HUMAN RIGHTS
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Union européenne

Le terrorisme, et la façon dont les Etats y répondent, continuent à poser de sérieux problèmes au regard de la protections des droits humains au sein de l’Union européenne. Les restrictions et, dans certains cas, les mauvais traitements infligés aux migrants et aux demandeurs d’asile sont un motif d’inquiétude croissante concernant la région.

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La menace du terrorisme en 2006 a amené plusieurs Etats européens à adopter des lois qui affaiblissent les protections des droits humains, nombre d’entre eux ont cherché à transférer des suspects étrangers vers des pays connus pour pratiquer la torture. Les tribunaux ont souvent exercé un contrôle efficace contre les abus en 2006, ainsi que les parlements dans certains cas, mais les premiers n’ont pas réussi à donner un poids suffisant à l’importance de la libre expression dans les cas impliquant une incitation présumée au terrorisme.  
 
Les politiques en matière d’immigration au niveau des pays et de l’UE restent largement centrées sur le fait d’empêcher les migrants et les demandeurs d’asile d’atteindre le territoire de l’UE et de renvoyer sommairement ceux qui le font, plutôt que de garantir un accès à la protection pour ceux qui en ont besoin. En 2006, les Etats ont continué à garder les migrants en détention de façon courante, y compris dans des conditions laissant à désirer.  
 
Mesures de lutte contre le terrorisme et droits humains  
Il y a eu un élan croissant au cours de l’année 2006 vers le devoir de rendre des comptes pour la complicité d’Etats de l’UE dans l’enlèvement et le transfert illégaux par le gouvernement des Etats-Unis de terroristes présumés vers des lieux où ils courraient le risque d’être torturés, et la détention de personnes « de valeur » soupçonnées d’activités terroristes dans des centres secrets de détention. En juin, un rapport de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) a fait état d’une « toile d’araignée » de détentions et de transferts illégaux, et a cité des Etats européens comme pouvant être tenus pour responsables de violations des droits de personnes nommément désignées et « restituées » par les Etats-Unis, à savoir l’Allemagne, l’Italie, la Suède et le Royaume-Uni.  
 
En juillet, le Parlement européen a examiné un rapport intérimaire d’une commission spéciale chargée d’enquêter sur des allégations selon lesquelles la Central Intelligence Agency (CIA) aurait utilisé des pays actuellement membres de l’UE et en passe de le devenir pour la détention et le déplacement illégaux de prisonniers. Le Parlement a adopté une résolution le 6 juillet concluant que des agents gouvernementaux des Etats-Unis se sont rendus « directement responsables de la détention, de la capture, de l’expulsion et de l’enlèvement illégaux de terroristes présumés sur le territoire d’Etats membres [de l’UE] … » et il a déterminé qu’il était « peu plausible » que ces Etats membres n’aient pas été complices de ces opérations. La commission a poursuivi son travail d’investigation tout au long de l’année 2006, se rendant en Allemagne au mois de septembre, au Royaume-Uni et en Roumanie en octobre et en Pologne au mois de novembre. Un rapport définitif est prévu en 2007.  
 
Des gouvernements de l’UE continuent à rechercher et à conclure des « assurances diplomatiques » contre la torture dans leurs tentatives de transfert de présumés terroristes vers des pays où ils courent le risque de subir de mauvais traitements (voir plus bas les sections sur les Pays-Bas et le Royaume-Uni). Ils s’opposent ainsi au large consensus parmi les experts internationaux aux droits humains selon lequel les assurances diplomatiques ne fournissent pas de protection efficace contre la torture et les mauvais traitements, comme cela a été repris en 2206 dans des déclarations fermes contre leur utilisation de la part de la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme et du rapporteur spécial sur la torture, le Commissaire du Conseil de l’Europe aux droits de l’homme et le Réseau UE d’experts indépendants en matière de droits fondamentaux.  
 
Certains Etats de l’UE ont entrepris au mois d’avril d’établir, au moyen du Groupe de spécialistes du Conseil de l’Europe sur les droits de l’homme et la lutte contre le terrorisme, des lignes directrices pour une « utilisation acceptable » des assurances diplomatiques, mais ils ont échoué. Ayant considéré l’accumulation des preuves indiquant que les assurances diplomatiques ne protègent pas de la torture, le Groupe de spécialistes s’est refusé à élaborer de telles lignes directrices.  
 
La politique communautaire du droit d’asile et de l’immigration au sein de l’UE  
Les efforts pour mettre en place une politique commune du droit d’asile et de l’immigration au sein de l’UE continuent à soulever des inquiétudes à l’égard de l’instauration de règles qui affaiblissent ou mettent à mal les protections exigées par la législation sur les réfugiés et les droits humains.  
 
En décembre 2005, le Conseil de l’Europe a adopté la Directive sur les procédures du droit d’asile sans aucun des 100 amendements et plus proposés par le Parlement européen. En réponse, le Parlement s’est adressé à la Cour européenne de justice (CEJ) en mars 2006 pour qu’elle annule la directive dans son intégralité. Un élément clé du problème juridique est une disposition établissant une liste à l’échelle de l’UE de « pays d’origine sûrs, » qui obligerait les Etats de l’UE à estimer comme « manifestement sans fondement» les demandes d’asile faites par des ressortissants des pays désignés. A l’heure où nous écrivons, le tribunal doit encore statuer sur la recevabilité du litige.  
 
La CEJ a rejeté en juin une plainte déposée par le Parlement européen en 2003 à propos de la directive sur le droit à la réunification familiale adoptée la même année. La Cour a jugé que les dispositions contenues dans la directive permettant à des Etats membres d’adopter en matière de réunification familiale des règles plus strictes que celles établies dans la directive elle-même ne représentaient pas une interférence disproportionnée avec le droit à la vie de famille.  
 
Lutter contre l’immigration illégale demeure l’une des priorités de l’UE. Pour répondre aux vagues d’immigration à grande échelle arrivant par mer en Espagne, en Italie et à Malte au cours de l’été 2006, l’UE a misé sur la sécurisation des frontières, l’interception et le rapatriement plutôt que sur la garantie que les droits des migrants et des réfugiés étaient respectés.  
 
Cette approche a fait partie de l’effort actuel de l’UE pour « externaliser » le contrôle, le traitement et l’accueil des migrants et des demandeurs d’asile vers des Etats voisins en dehors de ses propres frontières, y compris par des accords de réadmission, par lesquels des Etats extérieurs à l’UE s’engagent à accepter le retour de migrants de pays tiers, qui ont transité sur leur territoire pour se rendre dans l’UE. En octobre 2006, l’UE et l’Ukraine ont signé un accord de réadmission. Sa mise en application est retardée de deux ans, mais les groupes de défense des droits humains sont préoccupés par le fait que ce délai est insuffisant pour permettre à l’Ukraine de mettre en place les réformes qui protègent les droits des migrants et des demandeurs d’asile.  
 
Comme première mesure importante depuis sa création en 2005, l’agence européenne des frontières extérieures FRONTEX a été chargée de gérer des patrouilles communes au large des côtes de la Mauritanie, du Sénégal et du Cap Vert. Tandis que l’UE tentait de conclure un accord similaire avec la Libye pour des patrouilles communes en Méditerranée, et que l’Italie parvenait à un accord bilatéral avec la Libye pour des opérations de police communes au large des côtes libyennes, les droits humains des demandeurs d’asile et des migrants ont bénéficié d’une attention limitée.  
 
Problèmes en matière de droits humains dans les Etats membres de l’UE  
France  
En juillet 2006, le Parlement français a adopté une nouvelle loi sur l’immigration et l’intégration, qui augmente les restrictions sur la réunification familiale pour les résidents légaux, et qui abolit le droit automatique à un statut légal pour les personnes vivant sans papiers en France depuis au moins 10 ans. Elle a créé un « contrat d’intégration » obligatoire pour les personnes sollicitant une résidence temporaire, et une obligation de preuve d’intégration pour celles qui aspirent à une résidence à long terme.  
 
Dans un rapport publié en février, Alvaro Gil Robles, alors Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, a attiré l’attention sur les conditions de surpeuplement et de manque d’hygiène dans les centres de détention pour les immigrants, ainsi que dans les prisons. Le centre de détention du Palais de Justice à Paris, où Gil Robles a relevé des conditions « inhumaines et dégradantes, » a été fermé en juin.  
 
Au mois d’août, l’expulsion de Adel Tebourski, un Tunisien reconnu coupable de terrorisme, a illustré la détermination de la France à miser sur l’expulsion comme politique antiterroriste. Juste avant qu’il ait fini de purger une peine de cinq ans de prison pour crimes terroristes en juillet, Tebourski s’est vu déchu de sa citoyenneté française (acquise en 2000), et le ministre de l’Intérieur a ordonné son expulsion immédiate. Tebourski a été détenu dans l’attente de sa déportation, et malgré une requête du Comité de l’ONU contre la torture demandant qu’il ne soit pas transféré jusqu’à ce que le risque qu’il soit torturé à son retour en Tunisie puisse être correctement examiné, il a été expulsé dès que sa demande d’asile a été rejetée et que des audiences préliminaires aient décidé qu’il n’encourrait pas de risque de torture.  
 
En juin, le Tribunal Correctionnel de Paris a inculpé 25 hommes dans le procès dit de la « filière tchétchène », certains pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste » et d’autres pour falsification de documents et autres délits moins importants. Saïd Arif, un Algérien de 40 ans, a été condamné à une peine de réclusion de neuf ans, bien que le tribunal ait rejeté ses aveux et d’autres déclarations obtenues alors qu’il était détenu en Syrie, au motif qu’il était « quasiment certain » qu’ils avaient été obtenus sous la torture. Jean-Louis Bruguière, le principal juge français pour les affaires de terrorisme, a soumis une série de questions aux autorités syriennes et s’est rendu en Syrie au moment des interrogatoires de Arif en mai 2004.  
 
En avril 2006, le jour où il devait rendre un jugement dans le procès de six ex-détenus de Guantanamo Bay accusés d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, un tribunal parisien a différé son verdict jusqu’en mai 2007 afin d’examiner les circonstances dans lesquelles des agents français du renseignement avaient interrogé les accusés alors qu’ils se trouvaient en détention. Les six ressortissants français ont passé entre deux ans et demi et trois ans à Guantanamo avant d’être remis aux autorités françaises en juillet 2004 et mars 2005.  
 
Une loi antiterroriste entrée en vigueur en janvier 2006 prolonge de quatre à six jours la détention préventive pour les personnes soupçonnées d’activités terroristes. Les groupes de défense des droits humains ont exprimé leur préoccupation à l’égard de la durée de détention préventive étant donné le manque de mesures de protection appropriées, comme l’accès limité à un avocat. Une proposition de réforme du système judiciaire en cours de discussion au sein du gouvernement en 2006 exigerait que soient filmés tous les interrogatoires judiciaires et policiers dans les affaires criminelles, comme mesure de protection contre, entre autres, les mauvais traitements et les violations de procédure. Cependant, les interrogatoires de terroristes présumés seraient exclus de cette règle.  
 
Allemagne  
Le gouvernement allemand a déjoué un attentat terroriste à la bombe en juillet 2006, en découvrant des engins non explosés dans des trains se dirigeant vers Hamm et Coblence. Le ministre de l’Intérieur Wolfgang Schaeuble a averti en août que la situation sécuritaire en Allemagne était « exceptionnellement grave » et il a demandé des mesures antiterroristes plus fermes. Les mesures envisagées par le gouvernement comportent une surveillance vidéo renforcée des lieux publics et la création d’une base de données antiterroriste.  
 
Les procureurs fédéraux ont ouvert une enquête en février sur l’éventuelle complicité de l’Allemagne dans l’enlèvement et la restitution de Khalid el-Masri, un citoyen allemand appréhendé en Macédoine en 2003, remis à des agents des Etats-Unis et maintenu ensuite en détention au secret en Afghanistan (son cas fait également l’objet d’enquêtes du Parlement européen et du Conseil de l’Europe). El-Masri a été libéré en Albanie en mai 2004, et n’a jamais été accusé d’aucun crime. Il a affirmé avoir été frappé en détention et interrogé par un fonctionnaire allemand en Afghanistan.  
 
Une commission d’enquête parlementaire allemande a été mise en place au mois d’avril pour enquêter sur l’éventuelle complicité du gouvernement allemand dans les violations commises par des agents des Etats-Unis dans le contexte de l’antiterrorisme, à savoir si le Bureau de la police criminelle fédérale avait interrogé des personnes soupçonnées d’activités terroristes détenues à l’étranger, et dans les affaires de El-Masri et Mohammed Haider Zammar. Citoyen allemand d’origine syrienne, Zammar a été arrêté au Maroc en 2001, transféré et remis à la garde des Etats-Unis et envoyé par avion privé à Damas, où son procès se tient devant une cour de sûreté. Des officiers de police et des services du renseignement ont interrogé Zammar en Syrie en novembre 2002. La chancellerie allemande a émis en octobre 2006 de nouvelles directives pour les interrogatoires, qui ne permettent plus à des membres de la police fédérale allemande d’interroger de présumés terroristes à l’étranger.  
 
Le retour à Brême en août 2006 de Murat Kurnaz, un citoyen turc né en Allemagne, après plus de quatre ans de détention à Guantanamo Bay, a déclenché une polémique à cause de révélations selon lesquelles il avait été interrogé par des fonctionnaires allemands de la sécurité au cours de sa détention, et à la suite des déclarations des avocats de Kurnaz affirmant que les autorités allemandes avaient refusé en 2002 une offre du gouvernement des Etats-Unis de le relâcher. En octobre 2006, le comité de défense du parlement a ouvert une enquête sur la plainte de Kurnaz concernant des mauvais traitements reçus de la part de membres de l’armée allemande, alors qu’il se trouvait sous la garde des Etats-Unis en Afghanistan, avant Guantanamo.  
 
Italie  
Au cours des neuf premiers mois de 2006, 16 000 migrants environ partis des côtes libyennes sont arrivés sur l’île de Lampedusa, au large des côtes siciliennes, ou bien ils y ont été amenés après avoir été interceptés par des bateaux de la marine ou des gardes côtes italiens. Soixante personnes au moins ont péri dans deux naufrages distincts au mois d’août, dont un incident impliquant un bâtiment italien des garde-côtes ; l’incident faisait l’objet d’une enquête au moment où nous écrivons.  
 
Malgré les pressions de groupes de la société civile et de partis appartenant à la coalition au pouvoir, le gouvernement de Romani Prodi, élu en avril 2006, a refusé d’abolir la détention obligatoire pour les migrants illégaux. Cependant, le gouvernement a mis en place une commission pour enquêter sur les conditions de détention. Le gouvernement a annoncé en mai que l’Italie n’expulserait personne vers des pays n’ayant pas signé la Convention de l’ONU relative au statut des réfugiés, comme la Libye, ce qui témoigne d’un changement par rapport à l’administration précédente, qui dans certains cas transférait les personnes sans leur donner d’abord une possibilité de demander asile.  
 
En juillet, le procureur principal de Milan a déposé formellement une requête d’extradition pour 26 citoyens des Etats-Unis (25 soupçonnés d’être des agents de la CIA et l’ancien commandant d’une base de l’US Air Force à Aviano, en Italie) dans le cadre de l’enquête sur l’enlèvement en février 2003 de l’Egyptien Hassan Mustafa Osama Nasr (connu sous le nom de Abu Omar), remis à l’Egypte par la CIA via Aviano. Le ministre de la Justice, qui doit approuver la requête, n’avait encore engagé aucune action à l’heure où nous écrivons. Des procureurs ont aussi accusé 12 Italiens d’implication, dont le directeur et ancien directeur adjoint de la SISMI, le service de renseignement militaire italien, et six agents de la SISMI. Les procureurs de Milan ont clos leur enquête en octobre, décrivant l’enlèvement comme une opération illégale organisée par la CIA avec l’aide de la SISMI. En octobre, le gouvernement de Prodi a déclaré à une commission d’enquête parlementaire que la question d’un possible contact sur cette affaire entre les gouvernements italien et des Etats-Unis était protégée par le secret d’Etat.  
 
Malte  
En juillet, 51 migrants africains sauvés en mer par un bateau de pêche espagnol sont restés huit jours dans un vide juridique après que Malte ait refusé d’autoriser le bateau à accoster. Les autorités maltaises ont prétendu qu’elles n’avaient pas l’obligation d’accepter les migrants parce qu’ils avaient été sauvés en dehors des eaux territoriales du pays. Ils ont finalement eu l’autorisation de débarquer à Malte après que l’Espagne ait accepté de prendre la majorité du groupe, l’Italie, les Pays-Bas et l’Andorre acceptant les autres. Auparavant, Malte avait autorisé une femme enceinte, une mère et un enfant de deux ans à débarquer pour recevoir des soins médicaux.  
 
Des représentants du bureau du Haut Commissaire de l’ONU pour les réfugiés (HCR) qui ont rendu visite à ces trois migrants avant leur trajet vers la terre ont déclaré publiquement qu’ils avaient été « choqués » après avoir vu 11 hommes détenus dans une petite pièce sombre, sans aération. Ces hommes étaient apparemment punis pour avoir tenté de s’échapper. Malte a une politique de détention obligatoire pour les demandeurs d’asile et les migrants illégaux.  
 
Pays-Bas  
Neuf membres présumés du Groupe Hofstad, un réseau de militants islamistes, ont été condamnés en mars pour appartenance à une organisation terroriste ; cinq autres ont été acquittés. Les seules preuves utilisées pour condamner cinq des neuf accusés ont été des communications par téléphone et sur Internet dans lesquelles ils prônaient une version violente de l’Islam et appelaient à la guerre sainte contre l’Occident. Le juge René Elkerbout a déclaré : « Toute personne qui prêche la haine et la violence pose les fondations pour commettre des crimes visant à instiller la peur chez les gens et à détruire la démocratie hollandaise. » Bien que considéré comme un progrès important dans la capacité des Pays-Bas à se protéger des convictions du terrorisme, le jugement a suscité des inquiétudes quant au fait que les cinq hommes aient été poursuivis pour leurs propos et pour association plutôt que pour participation à une conspiration criminelle. Mohammad Bouyeri était au nombre des accusés, purgeant déjà une peine de prison à perpétuité pour l’assassinat du cinéaste Theo van Gogh en novembre 2004.  
 
En mai 2006, la Chambre des représentants hollandaise a approuvé une nouvelle législation contre le terrorisme. Si celle-ci est également adoptée par le Sénat, qui a commencé à débattre en septembre, la nouvelle loi donnerait à la police des pouvoirs spéciaux de surveillance sur une « indication » (contrairement à la norme supérieure de « suspicion raisonnable ») qu’un suspect a commis un crime ; elle rallongerait la période maximum de détention sans accusation de trois à14 jours ; et elle autoriserait de multiples prolongations de la détention préventive pouvant aller jusqu’à deux ans.  
 
La Cour Suprême, dans un jugement final rendu en septembre, a confirmé le jugement rendu par une cour inférieure qui stoppait l’extradition vers la Turquie de Nuriye Kesbir, membre du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). La cour inférieure avait décidé que les assurances diplomatiques données par les autorités turques selon lesquelles Kesbir recevrait un traitement humain et un procès équitable n’étaient pas suffisantes pour la protéger contre de mauvais traitements une fois rentrée en Turquie.  
 
En février, une proposition de Rita Verdonk, ministre des Affaires étrangères et de l’intégration, pour annuler un moratoire sur l’expulsion vers l’Iran de demandeurs d’asile gays et lesbiennes dont la demande avait été rejetée a été retirée en avril après les protestations fermes de la société civile hollandaise et des organisations internationales de défense des droits humains, dont Human Rights Watch. En octobre, le gouvernement hollandais a annoncé un changement majeur de politique, en reconnaissant les Iraniens gays et lesbiennes comme un « groupe spécial » victime de persécution dans son pays et méritant la protection aux Pays-Bas.  
 
Pologne  
Le Président Lech Kaczyński a appelé à rétablir la peine de mort en Pologne et dans toute l’Europe dans une déclaration à la radio au mois de juillet, s’attirant la condamnation de la Commission européenne et de l’APCE. En août, la Ligue des familles polonaises, parti minoritaire faisant partie de la coalition au pouvoir, a lancé une campagne pour un référendum en Pologne sur la question.  
 
En janvier 2006, le Parlement européen, motivé en partie par le développement de l’homophobie en Pologne, a adopté une résolution appelant les Etats membres de l’UE à « condamner fermement les discours haineux homophobes ou l’incitation à la haine et à la violence. » Mais les propos ouvertement homophobes des dirigeants polonais, ainsi que les attaques contre les militants lesbiennes, gays, bisexuels et trans-sexuels (LGBT), ont continué en 2006. En mai, le Procureur d’Etat a ordonné à tous les procureurs de revoir le financement des organisations LGBT après qu’un député appartenant à la Ligue des familles polonaises ait accusé les groupes LGBT d’être associés aux pédophiles et au trafic de drogue. Le ministre de l’Education, Roman Giertych, a licencié en juin le directeur d’un centre de formation pour enseignants pour avoir utilisé une publication du Conseil de l’Europe qui contenait des articles sur la non-discrimination contre les minorités sexuelles, action qui a été condamnée par le Secrétaire général du Conseil de l’Europe, Terry Davis. En avril, malgré la présence de la police, des militants LGBT ont été attaqués par un groupe d’extrême-droite au cours d’une manifestation à Krakow.  
 
Le « Vetting Act » signé par le Président en novembre et ayant pour objectif d’identifier les collaborateurs des agences de sécurité de la République populaire de Pologne entre 1944 et 1990 a soulevé des inquiétudes en matière de droits humains, comme par exemple les protections insuffisantes de la vie privée et les garanties limitées des procédures d’appel.  
 
Espagne  
Au mois de septembre 2006, plus de 25 000 migrants avaient atteint les Iles Canaries, soit cinq fois plus que le nombre total pour toute l’année 2005. Les capacités insuffisantes des centres d’accueil pour migrants ont fait que des centaines de mineurs non accompagnés ont été placés dans des centres de fortune, qu’une délégation du Parlement européen a qualifiés de « réelle urgence » au cours d’une visite effectuée en juin 2006.  
 
La majorité des migrants ont traversé le Sénégal et la Mauritanie. L’Espagne a négocié des accords avec ces deux pays pour le retour de leurs ressortissants. Le Sénégal a interrompu les rapatriements après que le premier groupe de Sénégalais renvoyés (99 personnes en mai) se soit plaint d’avoir subi de mauvais traitements de la part des autorités espagnoles ; les opérations ont repris plus tard. Au moment de ce bilan, l’Espagne était en train de négocier avec les deux pays pour autoriser le retour de ressortissants de pays tiers ayant pris le départ depuis leurs côtes, ce qui soulève des inquiétudes sur le fait que des réfugiés et autres personnes en danger pourraient se voir refuser l’accès à la protection sur le sol espagnol.  
 
Après que le groupe séparatiste basque ETA ait déclaré en mars un cessez-le-feu permanent, le Premier Ministre José Luis Rodríguez Zapatero a annoncé officiellement en juin l’intention de son gouvernement d’ouvrir des négociations pour mettre fin à près de quarante ans de violence politique portant sur le statut de la région basque. Les poursuites judiciaires contre les membres ou collaborateurs présumés de l’ETA se sont poursuivies devant la Cour Nationale espagnole de justice spéciale contre le terrorisme Audiencia Nacional, et plusieurs des affaires ont soulevé des inquiétudes à l’égard de restrictions exagérées de la liberté d’expression et d’association. En février, la Cour a préparé le terrain pour le procès de sept membres du personnel du journal en langue basque Euskaldunon Egunkaria sur des accusations de terrorisme lorsqu’elle a rejeté leur appel contre leur mise en examen. Le journal a été fermé en février 2003 et les membres du personnel ont été arrêtés sous l’accusation de collaboration avec l’ETA. Arnaldo Otegi, le leader de Batasuna, a été inculpé en avril de glorification du terrorisme pour un discours fait en décembre 2003 en l’honneur d’un dirigeant de l’ETA tué en 1978.  
 
En avril 2006, un peu plus de deux ans après les attentats à la bombe dans des trains à Madrid qui ont causé la mort de 191 personnes et ont fait plus de 1700 blessés, le magistrat chargé de l’enquête, Juan del Olmo, a officiellement inculpé 29 des 116 personnes faisant l’objet d’une enquête. Dix-huit des accusés sont en prison. Le procès devrait commencer en février 2007.  
 
En juillet, invoquant « un manque total de preuves de l’accusation, » la Cour Suprême a annulé la condamnation pour terrorisme prononcée en 2005 contre Hamed Abderrahman Ahmed, citoyen espagnol, qui a passé plus de deux ans à Guantanamo Bay, et a ordonné sa libération immédiate. La cour a aussi fait état de manque de preuves suffisantes en juin, quand elle a rejeté la condamnation séparée prononcée en 2005 contre Imad Yarkas, Espagnol né en Syrie, pour conspiration en vue de commettre les attaques terroristes du 11 septembre aux Etats-Unis, mais elle a maintenu sa condamnation pour appartenance à Al-Quaïda ainsi que sa peine de 12 ans d’emprisonnement. Statuant sur d’autres appels introduits par les condamnés au même procès de 2005 de membres présumés d’une cellule de Al-Quaïda en Espagne, la Cour a acquitté complètement trois individus, mais a maintenu la condamnation de Taysir Allouni, correspondant de Al-Jezira.  
 
La Audiencia Nacional a ouvert une enquête en juin 2006 sur l’utilisation présumée d’aéroports espagnols par la CIA pour le transfert illégal de personnes soupçonnées de terrorisme.  
 
Faisant un pas positif, l’Espagne a ratifié le Protocole facultatif à la Convention contre la torture en mars 2006. Moins d’un mois plus tard, cependant, le Parlement a rejeté une proposition visant à éliminer les dispositions du Code pénal qui permettent que les personnes soupçonnées de terrorisme et d’autres accusées de crimes graves puissent de fait être détenues au secret (avec un accès extrêmement limité à un avocat, et aucun droit de communiquer avec des membres de la famille) pendant 13 jours.  
 
Royaume-Uni  
Les lois et mesures anti-terroristes mises en œuvre par le gouvernement du Royaume-Uni ont été soumises à examen juridique en 2006, les tribunaux annulant généralement des mesures qui violaient des protections fondamentales des droits humains. En décembre 2005, la plus haute cour du Royaume-Uni, le comité judiciaire de la Chambre des Lords, a jugé dans l’affaire de A and Others que les preuves extorquées sous la torture ne peuvent jamais être utilisées dans des actions judiciaires, contrairement à une décision majoritaire prise en août 2004 par la Cour d’Appel.  
 
Les affirmations du gouvernement du Royaume-Uni selon lesquelles il aurait déjoué au mois d’août un attentat à la bombe important sur un vol transatlantique ont conduit à l’arrestation et à la détention d’un nombre important de personnes soupçonnées de terrorisme et au premier essai des pouvoirs de détentions étendus dans le cadre du Terrorism Act 2006, qui est devenu loi en mars et permet une détention préventive de 28 jours pour les terroristes présumés. L’Act rend également illégaux les propos qui « encouragent » le terrorisme —à savoir les déclarations qui « glorifient » le terrorisme ou dont on considère qu’elles l’encouragent indirectement— même si ces déclarations n’incitent pas directement à la violence. La nature restrictive de la nouvelle loi pose un risque grave de porter atteinte à une légitime liberté d’expression.  
 
La Commission paritaire parlementaire sur les droits de l’homme a rendue publique en mai 2006 une évaluation sur le respect par le gouvernement de la Convention contre la torture, concluant que celui-ci, par sa politique de recherche d’assurances diplomatiques contre la torture dans des « mémorandums of understanding » avec des pays vers lesquels le Royaume-Uni veut expulser des personnes soupçonnées d’activités terroristes —la Jordanie, la Libye et le Liban, à ce jour— était susceptible d’exposer les personnes expulsées dans le cadre de ces accords à un « risque substantiel … d’être en fait torturées » , ainsi que de mettre à mal l’interdiction de renvois vers des risques de torture.  
 
La première contestation légale d’un « mémorandum of understanding » a eu lieu en mai dans l’affaire de Omar Othman, un Jordanien soupçonné de terrorisme et connu également sous le nom de Abu Qatada, que le gouvernement du Royaume-Uni veut expulser en Jordanie. Les avocats de Othman ont plaidé devant la Commission spéciale d’appel sur l’immigration (SIAC), affirmant qu’il courait le risque de torture, de procès inéquitable et de possible restitution à un pays tiers s’il était transféré en Jordanie, s’appuyant sur les promesses essentiellement douteuses d’un traitement équitable faites par ce pays.  
 
La SIAC a rejeté en août l’appel d’un Algérien (« Y ») contre son expulsion vers l’Algérie en avançant des raisons de sûreté nationale, jugeant qu’il ne courrait pas de risque réel de torture s’il était renvoyé parce qu’il serait couvert par une nouvelle loi d’amnistie. « Y » est un survivant à la torture qui s’est vu accorder le statut de réfugié au Royaume-Uni. Il a été acquitté par une cour britannique en 2005 des accusations en lien avec un complot terroriste présumé. Au moment de ce bilan, la décision de la SIAC était en appel.  
 
En août, la Cour d’Appel a confirmé un jugement d’une cour inférieure annulant les « ordres de contrôle » contre six personnes soupçonnées de terrorisme au motif qu’ils constituaient une privation de liberté contraire à la Convention européenne des droits de l’homme. Ces ordres, autorisés dans le cadre du Terrorism Act 2005, imposaient à ces six personnes des couvre-feux de 18 heures et autres restrictions de mouvement. Le ministre de l’Intérieur a par la suite émis de nouveaux ordres avec une période de couvre-feu de 14 heures. Le même mois, la Cour d’Appel est revenue sur une décision d’une cour inférieure, au motif que le contrôle judiciaire et les règles de preuves exigés pour l’application d’un ordre de contrôle violaient le droit à une audience équitable selon la Convention européenne des droits de l’homme.  
 
Le Crown Prosecution Service (équivalent du Parquet), après avoir terminé son examen sur la mort de Jean-Charles de Menezes (tué par erreur par la Police Métropolitaine à Londres le lendemain des attaques terroristes du 21 juillet 2005), a annoncé en juillet 2006 qu’il ne poursuivrait aucun officier de police pour meurtre, homicide involontaire, ni aucun autre délit criminel en lien avec les tirs fatals, mais il a indiqué qu’il poursuivrait le bureau du Commissaire de la Police Métropolitaine en lien avec cette mort en recourant aux lois sur la santé et la sécurité.  

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