Rapports de Human Rights Watch

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Résumé

 

Environ vingt-quatre millions de citoyens de la République Démocratique du Congo (RDC) se sont inscrits pour voter aux premières élections nationales depuis plus de quarante ans. Le processus électoral doit commencer par un référendum portant sur une nouvelle constitution les 18 et 19 décembre 2005. Les millions de personnes qui se sont inscrites veulent jouer un rôle significatif dans le processus politique et peuvent espérer que l’élection de dirigeants légitimes au premier semestre 2006 contribuera à établir un Etat de droit et le respect des droits humains qui font défaut depuis de nombreuses années.

 

Les bailleurs de fonds internationaux aussi ont placé leurs espoirs dans le processus, dont ils attendent qu’il leur permette d’entamer le retrait de la coûteuse opération de maintien de la paix des Nations Unies, la Mission de l’Organisation des Nations Unies en RDC (MONUC), et de voir des retombées de l’aide financière investie dans les tentatives de restauration d’un état opérationnel.

 

Mais les dirigeants politiques congolais mettent le processus en danger en retardant l’intégration dans l’armée nationale des anciennes forces rebelles qui leur sont fidèles. L’existence de ces forces présente le risque qu’un parti puisse intervenir par la force si les élections n’ont pas lieu ou si leurs résultats ne donnent pas satisfaction à ce parti. Les autorités congolaises risquent aussi de saper la crédibilité du processus du fait de la répression de la presse et de groupes de la société civile et en perpétuant la corruption —dont une partie alimente directement les campagnes électorales. De plus, l’incapacité du gouvernement à contenir les violences et autres abus à l’encontre des civils commis par les forces armées gouvernementales et par les combattants armés dans l’Est du Congo, ainsi que leur inaction dans la création d’un système judiciaire opérationnel signifient que certains citoyens exerceront nécessairement leur droit de vote dans des conditions de grave insécurité, dans la crainte de subir d’éventuels abus et conscients que ces abus ne seront pas punis.

 

Au cours de l’année passée, le gouvernement de l’état voisin de l’Ouganda, autrefois occupant de certaines parties de l’Est du Congo, a entravé les tentatives des autorités nationales congolaises d’établir l’ordre dans cette région riche en ressources. Il a cité la présence en RDC orientale de groupes rebelles de l’Ouganda comme excuse pour une ingérence continuelle, y compris un soutien direct et indirect à des groupes armés congolais.

 

La MONUC, autorisée par le Conseil de Sécurité des Nations Unies à s’engager dans des opérations de plus en plus musclées contre les combattants armés congolais et les groupes armés étrangers, a rétabli l’ordre dans certaines parties nord-orientales du Congo, mais n’avait pas les troupes ni les ressources suffisantes pour faire de même au Katanga et au Kivu. Au cours des derniers mois, elle a été de plus en plus occupée par l’aide à la préparation des élections et elle a donc consacré moins d’attention aux problèmes d’insécurité et de désarmement des troupes.

 

Pris par les enjeux politiques et logistiques du processus électoral, beaucoup de dirigeants congolais ainsi que de représentants de la communauté des donateurs et de la MONUC semblent avoir accepté que peu de progrès seront faits sur des questions importantes telles que la réforme de l’armée, l’établissement d’un système judiciaire opérationnel et la mise à terme de la corruption jusqu’à ce qu’un nouveau gouvernement soit installé. Dans des entretiens avec des enquêteurs de Human Rights Watch, des représentants diplomatiques ont déclaré qu’il serait improductif de mettre trop de pression sur ces questions, préférant « ne pas faire de vagues ».

 

Que les dirigeants politiques congolais actuels accueillent ou non favorablement de telles initiatives, la communauté des donateurs et la MONUC doivent redoubler leurs efforts au cours de ces prochains mois cruciaux pour contrôler et dénoncer vigoureusement les tentatives faites pour limiter la liberté d’expression, pour exiger qu’il soit mis un terme à la corruption, et pour insister sur l’amélioration de la sécurité de l’environnement dans lequel les élections auront lieu. Si des garanties essentielles ne sont pas mises en place pour s’assurer que les élections soient libres, équitables et sécurisées, les résultats du vote manqueront de crédibilité et une autre occasion d’établir un Etat de droit au Congo aura été perdue.

 

Pris par les enjeux politiques et logistiques du processus électoral, les acteurs internationaux ont peu fait pour prévoir la période post électorale, où des problèmes majeurs tels que l’intégration de l’armée et la création d’un système judiciaire devront encore être abordés. Ils doivent voir au-delà des exigences immédiates des six prochains mois et commencer à planifier afin de ne pas perdre l’opportunité d’une action efficace dès que le nouveau gouvernement sera installé.

 


index  |  suivant>>decembre 2005