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Rapport Mondial 2003

Libéria

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La situation des droits humains
Défendre les droits humains
Le rôle de la communauté internationale

La situation des droits humains

Cinq années seulement après que le Libéria eut entamé une difficile transition vers la paix suite aux élections de 1997, le pays a continué de replonger dans la guerre. Les combats entre les forces du gouvernement libérien et les rebelles des Libériens unis pour la paix et la réconciliation (Liberians United for Reconciliation and Democracy, LURD) se sont poursuivis dans le Nord-Ouest, où l'incursion rebelle avait commencé en juillet 2000 et les deux parties se sont rendues coupables de crimes de guerre et autres violations graves des droits humains. Des dizaines de milliers de Libériens ont fui leurs maisons et des centaines, voire des milliers, de civils ont été tués délibérément ou ont été victimes des combats. L'état d'urgence proclamé pendant huit mois en 2002 dans les régions sous contrôle du gouvernement s'est accompagné de la répression de tous ceux qui étaient considérés comme des opposants au Président Charles Taylor.

Dans le Nord-Ouest du pays, les troupes gouvernementales et les milices pro-gouvernementales se sont rendues coupables d'exécutions sommaires, de tortures et d'abus sur les civils, violant les femmes et les filles et enlevant des civils pour le travail forcé ou le combat. Elles ont systématiquement pillé et incendié les villes et, dans certains cas, les troupes gouvernementales postées aux barrages ont empêché les civils déplacés de se mettre en sécurité. Les soldats gouvernementaux ont systématiquement extorqué l'argent et les biens de ceux qui cherchaient un refuge. Au nom de la menace rebelle, le gouvernement libérien a continué de remilitariser la société, notamment en mobilisant d'anciens combattants et en permettant aux milices de proliférer. Des centaines de civils, dont des enfants, ont été enrôlés de force par le gouvernement et envoyés sur le front sans avoir d'autre choix, sans avis préalable ou autre forme de procédure et souvent après un entraînement militaire sommaire, voire aucun. Pendant les combats, ils ont souvent reçu l'ordre de commettre des violations des droits humains.

Les forces rebelles du LURD ont également perpétré de nombreux abus, bien que moins répandus que ceux des forces gouvernementales, pratiquant des exécutions sommaires de collaborateurs supposés du gouvernement, des viols et le recrutement forcé de civils y compris d'enfants soldats. Les forces du LURD ont soumis des centaines de civils au travail forcé, restreint les mouvements de ceux qui voulaient fuire le pays et enlevé des réfugiés qui venaient d'arriver en Guinée. Le 20 juin, le LURD a enlevé cinq infirmières d'une organisation humanitaire libérienne, Merci, et les a détenues pendant près de trois mois.

Le conflit a conservé sa dimension ethnique, le gouvernement Taylor accusant sans discrimination les citoyens des ethnies mandingue, krahn et gbandi du Libéria d'appuyer les incursions rebelles. Les membres de ces communautés ont été confrontés à une discrimination croissante, aux arrestations arbitraires et à la violence du Gouvernement et de ses partisans du seul fait de leur appartenance ethnique. De nombreux combattants du LURD étaient des Mandingue ou des Krahns qui avaient déjà combattu avec les deux anciennes factions du Mouvement uni de libération pour la démocratie au Libéria (United Liberation Movement for Democracy in Liberia, ULIMO) lors de la guerre civile avant 1997. De leur côté, les forces du LURD ont commis certains de leurs pires abus à l'encontre des civils de l'ethnie kissi, peut-être parce que le Front révolutionnaire uni (RUF), mouvement rebelle en Sierra Leone qui a entretenu de longue date des liens avec le Gouvernement Taylor, avait auparavant son fief dans la région des Kissi en Sierra Leone.

Cinq ans après son entrée en fonction, le gouvernement du Président Taylor continuait d'agir sans se sentir comptable de ses actes, exacerbant les divisions et les ressentiments attisés par la guerre civile. Le Président Taylor continuait de renforcer et de centraliser son pouvoir en récompensant les fidèles et en intimidant les critiques. Le pouvoir de l'état continuait d'être utilisé à mauvais escient par des responsables de haut-rang pour pousser les agendas politiques de l'exécutif, éviter d'avoir à rendre des comptes et à des fins d'enrichissement personnel. Les institutions de l'état qui auraient pu exercer un contrôle indépendant sur l'administration Taylor, comme la justice, le Parlement et la Commission des droits de l'homme, sont restées faibles et frileuses. Les voix indépendantes des médias et de la communauté des défenseurs des droits humains ont été réduites au silence.

Les attaques rebelles près de la capitale Monrovia au début de 2002 ont provoqué de nouvelles vagues de réfugiés et de personnes déplacées. En septembre, la Commission des réfugiés des Etats-Unis (Committee for Refugees) estimait qu'il y avait 250.000 réfugiés, récents ou de longue date, dans les pays voisins et environ 200.000 personnes déplacées à l'intérieur du Libéria. Les réfugiés libériens fuyant vers la Guinée ont été souvent empêchés de traverser la frontière par les autorités guinéennes, cela en violation du droit international des réfugiés. Le Haut Commissariat des Nations Unies aux réfugiés (HCR) a lancé en juillet un appel pour trouver 10,4 millions de dollars pour l'Afrique de l'Ouest afin de faire face à l'afflux de nouveaux réfugiés libériens. Cependant les officiers de protection du HCR dans les régions voisines du Libéria et l'ensemble de la sous-région sont restés en nombre insuffisant. En septembre, les combats qui ont éclaté en Côte d'Ivoire entre le gouvernement et les rebelles ont affecté les réfugiés libériens qui ont été de nouveau obligé de fuire. L'intensification des attaques rebelles a décidé le Président Taylor à déclarer l'état d'urgence le 8 février 2002 et à accentuer la répression. De fréquentes descentes des forces de sécurité ont eu lieu sur les marchés très fréquentés, dans les quartiers krahns et mandingues et dans les camps de personnes déplacées autour de Monrovia, entraînant l'arrestation de centaines de jeunes gens et de garçons parmi lesquels beaucoup d'origine krahn ou mandingue. Nombre d'entre eux ont été envoyés au front. L'état d'urgence a été levé le 14 septembre.

Les membres des organisations de la société civile, l'opposition politique légale et les médias indépendants ont été également visés. Le 20 mars, Henry Cooper, président du parti d'opposition Unity pour le comté de Bong, aurait été emmené en garde à vue par la police avant d'être retrouvé mort à Totota, à cinquante miles (80 km environ) au nord de Monrovia. Selon les témoins, il aurait reçu plusieurs balles. A compter du 27 mars, Nipla Wiaplah, président du parti New Deal Movement, a été détenu sans charge pendant plusieurs jours pendant que la police essayait de déterminer si un article qu'il avait écrit dans le News à propos de la guerre posait ou non une menace pour la sécurité nationale. Le rédacteur en chef du News, Jerome Dalieh et le directeur de publication en exercice du journal, Bill Jarkloh ont été également détenus brièvement sans charge pour avoir publié un article. Les journalistes Stanley Seekor, J. James et Ellis Togba du journal Analyst ont été menacés et détenus pendant une courte durée pour un article débattant de l'état d'urgence.

Plusieurs journaux d'information ont été temporairement fermés et le conflit opposant les autorités à plusieurs stations de radio privées sur l'usage des fréquences s'est poursuivi. Une semaine après les attaques terroristes du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, un journaliste participant à des débats à la radio a été arrêté parce qu'un des auditeurs qui avait appelé pendant l'émission avait fait des "remarques anti-américaines".

L'affaire la plus inquiétante fut la détention en isolement et les mauvais traitements graves infligés à Hassan Bility, rédacteur en chef de l'Analyst, l'un des journaux les plus indépendants du Libéria. Bility a été arrêté le 24 juin en même temps que trois autres hommes mandingues. Souffrant du paludisme, il aurait été enfermé dans un réservoir d'eaux usées. A cette époque, le Ministre de l'information Reginald Goodridge a fait une déclaration publique indiquant que Bility et les autres étaient détenus parce qu'ils étaient soupçonnés de diriger une cellule terroriste rebelle à Monrovia. Reprenant le vocabulaire de l'administration américaine et son mépris pour l'état de droit, le Gouvernement libérien annonçait que Bility appartenait à une cellule terroriste et qu'il était considéré comme "un combattant criminel"; refusant par conséquent de le présenter à la justice, il indiquait qu'il serait traduit devant un tribunal militaire. Toutefois, en octobre, le Gouvernement n'avait toujours pas convoqué le tribunal militaire et Bility restait au secret. Hassan Bility avait déjà été détenu et interrogé à deux reprises et l'Analyst fermé par deux fois, également pour des articles critiquant le gouvernement. La deuxième fois, en 2002, l'Analyst avait été fermé après avoir rapporté un discours de l'avocat des droits humains Tiawan Gongloe sur le rôle de la société civile (voir plus loin).

En dépit de l'embargo sur les armes imposé par les Nations Unies, des cargaisons d'armes illégales ont continué d'arriver au Libéria. Plusieurs éléments suggèrent avec force qu'un avion qui s'est écrasé près de Monrovia en février transportait une telle cargaison illégale destinée au gouvernement Taylor. Ce vol fut l'un des trois vols suspects observés depuis le Tchad, à bord d'avions frauduleusement immatriculés au Libéria et ayant présenté des plans de vol falsifiés. Les enquêteurs de l'ONU ont été empêchés d'enquêter sur le crash. Toutefois, les pressions internationales et les sanctions des Nations Unies ont fait cesser le soutien du gouvernement libérien aux rebelles du RUF en Sierra Leone.

La reprise de la guerre au Libéria a encore éloigné davantage les perspectives d'une paix durable dans la région de l'Union du Fleuve Mano, qui regroupe la Guinée, la Sierra Leone et le Libéria. Alors que les efforts se poursuivaient pour consolider la paix en Sierra Leone, des centaines d'anciens combattants de la guerre civile sierra-léonaise, issus à la fois des rangs rebelles et gouvernementaux, ont gagné le Libéria pour se battre comme mercenaires aux côtés du gouvernement ou du LURD. De nombreux combattants du RUF, qui avaient reçu un soutien direct du Président Taylor pendant des années, ont été intégrés aux forces gouvernementales libériennes et mêlés aux atrocités perpétrées contre les civils libériens. Depuis au moins janvier 2001, des centaines d'anciens combattants des milices sierra-léonaises pro-gouvernementales (comme la milice des Kamajors de l'ethnie mende), de la milice des West Side Boys, formée après une rébellion d'une partie de l'ancienne armée sierra-léonaise et même du RUF ont été recrutés comme mercenaires par le LURD. En conséquence, la région frontalière entre le Libéria et la Sierra Leone est devenue encore plus instable.

Le gouvernement de Guinée a continué de jouer un rôle déstabilisateur en apportant un soutien logistique considérable et un certain appui militaire aux rebelles du LURD qui ont opéré depuis le territoire guinéen. Il a aussi autorisé le LURD à se servir des camps de réfugiés en Guinée comme d'un réservoir à recrues.

Défendre les droits humains

L'année a été particulièrement difficile pour les militants libériens des droits humains. Face à la reprise des actions rebelles, le gouvernement Taylor s'est montré de plus en plus intolérant avec les opposants et les organisations de la société civile ont subi un harcèlement et une intimidation accrue en raison de l'état d'urgence. Plusieurs militants des droits humains ont quitté le pays au cours de l'année et cherché l'asile politique ailleurs.

En février, les autorités ont arrêté Frances Johnson Morris, directrice de la Commission catholique du Libéria pour la justice et la paix et l'ont détenue avec des prisonniers masculins durant plusieurs heures dans la prison du quartier-général de la police à Monrovia, officiellement en raison d'une "confusion d'identité" mais, en fait, quelques jours seulement après qu'elle eut tenu une réunion publique contestant l'instauration de l'état d'urgence. Après que le National Human Rights Center of Liberia, une coalition regroupant neuf organisations non-gouvernementales de défense des droits humains, eut publié plusieurs communiqués de presse protestant contre les abus gouvernementaux, cinq de ses membres - Aloysius Toe, Tunny Zeogar, Peter Nickoson, John Okai et Sam Nimely - ont été arrêtés le 28 mars et détenus plusieurs jours sans charge. Relâchés sur ordre de la justice, ils furent de nouveau arrêtés peu après et accusés de "malveillance criminelle" et "suspendus de toutes fonctions". L'affaire était toujours en attente en octobre. Un autre militant du National Human Rights Center, Mike Gaydh, a été interrogé pendant plusieurs heures le 13 juillet par l'Unité anti-terroriste des forces de sécurité après qu'il eut accompagné à l'aéroport une délégation de l'International Crisis Group basé à Bruxelles. Il a été ensuite libéré sans charge.

Le 24 avril, l'avocat des droits humains Tiawan Gongloe a été arrêté sans charge par la police et battu si sévèrement qu'il était incapable de se tenir debout et a dû être hospitalisé. Il s'était dressé contre les abus des forces de sécurité et autres violations des droits humains. Gongloe a été relâché après une semaine passée à l'hôpital sous garde armée et a ensuite quitté le pays.

En octobre, Sheikh K.M. Sackor, directeur exécutif de Humanist Watch, une organisation non-gouvernementale, restait en détention au secret depuis son arrestation le 25 juillet. Rejetant la demande d'habeas corpus déposée par les avocats au nom Sackor, le juge a indiqué qu'il s'agissait d'une affaire relevant de la justice militaire puisque le Gouvernement accusait Sackor d'être affilié au LURD. Le 29 juillet, Dixon Gblah, directeur exécutif de Liberia Prison Watch, a été détenu et interrogé par la police nationale du Libéria qui l'accusait d'être un agent du LURD. Après sa libération, il a quitté le pays.

La commission nationale des droits humains, organisme étatique créé par le gouvernement en 1997, est restée inactive, entravée par le manque de personnel qualifié et de financement et un mandat insuffisant.

Le rôle de la communauté internationale

Les Nations Unies
Le Conseil de sécurité des Nations Unies a continué de jouer un rôle actif pour tenter de mettre fin au trafic des armes contre des diamants, au Libéria et dans la sous-région. Le 6 mai, le Conseil de sécurité a reconduit les sanctions contre le Libéria pour une deuxième année, dont l'interdiction d'exporter les diamants du Libéria (qui seraient en grande majorité des diamants originaire de Sierra Leone), l'embargo sur les armes et l'interdiction de voyager pour le Président Taylor et plus de 130 responsables gouvernementaux de haut-rang et leurs épouses. Le conseil a également réclamé un audit sur les revenus que tire le Libéria du trafic maritime et de l'exploitation du bois dans la mesure où les achats d'armes de ce pays ont été souvent financés par des sommes non comptabilisées au budget de l'état. Le Conseil de sécurité a organisé une réunion le 18 juillet sur la situation dans la région de l'Union du Fleuve Mano.

Juste avant la reconduction des sanctions, le groupe d'experts de l'ONU - nommés par le secrétaire général des Nations Unies pour conduire une enquête indépendante sur le respect des sanctions par le Libéria - a présenté son deuxième rapport en avril et son troisième en octobre. Les experts ont recommandé le renouvellement des sanctions sur les armes et, compte tenu de "preuves crédibles", ont continué de surveiller les violations de l'embargo par le gouvernement libérien. Le troisième rapport a montré que le gouvernement avait importé illégalement environ 200 tonnes de matériels militaires en violation des sanctions. Le groupe d'experts a également recommandé que tous les pays producteurs et exportateurs d'armes s'abstiennent de fournir des armes aux pays de l'Union du Fleuve Mano et qu'un embargo soit immédiatement imposé à tous les acteurs non-étatiques dans la région, dont le LURD. Dans son rapport d'avril pourtant, le groupe recommandait de revoir les sanctions contre le Libéria à la lumière des développements positifs du processus de paix en Sierra Leone et de la diminution du soutien au RUF.

Le bureau d'appui des Nations Unies pour la consolidation de la paix au Libéria (BANUL) n'a joué aucun rôle face à la répression croissante et les abus commis dans ce pays. En avril, le secrétaire général a publié son troisième rapport sur la situation au Libéria sur la base des informations fournies par le BANUL. Le rapport ne traitait guère des préoccupations relatives aux droits humains ni ne mettait en cause les dénégations répétées du gouvernement libérien sur son non-respect des sanctions.

Felix Downes-Thomas, le réprésentant du secrétaire général au Libéria depuis février 1998, a achevé son mandat en février 2002, laissant derrière lui un BANUL virtuellement incapable de fonctionner. Cependant, même sous le mandat de Downes-Thomas, les droits humains sont restés très marginaux dans le travail du bureau. Les tentatives de nommer un représentant plus concerné par ces questions ont été bloquées par le gouvernement Taylor. Finalement, en septembre, Abou Moussa, ancien directeur régional du HCR pour l'Afrique de l'Ouest, a été nommé à la tête du BANUL.

Les Nations Unies ont été particulièrement silencieuses sur le soutien apporté par la Guinée au LURD. Tout au plus, en mai, le secrétaire général a-t-il exprimé sa préoccupation face à la détérioration de la situation humanitaire au Libéria, condamné le LURD pour ses tentatives de prendre le pouvoir par la force et appelé les états voisins à ne pas permettre que leurs territoires soient utilisés pour ces opérations.

Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO)
Etant donné son engagement militaire et diplomatique intense lors de la guerre civile au Libéria avant 1997, la CEDEAO est restée très impliquée au plan diplomatique pour résoudre la crise actuelle. Plusieurs réunions ont été organisées par la CEDEAO pendant l'année pour discuter de l'intensification du conflit au Libéria. La médiation de la CEDEAO et le Conseil de sécurité ont tenu leur huitième réunion à Dakar, au Sénégal, le 29 mars 2002 pour débattre de la façon d'en finir avec les attaques du LURD contre le gouvernement libérien. En mars toujours, la CEDEAO a accueilli une réunion de paix à Abuja à laquelle ont participé des représentants du gouvernement libérien, des formations de l'opposition politique et des représentants de la société civile, mais le LURD n'était pas officiellement présent. Lors de leur vingt-cinquième sommet à Dakar en décembre 2001, les chefs d'Etat ont condamné le LURD et réclamé des sanctions contre les groupes rebelles armés. En septembre 2002, la CEDEAO a réuni les ambassadeurs africains pendant la session plénière de l'assemblée générale des Nations Unies à New York afin de discuter des moyens de résoudre la crise libérienne.

D'autres initiatives régionales pour ramener la paix au Libéria et dans la sous-région ont été prises de façon indépendante par le roi Mohammed VI du Maroc. En février, les présidents de Guinée, du Libéria et de Sierra Leone se sont retrouvés sous l'égide du monarque lors d'un sommet à Rabat où ils ont promis de renforcer la sécurité à leurs frontières et de contrôler les activités des rebelles dans leurs pays respectifs. Trois autres rencontres ont suivi en mars et en avril à Freetown, Conakry et Rabat, au cours desquelles la Commission conjointe de sécurité de l'Union du fleuve Mano ainsi que les ministres de l'intérieur se sont retrouvés pour évoquer les moyens de renforcer la sécurité aux frontières et pour planifier les prochaines réunions des chefs d'état. Suite à une offensive du LURD en mai sur plusieurs villes libériennes clé, aucune réunion n'a eu lieu jusqu'en septembre, date à laquelle les ministres de l'intérieur des pays de l'Union du fleuve Mano se sont retrouvés à Freetown pour relancer leurs efforts.

L'Union Européenne
Les consultations ouvertes à partir de juillet 2001 avec le gouvernement libérien sur l'aggravation de la situation des droits humains, les principes démocratiques et l'état de droit ont continué en 2002. L'UE a poursuivi ses négociations sur plusieurs conditions requises pour la reprise de l'aide, suspendue en 2000 en raison de la détérioration de la situation au Libéria et des liens du gouvernement Taylor avec les rebelles sierra-léonais.

Ces conditions spécifiques posées par l'UE pour reprendre l'aide comprenaient notamment des améliorations tangibles du respect de l'état de droit, le renforcement de l'appareil judiciaire et de l'indépendance de la justice la formation du personnel des forces de sécurité aux droits humains, le renforcement de la commission gouvernementale des droits de l'homme, le respect des libertés d'association et d'expression, la création d'une commission électorale indépendante en consultation avec l'opposition politique, la bonne gouvernance et les mesures de lutte contre la corruption, et le respect des demandes de l'ONU. L'UE s'appuyait sur les articles 96 et 97 de l'Accord de Cotonou sur les relations commerciales entre l'UE et les pays de la zone Afrique-Caraïbes-Pacifique (ACP) qui oblige ses membres à veiller à une amélioration de la situation des droits humains.

L'UE a également fait un certain nombre de déclarations au cours de l'année, exprimant sa préoccupation face à l'intensification des combats et le harcèlement des militants de la société civile. L'UE a aussi condamné les initiatives du LURD pour s'emparer du pouvoir par la force et a appelé les pays voisins à ne pas apporter leur soutien aux rebelles.

En janvier, la Commission européenne a promis 17 millions d'euros (environ 16,75 millions de dollars) d'aide humanitaire aux victimes de la crise affectant les pays de l'Union du fleuve Mano.

Les Etats-Unis
Bien que la pression américaine sur le gouvernement libérien concernant les violations des droits humains soit restée élevée, les Etats-Unis n'ont pas publiquement condamné les abus commis par le LURD ou par le gouvernement de Guinée qui apportait un soutien logistique et même militaire au LURD. Au maximum, en mars, l'Ambassadeur américain à Monrovia a-t-il condamné la reprise des combats au Libéria et appelé le gouvernement libérien à prendre des mesures pour respecter les droits humains et l'état de droit. Si la déclaration s'abstenait de désigner nommément la Guinée, elle n'en appelait pas moins "toutes les parties dans la région à mettre fin au soutien qu'elles apportent à quelque groupe que ce soit, qui vise des changements politiques en recourant à la violence, et à respecter les frontières".

Le silence du gouvernement américain sur les abus du LURD et le soutien de la Guinée au mouvement rebelle a été particulièrement remarquable dans la mesure où le gouvernement des Etats-Unis a lancé en mai 2002 un programme de 3 millions de dollars en formation et fourniture d'équipements non-mortels à l'armée guinéenne. Ce programme, retardé à plusieurs reprises, avait été initialement décidé pour aider le gouvernement guinéen à défendre ses frontières contre les opérations de déstabilisation engagées par le RUF, Charles Taylor et ses partisans au Libéria. Le programme a été retardé en partie aussi du fait du déploiement des forces spéciales américaines en Afghanistan et du fait que le Congrès américain avait imposé des rapports et une surveillance supplémentaires de ces activités. La formation consistait en quatre segments de six semaines pour quatre compagnies avec un bilan à mi-mandat et en fin de cursus. Cependant, aucun mécanisme clair n'avait été décidé pour surveiller la conduite des troupes après leur déploiement. Ces troupes ne devaient pas être déployées en zone frontalière.

En octobre, les Libériens vivant aux Etats-Unis et ayant rempli les conditions requises se sont vus octroyer un statut de protection temporaire d'un an, ce qui leur permettait de rester et de travailler aux Etats-Unis. Cette décision remplaçait la directive présidentielle, une mesure similaire arrivée à expiration, autorisant à différer les procédures de reconduite forcée aux frontières (Deferred Enforced Departure, DED).

L'aide américaine au Libéria est restée limitée et ciblée. Au cours de l'année fiscale 2002, le gouvernement des Etats-Unis a fourni 800.000 dollars de soutien aux projets de médias indépendants et 650.000 dollars d'aide au processus électoral pour promouvoir le développement des partis politiques et la création d'un centre d'aide au processus électoral avec des moyens de communication. En juin, l'ambassadeur américain a décrété le Libéria en crise d'urgence humanitaire et a ainsi ouvert la voie à un financement humanitaire d'urgence. En septembre, les Etats-Unis ont promis 6,6 millions de dollars d'aide pour les réfugiés en Afrique de l'Ouest, notamment pour consolider les programmes destinés aux réfugiés libériens.

Rapports de Human Rights Watch sur le même sujet:

De nouveau au bord du gouffre : Crimes de guerre commis par le gouvernement libérien et les rebelles : pour une plus grande attention internationale au Libéria et à la sous-région
Mai 2002

No Questions Asked: The Eastern Europe Arms Pipeline to Liberia
Novembre 2001