Rapports

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VI. ATTAQUES CONTRE LES CIVILS ET AUTRES NON-COMBATTANTS
PERPETREES PAR LES GROUPES REBELLES IVOIRIENS

« Au début, les rebelles se comportaient bien … Ils étaient plus corrects que les loyalistes. »74

Abus commis dans les territoires sous contrôle du MPCI

Human Rights Watch a recueilli des douzaines de témoignages de civils qui vivaient dans des zones sous contrôle du MPCI, notamment en provenance de personnes qui n’adhéraient pas à la cause des rebelles. Toutes ont confirmé que dans les premiers mois, les rebelles ivoiriens, en particulier le MPCI, ont dans l’ensemble respecté les civils dans les villes qu’ils capturaient au Nord. Le MPCI organisait des réunions avec la population civile dans chaque ville, expliquait ses objectifs et affirmait aux civils qu’il n’était pas là pour les attaquer. A Man par exemple, les rebelles ont affirmé aux civils après la fin du combat : « Sortez de chez vous, nous avons libéré Man pour vous, n’ayez pas peur de nous. » Et « ils sont entrés dans l’entrepôt où l’armée loyaliste avait stocké les denrées alimentaires qu’elle venait de recevoir. Les rebelles ont pris les boîtes de sardines et les ont données aux gens. »75

Plusieurs motifs plausibles peuvent expliquer ce type de comportement. L’une des raisons est que les villes et villages occupés par le MPCI entre septembre et novembre étaient pour la plupart situés dans le Nord, où la grande majorité de la population partageait l’appartenance ethnique et l’affiliation religieuse des rebelles et avait fait l’expérience de la discrimination, avec les forces de sécurité dominées par des gens du Sud. Le MPCI s’est donc perçu lui-même comme un mouvement de libération et a voulu maintenir une réputation en ce sens auprès de la communauté tant locale qu’internationale. Une seconde raison possible est qu’initialement, le MPCI avait des ressources financières et était capable de payer pour l’essentiel de la nourriture et des autres biens consommés par ses troupes. De nombreuses personnes originaires du Nord et de nombreux immigrés étrangers qui vivaient dans les zones sous contrôle du MPCI ou qui les ont traversées à cette période ont noté que le MPCI était bienveillant avec les civils, leur offrant de la nourriture, des médicaments et d’autres formes d’aide pour les civils dans le besoin. De nombreuses personnes travaillant dans l’aide humanitaire et de nombreux journalistes, beaucoup ayant une expérience d’autres conflits africains dans lesquels des civils avaient été fréquemment pris pour cibles par des groupes rebelles, ont souligné le comportement positif des troupes du MPCI à l’égard des civils, dans les premiers mois.

L’exception principale à ce comportement correct initial fut le traitement réservé aux officiels du gouvernement, aux membres du FPI et à d’autres perçus comme soutenant le gouvernement. Il doit également être noté que la population d’Ivoiriens appartenant à des ethnies du Sud résidant dans les zones sous contrôle des rebelles, généralement perçus comme étant favorables au gouvernement, était beaucoup plus réduite que le nombre de gens du Nord résidant dans les zones sous contrôle du gouvernement ce qui a pu contribuer à réduire l’ampleur des abus. Un officiel dioula à la retraite a affirmé à Human Rights Watch : « Ce qui se produit à Abidjan est la même chose que ce qui se produit de l’autre côté, c’est réciproque. La seule différence est qu’il y a moins de gens du Sud dans le Nord qu’il n’y a de gens du Nord et d’étrangers à Abidjan. Sans cela, ce serait la même chose. »76

En plus des officiels du gouvernement et des partisans présumés, un certain nombre de voleurs et de pilleurs – dont certains combattants rebelles – ont été exécutés par le groupe rebelle du MPCI, dans différentes villes du Nord. Les rebelles ont libéré tous les prisonniers dans les villes qu’ils prenaient et certains ont rejoint les forces rebelles tandis que d’autres avaient recours au pillage une fois libres. Le MPCI a affirmé qu’il était incapable d’augmenter les effectifs pour administrer les prisons. Par conséquent, nombre d’individus accusés de vols ont été exécutés plutôt que détenus.

Abus commis par les trois groupes rebelles dans l’Ouest

Avec le début de l’offensive occidentale et l’introduction non seulement des troupes du MPCI mais également de celles du MJP et du MPIGO dans les villes et villages de l’Ouest, les abus contre les civils sont devenus beaucoup plus systématiques. Des meurtres de civils perpétrés en représailles, en particulier contre les membres des comités civils d’autodéfense, ont considérablement augmenté suite à la reprise de Man par les rebelles du MPCI et du MJP fin décembre. Alors que le groupe rebelle MPIGO avançait en zone guéré autour de Toulepleu et Bangolo, généralement favorables au gouvernement et disposant d’un bon nombre de comités d’autodéfense, les récits de tueries commises en représailles ont également augmenté. De plus, il a été affirmé à Human Rights Watch qu’au fur et à mesure que le temps passait et que les salaires et les provisions disponibles pour les rebelles diminuaient, le comportement des troupes rebelles du MPCI s’est détérioré même dans la zone Nord avec de plus en plus d’incidents de pillage et de viol rapportés pour le territoire sous contrôle du MPCI, en mai 2003.

Les abus ont également proliféré de façon très claire avec le recours accru à des combattants libériens et sierra léonais, en particulier dans le groupe rebelle MPIGO. Alors que les sections suivantes se concentrent sur les abus commis par les membres des groupes rebelles ivoiriens, les nombreux abus commis par les forces libériennes travaillant essentiellement avec le groupe rebelle MPIGO seront traités séparément, dans un chapitre ultérieur (voir plus bas, Chapitre VIII).

Attaques contre les officiels du gouvernement et les partisans du gouvernement

Dès le début du conflit le 19 septembre, les membres du MPCI ont commis un certain nombre d’attaques contre des gendarmes, la police et d’autres membres des forces armées gouvernementales qui étaient « hors de combat » ou non-combattants au moment des attaques.77 Le massacre de gendarmes à Bouaké est le pire incident de ce type à avoir fait surface mais d’autres du même genre se sont probablement aussi produits. A Bouaké, plus de cinquante gendarmes et membres de leurs familles qui étaient détenus ont été systématiquement exécutés début octobre, par les forces du MPCI.78 Selon le rapport d’Amnesty International relatif à ce massacre, cette tuerie aurait été exécutée en représailles des attaques du gouvernement contre des gens du Nord et au cours des événements, plusieurs références ont été faites au massacre de Youpougon d’octobre 2000.79

Il a été affirmé à Human Rights Watch qu’initialement « seuls la police et les gendarmes étaient poursuivis parce que c’était eux qui harcelaient les gens du Nord et les étrangers avec des pots-de-vin et des extorsions avant la guerre et à Abidjan. Les rebelles se sont donc vengés contre eux … Les rebelles ont annoncé avec des mégaphones dans toutes les villes que personne ne devait aider la police et les gendarmes à partir. »80

Human Rights Watch a recueilli des informations sur un certain nombre de cas d’abus commis contre les officiels et les partisans du gouvernement dans plusieurs villes du Nord et de l’Ouest contrôlées par le MPCI avant novembre et par les trois groupes rebelles, après novembre 2003. Sur la base de cette recherche, il ne semble pas que ces attaques se soient inscrites dans une politique délibérée de ciblage de certaines ethnies. Cependant, des investigations supplémentaires sont nécessaires pour établir ce fait avec certitude. Généralement, les gens ont été pris pour cibles plus sur la base de la fonction qu’ils occupaient que sur celle de leur appartenance ethnique et dans certains cas, sur la base du comportement de ces individus dans leurs fonctions avant la guerre. Par exemple, dans deux cas au moins, les rebelles ont initialement détenu puis relâché des officiels du gouvernement non armés après avoir demandé aux habitants du coin si ces officiels avaient été « gentils ».81

Prendre pour cibles les membres du FPI

Les membres des groupes rebelles ont parfois pris pour cibles des gens qui avaient été politiquement actifs comme membres du parti FPI au pouvoir. De nombreux civils dans le Nord et l’Ouest sont des membres du RDR et de l’UDCPI et étaient ouvertement favorables aux buts du MPCI et de groupes plus petits. Les membres du FPI ont souvent fui le Nord et l’Ouest ou se sont cachés parmi les communautés locales lorsque les rebelles ont pris le contrôle. Cibler les membres du FPI semble avoir été en partie lié à des tensions politiques préexistantes comme il y a eu une violence considérable liée aux élections entre des partis politiques rivaux, avant la guerre ainsi qu’à des soupçons selon lesquels les membres du FPI soutiendraient le gouvernement. Un couple yacouba ivoirien a décrit ses peurs en tant que membres du FPI et les difficultés de dissocier affiliation politique et affiliation ethnique, dans un environnement aussi explosif.

Nous sommes yacouba et membres du FPI. Nous avons été actifs dans la campagne électorale de Laurent Gbagbo. Les gens de mon village qui sont principalement yacouba nous ont demandé « Pourquoi vous soutenez Gbagbo ? C’est un Bété. » Ils n’ont pas compris qu’on pouvait être yacouba et soutenir Gbagbo. Lorsque le Général Guei est mort, les partisans du FPI ont été accusés de l’avoir tué … Les jeunes sont venus et ont détruit le bureau du FPI et notre maison … La plupart des membres du FPI sont allés à Man … On est resté un mois puis on est rentré au village et on est resté avec des amis … Puis, la guerre a commencé à Bouaké. Puis Danané, Sanguiné, Man, Biankouma. Les rebelles sont venus chez nous autour du 15 décembre. Ils étaient yacouba, en tenue civile et en treillis, avec des bandeaux rouges sur le front. Il y avait aussi [d’autres ethnies]… Ils ont dit qu’ils étaient venus pour venger la mort du Général Guei … Ils ont dit au chef de village de ne pas maltraiter les gens du FPI. Puis, ils ont demandé au responsable du village de leur donner de jeunes hommes pour qu’ils soient recrutés. Le chef du village leur a donné des jeunes, il était obligé. Mon nom était sur la liste. Les hommes sont partis, moi je me suis caché. Cette nuit-là, les rebelles sont venus en camion. J’ai entendu qu’ils disaient au chef du village : « Où sont les jeunes du FPI, on est venu pour les tuer. » Je suis parti par la fenêtre. J’ai vu les rebelles menacer le jeune responsable avec un fusil en disant : « Montre-nous où sont les FPI, ou on va te tuer. »82

Torture et mutilation de gendarmes et autres officiels du gouvernement

Les rebelles ont attaqué Danané, une ville stratégique à moins de trente kilomètres de la frontière libérienne, entre 8 et 9 heures du matin, le 28 novembre 2002. Des tirs ont été échangés pendant plusieurs heures jusqu’à ce que les rebelles prennent la ville. Selon les récits de civils, les morts civiles à Danané semblent avoir été, dans l’ensemble, le résultat de balles perdues et d’éclat d’obus provenant des attaques du gouvernement par hélicoptère en milieu d’après-midi.83

Dans les jours qui ont suivi, les rebelles ont continué à chercher des gendarmes et d’autres membres des forces gouvernementales ainsi que des membres du parti FPI, soupçonnés de soutenir le gouvernement. Tous les gendarmes n’ont pas été tués au combat. Il est clair que certains ont été tués après avoir été blessés et torturés. Un ivoirien de l’ethnie yacouba qui a fui Danané a été horrifié de ce qu’il a vu :

Quand je quittais Danané, il y avait des corps jetés dans l’eau. [Les rebelles] avaient tué quatre gendarmes, on n’avait pas l’habitude de voir des corps sur le bord de la route. Un homme, ils avaient coupé ses tendons à l’arrière de son pied et l’avaient jeté dans l’eau. Un des gendarmes qu’ils ont tué, ils ont sorti ses yeux avec un couteau et ont cassé sa tête … J’ai aussi vu deux voleurs se faire battre devant la [banque]. C’est horrible quand on voit ces choses-là.

Les rebelles étaient mélangés, des Yacouba libériens, des Gio et des natifs de Côte d'Ivoire. Il y avait même des réfugiés libériens qui se sont joints aux rebelles. Les Libériens avaient leur cocaïne dans des bouteilles blanches, quand ils font ça, ils peuvent faire n’importe quoi. Les rebelles ont dit qu’ils étaient venus pour venger Guei et qu’ils allaient tuer Gbagbo et le manger. Ils chantaient : « On va tuer Gbagbo et on va boire de l’eau dans son crâne. »84

Les officiels du gouvernement dans la région appartenaient à différentes ethnies, dont celle des Yacouba de Côte d'Ivoire. Cependant, la peur des représailles a conduit même des officiels yacouba à partir. Une jeune femme ivoirienne a décrit la fuite de sa famille d’un village de l’Ouest, peu de temps après l’arrivée des rebelles début décembre :

On a vu les rebelles arriver dans une jeep et un quatre-quatre bâché. Ils avaient des soldats et des jeunes qui ne semblaient pas avoir choisi d’être là. Ils ont demandé où se trouvaient le camp des douanes et la gendarmerie. Ils en voulaient aux forces de l’ordre sur place. Les gens … soutenaient et accueillaient triomphalement les rebelles. Ils leur ont indiqué où se trouvait les corps-habillés, leurs maisons, la mairie. Après avoir saccagé la mairie, ils ont organisé une réunion avec la population. « Ne paniquez pas, on est là pour vous aider. On n’en veut pas aux gens, juste à l’administration et aux corps-habillés. » Cette nuit-là, le couvre-feu était à 8 heures du soir. Tous les officiels du gouvernement avaient déjà pris la fuite les jours précédents. [Les rebelles] cherchaient les gens qui cachaient les armes et les munitions des gendarmes qui avaient pris la fuite. Certaines personnes ont été prises en otages et torturées. Ils leur tiraient dessus dans la main. Ils sont allés chez le chef de la brigade militaire qui habitait près de chez nous. Ils ont allumé les lumières, ouvert les robinets, cassé les portes et ont tout mis à sac à l’intérieur de la maison. On a eu peur et on est allé se cacher. [Mon père] ne se sentait pas trop menacé parce qu’il est yacouba mais ma mère ne supportait pas la tension. Le lendemain, le 2 décembre, on a pris tout ce qu’on pouvait et on est parti …85

Exécutions sommaires à Man et dans ses environs : décembre 2002

Man a été pris par une force mixte composée essentiellement de rebelles du MPCI et du MJP, le 28 novembre 2002 mais ils n’ont pas gardé la ville longtemps. Une offensive du gouvernement a attaqué Man juste après une opération française pour évacuer les ressortissants de pays occidentaux. Les forces gouvernementales ont continué à tenir Man pendant plus de deux semaines, jusqu’à ce que les rebelles reprennent la ville, le 19 décembre 2002. Suite à l’occupation de Man par le gouvernement, l’attitude des rebelles envers tout sympathisant présumé du gouvernement s’est considérablement durcie et nombre de récits d’abus dans la ville remontent à cette période.

Il a été affirmé à Human Rights Watch que « quand [les rebelles] sont venus la première fois, ils n’ont pas fait de dégâts. Ils étaient presque gentils. Ils ont expliqué aux gens qu’ils n’en voulaient pas aux villageois mais seulement à Gbagbo et qu’ils étaient venus pour libérer le pays. Mais cette fois, quand ils sont revenus le 19 décembre, ils avaient complètement changé. Ils étaient plus méchants et il était clair qu’ils étaient venus pour commettre des crimes. »86 L’explication la plus crédible pour ce changement marqué de comportement chez les rebelles tient au fait que lors de l’occupation de Man par le gouvernement, les forces gouvernementales ont exécuté de nombreux civils, parfois avec l’aide de civils du coin, en particulier des membres des comités d’autodéfense. Une fois la ville reprise par les rebelles, ces derniers ont eu connaissance de ces abus et ont spécifiquement pris pour cibles ces civils, nombre d’entre eux membres des comités d’autodéfense, qui avaient collaboré avec les forces gouvernementales pour cibler les civils.

De nombreux civils à Man ont fui vers les églises pour chercher refuge pendant les jours de combats intenses qui ont précédé le retour des rebelles dans la ville. Les civils déplacés dans l’une des églises de Man, le centre Bethany, ont été les témoins de l’exécution sommaire de deux officiels du gouvernement là-bas, fin décembre.

Les rebelles étaient mélangés – des Mandingue [Libériens], des Sierra Léonais, des Sénoufo – tous parlant leur propre langue, certains parlant français ou anglais. Beaucoup portaient un uniforme. Certains portaient les uniformes des corps-habillés qu’ils avaient pris sur les corps des gendarmes qu’ils avaient tués. Quand les rebelles sont arrivés, ils ont dit qu’ils ne feraient pas de mal aux civils, mais certains sont allés essayer de voler des choses et parfois, ces voleurs étaient tués par les autres combattants.

Quand on était dans l’église de Bethany, les rebelles venaient tout le temps. Ils venaient en groupes de quinze environ, ils demandaient en criant : « Hey, il y a des Angolais, des gendarmes ou des corps-habillés ici ? » Les gens dans l’église répondaient : « Non, personne comme ça ici. » Les rebelles ne t’embêtaient pas si tu étais un civil. Un jour, les rebelles sont venus et ont pris deux hommes dans l’église. L’un de ces hommes était l’ancien directeur d’une école primaire … Quelqu’un d’autre dans la foule de l’église avait … dû sortir et informer les rebelles qu’il y avait deux corps-habillés dans l’église. Les rebelles sont venus cette nuit-là, ils ont encerclé l’église et ils sont allés directement vers la pièce où l’homme dormait. Ils connaissaient même le numéro de sa chambre. Ils ont fait sortir les deux hommes de la pièce et leur ont tiré dessus derrière un massif de fleurs, dans la cour de l’église. Je dormais quand les rebelles sont venus mais l’un de mes amis m’a réveillé et m’a dit : « Les rebelles ont pris deux hommes et [il a fait le geste de la gorge tranchée avec son doigt.]

Le lendemain matin, tout le monde dans l’église est allé voir ce qui s’était passé – les corps des deux hommes étaient là sur le sol, on les a vus, avec une balle dans la poitrine tirée de face. Après ça, tout le monde a eu peur de rester dans l’église et la plupart des gens ont pris la fuite.87

Violence sexuelle

Human Rights Watch a recueilli des informations sur plusieurs cas de viol commis par les forces rebelles et estime que la fréquence réelle des viols était beaucoup plus élevée compte tenu que le viol tend à être peu dénoncé par les victimes qui craignent les conséquences sociales qui accompagnent ce crime. Dans certains cas, il n’est pas clair quel était le groupe rebelle responsable mais il est probable que des membres des trois groupes rebelles ont commis des viols et d’autres formes de violence sexuelle. Par exemple, lorsque les rebelles sont revenus dans la zone de Man fin décembre, un certain nombre de jeunes femmes ont été prises « pour épouses » par les rebelles, probablement par des membres du MPCI et du MJP. Un parent de certaines des victimes a raconté à Human Rights Watch :

Parmi les gens pris dans mon village, il y avait sept femmes de ma propre famille : mes nièces, mes cousines et ma petite sœur. Elles ont été prises entre le 24 et le 26 décembre. Les plus jeunes ont été forcées à être les femmes des rebelles, les autres préparaient à manger. Elles sont restées ainsi avec les rebelles pendant dix jours. Puis les rebelles leur ont dit qu’elles étaient libres de partir chez elles puisqu’un autre groupe de rebelles, ceux du MPIGO, allait venir les remplacer.88

La fréquence des viols semble avoir augmenté lorsque les trois groupes rebelles se sont déplacés en direction du territoire guéré traditionnellement favorable au gouvernement, autour de Toulepleu et Bangolo, où les viols étaient parfois, mais pas nécessairement tout le temps, pratiqués sur la base de l’appartenance ethnique.

Une femme burkinabé a raconté à Human Rights Watch le viol de sa nièce de douze ans par quatre membres des forces rebelles parlant yacouba. L’attaque a eu lieu dans un petit village, à l’écart de la route entre Bangolo et Duékoué, une zone largement guéré. Sa tante a dit : « Ils ont violé ma nièce, elle avait douze ans – une petite fille qui n’avait même pas de seins – elle pleurait et pleurait mais ils l’ont quand même prise. Elle ne pouvait même pas marcher après. »89

Human Rights Watch a également eu connaissance d’un cas dans lequel un groupe de jeunes femmes et filles ont été réduites à un esclavage sexuel par des rebelles ivoiriens. Dans ce cas, cinq filles et jeunes femmes âgées de quatorze à vingt ans ont été prises dans des campements autour de Toulepleu et emmenées dans un camp militaire sur la frontière qui par sa localisation et sa description était probablement tenu par le groupe MPIGO. Les femmes ont décrit un petit camp dans lequel vivaient approximativement trente soldats ivoiriens et où allaient et venaient des Libériens, chaque jour après avoir reçu des ordres. Les filles et les femmes ont été retenues là-bas pendant une semaine au moins. Pendant la journée, elles lavaient les vêtements et cuisinaient et elles étaient violées tous les soirs. Elles ont été menacées à bout portant d’être tuées si elles tentaient de s’échapper. Alors que les combattants libériens travaillaient clairement avec les rebelles ivoiriens et prenaient même leurs instructions d’eux, ils vivaient apparemment ailleurs.90



74 Entretien conduit par Human Rights Watch, Abidjan, 24 mars 2003.

75 Entretien conduit par Human Rights Watch, Bobo-Dioulasso, 8 février 2003.

76 Entretien conduit par Human Rights Watch, Bobo-Dioulasso, 9 février 2003.

77 Toutes les parties au conflit, y compris les groupes rebelles, sont obligées de respecter les garanties fondamentales établies par le droit international humanitaire. L’obligation de respecter les dispositions de l’Article commun 3 et celles du Protocole II s’appliquent autant aux groupes rebelles qu’au gouvernement. Voir le Chapitre X sur les obligations légales de la Côte d'Ivoire.

78 Amnesty International, « Côte d’Ivoire : une suite de crimes impunis, » 27 février 2003.

79 Ibid.

80 Entretien conduit par Human Rights Watch, Bobo-Dioulasso, 9 février 2003.

81 Entretien conduit par Human Rights Watch, Abidjan, 24 mars 2003 et Guinée, mars 2003.

82 Interrogé en Guinée, 1er janvier 2003, archivé à Human Rights Watch.

83 Selon les recherches de Human Rights Watch, cette attaque aérienne semble s’être concentrée sur des objectifs militaires comme le camp militaire de Danané, dans la partie Ouest de la ville qui a été occupée par les forces rebelles à la mi-journée. Il y a eu des victimes civiles mais celles-ci n’étaient probablement pas intentionnelles mais le résultat de ce qui s’est produit dans ou autour des objectifs militaires, au cours des attaques.

84 Entretien conduit par Human Rights Watch, Guinée, 1er mars 2003.

85 Interrogée en Guinée, 29 janvier 2003, archivé à Human Rights Watch.

86 Entretien conduit par Human Rights Watch, Duékoué, 2 avril 2003.

87 Entretien conduit par Human Rights Watch, Guinée, 1er mars 2003.

88 Entretien conduit par Human Rights Watch, Duékoué, 2 avril 2003.

89 Entretien conduit par Human Rights Watch, Duékoué, 3 avril 2003.

90 Entretien téléphonique conduit par Human Rights Watch, New York, 4 juin 2003.


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Août 2003