Note
au Comité dEminents Juristes Africains
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Recommandations au Comité d’Eminents Juristes Africains
Les obligations juridiques du Sénégal
Les options envisageables pour le jugement de Hissène Habré
Un juge Belge a inculpé lancien président tchadien, Hissène Habré, pour son rôle présumé dans des milliers dassassinats politiques, dactes de torture systématiques, et de vastes campagnes de violence à lencontre des différents groupes ethniques de son pays. La Belgique a assorti le mandat darrêt à lencontre de Habré dune demande officielle dextradition au Sénégal, pays dexil de lancien président tchadien où il a fait lobjet dune première inculpation en 2000 pour crimes contre lhumanité et actes de torture. Le Président du Sénégal, Abdoulaye Wade, a, alors, saisi lUnion africaine afin d « indiquer la juridiction compétente » pour juger lancien président tchadien lors de son Sommet de janvier 2006. Le 24 janvier 2006, lUnion africaine a décidé de mettre en place un Comité dEminents Juristes africains (CEJA) afin dexaminer les options disponibles pour le jugement de Hissène Habré, en tenant compte, entre autres éléments de référence, des « normes internationales en matière de procès équitable », de l « efficacité en termes de coûts et de temps du procès », de l « accès des victimes présumées et des témoins au procès », ainsi quen « privilégi[ant] un mécanisme africain ».
Le présent document examine les obligations juridiques du Sénégal ainsi que les différentes possibilités permettant de traduire Hissène Habré en justice. Il ressort de cette étude quequel que soit lissue de la consultation de lU.A.le Sénégal est tenu juridiquement de poursuivre ou dextrader Hissène Habré. Human Rights Watch est, par ailleurs, parvenu à la conclusion que lextradition de Hissène Habré vers la Belgique constitue loption la plus tangible, la plus réaliste et la plus opportune pour sassurer que Hissène Habré réponde effectivement des accusations portées contre lui dans le cadre dun procès juste et équitable. Si le CEJA envisageait dexplorer une option africaine, il conviendrait quil recommande le procès de Hissène Habré au Sénégal. En effet, le Tchad noffre pas les garanties dun procès juste et équitable tandis que la mise en place dun nouveau tribunal africain ad hoc pour juger des crimes allégués contre Hissène Habré exigerait une volonté politique énorme, prendrait des années et coûterait probablement plus de 100 millions de dollars. Par ailleurs, aucun tribunal africain existant ne semble être doté de la compétence juridictionnelle pour la poursuite des crimes allégués. Voilà plus de quinze ans que les victimes de Hissène Habré attendent quun tribunal entende leur cause et de nombreux survivants sont déjà décédés.
La première tentative des victimes de traduire Hissène Habré en justice remonte à six ans Cétait au Sénégal. Linculpation de Hissène Habré par un juge sénégalais pour crimes contre lhumanité et actes de torture fut largement saluée comme le début dune ère nouvelle pour la justice en Afrique. Pourtant, les tribunaux sénégalais ont, par la suite, décidé quils nétaient pas compétents pour poursuivre Hissène Habré. Le Président Wade sétait déjà ouvertement prononcé contre le procès de Hissène Habré au Sénégal. Il déclara alors quil maintiendrait néanmoins Hissène Habré au Sénégal et que « si un pays, capable dorganiser un procès équitableon parle de la Belgiquele veut, je ny verrais aucun obstacle ». Le Président Wade a, ainsi, gardé Hissène Habré au Sénégal et la Belgique attend désormais son extradition.
Le Sénégal, pays sur le territoire duquel Hissène Habré se trouve, est tenu juridiquement, et ce depuis 1990, de poursuivre ou dextrader Hissène Habré aux termes de la Convention des Nations Unies (N.U.) de 1984 contre la tortureet autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le Sénégal ne peut se soustraire à ses obligations juridiques en référant la question à lUnion africaine. Bien au contraire, lUnion africaine doit user de son rôle de premier plan dans cette affaire pour assister le Sénégal à respecter ses engagements conventionnels. Par ailleurs, la Belgique a indiqué quelle envisageait dutiliser les voies de recours prévues par la Convention contre la torturesi le Sénégal manquait à son obligation dextrader Hissène Habré.