HRW News

<<précédente  | index  |  suivant>>

V. Les entraves au fonctionnement du Groupe de travail de l’ONU et des organisations non gouvernementales

L’Algérie continue à entraver le travail des organisations et entités dont une des tâches consiste à surveiller l’évolution de la question des « disparitions ».

Le Groupe de travail sur les disparitions forcées et involontaires de l’ONU (GTDFI), principal mécanisme du système de l’ONU traitant du phénomène des disparitions demande, sans succès, à pouvoir envoyer une équipe sur le territoire algérien depuis août 2000. En attendant, le gouvernement continue à donner régulièrement des réponses toutes faites aux questions que le GTDFI pose constamment sur des cas particuliers, prouvant ainsi qu’aucune enquête sérieuse n’est menée.

Le 17 juin 2003, le GTDFI a informé le Collectif des familles des disparus en Algérie (CFDA) que le gouvernement avait fourni des informations sur huit cas soumis par le CFDA. Cependant ces réponses n’ont pas vraiment fait la lumière sur ces cas. En effet, sur sept des huit cas, la réponse était la suivante : « la personne a été recherchée mais elle n’a pu être localisée ». Dans le huitième cas, la réponse était la suivante : « la personne fait couramment l’objet d’une enquête et elle est recherchée. »

Dans une lettre datée du 17 juin 2003 adressée à l’organisation de défense des droits humains Algeria Watch (www.algeria-watch.org), le GTDFI a transmis des réponses reçues de la part du gouvernement algérien dans neuf cas. Dans six de ces cas, la réponse était la suivante : « la personne a été recherchée et elle n’a pu être localisée ». Dans deux cas, la réponse était la suivante : « la personne fait couramment l’objet d’une enquête et elle est recherchée ». Dans le dernier cas, la réponse était : « la personne a été remise en liberté après enquête ».

Ces réponses ne correspondent pas aux preuves recueillies par les organisations de défense des droits humains lors d’entretiens menés avec les membres des familles. Par exemple, Abdelhalim Abbane est l’une des personnes qui auraient été recherchées mais non localisées par les autorités. Mais d’après Algeria-Watch, il a été arrêté en même temps que sa femme alors qu’ils se trouvaient chez eux, à Alger le 4 février 1997, par des agents de la Sécurité militaire. On aurait forcé sa femme, qui a été relâchée trois jours plus tard, à assister aux séances de torture de son mari. Deux jeunes hommes ont plus tard affirmé que M. Abbane se trouvait au centre de détention militaire de Châteauneuf pendant leur détention. 37

Amad Amari et Belkacim Benabidont aussi été « recherchés mais non localisés » selon les autorités. Mais selon Algeria Watch, M. Amari, père de quatre enfants, a été arrêté par des policiers en civil le 7 juin 1997, àDar el-Beïda, près d’Alger, ainsi que deux de ses frères. Ses frères ont été relâchés le lendemain. 38 M. Benabid, médecin et père de quatre enfants, avait été élu vice-président de l’APC de Setif en tant que membre du Front Islamique du Salut, avant la dissolution de ce parti. Le 14 novembre 1994, trois hommes armés en civil l’ont forcé à monter à l’arrière de sa propre voiture devant son cabinet médical, sous les yeux de son infirmier et de ses patients. Il aurait d’abord été écroué au commissariat de police de Setif avant que l’on ne perde sa trace. 39

Dans son rapport sur le travail qu’il a effectué en 2002, le GTDFI donne le chiffre de 1 089 cas non résolus en Algérie. Il précise que le gouvernement n’a donné dans l’année des réponses que pour douze de ces cas. Là encore, les réponses étaient des lettres types niant toute responsabilité gouvernementale et n’offrant aucune information vérifiable sur le sort de la personne. Selon le GTDFI, les réponses du gouvernement sont classées selon les catégories suivantes : « Dans huit [de ces cas], une enquête avait été menée mais les personnes concernées n’avaient pu être localisées ; dans trois autres cas, les intéressés étaient recherchés par les services de sécurité pour participation à des actes de terrorisme et, dans le dernier cas, la personne avait été remise en liberté après enquête ». 40

En Algérie, les autorités continuent à refuser l’agrément à l’organisation SOS Disparus. Au cours de l’année 2003, des fonctionnaires à la préfecture d’Alger ont refusé à plusieurs reprises d’accepter la demande d’agrément de SOS Disparus en tant qu’organisation régionale. Bien que cette association continue à fonctionner ouvertement, cette absence de reconnaissance est lourde à gérer administrativement. Elle est par exemple obligée de louer ses bureaux à Alger et d’organiser ses activités publiques sous les auspices de la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme (LADDH ), organisation qui, elle, est reconnue officiellement.

Ces dix dernières années, Human Rights Watch a eu le droit de se rendre sur le territoire algérien pour faire ses recherches uniquement de façon sporadique. Comme nous l’avons déjà mentionné, aucun visa ne lui a été accordé en 2003 malgré plusieurs demandes officielles (la première ayant été faite le 9 janvier). La seule réponse à ses demandes répétées a été formulée dans une lettre datée du 28 mai 2003, dans laquelle Driss Jazairy, ambassadeur auprès des États-Unis, estime qu’étant donné l’ampleur du tremblement de terre qui venait d’avoir lieu à l’est d’Alger, ce n’était pas « le meilleur moment pour des personnes autres que les sauveteurs et le personnel formé à l’aide d’urgence de venir de l’étranger ». Aucune réponse n’a été faite aux lettres envoyées par la suite.

Les autorités algériennes n’ont eu aucune réaction publique au rapport publié par Human Rights Watch en février 2003 qui affirmait que les « disparitions » opérées en Algérie dans les années 90 avaient un caractère systématique. Les nombreuses tentatives faites par Human Rights Watch pour obtenir des informations et pour rencontrer le gouvernement avant la publication de ce rapport se sont soldées par un échec. De même, aucun commentaire officiel quel qu’il soit n’avait été fait après la sortie en février 1998 du rapport sur les « disparitions » rédigé par Human Rights Watch.



37 http://www.algeria-watch.org/mrv/2002/1000_disparitions/1000_disparitions_A.htm (au 30 octobre 2003).

38 Ibid.

39 Ibid.


<<précédente  |  index  |  suivant>>

Décembre 2003