Rapports de Human Rights Watch

Note au Comité d’Eminents Juristes Africains
Options envisageables pour traduire Hissène Habré en Justice

Avril 2006

Materiaux Relevants

Telecharger pdf - (14 pages, 185 KB)

English

L'affaire Habré

Les Poursuites contre Hissène Habré, un « Pinochet africain »

L'affaire Habré: documents juridiques

L'affaire Habré: dans la presse

L'affaire Habré: les victimes parlent

L'affaire Habré: Les Archives de l'Horreur

Recommandations au Comité d’Eminents Juristes Africains

Rappel des faits

Les obligations juridiques du Sénégal

Les options envisageables pour le jugement de Hissène Habré

Situations à venir





Un juge Belge a inculpé l’ancien président tchadien, Hissène Habré, pour son rôle présumé dans des milliers d’assassinats politiques, d’actes de torture systématiques, et de vastes campagnes de violence à l’encontre des différents groupes ethniques de son pays. La Belgique a assorti le mandat d’arrêt à l’encontre de Habré d’une demande officielle d’extradition au Sénégal, pays d’exil de l’ancien président tchadien où il a fait l’objet d’une première inculpation en 2000 pour crimes contre l’humanité et actes de torture. Le Président du Sénégal, Abdoulaye Wade, a, alors, saisi l’Union africaine afin d’ « indiquer la juridiction compétente » pour juger l’ancien président tchadien lors de son Sommet de janvier 2006. Le 24 janvier 2006, l’Union africaine a décidé de mettre en place un Comité d’Eminents Juristes africains (CEJA) afin d’examiner les options disponibles pour le jugement de Hissène Habré, en tenant compte, entre autres éléments de référence, des « normes internationales en matière de procès équitable », de l’ « efficacité en termes de coûts et de temps du procès »,  de l’ « accès des victimes présumées et des témoins au procès »,  ainsi qu’en « privilégi[ant] un mécanisme africain ».

Le présent document examine les obligations juridiques du Sénégal ainsi que les différentes possibilités permettant de traduire Hissène Habré en justice. Il ressort de cette étude que—quel que soit l’issue de la consultation de l’U.A.—le Sénégal est tenu juridiquement de poursuivre ou d’extrader Hissène Habré. Human Rights Watch est, par ailleurs, parvenu à la conclusion que l’extradition de Hissène Habré vers la Belgique constitue l’option la plus tangible, la plus réaliste et la plus opportune pour s’assurer que Hissène Habré réponde effectivement des accusations portées contre lui dans le cadre d’un procès juste et équitable. Si le CEJA envisageait d’explorer une option africaine, il conviendrait qu’il recommande le procès de Hissène Habré au Sénégal. En effet, le Tchad n’offre pas les garanties d’un procès juste et équitable tandis que la mise en place d’un nouveau tribunal africain ad hoc pour juger des crimes allégués contre Hissène Habré exigerait une volonté politique énorme, prendrait des années et coûterait probablement plus de 100 millions de dollars. Par ailleurs, aucun tribunal africain existant ne semble être doté de la compétence juridictionnelle pour la  poursuite des crimes allégués. Voilà plus de quinze ans que les victimes de Hissène Habré attendent qu’un tribunal entende leur cause et de nombreux survivants sont déjà décédés.

La première tentative des victimes de traduire Hissène Habré en justice remonte à six ans C’était au Sénégal. L’inculpation de Hissène Habré par un juge sénégalais pour crimes contre l’humanité et actes de torture fut largement saluée comme le début d’une ère nouvelle pour la justice en Afrique. Pourtant, les tribunaux sénégalais ont, par la suite, décidé qu’ils n’étaient pas compétents pour poursuivre Hissène Habré. Le Président Wade s’était déjà ouvertement prononcé contre le procès de Hissène Habré au Sénégal. Il déclara alors qu’il maintiendrait néanmoins Hissène Habré au Sénégal et que « si un pays, capable d’organiser un procès équitable—on parle de la Belgique—le veut, je n’y verrais aucun obstacle ». Le Président Wade a, ainsi, gardé Hissène Habré au Sénégal et la Belgique attend désormais son extradition.

Le Sénégal, pays sur le territoire duquel Hissène Habré se trouve, est tenu juridiquement, et ce depuis 1990, de poursuivre ou d’extrader Hissène Habré aux termes de la Convention des Nations Unies (N.U.) de 1984 contre la tortureet autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le Sénégal ne peut se soustraire à ses obligations juridiques en référant la question à l’Union africaine. Bien au contraire, l’Union africaine doit user de son rôle de premier plan dans cette affaire pour assister le Sénégal à respecter ses engagements conventionnels. Par ailleurs, la Belgique a indiqué qu’elle envisageait d’utiliser les voies de recours prévues par la Convention contre la torturesi le Sénégal manquait à son obligation d’extrader Hissène Habré.