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Cisjordanie : Les forces israéliennes ont illégalement tué des Palestiniens

Le recours à des tirs meurtriers démontre un mépris a l’égard des normes juridiques sur l’usage de la force

Israeli forces enter the Balata refugee camp in the occupied West Bank city of Nablus during a large-scale search-and-arrest operation on November 23, 2023.  © 2023 Sipa via AP Images
  • Les forces de sécurité israéliennes ont utilisé illégalement la force meurtrière contre des Palestiniens en Cisjordanie, notamment en exécutant délibérément des Palestiniens qui ne représentaient aucune menace apparente pour la sécurité, selon l’analyse de plusieurs incidents survenus depuis 2022.
  • Les Nations Unies ont rapporté que le nombre de Palestiniens tués a atteint un niveau sans précédent récent, dans un environnement dans lequel les responsables n'ont pas à craindre que le gouvernement israélien leur demande des comptes.
  • Les autres gouvernements devraient soutenir l'enquête de la Cour pénale internationale sur les crimes graves commis en Palestine, et imposer des sanctions ciblées contre les individus responsables de graves abus.

(Jérusalem, 8 mai 2023) – Les forces de sécurité israéliennes ont recouru illégalement à la force meurtrière en tuant par balles des Palestiniens en Cisjordanie, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui, suite à des recherches menées sur plusieurs incidents.  Lors de quatre incidents survenus entre juillet 2022 et octobre 2023, les forces israéliennes ont abattu ou exécuté délibérément huit Palestiniens qui ne représentaient aucune menace apparente pour la sécurité, selon les conclusions de Human Rights Watch.

Cela fait plusieurs années que Human Rights Watch et d’autres organisations de défense des droits humains documentent le recours illégal et excessif à la force meurtrière par les forces israéliennes en Cisjordanie, ainsi que le manquement du gouvernement israélien à son devoir de sanctionner les individus responsables. En 2023, selon les Nations Unies, le nombre de Palestiniens tués par les forces de sécurité israéliennes était plus du double du nombre enregistré en n’importe quelle autre année depuis le début de la collecte systématique de ces données par l’ONU en 2005 ; durant les trois premiers mois de 2024, ce nombre a continué de croître à un rythme élevé.

« Les forces de sécurité israéliennes tuent illégalement des Palestiniens non seulement à Gaza, mais aussi en Cisjordanie, où elles ont exécuté délibérément des Palestiniens qui ne représentaient aucune menace apparente », a déclaré Richard Weir, chercheur senior auprès de la division Crises et conflits à Human Rights Watch. « Le nombre de meurtres a atteint un niveau sans précédent récent, dans un environnement où les forces israéliennes n’ont pas à craindre que leur gouvernement les demande des comptes. »

Entre mai et novembre 2023, Human Rights Watch a mené des entretiens avec 14 témoins et 6 proches de victimes de tirs mortels perpétrés par les forces de sécurité israéliennes en Cisjordanie. Human Rights Watch s'est également entretenu avec des membres du personnel médical en Cisjordanie, a examiné des dossiers médicaux, et a vérifié des vidéos publiées sur les réseaux sociaux ainsi que des reportages parus dans les médias. Le 8 août 2023 et à nouveau le 23 avril 2024, Human Rights Watch a écrit aux Forces de défense israéliennes (FDI, ou IDF en anglais) en posant des questions sur les huit décès et sur les règles concernant le recours à la force par l’armée israélienne, mais n’a reçu aucune réponse à ce jour.

Human Rights Watch a également publié un document de questions-réponses sur le cadre juridique international applicable au recours à la force en Cisjordanie, et aux violences dans ce territoire.

Dans un incident sur lequel Human Rights Watch a enquêté, survenu à Jénine le 28 décembre 2022, les forces israéliennes ont tiré sur Sidqi Zakarneh, le blessant ; puis, alors qu’il rampait par terre, elles ont à nouveau tiré sur lui, le tuant. Des vidéos montraient qu’il ne participait pourtant pas à des violences et ne semblait pas être armé. Dans un autre incident, survenu à Jaba (nord de la Cisjordanie) le 6 juillet 2022, Rafiq Ghannem est sorti de sa maison tôt dans la matinée, apparemment sans arme, pour enquêter sur des bruits forts qui pouvaient être entendus ; selon des membres de sa famille, il s’est alors retrouvé face à des forces israéliennes, qui l’ont abattu quand il a tenté de fuir.

En 2023, les forces israéliennes ont tué 492 Palestiniens, dont 120 enfants, en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, selon le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA). Ce chiffre est plus du double de celui en n’importe quelle autre année depuis que l’ONU a commencé à documenter systématiquement les décès dans cette région. Au cours des trois mois qui ont suivi les attaques menées par le Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, environ 300 Palestiniens ont été tués en Cisjordanie. Entre le 1er janvier et le 31 mars 2024, les forces israéliennes ont tué 131 Palestiniens en Cisjordanie.

En 2023, des Palestiniens ont tué 25 civils israéliens en Cisjordanie – chiffre le plus élevé depuis au moins 15 ans – ainsi que 5 membres des forces armées israéliennes, également selon l’OCHA.

Dans toute la Cisjordanie, les Palestiniens peuvent être exposés au risque d’être tués par les forces de sécurité israéliennes, même en allant au travail ou en revenant dans leur quartier. Des enfants palestiniens ont été abattus alors qu’ils se rendaient à l’école, comme l’a documenté Human Rights Watch en août 2023. Le journal israélien Haaretz a constaté que parmi les incidents au cours desquels des Palestiniens ont été tués en 2022, l’armée israélienne n’a allégué que les victimes étaient armées ou qu’il y avait eu un « échange de tirs » que dans 45 % des cas.

Entre le 7 octobre 2023 et le 18 mars 2024, les forces israéliennes ont mené en moyenne 640 opérations de « recherche et arrestation » par mois en Cisjordanie, soit presque le double de la moyenne mensuelle (340) enregistrée durant les neuf premiers mois de 2023, selon l’OCHA. Les opérations menées du 7 octobre 2023 au 18 mars 2024 ont entraîné la mort de 304 Palestiniens, sur un total de 409 Palestiniens tués par les forces israéliennes durant cette période.

Le 19 octobre 2023, lors d’une opération de « recherche et arrestation » menée près de la ville de Tulkarem en Cisjordanie, les forces israéliennes ont abattu Taha Mahamid, 15 ans, et, quelques minutes plus tard, ont blessé son père, Ibrahim, qui était accouru pour transporter le corps de son fils. Visiblement ni l’un ni l’autre n’était armé, selon une vidéo et d’autres éléments de preuve. Quatre mois après cet incident, Ibrahim Mahamid est décédé des séquelles de ses blessures. Des témoins ont affirmé que les tirs du 19 octobre ont eu lieu à un moment où il n'y avait aucun affrontement actif dans le quartier, et que ni Taha ni son père ne représentaient une menace imminente pour les forces israéliennes ; des séquences vidéo confirment ces déclarations.

Les forces de sécurité israéliennes en Cisjordanie sont soumises au droit international des droits humains. Les Principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois précisent que ceux-ci « ne recourront intentionnellement à l'usage meurtrier d'armes à feu que si cela est absolument inévitable pour protéger des vies humaines ».

Israël n’a pas rendu publiques les règles sur l'usage de la force diffusées à son armée. Cependant, dans les incidents documentés par Human Rights Watch, des soldats israéliens responsable de l'application des lois ont eu recours à la force meurtrière alors que cela n'était pas strictement inévitable pour protéger des vies, notamment en tirant sur des personnes qui fuyaient ou qui ne semblaient pas liées à des affrontements ou à d'éventuels actes de violence.

Les homicides illégaux répétés et l’impunité endémique s’inscrivent dans un contexte d’apartheid et de persécution – des crimes contre l’humanité – que les autorités israéliennes commettent contre les Palestiniens, selon Human Rights Watch et d’autres organisations de défense des droits humains.

Les gouvernements d’autres pays devraient suspendre leurs ventes d’armes à Israël, et d’autres formes de soutien militaire, en raison du risque de complicité dans de graves abus en Palestine. Ces pays devraient aussi agir en faveur de l’obligation de rendre des comptes, notamment en soutenant l'enquête de la Cour pénale internationale sur les crimes graves commis en Palestine, et imposer des sanctions ciblées contre les individus responsables de graves abus.

« Les pratiques permissives et discriminatoires du gouvernement israélien en matière de recours à la force et l’impunité endémique sont une facette de l’apartheid et de la violence structurelle à laquelle les Palestiniens sont confrontés chaque jour », a déclaré Richard Weir. « Les homicides illégaux en Cisjordanie se poursuivront aussi longtemps que durera la répression systémique des Palestiniens par les autorités israéliennes contre les Palestiniens. »

Suite en anglais, avec des informations plus détaillées sur les incidents.

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