils voulaient mourir. On leur criait que ce qu'ils faisaient était illégal mais ils ont quand même emmené les hommes. On les a entendus pleurer et dix minutes plus tard, les soldats sont revenus. On m'a dit que les trois hommes avaient été tués. Ce n'était pas un endroit normal. C'était un lieu d'exécution.139

Dans ce cas et dans ceux décrits plus bas, les témoins ont donné le nom de leurs bourreaux aux chercheurs de Human Rights Watch.

Le 11 novembre 2002, les autorités UPC ont arrêté le juge le plus expérimenté en Ituri, Jacques Kabasele, l'accusant d'avoir des contacts avec leurs ennemis. Le juge a relaté les faits suivants :

      J'étais chez moi lorsque deux personnes du DGM [Département de la sécurité intérieure] et un soldat m'ont dit que j'avais été convoqué par leur chef. Ils m'ont remis un « bulletin de services » qui disait qu'on me demandait pour une enquête. Ils m'ont arrêté et m'ont emmené dans l'une des cellules de la prison de la DGM. Pendant deux jours, j'ai attendu. Il n'y avait pas de chef d'inculpation formel contre moi et je n'avais pas le droit de faire appel à un avocat. Le 13 novembre, à 7 heures du matin, une équipe est venue pour m'interroger dont des officiels de la DGM. Ils m'ont posé de nombreuses questions, si j'avais été en contact avec Beni, Kinshasa ou l'extérieur. Ils m'ont accusé d'être en contact avec Kabila, Mbusa Nyamwisi et l'ancien gouverneur Molondo mais ce n'était pas vrai. Ils m'ont dit que mon ordre d'arrestation était venu du Président Lubanga et puis ils sont partis. Je n'ai pas été physiquement menacé et je crois qu'ils faisaient plus attention que d'habitude parce qu'ils savaient que je connaissais le droit.

      Ils m'ont gardé en prison pendant dix-huit jours puis ils m'ont libéré. Aucune accusation n'a été portée contre moi. J'ai demandé un document officiel pour expliquer mon absence au travail et je voulais aussi que mon dossier soit vierge. Je n'ai reçu aucun document et le Président de l'UPC, Lubanga, a refusé de me rencontrer.

      Je ne peux pas me déplacer librement et souvent, je ne dors pas chez moi. Les gens ici ont peur. Ceux de l'UPC font ce qu'ils veulent et ne respectent pas la loi.140

Si des officiels de haut rang ont été accusés de trahir l'UPC, ce fut également le cas pour de simples travailleurs. Les transporteurs à bicyclette, connus localement sous le nom de Kumba Kumba,141 ont été soupçonnés de transporter des messages de Beni ou Mongbwalu à Bunia. Le 23 août 2002, les autorités UPC se sont rendues dans un entrepôt où les transporteurs à bicyclette vont d'ordinaire chercher leurs marchandises. Ils ont arrêté onze hommes dont Mahamba Kisala, Tavugha Nzuva, Kalandero Kambale et Sivyalo Ndungo. Un témoin a raconté :

      L'UPC a demandé aux transporteurs leurs cartes d'identité. La plupart avaient deux cartes d'identité pour faciliter leur travail, une de l'endroit d'où ils sont et une pour là où ils vont. C'est tout à fait courant. Mais l'UPC a utilisé cela comme une excuse pour les arrêter et ils leur ont aussi demandé de l'argent. Ils les ont emmenés au Bureau 2 et on ne les pas revus depuis.

      Quelques jours plus tard, des corps ont été jetés dans la rivière Chari à Bunia. Je ne sais pas combien de corps il y avait mais quelqu'un que je connais ... a reconnu les corps comme étant ceux des Kumba Kumba arrêtés plus tôt. Il n'y a maintenant plus aucun transport à bicyclette parce que les gens ont trop peur.142

Une campagne similaire a été conduite dans des zones du Nord de l'Ituri comme à Mahagi et à Aru où les troupes de l'UPC ont menacé, torturé et tué de nombreux hommes d'affaires impliqués dans le commerce avec les Lendu. Deux hommes d'affaires alur ont raconté :

      Le 23 novembre 2002, on a été arrêté sur la route à Aru par deux commandants UPC. Ils nous ont emmenés à leur quartier général puis quatre soldats nous ont battus avec des bâtons pendant plus d'une heure sur le dos, les jambes et les fesses. Ils nous ont accusés d'être pro-Lendu et contre l'UPC. Après nous avoir battus, ils nous ont mis dans un container143 qu'ils utilisent comme prison. Il y avait quatre autres personnes en plus de nous détenues là bas. On nous a gardés pendant onze jours. Nos femmes ont dû payer à l'UPC U.S.$4 par repas pour nous nourrir. Sous la pression des autres, on a été libéré et puis, on a fui. Il y en a beaucoup d'autres comme nous ici.144

Inquiets que leurs abus ne soient connus, les autorités UPC ont aussi pris pour cibles ceux qui avaient parlé à la MONUC et aux journalistes internationaux. Un étudiant lendu soupçonné de contacts avec la MONUC a raconté :

      Les soldats UPC m'ont arrêté le 29 octobre 2002 et m'ont emmené chez le Commandant Bagonza. Je l'ai vu sur la véranda. Quand on est arrivé là bas, ils m'ont jeté à leurs collègues. Ils m'ont donné des coups de pied et ils m'ont frappé avec la crosse de leurs fusils. Ils m'ont déshabillé. Ils m'ont tiré jusqu'à un puits peu profond et m'ont jeté dedans. Ils m'ont frappé avec des pierres. J'ai mis mes bras sur ma tête. Ils m'ont demandé ce que je faisais à la MONUC mais ils ne m'ont pas laissé répondre. On était sept au total dans un espace de deux mètres carrés. D'autres prisonniers ont dit que la veille, des soldats avaient tué par balle un prisonnier civil lendu. Le lendemain matin, les soldats m'ont emmené au Commandant Bagonza qui m'a interrogé sur mes contacts avec la MONUC. Je lui ai dit. Il a dit : « Si tu continues à mentir, tu vas finir comme les autres, mort. » Il m'a interrogé pendant quinze minutes environ ... Quand je suis allé chercher de l'eau, ils m'ont battu avec des bâtons, comme une chèvre. Puis ils m'ont remis dans le puits. J'ai été libéré seulement parce que la MONUC est intervenue.145

L'équipe de la MONUC à Bunia avait connaissance de certains des cas d'exécutions arbitraires, d'arrestations et de tortures et a rapporté une vingtaine d'entre eux, impliquant de nombreuses personnes, au siège de la MONUC à Kinshasa en septembre et octobre 2002. Ces rapports incluaient notamment l'affaire du 9 septembre avec l'arrestation par l'UPC d'environ trente-trois hommes d'affaires locaux, celle du 12 septembre avec le meurtre, à l'extérieur de Bunia de dix hommes et six femmes dont les corps ont ensuite été jetés dans la rivière et une autre, le 14 septembre avec l'arrestation par l'UPC d'un homme d'affaires, plus tard retrouvé mort dans la ville de Bunia.146 Malgré ces rapports, aucun membre du personnel droits humains du siège de la MONUC n'est venu mener l'enquête avant janvier 2003 et aucune dénonciation publique n'a été prononcée concernant ces graves abus. Dans plusieurs cas cependant, le personnel de la MONUC est intervenu sur le moment pour stopper les abus et pour organiser la libération de personnes arbitrairement arrêtées.147

Honoré Musoko, avocat et président de Justice Plus, une organisation de défense des droits humains basée à Bunia, a cherché à défendre plusieurs personnes victimes d'abus commis par les autorités UPC.148 Il s'est alors retrouvé accusé de travailler pour l'ancien gouverneur Molondo et d'être un ennemi de l'UPC. Maître Honoré a fui la région en novembre 2002 mais les autorités de l'UPC ont lancé un raid contre son organisation, Justice Plus, le 5 février 2003 après un entretien donné à une radio internationale concernant les droits humains en Ituri. Ayant trouvé les bureaux de Justice Plus vides, les autorités UPC se sont alors rendues dans les bureaux de Bunia Business Communications, organisme qui appartient à Maître Honoré. Deux employés y ont été arrêtés, un téléphone par satellite et du matériel informatique ont été saisis. Les deux employés ont ensuite été libérés sans inculpation mais dans la crainte d'un traitement similaire, d'autres membres de Justice Plus ont fait le choix de se cacher.149

Lorsque les chercheurs de Human Rights Watch ont soulevé ce cas avec le Président de l'UPC, Lubanga et le Ministre UPC des Affaires Etrangères, Jean-Baptiste Dhetchuvi, ils ont répondu que l'équipement avait été saisi parce qu'il était utilisé pour une « propagande négative ». Ils avaient saisi cet équipement, ont-ils dit, « pour les faire réfléchir et les calmer », ajoutant que les militants des droits humains « créaient des situations dangereuses pour eux-mêmes. »150 Le lendemain de cette rencontre, l'équipement de Justice Plus a été rendu.

Un journaliste étranger, Gabriel Khan, a suscité la colère des responsables UPC quand il a rapporté, début 2003, sur une télévision internationale, la situation critique de plus de 100 Lendu qui avaient trouvé refuge dans une maison abandonnée de Bunia. Lors d'un entretien avec Human Rights Watch, Lubanga a qualifié Khan de « criminel » impénitent et l'a rendu responsable « d'avoir transformé l'Ituri en une région explosive. » Il l'a accusé d'avoir « donné de fausses informations au public ce qui est pire que d'utiliser des armes à feu et des machettes. »151 Les autorités de l'UPC ont été particulièrement contrariées par le fait que Khan ait diffusé une déclaration faite par un Lendu affirmant qu'il ne voulait pas que les soldats ougandais partent parce qu'il craignait, avec leur départ, que les Hema ne le tuent.

Au moment où nous rédigeons ce rapport, il semble que les autorités UPC n'ont enquêté sur aucun de ces abus et n'en ont tenu personne pour responsable. Nombre de ceux impliqués dans des abus contre les droits humains continuent d'occuper des positions d'importance à l'UPC.

Massacres et autres abus commis par l'APC et par des groupes armés lendu et ngiti

Les combattants lendu et ngiti ont massacré des civils des groupes hema, gegere et parfois bira fin 2002. Parmi les cas que les chercheurs de Human Rights Watch ont étudiés se trouvent le massacre de Komanda en août et début septembre 2002, celui de Nyakunde le 5 septembre 2002, celui de Nizi le 11 octobre 2002 et ceux de Blukwa et Logo en octobre 2002. Se percevant souvent comme des victimes, les combattants lendu et ngiti estimaient apparemment que leurs attaques étaient des représailles justifiées contre des violences antérieurement commises par des Hema. Soutenus par le RCD-ML de Mbusa Nyamwisi et à travers lui, par le gouvernement RDC, les groupes lendu et ngiti ont parfois mené à bien des opérations conjointes avec les troupes de l'APC. En réponse à l'accession au pouvoir du groupe hema via l'UPC, les Ngiti et les Lendu ont aussi établi leurs propres partis politiques notamment le Front Nationaliste et Intégratif (FNI) et la Force de Résistance Patriotique en Ituri (FRPI) qui collaborent de façon rapprochée. Le FRPI est souvent perçu comme la branche armée du FNI. Certains des responsables de ces massacres ont ensuite joué un rôle important dans ces partis.

Le massacre de Nyakunde
En réponse aux attaques de l'UPC contre Songolo décrites plus haut, le Colonel Khandro, ngiti et le commandant Paluku Faustin, APC ont lancé une attaque en représailles contre Nyakunde, le 5 septembre. Sur une période de dix jours, ces forces ont systématiquement massacré au moins 1200 civils hema, gegere et bira dans la ville ainsi que dans le Centre Médical Evangélique (CME), un hôpital soutenu par l'église.152

Au cours de l'attaque, le Commandant Faustin aurait dit au personnel de l'hôpital que des combattants ngiti voulaient attaquer l'hôpital, l'un des plus grands ensembles hospitaliers et centres de formation de l'Est de la RDC et l'un de ceux où travaillaient plusieurs médecins expatriés. Ces combattants auraient vu cette attaque comme un moyen d'attirer l'attention internationale sur leur cause. Le commandant a prétendu qu'il s'était personnellement opposé à ce plan. En accord avec le chef du RCD-ML, Nyamwisi, il voulait une attaque ciblée sur une défaite infligée aux soldats UPC et sur la prise de Nyakunde en prélude à la reprise de Bunia. Le commandant Faustin a affirmé que les Ngiti et lui étaient finalement tombés d'accord pour attaquer le camp UPC et pour tuer les Hema qu'ils y trouveraient, puis pour piller le centre commercial. L'hôpital devait en revanche être épargné.153

S'il y a jamais eu un accord de ce type, certains combattants ngiti ont immédiatement montré qu'ils ne le respecteraient pas. Un témoin a raconté :

      J'ai vu une colonne de Ngiti descendre de la montagne. Comme les groupes entraient en ville, ils sont partis dans des directions différentes de façon tout à fait organisée. Un groupe est allé à gauche et un autre à droite pour encercler la piste d'atterrissage. Quelques instants plus tard, on a entendu des coups en provenance de trois directions différentes, comme un signal. Puis un second groupe a descendu la route en direction du centre de la ville. J'ai entendu le commandant crier : « Ne toucher pas à l'hôpital ». Puis, un troisième groupe est apparu quelques instants plus tard. Leur commandant leur a aussi crié de ne pas toucher à l'hôpital mais ils lui ont immédiatement désobéi et sont entrés dans l'enceinte de l'hôpital où ils ont commencé à tuer des gens. Je les ai vus tuer une femme bira qu'ils ont laissée mourir au carrefour. J'ai vu une autre femme se faire tuer par flèche. Après le troisième groupe, un autre groupe est arrivé. L'arrivée de ces quatre groupes, comme par vagues successives, a pris moins d'une heure. Il y avait un combat près du camp de l'UPC qui a duré pendant plusieurs heures même si le premier groupe seulement participait à ce combat. Tous les autres sont entrés dans l'enceinte de l'hôpital et ont commencé à tuer des gens.154

L'APC et les combattants ngiti ont détruit le camp UPC au cours des premières heures de l'attaque. Mais ils ont poursuivi l'opération en l'orientant vers une recherche systématique des civils hema, bira et gegere. Selon des témoins, les combattants ngiti auraient désigné cette opération du nom « d'opération Polio », signifiant ainsi une recherche maison par maison similaire à une campagne de vaccination. Ils ont poursuivi les tueries pendant au moins dix jours.

La milice ngiti, qui portait des vêtements civils et des fétiches, était essentiellement équipée d'armes traditionnelles telles que machettes, lances, couteaux et haches. Certains, en nombre plus réduit, portaient des armes à feu. Une femme a raconté :

      J'étais au marché à vendre des fruits et des légumes. On a vu des gens descendre des collines en criant. On ne savait pas ce qui se passait. Ils sont allés à l'hôpital et ont tué tous ceux qu'ils trouvaient. Ils voulaient tuer ma mère. J'ai crié que ma mère n'était pas hema. Ils ont tué deux femmes, Marie-Louise et Françoise, entre vingt et vingt-cinq ans, toutes les deux bira et deux enfants, dont ma propre fille de huit mois. Sept combattants ngiti les ont massacrés devant moi. L'autre enfant était un petit garçon d'un an.155

Un homme qui était à l'hôpital a raconté :

      Par la fenêtre de l'une des chambres de l'hôpital, je les ai vus entrer en cassant la barrière. Ils étaient nombreux et ils sont entrés de force dans le bâtiment où je me trouvais et ont commencé à tuer des gens. Ils leur tranchaient la gorge et prenaient leur c_ur ou des morceaux de la gorge. Parfois, ils enlevaient la chair des os des cuisses des gens et la mettait dans leurs sacs. Ils demandaient aux gens de quel groupe ils étaient parce qu'ils cherchaient des Hema, des Bira et des Gegere. Le premier jour, je les ai vus tuer seize personnes.156

Certains assaillants connaissaient les victimes qu'ils avaient l'intention de tuer et les cherchaient, en les appelant par leur nom. Un témoin a raconté :

      Quand ça a commencé, j'étais à l'hôpital et j'ai entendu des cris. Les gens couraient partout. Je les ai entendus appeler des gens par leur nom. L'un d'eux est entré en courant dans ma chambre, terrifié et j'ai caché cette personne sous la machine à coudre et l'ai couverte avec des couvertures.157

L'une des personnes prises pour cibles a raconté :

      Je me suis caché dans le plafond de la salle des soins intensifs avec d'autres mais les attaquants ont essayé d'entrer. Ils ont utilisé de grosses pierres pour forcer la porte et ils ont ensuite commencé à tuer. Dans la salle de chirurgie pour hommes, ils ont tué douze personnes, toutes des patients hema. Ils ont juste jeté leurs corps dans les latrines.158

Les assaillants ont forcé des gens d'autres groupes ethniques et du personnel hospitalier à les aider à trouver les victimes. Une autre personne prise pour cible a raconté :

      Je me suis caché dans le plafond de la salle d'opération avec le Pasteur Salomon, sa famille et d'autres. On a passé quatre jours là bas. On descendait juste pour aller chercher de l'eau et après, on remontait. Il faisait très chaud et il n'y avait pas de nourriture. On était quatorze là bas, certains travaillaient à l'hôpital, certains étaient étudiants, il y avait des femmes. Le mardi [le 10 septembre 2002], l'APC et les Ngiti sont allés voir le docteur et lui ont dit que s'il ne remettait pas les Hema qui se cachaient sur place, ils le tueraient. Le docteur les a suppliés mais ils ont insisté. Il a été forcé d'ouvrir la salle d'opération où on se cachait. On a dû descendre. Ils ont noté nos noms et l'administrateur a remis la liste. On était quatorze et il y avait des Hema, des Gegere, des Lendu et des Alur. Ils ont relâché deux femmes, une Alur et l'autre, une Lendu. Ils ont gardé les Hema et les Gegere. Les soldats ont dit qu'on devait rester calme et qu'ils allaient nous donner de la nourriture mais que si on prenait la fuite, le docteur aurait des ennuis. Ils nous ont donné beaucoup de nourriture mais on ne pouvait pas manger beaucoup.

      Ils sont revenus quelques heures plus tard pour nous prendre. Ils nous ont attachés les uns aux autres avec des cordes autour de nos poignets sauf pour le Pasteur Salomon qui avait les bras attachés derrière le dos, puis était attaché aux autres. Ils ont fouillé tout l'hôpital et ont pris beaucoup de gens qui se cachaient. Ils nous ont tous fait nous asseoir dans le couloir. L'APC et les combattants ngiti nous gardaient et nous frappaient. Ils nous ont fait mettre les mains sur la tête. Ils ont dit que si on baissait les mains, ils nous battraient. Ils ont fouillé chaque pièce. Ils nous ont frappés et nous ont demandé notre appartenance ethnique. Ils ont dit : « Si vous dîtes la vérité, cela vous sauvera peut-être. Si vous mentez, vous mourrez. » On ne savait pas quoi dire. Ils m'ont demandé et j'ai dit hema. Ils ont dit : « Tu dis la vérité. » Les combattants ont dit qu'ils allaient nous tuer. Ils ont pris ma chemise et ma montre. Ils m'ont frappé avec des torches, ils m'ont donné des coups de poing et des coups de pied. Je n'ai rien dit.

      Vers dix heures du soir, ils nous ont dit de nous aligner. On a marché avec d'un côté des combattants ngiti et de l'autre, l'APC, sans savoir où on allait. En tout, on était plus de soixante-dix, dont des femmes qui venaient juste d'accoucher et des patients sous perfusions ... Ils nous ont fait aller dans une maison, dans la concession des infirmières. On a passé une nuit là-bas. C'était très petit et surpeuplé. On a juste prié. Les soldats et les combattants ngiti montaient la garde à l'extérieur et entraient pour vérifier la situation. Ils nous battaient.

      Dans la chambre où on était, un bébé de deux semaines est mort. Son corps a été jeté dans les latrines. Sa mère n'avait pas de lait pour le nourrir. Les gens pleuraient, urinaient et déféquaient dans cette pièce.159

Un membre du personnel de l'hôpital a raconté comment ils avaient tenté de faire appel au commandant ngiti. Il a affirmé :

      On est allé vers le colonel Khandro pour lui demander si on pouvait voir les gens qui avaient été enlevés de l'hôpital la nuit précédente. Ils nous a permis de parler avec eux à travers une petite fenêtre dans l'aile du bâtiment qu'ils utilisaient comme prison. On a réussi à parler avec le Pasteur Solomon qui nous a dit qu'ils étaient environ soixante dix dans le bâtiment et que beaucoup étaient attachés. Il a dit qu'il était avec sa famille, sa femme et son petit bébé. On pouvait voir des gens assis et d'autres debout. La pièce était surpeuplée. Il a demandé de l'eau pour tout le monde parce qu'ils n'avaient rien eu à boire depuis qu'ils avaient été pris la nuit précédente. On est retourné voir le Colonel Khandro pour demander la permission d'apporter de l'eau aux gens. Il a refusé et a dit que ce n'était pas nos affaires. On s'est senti complètement abattu et on a pris la décision qu'on devrait faire tout ce qui était possible pour quitter Nyakunde. Il n'y avait plus d'espoir.160

Après des jours de négociation, le personnel hospitalier qui restait a finalement été autorisé à quitter l'hôpital, tard le 12 septembre. Escortés par huit soldats APC et portant quelques biens, un peu d'équipement et des médicaments, quelques centaines d'employés de l'hôpital ont accompli un voyage à pied de dix jours, vers le sud en direction d'Oicha. Ils ont laissé derrière eux un hôpital détruit, des centaines de morts et certains de leurs amis et collègues détenus prisonniers. « Alors qu'on s'éloignait en marchant, les combattants ngiti ont vérifié avec soin tout le groupe toujours à la recherche d'ennemis. » a raconté une personne ayant participé à cette longue marche. « Sur la route, on a vu le corps d'un homme dont la gorge venait d'être tranchée. C'était un bien triste rappel de ce qui pouvait nous arriver. On était tous si silencieux et tristes. »161

Les combattants ngiti et l'APC ont interrogé les prisonniers restants et ont libéré ceux qui n'étaient pas hema, bira ou gegere. Quelques autres ont réussi à s'échapper. Les prisonniers qui restaient ont été séparés en groupes selon leur force. Un témoin a fait le récit suivant :

      Le matin, à 6 heures 40, ils sont venus et ont détaché les cordes des femmes parce qu'on avait dormi attachés. Ils ont séparé les femmes plus fortes et ont emmené environ soixante parmi nous. Un total similaire d'environ soixante hommes et femmes plus faibles, y compris la femme du Pasteur, est resté. Ils nous ont donné des charges à porter comprenant les choses qu'ils avaient pillées. J'ai dû porter du matériel de toiture. Ils ont dit : « On va porter ça dans notre village, Singo. » On a porté ça sur plusieurs kilomètres, en montant, au-delà de la rivière Talolo. Sur la colline, il y avait une plaine et on a vu une troupe de combattants. Ils nous ont fait nous diriger dans cette direction.

      Quand on est arrivé à Singo [à dix-huit kilomètres], j'ai entendu qu'un groupe précédent était déjà arrivé là-bas et avait été tué. On était le second groupe. Ils nous ont mis dans une maison comme une prison. C'était surpeuplé et suffocant. Les enfants pleuraient. On ne pouvait pas respirer, ni même s'asseoir.

      Le samedi [14 septembre 2002], le troisième groupe de prisonniers est arrivé. C'était les hommes dont le Pasteur Salomon. Il était épuisé après avoir porté des munitions et il n'avait pas mangé. Il s'était évanoui sur la route. Les Ngiti ont dit que c'était un homme politique et qu'il devait être tué. Certains parmi les autres n'étaient pas d'accord et ont dit qu'ils devraient attendre l'arrivée du Colonel Khandro avant de le tuer. Ils sont retournés pour chercher le Pasteur qui était tombé et le ramener. Je l'ai vu. Il portait juste un short marron. Ils l'ont porté et l'ont appuyé contre un autre homme. Puis ils l'ont « testé ». Ils l'ont accusé d'appeler la milice hema depuis Bunia pour tuer des Lendu et de jouer la politique contre les Ngiti. Il a nié avoir parlé avec la milice hema. Ils l'ont frappé. Il a nié être impliqué dans la politique. Puis ils ont « testé » d'autres personnes. Chacun de ces tests durait dix minutes environ mais le Pasteur était le seul accusé d'implication dans la politique. Aux autres, on a juste dit qu'ils causaient des problèmes parce qu'ils étaient Bira ou Hema. Puis, ils les ont emmenés vers deux autres prisons.

      Le lendemain matin, un combattant ngiti a annoncé que le pasteur était mort. Il a dit : « Le pasteur est mort avant son heure. » Quelqu'un d'autre m'a dit qu'il avait été tué à cause de son implication dans la politique. Son corps a été coupé et les morceaux jetés dans les latrines.

      A environ 5 heures du soir le dimanche [15 septembre 2002], le Colonel Khandro est arrivé. Il était en colère parce qu'on était encore tous prisonniers. Il a déclaré que tous les gens dans les prisons devaient être tués.162 L'un des prisonniers était une fille rwandaise hutu âgée d'environ dix-huit ans. Khandro était très énervé. Il a dit : « Vous avez encore les otages ? » Il a fouetté les gardes puis a lui-même tué Kasima avec un couteau à double tranchant. Je l'ai vu la tuer. Je suis parti en courant.

      A environ 6 heures ce soir là, Khandro a donné l'ordre de tuer ceux qui restaient dans la prison. Les gens des deuxième et troisième groupes ont été emmenés en brousse et ont été tués là-bas. Je pense qu'il y avait environ soixante personnes dans chaque groupe. J'ai vu quand les combattants ngiti revenaient avec leurs couteaux et leurs lances couverts de sang et avec les vêtements des prisonniers. Ils les ont tués rapidement. Je me cachais et j'avais très peur.163

Le second jour, l'APC et les combattants ngiti avaient installé des barrages pour s'assurer qu'aucun Hema, Gegere ou Bira ne s'échappent de Nyakunde. Des témoins ont raconté :

      L'APC et les Ngiti nous ont arrêtés juste à l'extérieur de Nyakunde. Ils nous ont demandé notre groupe ethnique et ont demandé nos cartes d'identité. Ils ont séparé les gens en groupes : ceux de Kivu d'un côté et les Hema et les Bira de l'autre. Les Bira ont prétendu qu'ils étaient d'autres groupes. Certains Bira ont dit qu'ils n'avaient pas de carte. L'APC nous a dit que si on cachait des Bira ou des Hema, ils nous tueraient.164

Au cours de ces journées de tueries, le commandant Hilaire du 13ème bataillon de l'APC a été envoyé de Komanda à Nyakunde pour évaluer la situation. Il a affirmé aux chercheurs de Human Rights Watch qu'il n'avait pas vu de corps de civils lors de sa visite mais seulement les corps de combattants UPC. Il n'est pas resté longtemps et a escorté le personnel médical jusqu'à sa sortie de Nyakunde, laissant derrière lui de nombreux autres civils qui auraient pu être sauvés.165

Le Commandant Hilaire et le Commandant Faustin auraient tous les deux apparemment rapporté les faits au chef d'état major de l'APC. Le Président du RCD-ML, Nyamwisi a lui-même admis avoir eu connaissance du massacre de Nyakunde. Il a affirmé aux chercheurs de Human Rights Watch : « Je suis au courant des événements mais nous n'avons pas donné d'ordre pour que cela se produise », a-t-il déclaré.166 Les troupes de l'APC « ont été débordées en nombre et prises en otages par les Ngiti », a-t-il continué et il a ajouté qu'il « n'avait aucun contrôle sur elles au moment des événements de Nyakunde. »167 Selon des témoins, certaines troupes de l'APC ont parfois tenté de stopper les tueries mais ont été incapables de contenir les combattants ngiti.

En supposant que le RCD-ML s'opposait au massacre de Nyakunde, il est remarquable qu'il n'ait pas lancé d'enquête sur la conduite des troupes APC et de leurs alliés et encore moins procédé à des arrestations pour participation au massacre. Le Commandant Faustin est actuellement en prison à Beni mais il est accusé d'avoir laissé des soldats sous son commandement déserter l'APC et non d'aucune action qu'il aurait pu avoir commise à Nyakunde.168 Le Colonel Khandro aurait été tué quelques jours seulement après le massacre par quelqu'un issu de ses propres rangs. L'un de ses adjoints, le Commandant Germain qui avait également participé au massacre, a pris le contrôle et est actuellement un commandant clef dans le groupe armé politique nouvellement formé qu'est le FRPI, avec des liens avec le RCD-ML et le gouvernement de la RDC.169 Il avait la charge d'éléments significatifs relatifs aux combattants ngiti et lendu qui ont combattu à Bunia en mai 2003, une bataille qui a causé la mort de plus de 400 civils.

La MONUC, avec des ressources et un mandant fortement limités n'était pas en position d'éviter ce massacre ou de le stopper une fois qu'il avait débuté. En juillet, une délégation d'importantes personnalités de l'hôpital du CME a prévenu la MONUC que le risque de violence était élevé et que l'hôpital était menacé. L'équipe de la MONUC a envoyé un bref rapport au siège à Kinshasa mais n'a rien fait de plus. A l'hôpital, le personnel était au désespoir et l'un des employés a déclaré : « Les Congolais sont en train de mourir mais les Nations Unies ne disent rien. »170

Des informations sur la nature et l'étendue du massacre étaient disponibles dès le début du second jour lorsque le personnel expatrié a été évacué. Un message électronique ultérieur, courageusement envoyé de Nyakunde le 7 septembre intitulé « Nyakunde - à feu et à sang »171 a également alerté de nombreuses personnes sur l'ampleur et la nature ethnique des tueries. Le message électronique était adressé à un certain nombre d'organisations religieuses qui l'auraient transmis à d'autres ainsi qu'à la délégation de la MONUC à Bunia mais la force de l'ONU n'est pas venue porter secours aux victimes.172

L'équipe de la MONUC à Bunia a rapporté à son siège le 19 septembre, deux semaines après le massacre, que plus de 150 personnes avaient été tuées à Nyakunde,173 une sous estimation stupéfiante du réel bilan humain. S'il a pu être difficile initialement de confirmer les informations sur le massacre, la MONUC n'a pas, à notre connaissance, conduit d'investigations ultérieures sur ce massacre.

Exécutions sommaires perpétrées par les Lendu et les Ngiti tolérées par les autorités du RCD-ML
Les milices lendu et ngiti ont tué des individus appartenant à des groupes ethniques opposés en s'attaquant à de larges communautés de ces personnes. Lorsque les autorités du RCD-ML contrôlaient Mongbwalu, la milice s'est livrée à des abus contre des Hema et a parfois tué des Hema pour la simple raison de leur appartenance ethnique. De nombreux Hema redoutaient les passages à tabac ou pire et ont quitté la ville. Un témoin a relaté le meurtre d'un nouveau-né masculin pris dans la salle de la maternité de l'hôpital parce que son père et sa mère étaient tous les deux hema. Si le père de l'enfant avait appartenu à un autre groupe ethnique, le bébé n'aurait pas été tué puisque l'affiliation ethnique est transmise par le père selon le témoin.174

Le témoin du meurtre d'une femme hema lors d'un autre incident a raconté :

      Un jour en octobre, ils ont arrêté une femme accusée d'être une sorcière. Mais elle était hema et c'était la véritable raison. Il y avait environ dix combattants lendu avec des machettes et des couteaux. Ils l'ont fait sortir de chez elle, l'ont déshabillée et l'ont complètement coupée. Ils ont coupé ses bras puis ils ont coupé ses organes génitaux. Puis ils l'ont tuée près du marché central et ont brûlé son corps. Quinze d'entre nous ont vu ça. Les autorités sont finalement intervenues et le Commandant Pay de l'APC a fait cesser la situation. Ils ont essayé de faire venir les notables lendu pour calmer la situation mais ils n'ont arrêté personne.175

Dans ce cas, les soldats rattachés au RCD-ML étaient prêts à prévenir d'autres crimes de ce type - au moins dans un futur immédiat - mais ils étaient également prêts à tolérer l'impunité pour le crime qui venait d'être commis.

A Mongbwalu, le commandant APC Kongolo a publiquement jugé l'un de ses soldats, Pierre Ukila Wadhum, accusé d'avoir tué un combattant lendu très populaire. Après des menaces considérables, Wadhum a avoué le crime mais sa culpabilité n'a pas été autrement établie. Kongolo a proposé d'arrêter Wadhum et de l'envoyer à Beni mais la foule a refusé et a demandé qu'il lui soit remis afin d'être tué. Kongolo a cédé aux demandes de la foule. Un témoin du meurtre collectif du 2 octobre 2002 a raconté :

      Kongolo a échoué dans ses négociations, comme d'autres et ils ont finalement dit aux Lendu : « Si c'est votre jugement, alors prenez-le. » Ils l'ont emmené vers la zone centrale de Mongbwalu et ont appelé tout le monde pour venir voir. Pierre [Wadhum] était attaché et complètement nu. Ils l'ont fait s'asseoir sur le sol puis un combattant lendu s'est assis sur une chaise derrière lui, en tenant la tête de l'homme entre ses jambes. Il a coupé la gorge du soldat d'un coup rapide avec son couteau. Un autre combattant lendu est venu avec une grosse machette et a ouvert sa poitrine et a sorti son c_ur. Ils ont donné le c_ur à leur chef, Maître Kiza, qui a pris le c_ur et l'a lavé dans un bol d'eau qu'ils avaient préparé. Il a ensuite placé le c_ur sur le feu ... Le Chef et son entourage ont ensuite mangé le c_ur avec le manioc alors que le reste des combattants lendu a mangé le corps. Ils ont même offert à la foule des morceaux de viande. Les soldats APC ont d'abord regardé puis sont partis quand ils ont vu leur camarade se faire dévorer. Tout ce qui n'a pas été mangé a ensuite été brûlé. Toute cette cérémonie a pris plus de deux heures.

      On était nombreux à avoir été témoins de ça. Ils nous ont dit de ne pas prendre de photos et si quelqu'un en prenait, il y aurait des problèmes.176

Deux jours après, Maître Kiza et Kung Fu, un autre combattant lendu, ont été envoyés à Béni où ils auraient été jugés par des officiels militaires. Ils sont rentrés à Mongbwalu quelques jours plus tard. Ils ont appelé à une nouvelle réunion au même endroit et ont déclaré à la population qu'il n'y aurait plus d'exécutions de ce type. Maître Kiza est devenu une figure clef au sein du groupe politique armé lendu, le FNI, qui a des liens avec le RCD-ML.177 Il aurait été tué lors de combats en Ituri début juin 2003.

Comme dans le cas de Nyakunde, les autorités RCD-ML sont apparues disposées à ne pas enquêter sur de graves abus contre les droits humains, des affaires de justice collective et de cannibalisme et à ne pas les juger mais elles ont cherché à dissuader d'autres crimes de ce genre.

Abus commis par le MLC et le RCD-N

Le MLC a été impliqué dans les affaires de l'Ituri pendant le bref accord du Front pour la Libération du Congo (FLC), un regroupement entre le MLC, le RCD-N et le RCD-ML, soutenu par l'Ouganda, sous le leadership de Jean-Pierre Bemba. Mais Nyamwisi a refusé d'accepter le leadership de Bemba en Ituri et ses forces ont poussé Bemba et les troupes du MLC hors de Beni et de Bunia. Au cours des derniers mois de 2002, le MLC a essayé par le combat de revenir en Ituri avec le soutien du RCD-N de Roger Lumbala, prétendant que Nyamwisi avait violé l'Accord de Lusaka. Ce faisant, leurs combattants ont commis des violations du droit international humanitaire, dont le meurtre délibéré de civils, des viols en nombre important, des pillages et des actes de cannibalisme. Certaines de ces violations ont pu être dirigées contre le groupe ethnique des Nande, pris pour cible à cause de leur lien avec Nyamwisi, lui-même nande.

Exécutions sommaires et pillages à Mambasa
Mambasa, un district dans la partie occidentale d'Ituri, a été relativement peu touché au cours des premières années du conflit entre les Hema et les Lendu. Bien qu'il fasse officiellement partie de l'ancien territoire d'Ituri, il est resté aux mains du RCD-ML après la chute de Bunia et sa prise par l'UPC en août 2002. Alors que les tueries se poursuivaient dans les parties orientales de l'Ituri, de nombreux civils ont fui vers l'Ouest en direction de Mambasa et Komanda. Au début de novembre, 5 200 personnes déplacées en provenance d'autres régions de l'Ituri bénéficiaient d'une assistance à Mambasa.178

Début octobre, le MLC et le RCD-N ont lancé leurs attaques près de la ville de Mambasa et ont ensuite tenté de se déplacer plus au sud, en direction de la capitale du RCD-ML, Beni, dans le cadre de la campagne « Effacer le tableau » qui allait prendre fin avec le cessez-le-feu signé à Gbadolite le 31 décembre 2002. Dans la région de Mongbwalu, les troupes UPC ont attaqué conjointement avec les forces MLC, comme décrit plus haut et la rumeur affirmait que l'UPC cherchait à établir une alliance avec le MLC.179

Lorsque les troupes du MLC et du RCD-N sont arrivées à Mambasa, le 12 octobre 2002, la plupart des résidents ont fui vers la forêt. Les troupes ont traqué les habitants dans la brousse, tentant d'identifier un certain nombre d'entre eux au moins par leur groupe ethnique. Un témoin a déclaré :

      On avait fui là-bas mais ils nous ont trouvés. Ils nous ont demandé nos noms. Si les noms ressemblaient à des noms nande, ils emmenaient les gens. J'ai été capturé en même temps que mon frère aîné. Ils ont attaché nos bras derrière nos dos avec de la corde et nous ont emmenés au cimetière de Mambasa ... Ils nous ont fait nous allonger sur le sol. Ils ont dit : « Vous êtes nande et on est contre les Nande. Donc, on doit vous éliminer. » Vingt-cinq soldats nous avaient emmenés là-bas. Ils étaient bien armés avec des fusils. Ils ont dit qu'ils allaient nous tuer. On a eu de la chance parce qu'après dix minutes environ, des soldats APC ont fait leur apparition et les soldats MLC ont pris la fuite. On est parti en courant, toujours avec les bras liés.180

Les troupes du MLC de Bemba et celles du RCD-N ont également tué quatre personnes à cause de leurs allégeances politiques supposées. Un témoin a raconté :

      Plusieurs jours après la prise de Mambasa, ils ont pris mon beau-frère dans sa maison. Ils avaient des uniformes APC et prétendaient être ses amis mais en fait, c'était les Effaceurs. Ils lui ont demandé à lui et à un groupe de huit autres comment ils voyaient les Effaceurs. Les gens ont répondu qu'ils étaient très mauvais et qu'ils avaient tout pris à la population. Les Effaceurs ont alors pris quatre des neuf personnes et les ont tuées, y compris le chef de quartier de Mambasa Centre. Ils ont enterré les corps derrière l'église St Anouarite, dans le centre de la ville. Les autres ont été autorisés à partir.181

Un autre témoin qui a vu les cadavres a affirmé que leurs bras et leurs oreilles avaient été coupés. Sur les quatre victimes, il en connaissait deux, Daniel Kahindo et François.182

Les soldats auraient tué Gérard de Mandima parce qu'il avait refusé de leur dire où trouver le chauffeur de son camion qu'ils voulaient voler.183

Les officiels de la Croix Rouge locale ont rapporté que dans le district de Mambasa, y compris dans la ville et dans les régions avoisinantes de Teturi, Lwemba et Byakato, quelque 185 victimes de la violence ont été enterrées suite aux violences qui se sont produites entre octobre et décembre 2002.184 Il n'est pas clair combien de personnes parmi ces victimes ont été tuées par les combattants MLC et combien sont mortes d'une autre façon.

Les soldats du MLC et du RCD-N, beaucoup ivres ou drogués, ont systématiquement pillé la ville. Certains étaient torse nu, d'autres avaient des uniformes ou portaient des bandeaux de tête avec le drapeau américain. Un soldat a déclaré aux habitants d'une maison dans laquelle il venait d'entrer : « Ne résistez pas parce que pendant quatre jours, on peut faire tout ce qu'on veut. C'est ça l'accord. »185 Ils ont contraint des habitants à porter les fruits de leur pillage jusqu'à leur camp.186 Le Colonel Freddy Ngalimo qui commandait l'opération pour le MLC a expliqué aux chefs communautaires que le pillage était normal. « Même les Palestiniens le font », aurait-il déclaré.187 Pour calmer les protestations de la communauté, les troupes ont fait semblant de rendre leur butin mais ont en fait rendu seulement quelques-uns des articles les moins précieux.

Le gouvernement de Kinshasa et son allié, le RCD-ML étaient outragés suite aux tentatives de Bemba pour s'immiscer dans un nouveau territoire. Ils ont peut-être provoqué une certaine publicité sur les abus commis par les forces du MLC. Bemba a réagi aux critiques substantielles formulées nationalement et internationalement en jugeant le Lieutenant-Colonel du MLC, Freddy Ngalimo et vingt-six autres pour « extorsion, viol, assassinat, pillage et désobéissance aux ordres. »188 Selon l'Article commun 3 des Conventions de Genève, le MLC avait l'autorité légale pour poursuivre en justice et punir ses propres soldats dans le cadre d'un tribunal régulièrement constitué mais les procès n'ont pas réussi à répondre aux critères internationalement reconnus d'impartialité. Les juges  n'étaient ni indépendants, ni impartiaux et l'accusation n'avait pas conduit de réelle enquête et n'avait pas sérieusement examiné les chefs d'inculpation. Le procès, qui s'est tenu en février 2003, semble avoir été un exercice de relations publiques dans le but de protéger Bemba et ses principaux officiers contre de plus sérieuses poursuites judiciaires. Le procès a abouti à un certain nombre de condamnations et les officiers des rangs les plus bas ont été condamnés à des peines plus dures que leurs commandants. La peine la plus lourde de prison à vie a été prononcée contre le Caporal Katembo Kombi et le Lieutenant Jose Zima pour meurtre. Le Colonel Freddy Ngalimo, qui était en charge de l'opération militaire avec un contrôle direct sur les événements, a été uniquement jugé coupable d'avoir permis l'insubordination des troupes sous son contrôle et a été condamné à trois ans d'emprisonnement. Seize combattants ont reçu des peines allant de six mois à trois ans pour crimes de désertion, désobéissance ou viol et sept autres n'ont reçu que des « sanctions internes » pour indiscipline. Ces procès n'ont été qu'une parodie de justice pour des actes qui auraient pu relever de crimes contre l'humanité.

Assassinat du gouverneur Joseph Eneko

Afin de faire accepter leur mouvement par un plus grand nombre, l'UPC a nommé, en août 2002, un Alur, Joseph Eneko, gouverneur de l'Ituri. Le gouverneur Eneko était un chef communautaire alur très respecté et il a surpris nombre de ses administrés lorsqu'il a accepté la position. Certains ont même considéré son rapprochement des forces UPC comme une trahison. Dès le début, les choses ne se sont pas déroulées comme prévu. Des personnalités de haut rang envoyées en délégation à Aru pour procéder à l'annonce officielle de sa nomination furent surprises - certaines personnes auraient même été choquées - lorsque le gouverneur nouvellement nommé a déclaré publiquement qu'il acceptait la position mais qu'il ne devait pas être considéré comme un membre de l'UPC.189

Le gouverneur a reporté son départ pour Bunia afin de résoudre certains problèmes à Aru et à Mahagi, une attitude qui a peut-être augmenté les inquiétudes de l'UPC à son égard. Il a évoqué ouvertement sa mission pour la paix et a rencontré plusieurs groupes dans le Nord de l'Ituri, notamment Roger Lumbala du RCD-N, des responsables lendu à Kpandruma et certains responsables locaux hema à Fataki. Il a rendu visite aux Lendu avant de rendre visite aux Hema suscitant la rumeur d'une position favorable aux Lendu. L'UPC a envoyé une délégation dirigée par Kisembo Bahemuka, chef d'état major de l'armée UPC afin d'obliger le gouverneur Eneko à se rendre à Bunia.

Avant de partir pour Bunia, le gouverneur Eneko s'est rendu le 21 novembre à Mahagi pour installer dans ses fonctions un nouvel administrateur territorial. Juste avant son départ, le commandant UPC à Aru a changé les gardes du corps du gouverneur ainsi que son chauffeur. Sur le trajet, près de Simbi, les gens du coin ont arrêté la voiture du gouverneur et l'ont informé que les troupes APC et les miliciens lendu avaient livré combat à l'UPC sur la route, à l'avant de leur position, un peu plus tôt dans la journée. La nuit tombait mais le gouverneur était décidé à poursuivre son chemin. Une source locale a rapporté les faits suivants :

      A environ huit kilomètres de Mahagi, la délégation a vu trois corps sur la route. Le chauffeur s'est arrêté en disant qu'ils devraient rebrousser chemin mais le gouverneur a insisté pour continuer. Puis une personne a fait irruption sur la route, elle portait une veste militaire. Les gardes du corps se sont raidis et voulaient tirer mais le gouverneur les en a empêchés. Ils ont crié qu'ils étaient avec le gouverneur. Le soldat a répondu : « Quel gouverneur ? C'est celui qui nous tue ici ? » et puis, il a donné l'ordre de tirer. En quelques minutes, tous les passagers ont été tués sauf deux gardes du corps qui étaient à l'arrière du véhicule et qui ont réussi à s'échapper. Le gouverneur Eneko, son chauffeur, son secrétaire, le chef du Bureau Public et cinq autres gardes ont été tués.190

Les habitants d'un village tout proche ont entendu les coups de feu et sont partis enquêter le lendemain matin : « J'ai marché sur la route qui montait pour voir ce qui s'était passé. J'ai vu tous les corps et j'ai eu vraiment peur », a déclaré un témoin. « Je ne savais pas alors que c'était le gouverneur. Puis l'UPC est arrivé et a commencé à détruire les maisons dans mon village. Je ne sais pas pourquoi. Ils ont obligé les gens à aller avec eux sur les lieux et à enterrer quatre soldats UPC mais pas ceux qui se trouvaient près de la voiture. Ils étaient très nerveux et les ont fait travailler très vite parce qu'ils voulaient partir tout de suite après. »191

Le lendemain, avant qu'aucune enquête formelle ne soit réalisée, les autorités UPC ont annoncé que les deux survivants avaient identifié des soldats APC comme étant les tueurs. Au moment de la mission de Human Rights Watch en Ituri, les deux survivants se trouvaient sous la surveillance de l'UPC, justifiée par le souci soi-disant de préserver leur vie.192

Des témoins et des habitants du coin qui vivaient près de l'endroit où s'est déroulée l'embuscade ont affirmé que des soldats UPC avaient attaqué la voiture du gouverneur. L'un d'eux a déclaré :

      Vers 6 heures du soir, il y a eu de nombreux coups de feu dans la zone de Nzii, pas loin de l'endroit où l'APC combattait contre l'UPC. J'ai fui 800 mètres plus loin environ avec les autres. Les coups de feu ont stoppé à environ 6 heures 30 et je suis rentré chez moi. Près de chez moi, j'ai vu des soldats APC sur la route qui s'éloignaient en marchant de l'endroit où s'étaient déroulés les combats. Ils ont entendu une voiture s'approcher alors ils se sont cachés sur le bord de la route. Après son passage, certains sont sortis et ont crié : « APC, APC, on y va. » et puis, beaucoup sont sortis et ont continué à marcher sur la route dans la direction opposée à celle prise par la voiture ... Quelques instants plus tard, j'ai entendu de nouveau des tirs dans la direction que la voiture avait prise qui ont duré pendant environ 15 minutes. Je suis resté seul chez moi cette nuit et je n'ai plus vu de soldats ce soir-là.193

Quelques jours plus tard, les soldats de l'UPC ont lancé un raid contre la maison du gouverneur à Bunia et ont tout pillé à l'intérieur.

Au moment de la rédaction de ce rapport, aucune enquête officielle n'avait été conduite et personne n'avait été inculpé pour le meurtre de la plus importante autorité locale à Bunia.

Bloquer l'aide humanitaire et prendre les travailleurs humanitaires pour cibles

Des groupes armés en Ituri ont commencé à intimider les travailleurs humanitaires et à bloquer l'arrivée de l'aide dans les zones « rivales » fin 1999. Toutes les parties au conflit se sont rendues coupables de cette violation du droit international humanitaire, phénomène qui s'est produit de façon plus fréquente et plus grave au fil du temps. Au cours de l'année dernière seulement, il y a eu plus de trente cas au cours desquels des travailleurs humanitaires ont été arrêtés, menacés, battus ou expulsés de la région. Les autorités UPC sont responsables de la majorité des cas récents, accusant souvent les agences et leurs employés de complicité avec les Lendu. Ce fut le cas lorsque des soldats UPC ont emprisonné deux travailleurs humanitaires en novembre 2002. Dans d'autres cas, des soldats UPC ont arrêté des travailleurs humanitaires qui avaient refusé de leur fournir de la nourriture et des médicaments.194 Dans une déclaration du 1er septembre 2002, le Ministre UPC des Affaires Etrangères, Jean-Baptiste Dhetchuvi a déploré « l'attitude négative » des agences humanitaires et les a accusées d'avoir aidé les Lendu à couper les canalisations approvisionnant Bunia en eau propre, ignorant totalement le fait que c'était précisément ces agences qui avaient installé ces canalisations.195

Début 2003, les autorités UPC ont expulsé un prêtre belge, Mark Deneckere des Pères Blancs d'Afrique, pour avoir aidé un groupe de Lendu déplacés, le même groupe dont l'histoire a suscité la colère des autorités contre le journaliste Khan dans l'incident décrit plus haut. Le Père Deneckere travaillait en Ituri depuis plus de 40 ans. Il a raconté :

      En août, l'UPC a brûlé de nombreuses maisons à Bunia et cette nuit, les Lendu sont venus vers nous, avec le peu qu'ils avaient et en demandant de l'aide. Ils ont trouvé refuge dans une maison vide toute proche. J'ai ensuite été accusé d'avoir pris ces gens en otages, ces 120 personnes. Comment aurais-je pu vraiment faire ça ? Bien sûr, je les ai aidés. Comment ne pas le faire ? C'était des gens dans le besoin et en tant que prêtre, je ne pouvais pas ne rien faire.

      Puis un journaliste a fait un papier sur la situation à Bunia qui a vraiment irrité l'UPC. Le 9 février, l'UPC m'a emmené dans une maison où les Lendu avaient trouvé refuge et où ils disaient ne pas savoir que ces gens-là s'y trouvaient. C'était bien sûr impossible parce qu'ils étaient venus de nombreuses fois et souvent, les soldats regardaient par-dessus le mur. On m'a dit que je devais venir pour un interrogatoire. Le 11 février 2003, j'ai été officiellement convoqué dans leur bureau et ils m'ont posé beaucoup de questions. Ils m'ont accusé d'aider les Lendu, de leur donner des armes et ils voulaient savoir pourquoi je leur avais ouvert ma porte. C'était absurde.196

Le 14 février 2003, l'UPC a accordé au Père Deneckere 48 heures pour quitter l'Ituri. L'ordre d'expulsion justifie ainsi cette mesure : « hébergement secret de personnes déplacées avec l'intention de ternir le mouvement UPC et d'être en contact avec des forces négatives hostiles à la paix et la réconciliation. »197

Les soldats UPC ont menacé et effectivement attaqué des prêtres et des travailleurs humanitaires dans d'autres régions également. Le 15 janvier 2003, l'UPC a attaqué la paroisse de Nioka dans laquelle un centre nutritionnel pour enfants mal nourris avait été installé avec l'aide d'une organisation non-gouvernementale internationale. Ils ont arrêté et battu les prêtres, les accusant d'aider les Lendu. Ils ont pillé la paroisse puis ont détruit l'entrepôt où était stockée la nourriture du centre. Un témoin a raconté :

      Quatre soldats UPC sont venus avec un civil hema appelé Jabu. Ils nous ont accusés d'être avec l'APC et d'avoir des armes. Ils ont dit qu'ils pouvaient nous faire tout ce qu'ils voulaient. Ils m'ont battu pendant presque 30 minutes. Ils m'ont accusé d'être avec les Lendu et ont dit qu'ils allaient me tuer comme ils tuaient les Lendu. Ils ont pris certains Lendu du village, des hommes appelés Njangu et Kpatchuma et ils les ont exécutés derrière la prison. J'ai dû dormir dehors toute la nuit.

      Ils ont pillé la paroisse, ont tiré dans le plafond et ont attaché le Père Mario, l'un des prêtres blancs. Ils l'ont accusé d'aider des Lendu parce qu'il travaillait au centre de nutrition pour les enfants mal nourris. Ils l'ont emmené à la prison de Nioka et lui ont demandé de l'argent. Ils l'ont battu. Ils ont fait porter de l'eau à un autre prêtre pendant toute une journée. Ils l'ont gardé pendant deux jours et l'ont battu avec un bâton. J'ai réussi à m'échapper dans la forêt où je suis resté pendant quatre jours.

      Tout ce qu'on faisait, c'était aider des enfants qui avaient faim, des Lendu et d'autres aussi. Maintenant, tout ça c'est fini, ce qui est exactement ce qu'ils voulaient.198

L'augmentation des attaques par les groupes armés a entraîné une réduction des activités des agences humanitaires dans la région, malgré les énormes besoins d'aide de dizaines de milliers de personnes. Selon un travailleur humanitaire, les résultats ont été catastrophiques : « Des milliers de gens sont morts à cause de jeux politiques. »199

Les autorités ont également intimidé et dans un cas expulsé le personnel des Nations Unies. Le 23 novembre 2002, le Président Lubanga de l'UPC a déclaré persona non grata un officier des Nations Unies travaillant pour le Bureau de coordination des affaires humanitaires (OCHA) qui avait protesté contre l'arrestation et l'intimidation des travailleurs humanitaires. Les raisons officielles de son arrestation sont « arrogance, intervention malveillante, diffusion de fausses rumeurs et langage discourtois à l'encontre d'officiels de l'UPC », accusations que Lubanga a qualifiées de « très graves pour la sécurité du territoire contrôlé par l'UPC. »200 Un autre représentant d'OCHA et un employé de la MONUC avaient préalablement quitté Bunia après avoir été victimes d'intimidations de la part de responsables hema.

Les meurtres d'employés du CICR
La plus grave attaque contre les travailleurs humanitaires en Ituri fut le meurtre de six employés (quatre Congolais et deux expatriés) du Comité International de la Croix Rouge (CICR) le 26 avril 2001.201 La police locale a commencé à mener l'enquête sur ces meurtres sous l'autorité du Front de Libération Congolais (FLC) qui a brièvement contrôlé l'Ituri en 2001. Depuis la chute du FLC, aucun officiel n'a apparemment poursuivi l'enquête en dépit des appels répétés à l'action en provenance de la communauté humanitaire internationale.

Human Rights Watch a eu accès aux informations rassemblées par la police et a pu en vérifier certaines indépendamment. Les preuves suggèrent une conspiration afin d'éliminer les travailleurs de l'aide internationale exécutée par certains responsables locaux hema, dont des membres de l'UPC et des soldats ougandais.

Le 26 avril 2001, une équipe du CICR a été attaquée au début de l'après midi peu de temps après avoir quitté Fataki, dans le territoire djugu d'Ituri et alors qu'elle se dirigeait vers Bunia. Les six employés du CICR ont été tués et leurs deux voitures brûlées. Les corps ont été découverts peu de temps après par d'autres personnes sur la route qui ont donné l'alarme et une équipe de militaires ougandais et de policiers locaux est arrivée de la ville proche de Djugu. Un témoin a raconté :

      Derrière le second véhicule, il y avait cinq corps alignés. Le sixième corps était un peu plus loin. On aurait dit que les corps des gens avaient été déplacés après leur mort. Ils avaient tous des coupures et des marques faites par des lances et un avait une marque de lance derrière la tête. Certains corps avaient des marques comme s'ils avaient été traînés et on aurait dit qu'ils avaient ensuite été bougés. Les corps ont été rassemblés et emmenés par l'armée à Djugu et peu de temps après, à Bunia, sous escorte du Commandant du secteur UPDF, le Colonel Muzoora.202

Selon des témoins, le Major David de l'armée ougandaise, normalement en poste à Fataki, se trouvait à Fataki le matin des meurtres et est arrivé à Djugu à environ 5 heures 30 de l'après midi, ayant apparemment emprunté un itinéraire plus long, peut-être pour éviter de se trouver dans les environs de l'attaque. Il était accompagné par trois extrémistes hema bien connus nommés Loringa, Assau et Tharcisse. Cette nuit-là, le Major David, les soldats ougandais et les trois civils hema se sont rendus sur le lieu du crime mais ont refusé que la police locale les accompagnent.203

Deux jours plus tard, une équipe officielle d'enquêteurs comprenant des enquêteurs de la police et certains ministres est arrivée de Bunia. Thomas Lubanga en faisait partie même si ses responsabilités professionnelles d'alors, Ministre de la jeunesse, des sports et des loisirs ne comportaient pas les investigations criminelles. Il y avait aussi un nombre important de soldats ougandais rattachés à l'équipe malgré les réserves quant à leur présence exprimées par le Ministre de la Justice.204

Un témoin a affirmé à l'équipe qu'il avait vu cinq hommes quitter le lieu du crime, trois en uniforme portant des sacs à dos et deux en civil. Ce témoin a modifié sa déclaration quelques jours plus tard et a déclaré que les hommes n'étaient pas en uniforme.205 En dépit des demandes de l'administrateur adjoint du territoire, l'armée ougandaise n'a pas assuré la protection de ce témoin qui a par la suite disparu.

Plusieurs jours après le crime, l'armée ougandaise aurait conduit un exercice de « nettoyage » au cours duquel les soldats ont encerclé la région appelée Likopi proche du lieu du crime et ont tué environ vingt-cinq personnes, dont un juge appelé Jicho qui vivait à cinq kilomètres de l'endroit où les meurtres des employés du CICR se sont produits.206 La police civile a eu peur de mener l'enquête sur ces derniers meurtres.

Peu de temps après, l'armée ougandaise a arrêté un homme lendu nommé Dongo Tchuda qu'ils ont accusé d'avoir commis ces crimes avec d'autres bandits lendu. Selon l'armée ougandaise, M. Dongo a avoué les meurtres. L'accusé cependant a changé sa déclaration à plusieurs reprises et s'est trompé sur de nombreux détails dans sa « confession » comme sur la date, la couleur des voitures et le nombre de personnes tuées.207 L'armée ougandaise a gardé le « coupable » dans un container dans son camp militaire à l'aéroport de Bunia et a refusé de le remettre aux autorités judiciaires civiles. Un observateur de la MONUC qui a parlé à Dongo a déclaré qu'il semblait « déséquilibré ».208 Le suspect est resté en détention sans chef d'inculpation et en janvier 2002, le magistrat a envoyé une lettre au nouveau procureur se plaignant que Dongo209 continue à être interrogé. Selon des sources locales, des soldats ougandais ont ensuite emmené Dongo à Kampala sans demander l'autorisation des autorités judiciaires locales ou sans même les en informer. Le sort qui lui a été réservé ne nous est pas connu.

Les Ougandais et le FLC ont annoncé que le tueur de l'équipe du CICR avait été appréhendé avant la fin de l'enquête officielle. La police locale a tenté de poursuivre son investigation et a convoqué pour interrogatoire des hommes de Fataki, dont ceux appelés Mohindo, Tharcisse, Assau, Adidace et Loringa. Lorsque les personnes convoquées ne se sont pas présentées à la police, cette dernière n'a trouvé aucun moyen pour les contraindre à le faire. A un moment donné, ils ont demandé le soutien du gouverneur adjoint qui a refusé de leur accorder en déclarant : « Ce n'est pas mon affaire. »210

Lubanga a cherché à avoir accès aux dossiers de la police locale comme l'ont fait des officiers haut placés de l'armée ougandaise. Finalement, l'armée ougandaise a envoyé un officier pour prendre les dossiers au procureur en déclarant qu'un avion devait arriver de Kampala pour emporter les informations au Président Museveni. L'officier ougandais a reçu certains des documents mais non l'intégralité du dossier.211

Des personnes connaissant bien la politique hema pensent qu'un certain nombre de responsables communautaires hema ont pu organiser des réunions plusieurs mois à l'avance afin de planifier le crime. Comme l'a expliqué une personne bien informée aux chercheurs de Human Rights Watch, « Je pense que les responsables hema avaient prévu de tuer les gens du CICR. J'ai entendu des gens en parler avant que cela se produise et ils m'ont dit qu'ils allaient faire une embuscade... Ils ne voulaient pas que le CICR aide les Lendu et ils étaient vraiment contre eux. »212

Selon des sources diplomatiques, le gouvernement ougandais a lancé une enquête militaire sur les meurtres des employés du CICR mi-2002 mais aucun résultat n'a été publié et à notre connaissance, aucune arrestation n'a été faite.

Actes inhumains - cannibalisme et mutilations délibérées de cadavres

Les membres des plus importants groupes armés en Ituri ont commis des actes inhumains, tels que cannibalisme et mutilations délibérées de cadavres. Suite à un communiqué de presse de la MONUC accusant les forces du MLC de Bemba d'avoir commis des actes de cannibalisme, la presse internationale s'est concentrée sur ces actes, répugnants par nature. Cependant, ceux-ci ne concernaient qu'un nombre limité de personnes. Les journalistes ont accordé à ces crimes beaucoup plus d'attention qu'aux actes beaucoup plus répandus de meurtres qui ont dévasté la région de façon beaucoup plus importante. La mission de Human Rights Watch en Ituri s'est inscrite dans le sillage de cette publicité et a trouvé que les actes de cannibalisme n'étaient pas propres aux forces MLC à Mambasa mais avaient été également commis par d'autres groupes armés dans le conflit depuis 1999 y compris par les milices ngiti et lendu et par les forces hema de l'UPC. Les victimes provenaient de plusieurs groupes ethniques.

Dans ces cas, les auteurs de ces actes ont peut-être consommé de la chair humaine dans le cadre d'un contexte politique et rituel plus large comme cela s'est produit ailleurs en RDC et dans le monde.213 Le cannibalisme est parfois associé à la croyance que ceux qui consomment la chair d'une personne acquièrent sa force. A ce moment précis en Ituri, l'apparence de cette pratique pourrait indiquer que des peuples soumis à des menaces constantes, pendant plusieurs années sont devenus cannibales de façon à augmenter leur force et à assurer leur survie. Cela pourrait également signifier que les auteurs de ces actes ont découvert que la peur du cannibalisme terrorise les victimes et les rend plus obéissants que la simple peur de la mort, si fréquemment affrontée dans la vie quotidienne.

Au cours des trois derniers mois de 2002, les troupes du MLC et du RCD-N ont violé, tué et mangé des Pygmées, des chasseurs et des gens vivant de la cueillette dans la forêt. Ils ont ainsi cherché à terroriser les Pygmées afin que ceux-ci les aident en les guidant à travers la densité de la forêt et qu'ils évitent ainsi d'emprunter les routes principales sur lesquelles ils pouvaient faire l'objet d'attaques. Certains des combattants engagés dans cette pratique espéraient peut-être ainsi acquérir la force de leurs victimes.

Les chercheurs de Human Rights Watch ont rassemblé des informations sur le cas d'un Pygmée nommé Amuzati. Un témoin a raconté :

      A environ trente kilomètres de Mambasa, les soldats MLC ont attaqué un camp pygmée. Amuzati qui chassait dans la forêt a entendu des tirs. Comme il n'était pas loin de son camp, il est retourné voir ce qui se passait. Huit cents mètres plus loin environ, il a entendu des cris et des pleurs puis le silence s'est fait. Il s'est approché et a vu plusieurs soldats. Il a vu les cadavres de sa famille dont celui de son neveu de quatre ou cinq ans, avec l'estomac ouvert. Ils enlevaient la chair des victimes. Puis il a regardé et les a vus manger sa mère, son frère aîné et deux de ses neveux. Il était très ému et il avait peur qu'en criant, ils le prennent aussi alors il est parti en rampant.214

Certains miliciens lendu ont délibérément mutilé des cadavres et ont accompli des actes de cannibalisme contre leurs victimes, en prenant principalement pour cibles les Hema. Ceci a souvent impliqué un rituel au cours duquel la chair de la victime était distribuée aux combattants lendu. Un témoin pris par les milices lendu sur la route proche de Makofi en novembre 2002 a raconté :

      J'étais dans un camion avec cinq autres personnes en direction de Mongbwalu. Près de Makofi, on a eu une panne d'essence. On a commencé à marcher quand on a été attaqué par les Lendu. Ils étaient nombreux avec des fusils et des machettes. Ils nous ont encerclés et nous ont capturés. Ils ont commencé à interroger le chauffeur, Independent Dedjo et ils l'ont frappé. Ils m'ont aussi battu. Ils nous ont demandé de quelle tribu on était et on a dit Alur. Ils nous ont demandé nos cartes d'identité. Ils n'ont pas cru le chauffeur et ont pensé qu'il était hema. Un homme qui me connaissait et qui connaissait certaines des autres personnes s'est porté garant pour nous et a dit qu'on était alur mais il ne connaissait pas le chauffeur. Ils ont décidé de faire un test. Ils ont fait rouler deux _ufs sur le sol. Si les _ufs roulaient vers l'arrière, alors l'homme n'était pas hema. Si les oeufs ne roulaient pas vers l'arrière, alors c'était un Hema. Les oeufs n'ont pas roulé vers l'arrière.

      Ils ont dit à Dedjo de courir pour sauver sa vie. Pendant qu'il courait, ils lui ont tiré dessus avec des flèches. Il est tombé et ils l'ont coupé avec leurs machettes. Ils l'ont tué. Puis, ils ont allumé un feu et ont fait griller son corps pendant des heures. Six des combattants lendu ont mangé la viande. Nous autres, on les a vus le faire. On a été détenus pendant quatre jours et ils nous ont menacés de nous faire la même chose. Le Commandant Katumba était en charge des combattants et a tout organisé. Je pense qu'il est mort maintenant. Finalement, on les a payés avec les biens du camion et ils nous ont laissés partir.215

Certains combattants hema de l'UPC ont accompli des actes similaires de mutilation délibérée de corps et de cannibalisme. Un témoin de Mongbwalu a expliqué ce qu'il a vu faire par la milice hema :

      Les Hema n'avaient aucune pitié pour les gens. Ils les ont tailladés avec des machettes. Ils ont coupé les oreilles des gens et leur ont fait manger puis ils les ont tués. J'ai vu cela se produire à Pluto. Par exemple, ils ont pris un combattant lendu. Ils ont coupé son oreille et une partie de ses fesses et lui ont fait manger. Puis ils l'ont tué avec des machettes.216

Un témoin de la zone de Boga, au sud de Bunia a raconté :

      En septembre 2002, les Hema ont intercepté certains Ngiti au sud de Kyabwoke, dans la zone de Boga. Un jeune homme, le fils d'Obadhia, est venu vers moi et s'est vanté d'avoir tué une femme ngiti. Il lui avait coupé les organes génitaux et s'était mis son clitoris sur le front comme un trophée. Il voulait montrer combien il était fort.

      En octobre 2002, les Hema ont de nouveau attaqué les Ngiti à Zungulouka. Quand ils sont revenus de l'attaque, ils ont rapporté avec eux quarante oreilles et une main qu'ils avaient coupées sur leurs victimes. Ils les portaient dans un plastique rayé comme ceux qu'on utilise pour porter les courses. Ils nous ont appelés pour qu'on les regarde et je l'ai vu moi-même. Ils chantaient des chants de victoire. Le Commandant Ateenyi Kagwa dirigeait l'opération. Ils ont dit qu'ils avaient tué beaucoup de personnes et qu'ils avaient pillé leurs biens aussi. Ils sont revenus avec plus de vingt chèvres. La tuerie a dû être horrible. Aujourd'hui encore, on peut voir des squelettes à l'endroit où les gens ont été massacrés.217

Violence sexuelle

Au cours de l'année dernière, les combattants de tous les groupes armés ont commis des viols et d'autres formes de violence sexuelle en Ituri.218 Ils ont souvent violé des femmes et des filles dans le cadre d'une attaque plus vaste au cours de laquelle ces forces ont tué et blessé des civils et pillé et détruit des biens. De tels actes ont été perpétrés pour terroriser les communautés ou les punir pour l'aide réelle ou supposée apportée aux forces adverses. Dans d'autres cas, des femmes et des filles ont été violées simplement à cause de leur appartenance ethnique. Dans certains cas, les victimes ont été obligées de partir avec les violeurs et elles n'ont pas été revues depuis. Certaines ont probablement été tuées et d'autres sont probablement retenues captives par ceux qui les ont enlevées auxquels elles doivent continuer de rendre des services sexuels et d'autres formes de services. Certains violeurs ont aggravé leurs crimes en y ajoutant d'autres actes d'une violence extraordinaire tels que la perforation du vagin avec des lances ou la découpe de certaines parties du corps. Les combattants armés issus des milices et les soldats réguliers responsables d'actes de violence sexuelle commettent des crimes de guerre. Là où ces crimes sont généralisés ou systématiques, ils peuvent entrer dans la catégorie des crimes contre l'humanité.

En RDC, une fille ou une femme qui a subi un viol a été personnellement déshonorée et bien qu'elle ne soit en rien coupable, elle a couvert sa famille de honte. Une femme célibataire violée aura des difficultés à trouver un époux si le crime est connu. Une femme mariée est susceptible d'être rejetée par son mari ou sa belle-famille et endure des humiliations quotidiennes si elle n'est pas tout simplement renvoyée du foyer. De nombreuses victimes ont peur de parler de ces crimes mais des groupes qui travaillent avec des femmes décrivent la situation comme désespérée, affirmant que le viol est très répandu même s'il est rarement évoqué.219 Les chercheurs de Human Rights Watch ont confirmé cette conclusion au cours de leur travail de terrain.

Lors des attaques sur Mambasa en octobre et novembre 2002, de nombreux soldats MLC et RCD-N ont violé des femmes. Des témoins ont ainsi décrit le cas suivant :

      A Mambasa en novembre 2002, une jeune fille âgée de 14 ans a été violée par quatre soldats du MLC. Elle était vierge. Ils l'ont attachée au lit. Ils ont forcé son frère à regarder et ont dit que s'il partait, ils la tueraient ... Après le viol, elle s'est mise à pleurer. Ils l'ont giflée sur le visage et sur la jambe et lui ont dit de cesser de pleurer. Ils ont dit : « On peut faire ce qu'on veut tant qu'on ne tue pas les gens. » Elle a saigné pendant trois jours et a ensuite été malade pendant deux mois.220

L'oncle d'une victime a raconté un autre cas de viol :

      Un jour, début novembre, on était sur la route près de Mabasa quand on est tombé sur trois soldats qui semblaient être du MLC. Certains portaient des treillis et d'autres avaient juste des tenues vertes. Certains avaient des bérets verts. Ils nous ont tout pris y compris notre bicyclette et nos chèvres et puis, ils ont pris notre nièce qui n'avait que quinze ans et ils l'ont violée devant nous. Ils nous parlaient en lingala et ils l'ont emmenée avec eux. On ne l'a pas revue depuis. Son nom est Marie Anzoyo et elle est logo. Je sais que d'autres filles ont aussi été prises, notamment une fille qui s'appelle Thérèse et une autre, Véro.221

Un témoin a décrit un autre cas :

      En octobre 2002, à trois kilomètres de Mambasa, la fille d'un homme appelé Ndalo a été violée puis a disparu. Elle avait environ douze ans. Plusieurs soldats l'ont violée dans la brousse puis ils l'ont emmenée. C'était la nuit. Le père était présent. On n'a jamais revu la fille.

Une victime dans un autre cas encore a raconté :

      J'ai été violée une nuit, en décembre à environ 11 heures du soir, dans notre maison, par cinq soldats bemba. Ma belle-mère a aussi été violée. Ils sont venus pendant qu'on dormait. Ils portaient des uniformes militaires. Les cinq l'ont fait. Mon beau-père a dû tenir mon enfant d'un an et ils l'ont forcé à regarder. Ils l'ont aussi battu avec des cordes. Ils ont dit qu'ils voulaient tuer tous les Nande et prendre Mambasa. J'ai réussi à sortir par la fenêtre. Mon beau-père m'a aidée à monter pour sortir. Il a pris la fuite. Je ne sais pas où il est maintenant. Ma belle-mère a suivi les soldats.

Dans un autre cas, une femme pygmée a été sexuellement agressée par des soldats. Un témoin a raconté :

      A Nombi, une femme pygmée a été attaquée par des soldats. Elle était allée dans la forêt pour chercher de la nourriture et elle est tombée sur un groupe de militaires de Mambasa. Ils étaient en civil et parlaient lingala et swahili. Ils étaient nombreux. Ils ont capturé la femme et l'ont interrogée. Elle leur a dit qu'elle cherchait de la nourriture à échanger contre du sel. Ils ont sorti du sel qu'ils avaient et l'ont forcée à le manger avec leur arme à bout portant. Ils l'ont aussi fait manger une sorte de viande qu'elle n'a pas reconnue. Après avoir mangé tout ça, ils ont rasé sa tête et l'ont forcée à se déshabiller. Un soldat a alors mis sa main dans son vagin. Personne ne l'a arrêté. Ils l'ont laissée partir mais ils lui ont dit qu'elle ne devait pas parler de ce qui c'était passé. Elle était très malade d'avoir mangé tout ce sel et quand elle est arrivée au camp pygmée, elle a dit aux autres ce qui s'était passé. Ils ont essayé de trouver des médicaments traditionnels pour l'aider mais elle est toujours malade à Nombi.222

Le viol a fréquemment fait partie des massacres généraux et des autres formes de violence, ciblant un groupe ethnique donné, qui se sont produits en Ituri. A Nyakunde, un témoin a raconté comment elle avait été violée par des combattants ngiti :

      La nuit où ils sont venus pour chercher les Hema et les ennemis, j'ai été prise avec deux autres femmes qui étaient étudiantes. Quand ils sont venus vers nous, ils ont dit qu'ils avaient auparavant dit à ceux qui n'étaient pas des ennemis qu'ils devaient quitter Nyakunde. Donc comme j'étais restée, je devais être une ennemie et je devais être torturée. Ils ont attaché mes mains, m'ont fait sortir de la pièce et ont commencé à me battre. Ils m'ont frappée de façon répétée sur la tête et sur le dos.

      A environ 4 heures du matin, ils nous ont fait marcher vers la concession des infirmières. Ils nous ont fait entrer dans la première maison et ont continué à nous frapper. Il y avait environ neuf combattants, quatre avaient des armes, les autres avaient des machettes, des lances et des haches. Ils nous ont fait nous déshabiller, puis, ils nous ont violées. Deux hommes m'ont violée, trois hommes ont violé chacune des deux autres filles. Ça a duré environ une heure et demi. Je connaissais les hommes qui m'ont violée. C'était des gens de Nyakunde. L'un d'eux m'a dit qu'il m'aimait bien avant mais que mes parents ne voulaient pas qu'il m'épouse. Il a dit qu'il pouvait me faire tout ce qu'il voulait et que je n'avais rien à dire. Il a même dit qu'il pouvait me tuer s'il voulait.

      Quand le viol a été fini, ils ont dit que je pouvais remettre mes vêtements et que je devais aller voir mon fils, il n'a que douze ans. Le père de mon fils était lendu donc il est lendu même si je suis considérée comme hema. Ils ont commencé à m'accompagner à l'hôpital puis ils ont disparu et j'ai pris la fuite. Les deux autres filles ont été emmenées dans une autre maison mais je ne sais pas ce qui leur est arrivé. J'ai cherché mon garçon partout cette nuit-là mais je ne l'ai pas trouvé. J'ai entendu dire qu'ils l'avaient emmené pour transporter leurs biens à Songolo. C'est beaucoup plus tard seulement qu'un ami m'a dit qu'il était mort.

      Je suis maintenant enceinte de cinq mois de l'homme qui m'a violée. Je ne sais pas quoi faire. Je n'ai pas d'avenir.223

Dans un autre cas, ce sont les combattants hema de l'UPC qui ont violé deux jeunes femmes lendu. Un témoin a raconté :

      En juillet 2002, deux jeunes femmes lendu ont été enlevées et violées par les miliciens UPC. Elles se rendaient au marché depuis Rwankole avec le mari de l'une d'elles quand des membres de l'UPC ont identifié les femmes comme étant lendu. Ils ont emmené les deux femmes et le jeune mari dans un bâtiment tout proche. Ils les ont mis dans une pièce et ils les ont battus. Ils ont tué le mari avec des machettes et ont violé les femmes. Plusieurs soldats les ont violées. Elles sont restées là-bas pendant treize jours presque sans nourriture. Un soldat leur donnait de temps en temps de l'eau. Pendant tout le temps, elles étaient nues et ont été violées plusieurs fois. Elles ont vu le mari enterré dans la concession. Un autre garçon bira a aussi été tué devant elles avec des machettes et enterré dans la même tombe. Les soldats le soupçonnaient d'être un combattant lendu.224

Les femmes brutalisées par des actes de violence sexuelle peuvent continuer à souffrir de problèmes physiques ou peuvent avoir contracté des maladies sexuellement transmissibles ou avoir été infectées par le virus VIH. La plupart de ces victimes ne reçoivent aucune aide médicale, soit parce qu'il n'y a pas de services hospitaliers en fonctionnement suffisamment proches pour qu'elles s'y rendent, soit parce qu'elles craignent que chercher de l'aide ne contribue à faire connaître à l'ensemble de la communauté le crime qu'elles ont subi. De nombreuses femmes et filles ne récupèreront jamais des conséquences physiques, psychologiques et sociales de ces attaques et certaines en mourront.

Les enfants soldats

Tous les groupes armés qui livrent combat en Ituri comportent un nombre important d'enfants dans leurs rangs.225 Alors que la guerre s'intensifiait, le recrutement forcé d'enfants a également augmenté dans des proportions dramatiques. Des enfants de sept ans seulement, y compris des filles, ont été recrutés pour des services militaires.

Le Protocole II de 1977 aux Conventions de Genève de 1949 interdit à tous les combattants, dans un conflit armé interne, de recruter des enfants de moins de dix-huit ans ou de leur permettre de prendre part aux hostilités.226 Le critère fondamental en matière de droits humains sur le recrutement des enfants dans les forces armées est défini par l'article 38 de la Convention relative aux droits de l'enfant (CRC) ratifiée par la RDC en 1990 qui réaffirme l'interdiction du recrutement d'enfants de moins de quinze ans établie dans le Protocole II.227

L'article 38 de la CRC présente une particularité en utilisant un âge minimum de 15 ans. Partout ailleurs, la CRC considère comme un enfant toute personne de moins de dix-huit ans. D'autres critères internationaux ont été adoptés depuis l'élaboration de la CRC pour renforcer les protections pour les enfants affectés par un conflit armé. Ces critères reflètent la montée en puissance d'un consensus international selon lequel les enfants de moins de dix-huit ans ne devraient pas participer à un conflit armé. Le Protocole facultatif concernant la participation des enfants aux conflits armés fixe à dix-huit ans l'âge minimum pour une participation directe aux hostilités, pour un recrutement obligatoire et pour tout recrutement ou toute utilisation dans des hostilités par des groupes armés irréguliers. La RDC a ratifié le Protocole facultatif en novembre 2001.

Les chercheurs de Human Rights Watch ont noté la présence d'un nombre important d'enfants soldats chez les combattants UPC. Dans un entretien avec les chercheurs de Human Rights Watch, le Président de l'UPC, Lubanga a affirmé disposer de 15 000 soldats. Des experts locaux estiment qu'environ 40 pour cent de ces soldats sont des enfants de moins de dix-huit ans. En février 2003, des témoins ont vu des enfants nouvellement recrutés, portant encore leurs uniformes d'écoliers, dans les rues de Bunia. Lors de leur visite au Président, les chercheurs ont vu un certain nombre de soldats qui gardaient la résidence et qui avaient de toute évidence moins de dix-huit ans. Interrogé à ce sujet, Lubanga a déclaré : « L'UPC n'a pas beaucoup d'enfants de moins de dix-huit ans. Quand on récupère des gens des milices, on trouve parfois des enfants. On ne force personne. C'est juste eux qui viennent librement. »228

Cependant, des rapports font fréquemment état du recrutement forcé d'enfants par l'UPC. Le 8 novembre 2002, à 8 heures du matin, l'UPC serait entré dans l'école primaire de Mudzi Pela et aurait emmené de force tous les cinquième années, environ quarante enfants, pour le service militaire. Une opération similaire a été conduite à Salongo où l'UPC a encerclé un quartier et a ensuite enlevé tous les enfants qu'ils pouvaient y trouver. A la fin novembre, un directeur d'école s'est plaint que la moitié des ses élèves avaient été perdue et s'est exprimé ouvertement contre leur recrutement forcé. Le Forum des mères d'Ituri s'est plaint au Président Lubanga de l'UPC, fin 2002 du recrutement des enfants. L'UPC a ouvert un petit centre de démobilisation mais selon les gens locaux, ceci n'était qu'une astuce de relations publiques. Le recrutement des enfants s'est poursuivi.229

Des témoins ont rapporté qu'au début du conflit, chaque famille hema a dû donner un enfant aux milices hema ou a dû payer pour être exemptée de cette obligation. Si les parents refusaient, leurs enfants étaient pris de force. Les parents disposant des moyens financiers nécessaires ont envoyé leurs enfants à Kisangani, Kampala ou ailleurs afin de leur éviter ce service militaire forcé.230

De nombreux observateurs ont décrit les forces UPC comme « une armée d'enfants ». Les enfants, certains de sept ans seulement, certains étant des filles, ont été formés par l'UPC dans les centres de formation de Mandro et Rwampara pendant un ou deux mois avant d'être jetés dans l'action. Une personne arrêtée par l'UPC à Bunia a déclaré qu'elle était gardée par des enfants soldats. « Il y avait quatre enfants qui gardaient la cellule, tous avaient moins de treize ans, » a-t-elle raconté. « Je leur ai demandé ce qu'ils faisaient. Ils ont dit que leurs parents étaient morts et qu'ils pouvaient gagner quelque chose dans l'armée. L'un d'eux a dit qu'il avait fréquenté l'école pendant trois ans seulement. Ils étaient tous armés mais il était évident qu'ils ne voulaient pas être là. »231

Les observateurs de la MONUC ont rapporté au siège à Kinshasa qu'environ vingt pour cent des recrues du camp de Mandro étaient des enfants.232 D'autres sources ont estimé que le camp de Mandro hébergeait environ 5 000 soldats, ce qui signifie qu'il pourrait y avoir eu 1 000 enfants soldats là-bas. Les 10 et 27 septembre, des officiers de la MONUC ont rapporté à Kinshasa que l'UPC continuait à recruter de force des enfants. Lorsque le personnel de la MONUC a abordé le problème avec le Commandant Bosco de l'UPC, celui-ci a déclaré que « les enfants mineurs étaient tous des orphelins et que l'UPC s'occupait d'eux. »233 Il a insisté pour dire que tous les recrutements étaient volontaires.

L'UPC a même mobilisé des enfants soldats qui avaient été démobilisés suite aux efforts de l'UNICEF fin 2000. Les officiers de protection de la MONUC et d'autres sources indépendantes, dont Human Rights Watch, ont rapporté que des enfants congolais, principalement hema, étaient en formation en Ouganda. Après des pressions locales et internationales, l'armée ougandaise a admis qu'elle formait les recrues congolaises et a permis à l'UNICEF et à d'autres agences d'accéder à ces recrues. Le groupe comprenait 163 enfants. Début 2001, ces enfants soldats ont été renvoyés en grande pompe à Bunia, exemple de « succès » dans la démobilisation des enfants. Mais peu a ensuite été fait pour ces enfants après leur retour et la majorité d'entre eux, soit un total estimé à 130, a été depuis de nouveau recrutée par l'UPC.234

Les miliciens lendu et ngiti auraient également de jeunes enfants dans leurs rangs. Des témoins ont affirmé qu'au cours d'un certain nombre d'attaques, des femmes et des enfants étaient utilisés comme des boucliers pour les combattants mais qu'à d'autres moments, ils servaient de force de combat, principalement pour piller mais parfois aussi pour livrer combat. Lors de l'attaque de Nyakunde décrite plus haut, un témoin a rapporté que l'un des groupes qui avaient attaqué « était essentiellement composé de femmes, d'enfants et de personnes âgées. Ils transportaient tous des armes plus traditionnelles comme des haches, des flèches et des lances. »235 Un autre témoin a déclaré que « Les enfants tuaient aussi. Ils avaient douze ans et plus. Ils portaient des armes à feu et des couteaux. » Un recruteur ngiti a affirmé aux chercheurs de Human Rights Watch que la plupart des membres des milices ngiti formés à Bunia étaient des adultes mais que parfois des enfants de moins de dix-huit ans étaient aussi formés.236

92 Entretien conduit par Human Rights Watch, Bunia, février 2003.

93 Entretiens conduits par Human Rights Watch, Bunia, Beni et Kampala, février 2003 ; Human Rights Watch, "Chaos in Eastern Congo: UN Action Needed Now, A Briefing Paper, octobre 2002.

94 Ibid.

95 Entretien conduit par Human Rights Watch, Bunia, février 2003.

96 Ibid.

97 Human Rights Watch, "Chaos in Eastern Congo."

98 Entretien conduit par Human Rights Watch, Beni, février 2003. Voir aussi Human Rights Watch, "Chaos in Eastern Congo."

99 Entretien conduit par Human Rights Watch, Kampala, février 2003.

100 Entretiens conduits par Human Rights Watch, Bunia, février 2003.

101 Entretiens conduits par Human Rights Watch, Bunia, février 2003.

102 Entretien conduit par Human Rights Watch, Major David Muhoozi et Capitaine Eddy Muwonge, Bunia, février 2003.

103 Entretiens conduits par Human Rights Watch, Bunia et Kampala, février 2003. Voir aussi Conseil de Sécurité des Nations Unies, "Final Report of the Panel of Experts on the Illegal Exploitation of Natural Resources and Other Forms of Wealth of the DRC," S/2002/1146, 16 octobre 2002, paragraphe 121.

104 Entretien conduit par Human Rights Watch, Bunia, février 2003.

105 Entretien conduit par Human Rights Watch, Beni, février 2003.

106 Entretiens conduits par Human Rights Watch, Kampala et Bunia, février 2003.

107 Entretien conduit par Human Rights Watch, Kampala, février 2003.

108 Ibid.

109 Jean Baptiste Dhetchuvi, lettre ouverte, Ituri - What Future?, 1er septembre 2002.

110 « Originaires » et « non-originaires » signifient indigènes et non-indigènes. Le terme français est utilisé tout au long du rapport parce qu'il a une pertinence spécifique en Ituri. Les groupes ethniques qui sont « originaires » tendent à inclure les Hema, les Bira, les Lendu, les Ndo Okebo et les Alur bien que ceci soit contesté. En pratique, puisque les Lendu sont considérés comme « ennemis », le concept « originaires » pour les Hema les exclut.

111 Terme local pour les personnes parlant le lingala qui ne sont pas de la région de l'Ituri.

112 Entretien conduit par Human Rights Watch, Bunia, février 2003.

113 Ceci fut fait par le chef bira d'Andisomma. Des liens ont pu exister avec des tensions historiques entre les Bira et les Ngiti pour des questions foncières. Une grande part de cette histoire est toujours présente dans la mémoire de ces deux groupes et est souvent citée comme justification supplémentaire pour les tueries des deux côtés. Entretien conduit par Human Rights Watch, Oicha, février 2003.

114 Entretien conduit par Human Rights Watch, Bunia, février 2003.

115 Entretien conduit par Human Rights Watch, Beni, février 2003.

116 Correspondance interne à la MONUC, septembre et octobre 2002.

117 Ibid.

118 Entretien conduit par Human Rights Watch, Erengeti, février 2003.

119 Entretien conduit par Human Rights Watch, Oicha, février 2003.

120 Ibid.

121 Ibid.

122 Entretien conduit par Human Rights Watch, Oicha, février 2003.

123 Entretiens conduits par Justice Plus, mars 2003.

124 Entretien conduit par Human Rights Watch, Oicha, février 2003.

125 Entretiens conduits par Justice Plus, Ituri, mars 2003.

126 Entretien conduit par Human Rights Watch, Oicha, février 2003.

127 Entretien conduit par Human Rights Watch, Bunia, février 2003.

128 Entretien conduit par Human Rights Watch, Bunia, février 2003.

129 Ibid.

130 Ibid.

131 Entretien conduit par Human Rights Watch, Oicha, février 2003.

132 Entretien conduit par Human Rights Watch, Erengeti, février 2003.

133 "UPC Rebels Grab Mongbwalu's Gold", African Mining Intelligence No. 53, 15 janvier 2003.

134 C'est le terme utilisé par les habitants du coin.

135 Entretien conduit par Human Rights Watch, Kampala, février 2003.

136 Entretien conduit par Human Rights Watch, Bunia, février 2003.

137 Ibid.

138 Ibid.

139 Entretien conduit par Human Rights Watch, Arua, février 2003.

140 Entretien conduit par Human Rights Watch, Bunia, février 2003.

141 Mot lingala signifiant les gens des bicyclettes.

142 Entretien conduit par Human Rights Watch, Bunia, février 2003.

143 Les grands containers contenant des cargaisons voyageant par bateaux sont souvent recyclés en prisons en Afrique Centrale.

144 Entretien conduit par Human Rights Watch, Arua, février 2003.

145 Ibid.

146 Correspondance interne à la MONUC, septembre et octobre 2002.

147 Entretien conduit par Human Rights Watch, Bunia, février 2003.

148 Il avait préalablement été arrêté par les autorités RCD-ML pour avoir accordé un entretien sur Voice of America relatif aux abus contre les droits humains commis par ce groupe.

149 Entretiens conduits par Human Rights Watch, Bunia et Kampala, février 2003.

150 Entretien conduit par Human Rights Watch avec Thomas Lubanga, Bunia, 14 février 2003.

151 Ibid.

152 Ce chiffre est basé sur des informations rassemblées à partir de diverses sources, dont des témoins et d'autres qui ont rassemblé les corps pour les enterrer. Nombre de victimes ont été enterrées dans des fosses communes à Nyakunde. Le nombre de personnes tuées est en fait probablement beaucoup plus élevé.

153 Entretien conduit par Human Rights Watch, Beni, février 2003.

154 Entretien conduit par Human Rights Watch, Oicha, février 2003.

155 Ibid.

156 Ibid.

157 Ibid.

158 Ibid.

159 Ibid.

160 Ibid.

161 Entretien conduit par Human Rights Watch, Erengeti, février 2003.

162 D'autres personnes qui ont parlé séparément avec les chercheurs de Human Rights Watch ont rapporté la même information. Entretiens conduits par Human Rights Watch, Bunia, février 2003.

163 Entretien conduit par Human Rights Watch, Bunia, février 2003.

164 Entretien conduit par Human Rights Watch, Oicha, février 2003.

165 Entretien conduit par Human Rights Watch avec le commandant Hilaire, Beni, 12 février 2003. Le témoin a refusé de donner son nom complet.

166 Entretien conduit par Human Rights Watch avec le Président Mbusa Nyamwisi, Beni, 11 février 2003.

167 Ibid.

168 Ibid.

169 Entretiens conduits par Human Rights Watch, Beni et Kampala, février 2003.

170 Entretien conduit par Human Rights Watch, Oicha, février 2003.

171 Membre du personnel hospitalier du CME, « Nyakunde, à feu et à sang », 7 septembre 2003.

172 Entretien conduit par Human Rights Watch, Beni, février 2003 ; correspondance électronique, juin 2003.

173 Correspondance interne à la MONUC, septembre et octobre 2002.

174 Entretien conduit par Human Rights Watch, Oicha, février 2003.

175 Ibid.

176 Entretien conduit par Human Rights Watch, Bunia, février 2003.

177 Entretien conduit par Human Rights Watch, Kampala, février 2003.

178 Entretien conduit par Human Rights Watch, Beni, février 2003.

179 Ibid.

180 Entretien conduit par Human Rights Watch, Mangina, février 2003.

181 Ibid.

182 Ibid.

183 Ibid.

184 Entretien conduit par Human Rights Watch, Beni, février 2003.

185 Ibid.

186 Ibid.

187 Ibid.

188 U.N. IRIN, entretien avec Jean-Pierre Bemba par IRIN, 6 février 2003.

189 Entretien conduit par Human Rights Watch, Arua, février 2003.

190 Ibid.

191 Entretien conduit par Human Rights Watch, Nebbi, février 2003.

192 Ibid.

193 Ibid.

194 Entretien conduit par Human Rights Watch, Bunia, février 2003.

195 Jean Baptiste Dhetchuvi, Ituri: What Future?, 1er septembre 2002.

196 Entretien conduit par Human Rights Watch, Père Mark Deneckere, Kampala, 20 février 2003.

197 Procès verbal de refoulement contre Mark Deneckere signé par Saba Aimable, Officier judiciaire de l'UPC, 14 février 2003.

198 Entretien conduit par Human Rights Watch, Paidha, février 2003.

199 Entretien conduit par Human Rights Watch, Kampala, février 2003.

200 Procès verbal de refoulement signé par Saba Musanganya, Administrateur général de sécurité pour l'UPC, 23 novembre 2002.

201 Il s'agissait de Aduwe Boboli, Julio Delgado, Rita Fox-Stuecki, Jean Molokabonge, Véronique Saro et Unen Ufoirworth.

202 Entretien conduit par Human Rights Watch, Arua, février 2003.

203 Dossiers de la police de Bunia, 2001.

204 Entretien conduit par Human Rights Watch, Arua, février 2003.

205 Dossiers de la police de Bunia, 2001.

206 Ibid.

207 Ibid.

208 Entretien conduit par Human Rights Watch, Bunia, 2001.

209 Lettre de Jérôme Lutimba Hussein à Monsieur le Procureur le 5 janvier 2002. Réf. No 001/JLU/PIR/2002.

210 Dossiers de la police de Bunia, 2001.

211 Entretien conduit par Human Rights Watch, Kampala et Arua, février 2003.

212 Entretien conduit par Human Rights Watch, Kampala, février 2003.

213 Des cas de cannibalisme ont été rapportés concernant les Mai Mai dans les Kivus en RDC, voir IRIN-CEA Weekly Round-up 161, 8 - 14 février 2003. Manger la chair ou les organes internes de l'ennemi est un fait rapporté dans un certain nombre de conflits armés, ces dernières années. Voir par exemple "You'll Have to Learn Not to Cry": Child Combatants in Colombia, Human Rights Watch, à paraître, juillet 2003 ; Sowing Terror: Atrocities against Civilians in Sierra Leone, Human Rights Watch, juillet 1998, p. 12 ; Leave None to Tell the Story: Genocide in Rwanda, Human Rights Watch: New York, mars 1999, p. 255 ; Vigilantes in the Philippines: A Threat to Democratic Rule, Lawyers Committee for Human Rights: New York, 1988, p. 44.

214 Entretien conduit par Human Rights Watch, Programme d'assistance aux Pygmées (PAP), Beni, 9 février 2003.

215 Entretien conduit par Human Rights Watch, Arua, février 2003.

216 Entretien conduit par Human Rights Watch, Oicha, février 2003.

217 Entretien conduit par Human Rights Watch, Kampala, février 2003.

218 Les chercheurs de Human Rights Watch et leurs collègues congolais ont recueilli des informations sur un phénomène similaire dans les provinces du Nord et du Sud Kivu, dans l'est de la RDC en 2002. Human Rights Watch, The War Within the War: Sexual Violence Against Women and Girls in Eastern Congo, juin 2002.

219 Entretien conduit par Human Rights Watch, Bunia, février 2003.

220 Entretien conduit par Human Rights Watch, Beni, février 2003.

221 Entretien conduit par Human Rights Watch, Mangina, février 2003.

222 Entretien conduit par Human Rights Watch, Beni, février 2003.

223 Entretien conduit par Human Rights Watch, Oicha, février 2003.

224 Entretien conduit par Human Rights Watch, Bunia, février 2003.

225 Dans ce rapport, conformément aux critères légaux internationaux, le mot « enfant » fait référence à toute personne de moins de dix-huit ans.

226 Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 et relatif à la Protection des victimes des conflits armés non-internationaux (Protocole II), 8 juin 1977, art. 4(3)(c). Bien que la RDC ne soit pas partie au Protocole II, nombre de ces dispositions sont largement acceptées comme droit coutumier international.

227 Convention sur les droits de l'enfant, G.A. res. 44/25, annexe, 44 U.N. GAOR Supp. (No. 49) à 167, U.N. Doc. A/44/49 (1989), entré en vigueur le 2 septembre 1990.

228 Entretien conduit par Human Rights Watch avec le Président de l'UPC, Thomas Lubanga, Bunia, 14 février 2003.

229 Entretien conduit par Human Rights Watch, Bunia, février 2003.

230 Ibid.

231 Entretien conduit par Human Rights Watch, Bunia, février 2003.

232 Correspondance interne à la MONUC, septembre et octobre 2002.

233 Ibid.

234 Entretien conduit par Human Rights Watch avec des ONG locales, Bunia, février 2003.

235 Entretien conduit par Human Rights Watch, Oicha, février 2003.

236 Entretien conduit par Human Rights Watch, Beni, février 2003.

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