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Race and Human Rights

La Discrimination Raciale et l'intolerance qui e est Associee

Rapports de Human Rights Watch concernant ce thème

Background Information

World Conference Against Racism, Racial Discrimination, Xenophobia and Related Intolerance

Preparatory Committee
First session

Geneva, 1-5 May 2000

  

  

  

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Declaration de Human Rights Watch au Groupe de Travail Intersessions Pour la Conference Mondiale Contre Le Racisme, la Discrimination Raciale, la Xenophobie et l'intolerance qui y est Associee

Domaines d'Action Internationale

Maintenant que le régime d'apartheid sud-africain a été démantelé, il reste d'autres défis mondiaux analogues à la lutte anti-apartheid qui doivent encore être pleinement reconnus. A cet effet, la Conférence Mondiale des Nations Unies contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée doit fixer au nombre de ses priorités la situation de centaines de millions de personnes opprimées par une forme d'apartheid déguisé, la discrimination fondée sur la caste. Une deuxième priorité devrait être de s'attaquer au racisme et à l'intolérance qui se font sentir un peu partout à l'encontre de millions de migrants et de réfugiés prisonniers des vicissitudes de la mondialisation. En troisième lieu, la Conférence Mondiale devrait se pencher sur une autre réalité qui bafoue les droits, celle de la discrimination raciale pratiquée en matière de droit à la nationalité et à la citoyenneté, notamment le refus d'octroyer une nationalité à des groupes entiers ou le retrait de la nationalité de groupes entiers pour des raisons discriminatoires.

Ces problèmes correspondent au premier thème de l'agenda provisoire de la Conférence Mondiale (" Sources, causes, formes et manifestations contemporaines du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l'intolérance qui y est associée ") et à son deuxième thème (" Les victimes du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l'intolérance qui y est associée "). Human Rights Watch insiste pour que les sous-thèmes suivants soient expressément incorporés à l'agenda final de la Conférence Mondiale:

  • Discrimination fondée sur la caste.Dans une grande partie de l'Asie et dans certaines régions d'Afrique, le racisme est étroitement lié aux castes pour ce qui est de la définition et de l'exclusion de groupes distincts de population différenciés par leur ascendance. En dépit de la protection qu'offre en principe la loi, le traitement discriminatoire reste endémique et les normes discriminatoires existant dans la société se trouvent sans cesse renforcées par les structures gouvernementales, que ce soit dans la police et les tribunaux d'instance ou au niveau des autorités nationales et municipales. Il faut reconnaître expressément que la discrimination fondée sur la caste empêche des millions de personnes d'exercer leurs droits civils et politiques et leurs droits économiques, sociaux et culturels - cette reconnaissance est une condition indispensable pour que les programmes internationaux appuient l'abolition de la discrimination fondée sur la caste et répriment les abus.
  • Discrimination dans le traitement des migrants et des réfugiés.Alors que la mondialisation économique, les crises économiques régionales et les bouleversements politiques ont encouragé les migrations au-delà des frontières nationales, les migrants et les réfugiés en particulier sont soumis à de nouvelles mesures discriminatoires. Les mouvements de population humaine et la tendance à une internationalisation croissante de la main d'œuvre montrent qu'il est particulièrement urgent de considérer le racisme comme un facteur important dans les flux migratoires, les flux de réfugiés et les conflits. Les femmes migrantes souffrent tout particulièrement, elles qui sont confrontées au trafic des femmes et à la prostitution forcée, à un manque de protection sur le lieu de travail et aux contraintes auxquelles sont soumises leurs familles et qui sont imposées par la migration et le spectre de l'apatridie.
  • Discrimination en matière de droit à la nationalité et à la citoyenneté.Des populations entières se voient refuser la nationalité dans leur propre pays - ou se voient privées de leur citoyenneté par décret gouvernemental - en raison de leur race ou de leur ascendance. Certaines vivent dans le pays depuis des générations, leur présence datant même souvent d'avant l'indépendance de leur pays. La discrimination fondée sur le sexe se combine souvent à la discrimination fondée sur la race dans les Etats qui définissent la citoyenneté en termes de " pureté " raciale ou nationale. Lorsque la citoyenneté est accordée uniquement aux enfants des ressortissants masculins, cela décourage les ressortissantes de sexe féminin d'épouser des hommes d'une autre race ou d'une autre nationalité car cela priverait leurs enfants de leur citoyenneté. Les politiques de naturalisation peuvent, elles aussi, se fonder totalement ou en partie sur des facteurs discriminatoires. Le refus d'octroyer la citoyenneté pour des raisons de race ou d'origine nationale s'applique même parfois à des personnes établies depuis longtemps dans un pays et qui n'ont maintenu aucun lien avec un autre pays.
  • Le rôle des institutions dans la prévention et la répression des abus

    Certaines politiques gouvernementales ont un effet raciste qui se fait sentir un peu partout et les pratiques des institutions peuvent avoir un effet raciste même en l'absence d'intention discriminatoire. C'est pour cette raison que la Convention internationale relative à l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (CEDR) - contrairement à certains Etats parties à la CEDR - tient les Etats responsables de racisme même lorsqu'il ne peut être prouvé qu'une intention raciste se cache derrière une loi ou une pratique.

    Human Rights Watch demande d'accorder une attention particulière aux moyens institutionnels par lesquels la politique des pouvoirs publics peut perpétuer - ou au contraire réprimer - la discrimination raciale et l'intolérance qui y est associée. Ce point correspond au troisième thème (" Mesures en matière de prévention, d'éducation et de protection… ") et au quatrième thème (" Recours utiles, voies de droit, réparation, [mesures d'indemnisation] ") de l'agenda provisoire. Il devrait faire l'objet d'études préparatoires et être repris dans l'agenda final sous ces thèmes. Il englobe les problèmes suivants:

    • Discrimination en matière de justice pénale.La justice pénale peut être source d'énormes discriminations. Au niveau national ou local, la discrimination peut découler de pratiques ayant une intention raciste telles que le profilage racial, où la race d'une personne constitue un facteur qui jouera de façon déterminante sur le fait qu'elle soit suspecte ou non. Les mécanismes de justice pénale peuvent également être source de discrimination même lorsqu'il n'y a pas clairement d'intention raciste. Des modèles de comportement discriminatoire peuvent être constatés au niveau des exactions policières, des arrestations arbitraires, des incarcérations, des poursuites judiciaires et des condamnations. Le fait de refuser de facto d'accorder des voies de recours à des groupes particuliers dans le système de justice pénale ou de priver de jure les membres d'un groupe de leurs droits peut être le signe d'un effet raciste distinct, indépendant de l'intention des législateurs et des pouvoirs publics. La CEDR oblige les Etats à " annuler toute loi et toute disposition réglementaire ayant pour effet de créer la discrimination raciale ou de la perpétuer là où elle existe ". Interprétant la CEDR, le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a déclaré que lorsqu'il déterminera si la différence dans la façon de traiter les personnes constitue une discrimination, " il veillera à vérifier si cette action a un impact distinct injustifiable sur un groupe pour des motifs de race, de couleur, d'ascendance ou d'origine nationale ou ethnique ".
    • Discrimination dans l'administration publique.Les politiques mises en œuvre par l'Etat et les pratiques administratives peuvent, tout autant que les systèmes de discrimination ouvertement déclarée, priver de la jouissance de leurs droits humains fondamentaux les membres de groupes définis sur base de leur race ou d'un autre facteur distinctif. L'exclusion des membres de groupes particuliers est souvent plus évidente dans le secteur des services sociaux, de l'éducation et des logements sociaux. Mais la discrimination peut également consister en des restrictions au droit de circuler librement et à celui de choisir sa résidence à l'intérieur d'un Etat. L'accès à l'éducation sans discrimination devrait être l'un des points particuliers abordés par la Conférence Mondiale dans le cadre du troisième thème : le seul fait d'enseigner la tolérance, alors que les personnes confrontées à la discrimination sont exclues des écoles, ne suffit pas.

    De nouvelles mesures sont nécessaires aux niveaux national et international pour que les normes internationales en matière de racisme produisent leurs effets dans le domaine de la justice pénale et de l'administration publique. La CEDR exige que des mesures réparatrices soient prises lorsqu'une politique publique a un effet raciste mais bon nombre d'Etats interprètent leur obligation à combattre le racisme comme se limitant à s'attaquer à l'intention raciste. La segmentation des données en fonction du sexe est recommandée depuis longtemps dans le cadre de la lutte contre la discrimination fondée sur le sexe : toute évaluation de l'application de la CEDR se doit de tenir compte de la segmentation des données. En l'absence de ce type de contrôle, l'effet raciste des politiques publiques risque, dans beaucoup de pays, de continuer à bloquer complètement la jouissance des droits sociaux, économiques et culturels, en privant les personnes concernées de leurs droits à l'éducation, aux services sociaux et à la protection contre l'exploitation économique.

    Pour s'attaquer à ces problèmes, Human Rights Watch encouragera la Conférence Mondiale à adopter un programme international d'action visant à:
    • Rendre la ségrégation, la violence et autres abus fondés sur l'appartenance à une caste ou à une autre origine, aussi intolérables que l'apartheid.
    • Mettre un terme à la privation de citoyenneté pour des motifs de race ou autre motif similaire. Les politiques et pratiques de l'Etat relatives à la nationalité, à la citoyenneté ou à la naturalisation doivent être analysées à la lumière de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale qui pose comme condition " que ces dispositions ne soient pas discriminatoires à l'égard d'une nationalité particulière ". La ratification des accords internationaux relatifs à l'apatridie constitue une priorité ; mais ces normes seules ne suffisent pas à éliminer cette forme répandue et pernicieuse de discrimination raciale.
    • Aider les Etats à recueillir et à communiquer systématiquement les informations relatives à l'application de la loi et à l'administration de la justice lorsqu'elles concernent des groupes de population différents, afin d'identifier les actes commis avec une intention discriminatoire ou avec effet discriminatoire et d'y pallier. Human Rights Watch encourage la Conférence Mondiale à se pencher tout particulièrement sur le problème de la justice pénale et insiste pour que soient adoptés des critères relatifs à l'instauration d'un contrôle à long terme et des mesures correctrices pour s'attaquer aux effets discriminatoires des politiques et pratiques mises en œuvre dans le domaine de la justice pénale.
    • Aider les Etats à surveiller l'administration des affaires publiques dans des domaines tels que l'éducation, les soins de santé, le logement et le respect de la législation du travail afin d'identifier les intentions ou les effets discriminatoires de politiques ou programmes publics et d'y pallier.
    • Encourager les Etats à ratifier la Convention internationale relative à la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille afin de les protéger contre tout traitement discriminatoire ; à appliquer sans discrimination la législation internationale relative aux réfugiés ; et à mettre en place un système international de supervision permettant de détecter et de parer au traitement discriminatoire des migrants et des réfugiés.
    • Encourager les Etats à adopter une loi donnant effet aux obligations qui leur incombent en vertu de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, à y inclure les voies de recours civiles et les sanctions pénales et à prévoir des voies de recours contre l'effet discriminatoire de toute politique publique violant la CEDR, que son intention soit ou non discriminatoire.

    La Conférence Mondiale représente une occasion unique d'élaborer de nouvelles mesures pratiques visant à s'attaquer aux problèmes spécifiques de discrimination. Les normes internationales offrent déjà une base solide mais de nouvelles normes sont nécessaires, appuyées par un engagement nouveau à mettre en place des mécanismes de supervision, d'information et de réparation pour veiller à la mise en œuvre des normes nationales et internationales et pour opérer de réels progrès en la matière.